N° 700

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 juin 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne en application de l'article 73 quinquies du Règlement, visant à reconnaître la spécificité de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à renforcer le dispositif européen de protection civile,

Par Mme Gisèle JOURDA et M. Cyril PELLEVAT,

Sénatrice et Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Mme Gisèle Jourda, MM. Didier Marie, Claude Kern, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Georges Patient, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Louis Vogel, Mme Mathilde Ollivier, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mmes Florence Blatrix Contat, Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, François Bonneau, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cuypers, Mmes Karine Daniel, Brigitte Devésa, MM. Jacques Fernique, Christophe-André Frassa, Mmes Annick Girardin, Pascale Gruny, Nadège Havet, MM. Olivier Henno, Bernard Jomier, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Ronan Le Gleut, Mme Audrey Linkenheld, MM. Vincent Louault, Louis-Jean de Nicolaÿ, Teva Rohfritsch, Mmes Elsa Schalck, Silvana Silvani, M. Michaël Weber.

Voir les numéros :

Sénat :

608 et 701 (2023-2024)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

À l'occasion de ce rapport, les rapporteurs du Sénat souhaitent d'abord remercier l'ensemble des acteurs de la sécurité civile, au premier rang desquels les sapeurs-pompiers, pour leur courage et pour leur engagement au service de l'intérêt général, parfois, au péril de leur vie.

La proposition de résolution européenne n° 608 (2023-2024) soumise à la commission des affaires européennes qui leur a confié le soin de l'examiner vise à reconnaître la spécificité de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à renforcer le dispositif européen de protection civile. Déposée par le sénateur Cyril Pellevat le 21 mai 2024, elle s'inscrit dans un contexte renouvelé de réflexion collective sur les vulnérabilités des sociétés européennes face aux catastrophes naturelles et d'origine humaine, et sur la nécessité d'y apporter la réponse la plus efficace possible.

Ces vulnérabilités sont d'autant plus prégnantes aujourd'hui que la France et l'Union européenne sont insérées dans un « monde de réseaux » (réseaux d'eau, d'électricité, voies de transport, câbles sous-marins...) particulièrement exposé aux risques naturels (glissements de terrain) et d'origine humaine (actions malveillantes...).

La pandémie de covid 19 a également été un terrible révélateur de ces vulnérabilités en démontrant la dépendance importante du continent européen à l'égard de pays tiers pour l'approvisionnement en médicaments, en contre-mesures médicales (gants, masques...) etc...

L'agression russe en Ukraine, à compter du 24 février 2022, a également obligé les États membres de l'Union européenne à actualiser leurs procédures de secours, et à organiser, souvent dans l'urgence, une « chaîne de solidarité » en matière de secours à personne, de prise en charge médicale...

Enfin, sur le long terme, le dérèglement climatique, qui accroît le rythme des catastrophes naturelles (inondations ; feux de forêt ; séismes ; éruptions volcaniques...) et intensifie leur violence, dans l'Union européenne comme dans le reste du monde, impose une actualisation des procédures et un renforcement de la coopération.

Pour la seule France, rappelons, à titre d'exemple, les inondations torrentielles du Var à l'automne 2021 et celles de 2023 et 2024 dans le Pas-de-Calais et en Moselle, ou la terrible saison estivale 2022, marquée par la destruction de plus de 72 000 hectares brûlés.

Pour prévenir et répondre à ces catastrophes, la France, comme d'autres de ses partenaires européens, a fondé ses dispositifs de protection de la population sur l'engagement volontaire et, le plus souvent bénévole, des citoyens. Bien sûr, des moyens professionnels les appuient en cas de crise nécessitant une expertise ou de menace de grande ampleur. Mais elle considère que la sécurité civile est bien « l'affaire de tous ». Présents dans la plupart des centres de secours et conjuguant leur engagement civique avec leurs vies familiale et professionnelle, les sapeurs-pompiers volontaires sont la « colonne vertébrale » de cette organisation des secours : ainsi, 79 % des sapeurs-pompiers de notre pays sont des volontaires.

Or, pleine de bonnes intentions (renforcer la santé des travailleurs), la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), dans un arrêt du 3 février 2018, a décidé d'assimiler ces volontaires à des « travailleurs » au sens de la directive 2003/88/CE. Mais cette solution n'est pas adaptée car elle contribuerait en pratique à négliger l'engagement civique qui est au coeur du volontariat, à mettre en péril les finances des services d'incendie et de secours, et à menacer la pérennité de notre organisation des secours.

La présente proposition de résolution vise donc à demander la présentation et l'adoption d'un nouveau texte européen qui préserverait les volontaires de cette assimilation à des « travailleurs » et formaliserait la reconnaissance, par l'Union européenne, de l'importance de leur engagement.

Ce texte émet également plusieurs recommandations pour progresser dans la coopération européenne en matière de protection civile, en renforçant l'harmonisation des formations et de la doctrine opérationnelle des acteurs de la sécurité civile au niveau européen ou en confortant les expertises et les matériels mis à disposition des États membres par l'Union européenne en cas de crise majeure.

Ce faisant, cette proposition tend à consolider l'une des plus belles réussites de l'Union européenne, à savoir une solidarité européenne qui sauve des vies en additionnant les bonnes pratiques et les bonnes volontés, tout en respectant le principe de subsidiarité, impératif dans ce domaine afin de permettre aux dispositifs de secours les plus proches d'une crise d'y répondre en priorité.

Cette proposition a été examinée le jeudi 20 juin 2024 par la commission des affaires européennes.

À l'issue de cette réunion, la commission des affaires européennes a adopté, sur le rapport de Mme Gisèle JOURDA et de M. Cyril PELLEVAT, la proposition de résolution européenne n° 608 (2023-2024) modifiée visant à reconnaître la spécificité de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à renforcer le dispositif européen de protection civile.

I. LES DÉFIS EUROPÉENS DE LA SÉCURITÉ CIVILE

A. LA FRANCE DISPOSE D'UN MODÈLE DE SÉCURITÉ CIVILE AUJOURD'HUI FRAGILISÉ PAR LA REMISE EN CAUSE EUROPÉENNE DU VOLONTARIAT SAPEUR-POMPIER

1. La sécurité civile, une compétence essentielle des États membres, qui se décline en différents modèles nationaux avec un soutien européen
a) Sécurité civile et protection civile : la protection des populations face aux catastrophes naturelles et d'origine humaine

Comme le rappelle en France, l'article premier de la loi de modernisation de la sécurité civile, qui a posé le premier cadre législatif d'ensemble dans ce domaine1(*), « la sécurité civile a pour objet la prévention des risques de toute nature, l'information et l'alerte des populations ainsi que la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes par la préparation et la mise en oeuvre de mesures et de moyens appropriés relevant de l'État, des collectivités territoriales et des autres personnes publiques ou privées. Elle concourt à la protection générale des populations, en lien avec la sécurité intérieure (...). »

Au niveau européen, le terme privilégié est celui de protection civile mais son contenu est quasiment identique.

En effet, aux termes de sa définition en droit européen, la protection civile « porte en premier lieu sur les personnes mais également sur l'environnement et les biens, y compris le patrimoine culturel, contre toute catastrophe naturelle ou d'origine humaine, notamment les conséquences d'actes de terrorisme, de catastrophes technologiques, radiologiques ou environnementales, de la pollution marine, du déséquilibre hydrogéologique et des urgences sanitaires graves survenant dans ou en dehors de l'Union. Dans le cas de conséquences d'actes de terrorisme ou de catastrophes radiologiques, le mécanisme de l'Union ne peut couvrir que les mesures concernant la préparation et la réaction. »2(*)

b) Une responsabilité première des États membres, une compétence d'appui de l'Union européenne

Comme le rappelle la Cour des comptes, « la sécurité civile est l'une des missions premières des pouvoirs publics »3(*). Et, aux termes de la loi de modernisation de la sécurité civile, l'État est « garant de la cohérence de la sécurité civile ». Les textes européens confirment que cette responsabilité première « en matière de prévention, de préparation et de réaction face aux catastrophes naturelles et d'origine humaine » incombe aux États membres.

En complément de cette dimension nationale, depuis toujours, en cas de catastrophe transfrontalière ou de grande ampleur, la solidarité entre États membres voisins ou ayant des liens privilégiés a joué et a conduit des sapeurs-pompiers ou des secouristes français à aller aider leurs collègues et « frères de feu » des États faisant face à une crise.

Enfin, depuis 2001 et la décision 2001/792/CE/Euratom du 23 octobre 2001 prévoyant une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours4(*), l'Union européenne s'affirme toujours plus comme un soutien à « la coopération entre les États membres afin de renforcer l'efficacité des systèmes de prévention des catastrophes naturelles ou d'origine humaine et de protection contre celles-ci. » Ce rôle est fixé à l'article 196 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Cet article 196 précise ainsi que « l'Union (européenne) encourage la coopération entre les États membres afin de renforcer l'efficacité des systèmes de prévention des catastrophes naturelles ou d'origine humaine et de protection de celles-ci. »

Dans ce cadre, « l'action de l'Union vise :

a) à soutenir et à compléter l'action des États membres aux niveaux national, régional et local portant sur la prévention des risques, sur la préparation des risques, sur la préparation des acteurs de la protection civile dans les États membres et sur l'intervention en cas de catastrophes naturelles ou d'origine humaine à l'intérieur de l'Union ;

b) à promouvoir une coopération opérationnelle rapide et efficace à l'intérieur de l'Union entre les services de protection civile nationaux ;

c) à favoriser la cohérence des actions entreprises au niveau international en matière de protection civile. »

En conséquence, « le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, établissent les mesures nécessaires pour contribuer à la réalisation des objectifs visés [objectifs a, b et c ci-dessus], à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres. » 

En outre, les États membres de l'Union européenne sont liés, aux termes de l'article 222 du TFUE, par une « clause de solidarité ». Ainsi, en cas d'attaque terroriste comme en cas de catastrophe naturelle dans un État membre, les autres États membres « lui portent assistance à la demande de ses autorités politiques. À cette fin, les États membres se coordonnent au sein du Conseil5(*). »

2. Quelques exemples d'organisation des secours dans l'Union européenne
a) En Allemagne

La protection civile (Bevölkerungsschutz) est en principe une compétence de l'État fédéral6(*). En pratique, le ministre de l'intérieur en a la charge, appuyé par deux structures fédérales :

l'Office fédéral pour la protection des populations et l'assistance en cas de catastrophes (BBK), qui informe et alerte la population, organise des exercices simulant des catastrophes, et planifie les réponses au risques potentiels

- et l'Agence fédérale de secours technique (THW), placée sous le contrôle des ministres de l'intérieur et de la défense. Composée de 86 000 personnes, des volontaires pour l'essentiel, elle peut déployer ses moyens pour venir en soutien des Länder et des communes pour renforcer les secours (sauvetage ; médecine d'urgence ; déblayage de débris...). Elle peut aussi être déployée à l'étranger.

En pratique, une part des compétences de prévention des catastrophes et de réponse de protection civile sont déléguées aux 16 Länder et villes-États (lutte contre les inondations, les feux de forêts...), qui disposent chacun d'un corps de sapeur-pompier (Feuerwehren).

Ces services comptent une écrasante majorité de sapeurs-pompiers volontaires (1,03 million), qui épaulent 34 850 professionnels.

Les missions des sapeurs-pompiers sont nombreuses : extinction des incendies ; assistance technique en cas d'accident ; secours en cas d'accident de marchandises dangereuses ; sauvetage d'humains et d'animaux ; protection de l'environnement et des biens matériels ; secours en cas de catastrophe ; premiers secours.

Adoptée le 13 juillet 2022, afin de tirer les leçons des inondations catastrophiques de l'été 2021 au cours desquelles plus de 40 personnes avaient péri, et de la guerre en Ukraine, la Stratégie allemande de renforcement de la résilience face aux catastrophes (Resilienzstrategie) a institué pour la première fois un cadre stratégique fédéral avec des mesures intersectorielles de prévention, de préparation et de gestion des catastrophes ainsi que de relèvement post-catastrophe. Elle tend à mieux coordonner l'action de l'État fédéral et celle des Länder par un centre de coordination (GMLZ).

Les secours reposent également sur cinq grandes associations de protection civile : Arbeiter-Samariter-Bund (alliance des travailleurs samaritains) ; Deutsche Lebens-Rettungs-Gesellschaft (société allemande de sauvetage) ; Deutsches Rotes Kreuz (Croix Rouge allemande) ; Johanni-ter-Unfall-Hilfe (Ordre protestant de St Jean) ; Malteser Hilfsdienst (Sauveteurs de l'Ordre de Malte).

b) En Italie

Le système national de sécurité civile a été créé en 1992. Sous la direction du Président du Conseil, il mène une action de prévention et de planification des risques et coordonne les secours en cas de catastrophe d'ampleur nationale. Ces derniers se déclinent à l'échelon des communes, des provinces autonomes (Trente et Bolzano), des régions et de l'État et se coordonnent en appliquant le principe de subsidiarité.

Ce système s'appuie sur le Corps National des sapeurs-pompiers (C.N.V.F Corpo Nazionale dei Vigili del Fuoco) qui est une structure de l'État à statut civil, qui fait partie du ministère de l'intérieur. Il est constitué de 48 930 sapeurs-pompiers, professionnels (28 870) et volontaires (20 060). Ce corps, qui dispose d'environ 8 500 centres de secours situés sur l'ensemble du territoire national, garantit le secours des personnes, des animaux et des biens, contre les menaces NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique), et assure la prévention des incendies et l'extinction des feux sur le territoire national. Des équipes spécialisées prennent en charge le secours en mer ou en montagne.

En complément, les secours sont assurés par les groupes communaux de protection civile (GCPC), groupes de volontaires organisés par les communes, et par le corpo nazionale soccorso alpino et speleologico (CNSAS), corps de sauveteurs spécialisés dans le secours en montagne. 

Le risque majeur est le risque volcano-sismique. Ainsi, en avril et mai derniers, environ 150 séismes ont été enregistrés dans la zone des Champs Phlégréens, un volcan sur lequel résident un demi-million de personnes, près de Naples.

c) En Pologne

Le ministère de l'intérieur est responsable de la défense civile et de la protection de la population face aux risques majeurs. Il supervise les réponses aux crises.

Le réseau national des sapeurs-pompiers et des secours (KSRG) regroupe les différents acteurs en charge de la réponse opérationnelle.

Le plus important de ces acteurs est le service national des sapeurs-pompiers de la République de Pologne (Pañstwowa Stra Poarna, PSP), qui a en charge la prévention des risques et la réponse quotidienne des secours. Il compte une majorité de volontaires (505 520 selon le comité international de prévention et d'extinction de feu (CTIF)) et 30 240 professionnels.

En cas de crise sanitaire ou de catastrophe naturelle de grande ampleur, le centre gouvernemental de crise (Radoté Centrum Bezpieczeñstwa) coordonne la réponse opérationnelle, sous l'autorité du Premier ministre.

L'organisation territoriale des secours se décline aux niveaux des 16 régions (województwo), des 335 districts (powiaty) et des 500 centres communaux (gminy).

3. Le modèle français d'organisation des secours, menacé par une sursollicitation

En France, la loi de modernisation de la sécurité civile précitée rappelle que « l'État est garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national. Il en définit la doctrine et coordonne ses moyens. Il évalue en permanence l'état de préparation aux risques et veille à la mise en oeuvre des mesures d'information et d'alerte des populations. »

Toutefois, en pratique, en France, la protection de la population est partagée avec d'autres acteurs et, pour des raisons d'efficacité opérationnelle, déclinée sur différents échelons territoriaux.

Comme l'a rappelé aux rapporteurs le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur, M. Julien Marion, l'organisation française est un « modèle qui fonctionne bien et qui sert de référence à nos partenaires européens. »

a) Les différents niveaux d'intervention

L'organisation française de la sécurité civile, comme celle des États membres qui viennent d'être évoqués, s'articule autour de différents niveaux d'intervention.

a1) La sécurité civile est l'affaire de tous :

Le modèle français de sécurité civile repose d'abord sur l'engagement civique. La loi de modernisation de la sécurité civile précitée, codifiée à l'article L. 721-1 du code de la sécurité intérieure, affirme que « toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile. En fonction des situations auxquelles elle est confrontée et dans la mesure de ses possibilités, elle veille à prévenir les services de secours et à prendre les premières dispositions nécessaires. »

a2) Le niveau communal ou intercommunal :

En raison de ses pouvoirs de police et de sa proximité avec les habitants de sa commune, depuis 1789, le maire est le premier responsable de la sécurité civile. Il doit d'ailleurs désigner un adjoint ou un conseiller municipal en charge de cette mission. À défaut, un correspondant incendie et secours est désigné.

Dans le cadre de ses pouvoirs de police, il lui revient ainsi d'élaborer et de faire adopter un plan communal de sauvegarde (PCS), obligatoire dans les communes à risque. Ce plan comprend l'identification des risques principaux pour la commune, recense les personnes vulnérables, précise les modalités d'alerte et d'information de la population, établit la liste des moyens communaux pouvant être mobilisés en cas de crise et prévoit les actions complémentaires à celles des secours pouvant être mises en oeuvre etc...

Pour mener ces actions complémentaires (déblayage de routes ; pompage de zones inondées...), les communes ont la possibilité de constituer une réserve communale de sécurité civile.

Et lorsqu'une catastrophe, naturelle, industrielle ou technologique..., survient, le rôle du maire est triple :

- alerter et informer la population (envoi de SMS en cas de catastrophe ; déclenchement des sirènes d'alerte...) et les autorités compétentes ;

- appuyer concrètement les services d'urgences (réquisition de salles opérationnelles ou de centres d'hébergement ; sollicitation des agents et matériels municipaux pour renforcer les équipes de secours, pour déblayer les routes...) ;

- soutenir les populations sinistrées (hébergement, ravitaillement...).

Souvent, les communes, en intégrant des intercommunalités, ont aussi transféré ces compétences à leur établissement public de coopération intercommunale.

a3) En cas de crise majeure (= qui concerne plusieurs communes d'un département ou qui submerge les capacités d'intervention locales), c'est le préfet du département concerné qui « prend la main » pour coordonner les secours. Il peut alors mobiliser et coordonner l'ensemble des services de protection de la population (sapeurs-pompiers ; SAMU ; police nationale ; gendarmerie nationale...) et les moyens publics et privés dans le cadre du plan ORSEC (pour Organisation de la Réponse de Sécurité Civile).

Ajoutons qu'en amont des crises, le préfet de département commande l'élaboration du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR) par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS)compétent ;

a4) Si la crise dépasse les limites d'un département, le préfet de zone, qui est responsable d'une zone de défense et de sécurité (il en existe 7 en France métropolitaine), prend le relais. Auprès de lui, un état-major interministériel de zone (EMIZ) exerce les missions suivantes :

prévention et planification de défense et de sécurité civile, intérieure et économique ;

veille opérationnelle permanente et gestion de crises ;

- mise en oeuvre des mesures de coordination et d'information routières ;

coordination interdépartementale lors des événements opérationnels impactant plusieurs départements et envoi des renforts zonaux ou nationaux demandés.

Source : data.gouv.fr

a5) Enfin, lorsque la crise devient nationale, elle nécessite une réponse globale de l'État. Le Premier ministre peut décider d'activer la cellule interministérielle de crise (CIC) afin de mettre en commun l'ensemble des ressources ministérielles en matière de recherche et d'analyse de l'information, d'anticipation, de communication et de décision. Toutefois, pour des raisons d'efficacité opérationnelle, chaque ministère concerné va alors mettre en place son centre de crise (santé, transports...).

Le COGIC, centre opérationnel de gestion interministérielle des crises, est alors l'instance de commandement de gestion des crises de la sécurité civile, sous la tutelle du ministère de l'Intérieur. Il analyse et gère les catastrophes naturelles et technologiques, assure la remontée d'informations ainsi que l'interface avec les centres opérationnels des autres ministères.

b) Une multitude d'acteurs

Comme le rappelle l'article L. 721-2 du code de la sécurité intérieure, les missions de sécurité civile sont assurées « principalement par les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d'incendie et de secours ainsi que par les personnels des services de l'État et les militaires des unités qui en sont investis à titre permanent. »

À cet égard, il convient de rappeler que l'État dispose de moyens nationaux, déployés régulièrement en soutien aux sapeurs-pompiers (flotte aérienne de la sécurité civile) ou en cas de crise majeure.

Les moyens nationaux de la sécurité civile

a) Les unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) : Formations militaires de l'Armée de Terre spécialisées dans la lutte contre les sinistres majeurs. Composées de sapeurs-sauveteurs, elles ont vocation à épauler les services de secours lors d'une catastrophe naturelle ou technologique particulièrement périlleuse ou complexe. Elles disposent de compétences et de matériels adaptés à des risques spécifiques (séismes ; NRBC pour nucléaire, radiologique, biologique et chimique). Pour l'heure au nombre de trois et bientôt quatre, à échéance 2027, elles sont stationnées à Nogent-le-Rotrou, Brignoles et Corte et comptent 2 848 militaires ;

b) Les moyens aériens de la sécurité civile, une flotte aérienne polyvalente comprenant :

une flotte d'avions spécialisée dans la lutte contre les feux de forêt : cette flotte comprend, à titre permanent, 12 bombardiers d'eau Canadair C415, qui peuvent larguer 6 000 litres d'eau et se ravitailler en vol en frôlant la surface d'un plan d'eau mais également 8 avions « multi-rôles » Dash 8, qui peuvent emporter 10 000 litres d'eau ou de « produit retardant », et 3 avions Beechcraft B 200, qui coordonnent les opérations en vol.

Ces moyens permanents sont désormais régulièrement renforcés par des appareils loués pour la saison estivale : pour la saison estivale 2024, l'État a prévu la location de 6 avions supplémentaires ;

une flotte d'hélicoptères : 33 « Dragons » EC 145, appareils polyvalents acquis entre 2002 et 2011 et mis à la disposition de la sécurité civile, du SAMU, de la police et de la gendarmerie nationale pour des missions de secours d'urgence et de sauvetage, ainsi que 4 H145 achetés entre 2021 et 2022, qui peuvent être sollicités pour du secours à personne comme dans la lutte contre les feux de forêt.

En 2024, cette flotte permanente sera complétée par la location de 10 hélicoptères.

Enfin, le 23 janvier dernier, un nouveau marché vient d'être notifié entre le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer et l'entreprise AIRBUS pour la livraison de 42 nouveaux appareils H145 (dont 36 pour la sécurité civile, ce qui portera le nombre total d'hélicoptères de la sécurité civile à 40) entre 2024 et 2028 ;

c) Les établissements de soutien opérationnel et logistique (ESOL) gèrent les stocks de la réserve nationale (tentes, couvertures, sanitaires...) et mettent à disposition des équipements spécifiques (station de pompage...) ;

d) Composé de 370 agents, le service du déminage neutralise et détruit les munitions des deux derniers conflits mondiaux, détecte, neutralise et détruit les objets suspects, sécurise les grandes manifestations officielles et assiste les services d'intervention (GIGN, RAID...) dans leurs opérations.

Concourent également à l'accomplissement de ces missions « les militaires des armées et de la gendarmerie nationale », « les personnels de la police nationale et les agents de l'État, de collectivités territoriales et d'établissements et organismes publics ou privés appelés à exercer des missions se rapportant à la protection de populations ou au maintien de la continuité de la vie nationale, les membres des associations ayant la sécurité civile dans leur objet social, ainsi que les réservistes de la sécurité civile. »

On peut citer :

les unités de policiers secouristes ou de gendarmerie spécialisées dans certains secours périlleux, à l'exemple des 21 pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM), qui chaque année, effectuent plus de 1 000 interventions dans les Alpes, dans les Pyrénées, en Corse et à La Réunion ;

les comités communaux feux de forêt (CCFF), qui répondent à la nécessité de prévenir le risque de feux de forêt. Créés par décision du maire, après délibération du conseil municipal, ils assurent des patrouilles dans les massifs forestiers pour surveiller les zones à risques, surtout l'été, sensibilisent population locale et touristes sur les bons comportements à adopter afin d'éviter tout départ de feu et, en cas d'incendie, soutiennent les sapeurs-pompiers par une aide logistique et opérationnelle ;

- au nombre de 679, les réserves communales de sécurité civile ont été instituées par la loi de modernisation de la sécurité civile en 2004, à l'instigation du rapporteur du Sénat, le sénateur Jean-Pierre Schosteck. Ces réserves souffrent aujourd'hui d'un défaut de notoriété et de règles d'engagement trop contraignantes (un réserviste ne pouvant s'engager plus de quinze jours par an). La réserve communale de sécurité civile constitue pourtant un outil susceptible d'intéresser les maires pour épauler les services de secours lors de catastrophes naturelles ou d'origine humaine par l'accomplissement d'actions complémentaires au secours en cas de crise (déblayage de routes ; pompage de locaux inondés ; rétablissement des activités...) ;

la loi Matras de 20217(*) a ajouté un nouvel échelon en instaurant des réserves citoyennes des services d'incendie et de secours au niveau départemental. Elles sont créées par les services d'incendie et de secours qui le souhaitent. Leur objet principal est de développer la culture de sécurité civile et de promouvoir l'image des sapeurs-pompiers ;

- enfin et surtout, les 100 000 personnes actives dans les associations agréées de la sécurité civile8(*) : Croix Rouge française ; Fédération nationale de protection civile... Elles financent elles-mêmes leurs équipements et tirent le plus souvent leurs ressources des dons et de la rémunération des formations au secourisme qu'elles prodiguent à la population. Leur importance est réelle : à titre d'exemple, la Société nationale de Sauvetage en Mer (SNSM), seule association agréée pour le sauvetage en mer, et ses 11 000 sauveteurs bénévoles répartis dans 208 stations de sauvetage, assurent plus de 55 % des interventions de secours en mer.

c) Les services d'incendie et de secours sont les premiers acteurs des missions de sécurité civile

En principe, chaque département doit disposer d'un service départemental d'incendie et de secours (SDIS), présidé par le président du conseil départemental ou son représentant et organisé en services et en centres d'incendie et de secours. Ils sont composés de sapeurs-pompiers professionnels (au nombre de 41 800, soit 16,5 % des effectifs de sapeurs-pompiers) et de sapeurs-pompiers volontaires (197 800, soit 78,25 % des effectifs).

Cependant, cette règle compte deux exceptions :

- tout d'abord, certains centres de première intervention relèvent de l'autorité des communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ;

- par ailleurs, plusieurs zones du territoire national relèvent de la compétence de services d'incendie et de secours militaires : Paris et les trois départements de la Petite Couronne9(*) relèvent de la compétence des 8 650 sapeurs-pompiers de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), qui ont effectué 495 397 interventions10(*) soit environ 1357 par jour (1 départ toutes les minutes), en 2023 ; la ville de Marseille11(*) relève des 2 554 personnels du Bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM), qui ont effectué 128 000 interventions, dont 81 % pour du secours à personne.

Sollicités par le maire ou le préfet dans l'exercice de leurs pouvoirs de police, les SDIS12(*) :

- sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies ;

- concourent, avec d'autres acteurs et professionnels concernés, à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours et aux soins d'urgence.

Dans ce cadre, les services d'incendie et de secours assument les missions suivantes :

a) La prévention et l'évaluation des risques de sécurité civile ;

b) La préparation des mesures de sauvegarde et l'organisation des moyens de secours ;

c) La protection des personnes, des animaux, des biens et de l'environnement ;

d) Les secours et les soins d'urgence aux personnes ainsi que leur évacuation, lorsqu'elles :

- présentent des signes de détresse vitale ;

- présentent des signes de détresse fonctionnelle justifiant l'urgence à agir.

Selon la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), en 2022, les sapeurs-pompiers ont effectué 4 968 500 interventions (6,2 % de plus qu'en 2021) pour les motifs suivants : 286 600 incendies ; 4 284 900 secours d'urgence aux personnes, dont 299 500 accidents de circulation ; 53 500 risques technologiques ; 343 500 opérations diverses.

Enfin, les SDIS sont financés13(*) :

par les départements. Ce rôle résulte de la départementalisation des services d'incendie et de secours (loi du 3 mai 1996). En 2022, la contribution des départements s'élevait à 2,8 milliards d'euros et représentait 55,5 % des ressources totales de fonctionnement des SDIS. Cette contribution, qui représente désormais 5 % des dépenses des départements, augmente très vite (elle a doublé entre 2002 et 2022) ;

par les communes et EPCI du département concerné. La progression de cette contribution est plafonnée par la loi14(*). En 2021, elle s'élevait toutefois à 2,08 milliards d'euros et représentait 40,4 % des ressources de fonctionnement des SDIS.

L'État verse quant à lui une part de la taxe sur les conventions d'assurance (TSCA) aux départements en contrepartie d'une diminution de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Cette part, qui s'élevait à 1,2 milliard d'euros en 2021, est en partie mobilisée pour financer les SDIS. L'état finance aussi le régime d'indemnisation des sapeurs-pompiers volontaires (12 millions d'euros en 2021) et co-finance par ailleurs les services d'incendie et de secours militaires (pour 93 millions d'euros au titre de la BSPP et 10 millions d'euros au titre du BMPM).

Évolution des dépenses totales des SDIS (fonctionnement et investissement) entre 2002 et 2021 (en millions d'euros)

 

2002

2005

2008

2011

2014

2017

2021

Évolution 2002-2021

SDIS Métropole

3 149

3 736

4 378

4 727

4 695

4 745

5 161

+ 64 %

SDIS Outre-mer*

97

117

161

177

188

206

228

+ 134 %

Total

3 246

3 853

4 539

4 904

4 883

4 951

5 389

+ 66 %

Source : rapport de l'IGA sur le financement des services d'incendie et de secours (janvier 2023). Hors BSPP et BMPM. *À compter de 2014 : Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique et Mayotte.

Ces dépenses sont très importantes : en 2021, en France, les dépenses des services d'incendie et de secours s'élevaient à 6,5 milliards d'euros, dont 5,39 milliards d'euros pour les SDIS, 0,5 milliard d'euros pour les services d'incendie et de secours militaires et 0,6 milliard d'euros pour les dépenses de l'État hors SDIS et hors part de la taxe sur les conventions d'assurance reversée à ces services (administration territoriale de l'État, prévention des risques...).

Elles sont de plus en forte augmentation, concernant les SDIS : elles sont en effet passées de 3,24 milliards d'euros en 2002 à 5,39 milliards d'euros en 2021.

En conséquence, comme l'ont confirmé les représentants de « Départements de France » en audition (MM. Christophe Guilloteau, vice-président en charge du volontariat sapeur-pompier et président du conseil national des sapeurs-pompiers volontaires, et André Accary, président de la « commission SDIS »), il est aujourd'hui urgent de limiter les charges, d'éviter de nouveaux coûts indus et de trouver de nouvelles sources de financement pour les SDIS.

d) Un modèle « à la croisée des chemins » car sursollicité

Si le modèle français de sécurité civile a fait preuve de son efficacité et sert toujours de référence dans l'Union européenne comme dans le reste du monde, il n'en est pas moins éprouvé et « sous tension », pour reprendre la formule du DGSCGC, M. Julien Marion.

Ce dernier en a expliqué sans ambiguïté les raisons, qui sont cumulatives.

Tout d'abord, le cadre législatif et réglementaire remonte à la loi de départementalisation des services d'incendie et de secours (1996)15(*) et à la loi de modernisation de la sécurité civile (2004)16(*). Même partiellement actualisé, il mériterait d'être mis à jour pour prendre en considération plusieurs évolutions structurelles.

De fait, les acteurs de la sécurité civile (sapeurs-pompiers ; moyens nationaux de la sécurité civile ; associations agréées...) sont de plus en plus sollicités pour des interventions.

En cause : les conséquences du dérèglement climatique (évoqués en détail en partie II,B),2)a)), à savoir des catastrophes naturelles répétées, sur une aire géographique plus étendue (ex : les feux de forêt « remontent » vers le nord en France métropolitaine) et d'une intensité inédite. Ainsi, les inondations survenues en novembre 2023 dans le nord du pays arrivent statistiquement une fois par siècle. Or, dès les semaines suivantes, de nouvelles inondations encore plus fortes paralysaient de nouveau une partie du Pas-de-Calais.

Autre facteur de « sursollicitation » des sapeurs-pompiers : les fragilités actuelles du système de santé français. En effet, comme l'a souligné le rapport sénatorial sur l'offre d'accès aux soins paru il y a deux ans17(*), nombre de collectivités territoriales sont désormais à l'écart de l'offre médicale : 30 % des Français vivaient dans un « désert médical » en 2022. Cette situation, bien identifiée depuis des années, est à l'origine de retards de prise en charge des personnes malades ou blessées et, dans les cas les plus graves, de pertes de chance.

Elle a également pour conséquence l'intervention croissante des services d'incendie et de secours en tant que « substituts » au service d'aide médicale urgente (SAMU), centre d'appels et de régulation médicale intervenant pour les prises en charge préhospitalières, et aux structures mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR).

Selon le droit en vigueur18(*), « les secours et les soins d'urgence aux personnes ainsi que leur évacuation lorsqu'elles : a) sont victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ; b) présentent des signes de détresse vitale ; c) présentent des signes de détresse fonctionnelle justifiant l'urgence à agir » relèvent des missions propres des services d'incendie et de secours. » Elles fondent le départ en intervention des sapeurs-pompiers en « prompt secours », quelle que soit par ailleurs la régulation médicale établie par le « 15 » (numéro d'appel du SAMU).

Les deux services sont donc amenés à coopérer et à coordonner leurs efforts. Cependant, au cours des dernières années et de manière croissante, un certain nombre d'interventions demandées aux SDIS par le SAMU ne relèvent pas de leurs missions, au premier rang desquelles on compte les transports effectués par les sapeurs-pompiers en cas d'indisponibilité d'ambulanciers privés (« carences ambulancières »), qui représentent 17 % des missions comptabilisées au titre du secours à personne, ou les « relevages » de personnes19(*).

Certes, la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 202120(*) a en principe permis aux SDIS de ne procéder qu'aux opérations de secours qui se rattachent à leurs missions et, a contrario, pour les opérations que ne relèvent pas de cette catégorie, de les différer, de les refuser, ou de demander à ce titre, une compensation financière21(*). Mais la tendance de fond demeure et s'accentue.

Il y a 15 ans, le secours à personne représentait 50 % de l'activité des SDIS, il en représente désormais 84 %. Cette évolution pèse évidemment sur les autres activités des services d'incendie et de secours.

Enfin, l'augmentation des dépenses des SDIS vient d'être rappelée. Pour le DGSCGC, la loi de 1996 a permis la « départementalisation » des services d'incendie et de secours et une réponse de qualité en tous points du territoire. Mais elle a été adoptée à une époque où les départements et communes, principaux contributeurs aux budgets des SDIS, ne connaissaient pas la même pression financière qu'aujourd'hui. Et le financement de ces services subit désormais un « effet de ciseau » entre certaines dépenses inflationnistes et des ressources limitées. Cette situation n'est pas tenable.

D'autant que cette fragilisation financière concerne également les associations agréées de sécurité civile (Croix Rouge française...) qui, en principe, ne dépendent pas de subventions de l'État mais financent leurs activités de secours par des dons, par des formations aux premiers secours rémunérées etc...

En conséquence, le ministre de l'intérieur, le 23 avril dernier, a lancé le « Beauvau de la sécurité civile », exercice de concertation et de réflexion de tous les acteurs concernés pour revoir l'organisation actuelle de la sécurité civile, avec trois « lignes rouges » formulées par le ministre :

- le modèle français de sécurité civile doit continuer à reposer sur une collaboration entre l'État et les collectivités territoriales ;

- néanmoins, au regard de l'évolution des risques, la politique de publique sécurité civile sera de plus en plus régalienne et portée par le ministère de l'intérieur ;

- enfin, le système doit continuer à reposer sur l'action de personnels professionnels et de volontaires et bénévoles car cette complémentarité permet d'assurer la continuité des secours.

En pratique, ce processus qui a suscité une mobilisation importante des acteurs concernés lors de ses premières réunions, devrait s'étendre jusqu'à la fin 2024, et pourrait aboutir à la présentation de textes législatifs en 2025.

4. Dans ce contexte déjà tendu, le volontariat des acteurs de la sécurité civile se trouve fragilisé par la jurisprudence européenne
a) La disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires : socle essentiel du modèle français de sécurité civile

Pour M. Julien Marion, DGSCGC, les « sapeurs-pompiers volontaires sont indispensables à notre modèle de sécurité civile. » De fait, les 197 800 sapeurs-pompiers volontaires, qui représentent 78,25 % des effectifs, constituent « l'ossature » du modèle français de sécurité civile.

En effet, dans une société française qui vieillit et où les déséquilibres démographiques et géographiques se renforcent, les sapeurs-pompiers volontaires, présents dans les centres de première intervention, garantissent un maillage territorial de proximité par les services de secours. Comme le relevait déjà la « mission volontariat » demandée par M. Gérard Collomb, alors ministre de l'intérieur, ils sont également, grâce à leur présence et à leur disponibilité, « la dernière force mobilisable en cas d'évènement exceptionnel. »22(*)

En pratique, les sapeurs-pompiers volontaires sont des citoyens âgés d'au moins 16 ans, Français ou résidant légalement en France, jouissant de leurs droits civiques, ayant rempli leurs obligations au titre du service national ainsi que des conditions d'aptitude médicale et physique, qui décident librement de donner du temps pour accomplir, aux côtés des sapeurs-pompiers professionnels, les missions de sécurité civile confiées aux services d'incendie et de secours.

Ces volontaires, qui, pour la plupart ont également une activité professionnelle, sont prêts à partir sans délai en intervention sur déclenchement de leur « bip » (récepteur individuel d'alerte).

Et, dans le cadre des opérations, s'ils obéissent à une chaîne de commandement opérationnel, ils ne sont pas placés à son égard dans un lien de subordination hiérarchique.

L'indemnisation des volontaires est constituée de vacations horaires incessibles, insaisissables et non imposables, d'un montant variant selon leur grade (ex : 8,61 euros par heure pour un sapeur-pompier volontaire de premier grade)23(*). Ils bénéficient également d'un régime de reconnaissance et de fidélisation24(*).

Le code de la sécurité intérieure le rappelle en effet : « l'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres. »25(*)

b) Le « choc » de l'arrêt « Matzak » de la CJUE qui ébranle ce socle

b1) Pour la CJUE, le sapeur-pompier volontaire est un « travailleur » comme les autres 

Comme expliqué plus haut, l'activité des services d'incendie et de secours est en forte augmentation et ils sont devenus le « premier acteur du secours d'urgence aux personnes »26(*), ce qui implique une sollicitation croissante des effectifs de sapeurs-pompiers, au premier rang desquels les volontaires, qui effectuent en moyenne, 67 % des interventions et la quasi-totalité des astreintes27(*) .

Or, dans ce contexte, le modèle du volontariat sapeur-pompier doit faire face à un écueil majeur, celui-ci d'ordre juridique : dans son arrêt « Ville de Nivelles contre Rudy Matzak », en date du 3 février 2018 (C-518/15), la Cour de justice de l'UE (CJUE) a considéré qu'un sapeur-pompier volontaire effectuant des gardes était un « travailleur » au sens de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (directive dite « temps de travail »).

La directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 dite « temps de travail »

Comme l'a rappelé en audition M. Sylvain Humbert, conseiller juridique à la Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, cette directive, négociée avec l'appui de la France, répond à un objectif d'intérêt général : celui de « la protection de la sécurité et de la santé » de tous les « travailleurs ».

En outre, la directive s'applique « à tous les secteurs d'activité, privés ou publics »28(*).

Dans son article 2, elle a défini le « temps de travail » comme « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l'employeur et dans l'exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et/ou pratiques nationales. »

Elle a ensuite défini une « période de repos » comme « toute période qui n'est pas du temps de travail ».

À titre principal, la directive a imposé aux États membres :

- de fixer une période minimale de onze heures de repos consécutives au cours de chaque période de vingt-quatre heures ;

- d'autoriser un temps de pause (défini par conventions collectives ou par la loi) au bénéfice de tout travailleur ayant un temps de travail quotidien supérieur à six heures ;

- de prévoir une période minimale de repos hebdomadaire sans interruption de vingt-quatre heures ;

- de ne pas imposer une durée maximale hebdomadaire du travail, supérieure à 48 heures ;

- de faire bénéficier tout travailleur d'un temps de congé annuel égal au moins à quatre semaines.

Les États membres qui le souhaitaient ont cependant pu inscrire des dérogations à ces règles au profit de certaines activités. Ainsi, l'article 17 de la directive prévoit qu'il peut être dérogé aux dispositions précitées pour les « activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service », comme celles de « sapeur-pompier ou de protection civile ».

Le litige résulte de la démarche contentieuse menée par M. Matzak, alors sapeur-pompier volontaire de la ville de Nivelles, afin d'obtenir de celle-ci le dédommagement de ses services de garde à domicile, qu'il considérait comme du « temps de travail ». Saisie en appel de ce litige, la cour d'appel de Bruxelles a décidé d'interroger la CJUE sur le bien-fondé d'une assimilation des gardes à domicile à du temps de travail.

En réponse à cette question préjudicielle, la Cour a :

a) affirmé que les États membres ne pouvaient pas déroger à la directive 2003/88/CE relativement aux définitions du « temps de travail » et de la « période de repos » concernant les sapeurs-pompiers volontaires ;

b) considéré que le temps de garde d'un sapeur-pompier volontaire effectué à domicile avec l'obligation de répondre aux appels de son employeur dans un délai de huit minutes, restreignait « très significativement les possibilités d'avoir d'autres activités » et devait être considéré comme un « temps de travail » au sens de la directive.

b2) L'arrêt Matzak : Un triple « choc » pour la sécurité civile française

Il faut constater que six ans après ce jugement, la France semble encore sous le « choc » de l'arrêt Matzak, pour reprendre l'expression retenue par le rapport de l'IGA et de l'IGSC de décembre dernier sur le volontariat sapeur-pompier29(*) : un choc juridique, politique et « existentiel », d'autant plus important que, par la suite, la Cour a également reconnu que la directive 2003/88/CE était applicable au temps de travail des militaires30(*). Ce qui a conduit le Conseil d'État français à examiner la compatibilité de l'organisation du temps de travail dans la gendarmerie départementale avec la directive 2003/88/CE et à affirmer l'exigence constitutionnelle de libre disposition de forces armées pour assurer les intérêts fondamentaux de la Nation31(*).

Un choc juridique d'abord, parce que l'application de la directive 2003/88/CE aux sapeurs-pompiers volontaires ne semble pas avoir été anticipée par la France.

Comme le souligne le rapport précité, « les conséquences de la directive pourrait avoir sur le volontariat sapeur-pompier ne semblent pas avoir été perçues à l'époque de sa rédaction, y compris par la France, promoteur de ce texte inspiré par le souci de protection des travailleurs »32(*).

Ce choc est ainsi devenu « politique » avec l'évaluation peu optimiste des conséquences de l'arrêt Matzak sur la pérennité du volontariat et des services d'incendie et de secours : des interrogations publiques ont été exprimées par les principaux acteurs et les autorités compétentes sur la possibilité de concilier ses effets avec les exigences de la disponibilité opérationnelle.

Au titre de l'évaluation des conséquences de la jurisprudence de la Cour sur les militaires, celui qui était alors chef d'état-major de l'armée de Terre et qui allait devenir un mois plus tard le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard, estimait que l'application de la directive 2003/88/CE aux militaires constituait « un péril mortel pour notre armée »33(*), fondée sur les principes de disponibilité et d'engagement.

Concernant les sapeurs-pompiers volontaires, la « mission volontariat » précitée rappelait que « l'application du statut de travailleur aux sapeurs-pompiers volontaires et du droit commun relatif au temps de travail à l'ensemble des personnels des SDIS entraînerait, si l'ensemble des volontaires devaient être « engagés » comme agents publics à temps partiel, une augmentation des dépenses considérable, en raison des rémunérations et de la compensation des temps de repos par des rotations plus sévères entre les sapeurs-pompiers. Elle constituerait en outre un biais important dans l'engagement altruiste que souscrivent les sapeurs-pompiers volontaires entraînant, au regard de conditions budgétaires tendues des collectivités, une diminution des effectifs et du maillage territorial, c'est-à-dire une profonde dégradation de la réponse des secours, alors que la population en a de plus en plus besoin, au quotidien et en temps de crise. »34(*)

Pressentant les effets potentiellement négatifs de l'arrêt Matzak sur l'activité des sapeurs-pompiers volontaires, la commission des affaires européennes du Sénat, dès 2018, avait joué le rôle de « lanceur d'alerte ».

En effet, dans son avis politique adopté le 15 novembre 2018 sur le rapport des sénateurs Jacques Bigot et André Reichardt, la commission :

- réaffirmait son « fort attachement à la préservation d'un dispositif permettant aux sapeurs-pompiers volontaires d'effectuer des interventions à titre volontaire et bénévole leur assurant d'exercer les mêmes activités que les sapeurs-pompiers professionnels et contribuant aux missions de sécurité civile » ;

- observait que « l'article 17 de la directive 2003/88/CE relatif aux dérogations comporte un 3. c) iii) visant spécifiquement les sapeurs-pompiers lorsqu'il s'agit d'assurer la continuité du service » ;

- considérait que l'arrêt Matzak de la CJUE était « susceptible de produire des effets pouvant compromettre la pérennité du dispositif français de la sécurité civile (...) » ;

- demandait « instamment, par conséquent, que la Commission européenne prenne une initiative législative visant à modifier l'article 17 de la directive 2003/88/CE de manière à élargir le champ d'application des dérogations au repos journalier, au temps de pause, au repos hebdomadaire, à la durée du travail de nuit et aux périodes de référence afin que ces dérogations assurent la préservation du volontariat et du bénévolat des interventions des sapeurs-pompiers. »

Dans la foulée, le Président du Sénat faisait part au Président de la Commission européenne, alors M. Jean-Claude Juncker, des inquiétudes du Sénat sur les conséquences potentielles de l'arrêt Matzak pour l'activité des sapeurs-pompiers volontaires. En réponse, ce dernier rappelait que :

- si cet arrêt s'imposait à tous, sa portée devait être précisée car il concernait un cas spécifique lié à l'interprétation de la directive de 2003 ;

- la directive offrait une certaine flexibilité dans son application, avec des dérogations prévues dans ses articles 17 et 22 ;

- la révision de la directive 2003/88/CE lui semblait en revanche difficile, tant pour des raisons juridiques que d'opportunité35(*).

Par la suite, le Gouvernement, à plusieurs reprises, a affirmé entendre les inquiétudes des sapeurs-pompiers :

en 2020, M. Christophe Castaner, alors ministre de l'intérieur, annonçait la volonté du Gouvernement de porter la demande d'une nouvelle directive sur l'engagement citoyen dans le contexte des élections européennes de 2020 ;

en 2021, dans plusieurs réponses à des questions parlementaires, le Gouvernement confirmait partager les préoccupations des sapeurs-pompiers volontaires et des élus et travailler à protéger notre système de secours. Il évoquait deux pistes : d'une part, « via une démarche auprès des autorités européennes pour consacrer le caractère spécifique de l'activité des sapeurs-pompiers volontaires. D'autre part, une transposition de la directive 2003/88/CE « afin d'en exploiter les larges facultés de dérogation » et « de se prémunir de tout effet préjudiciable qu'entraînerait une application directe de l'arrêt « Matzak »36(*) ».

Ce « choc » a enfin été « existentiel » pour les sapeurs-pompiers, les interrogeant sur le sens et les exigences de leurs missions et sur leur place dans la société.

En premier lieu, l'arrêt Matzak a, de fait, entraîné une profonde scission du monde des sapeurs-pompiers :

- d'une part, les organisations représentatives des sapeurs-pompiers professionnels ont salué l'arrêt Matzak au nom de la sécurité et de la santé des sapeurs-pompiers, et travaillent à sa pleine application, le cas échéant par la voie de recours contentieux. Cette position a été soutenue par la Cour des comptes qui, en 2019, recommandait « la mise en conformité de l'organisation du temps d'activité des sapeurs-pompiers volontaires avec le droit européen »37(*) ;

- d'autre part, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), « porte-parole » des sapeurs-pompiers volontaires, a, dès 2018, déclaré craindre une remise en cause de la sécurité civile française et demandé l'élaboration d'une directive spécifique aux forces de sécurité et de secours d'urgence, conjointement avec ses homologues allemande, autrichienne et néerlandaise. Avant d'interpeller les candidats aux élections européennes à ce sujet, en 2020.

En second lieu, comme le relève le rapport précité de décembre 2023 sur l'activité des sapeurs-pompiers volontaires, les volontaires eux-mêmes ont pu avoir des réactions différentes face à ce nouvel état des lieux. En effet, à titre individuel, comme M. Matzak en Belgique, quelques sapeurs-pompiers volontaires ont pu être à l'origine de démarches contentieuses visant à faire reconnaître leurs temps de garde comme « temps de travail » afin d'obtenir un complément de rémunération.

Toutefois, dans leur très grande majorité, les volontaires refusent cette assimilation à la catégorie des « travailleurs », très attachés au caractère altruiste et généreux de leur engagement, avec sa part non négligeable de bénévolat. En outre, leur « professionnalisation » contrainte résultant de l'interprétation de la directive 2003/88/CE donnée par l'arrêt Matzak les mettrait paradoxalement en difficulté au regard de cette même directive !

En effet, s'ils cumulaient un emploi de sapeur-pompier professionnel avec leur activité préexistante, les intéressés seraient bien en peine de respecter les plafonds de travail fixés par la directive (comme l'interdiction d'une durée maximale hebdomadaire du travail, supérieure à 48 heures).

Au regard de ces constats, M. Julien Marion, DGSCGC, s'est voulu à la fois raisonnablement confiant et prudent :

- en précisant que l'arrêt Matzak concernait une situation individuelle. Rappelons toutefois qu'une décision de la CJUE doit être appliquée à toute situation semblable dans les 27 États membres ;

- en réaffirmant que, pour le ministère de l'intérieur, un sapeur-pompier volontaire n'était pas un « travailleur » au sens de la directive 2003/88/CE ;

- en indiquant que, sollicitée par le ministère, la Commission européenne avait confirmé sa lecture de l'arrêt Matzak ;

- en soulignant toutefois qu'il convenait de travailler à limiter les situations dans lesquelles les volontaires pourraient se voir appliquer l'arrêt Matzak.

B. UNE EUROPE DE LA PROTECTION CIVILE EN PLEINE MUTATION

1. Un soutien efficace de l'Union européenne en matière de protection civile
a) Le Mécanisme européen de protection civile : une construction progressive

Deux observations initiales méritent ici d'être faites :

- l'intervention de l'Union européenne dans le domaine de la protection civile, n'était pas prévue initialement par les traités, mais a répondu à des nécessités empiriques : à la suite de catastrophes, certains États membres lui ont demandé d'agir pour leur venir en aide ou compléter leurs moyens ;

- comme déjà indiqué supra, l'Union européenne intervient en appui des initiatives nationales dans la prévention, la préparation et la réponse aux catastrophes.

Cette intervention de l'Union européenne dans le domaine de la protection civile ne date véritablement que de 200138(*).

Elle prend la forme du Mécanisme de protection civile de l'Union européenne. Ce dernier reposait initialement sur un centre d'échanges d'information en cas de crise et sur un recensement des moyens des États membres susceptibles d'être mobilisés en cas de crise. Sur la base d'une réflexion menée par M. Michel Barnier en 2008 et des catastrophes subies sur le continent européen, le Mécanisme a ensuite été actualisé en 201339(*), 2019 et 2021.

Le rapport Barnier sur une force européenne de protection civile

En 2008, après plusieurs catastrophes naturelles de grande ampleur sur le sol européen et à l'extérieur, M. Michel Barnier, ancien ministre des affaires étrangères français et ancien commissaire européen, a remis un rapport à M. Juan Manuel Barroso, Président de la Commission européenne et à M. Wolfgang Schüssel, Président du Conseil européen, dans lequel il plaidait pour une « force européenne de protection civile » (Europe aid). Cette force, qui devait intervenir dans le respect des compétences des États membres et de leur organisation locale et être coordonnée par un centre opérationnel, obéissait à trois principes qui ont présidé au fonctionnement du mécanisme de protection civile actuel : la force devait reposer sur les contributions volontaires des États membres au regard de besoins pré-identifiés (bombardiers d'eau) et sur les moyens existants des États membres ; elle devait cependant permettre d'acquérir également des moyens additionnels confiés en gestion déléguée aux États membres ; en cas de crise, ces moyens devaient être affectés prioritairement au service d'une réponse européenne. Le rapport Barnier envisageait un financement de cette force par un prélèvement de 10 % sur le Fonds de solidarité européenne (FSE).

Aujourd'hui, le Mécanisme relève de l'autorité du commissaire européen à la gestion des crises, M. Janez Lenarcic, et s'appuie sur les moyens et l'expertise de la direction générale ECHO de la Commission européenne et des États participants, qui y contribuent par l'envoi d'experts nationaux détachés (END). À l'heure actuelle, la France y est ainsi représentée par le sous-préfet Guilaume Saour et par Mme Claire Kowalewski, colonel de sapeurs-pompiers.

Le Mécanisme, qui peut répondre à la demande d'intervention d'un État ou d'une organisation internationale, renforce la coopération en matière de protection civile entre les 27 États membres de l'UE mais aussi avec 10 pays partenaires : Albanie ; Bosnie-Herzégovine ; Islande ; Macédoine du nord ; Moldavie ; Monténégro ; Norvège ; Serbie ; Turquie ; Ukraine.

En pratique, le centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC), installé à Bruxelles, est en veille permanente sur les catastrophes et les crises humanitaires dans le monde entier.

Les principales missions du Mécanisme de protection civile sont les suivantes :

aider les États membres à mieux préparer les crises en évaluant rigoureusement les risques, en élaborant des scenarii de catastrophes potentielles et en formant les acteurs de la protection civile ;

- soutenir les États membres dans leur réponse aux crises de protection civile ou dans leurs actions d'aide humanitaire.

Afin d'aider les États membres à prévenir et à préparer les catastrophes, plusieurs outils européens d'information et d'alerte précoces sont mobilisés au sein du Mécanisme.

Ainsi, grâce à ses cartes satellitaires40(*), la déclinaison du programme européen Copernicus (observation de la Terre) pour la gestion des urgences permet à l'ERCC d'anticiper les catastrophes naturelles (phénomènes météorologiques extrêmes) et de surveiller leur évolution en direct depuis l'espace. Il peut aussi évaluer leur impact et celui des dispositifs de secours.

Il se décline en plusieurs outils « sectoriels » qui permettent des alertes rapides : le système européen d'informations sur les inondations (European Flood Awareness System - EFAS) ; le système européen d'informations sur les feux de forêt (EFFIS) ou encore l'observatoire européen de la sécheresse (EDO).

Comme l'a souligné le sous-préfet Guillaume Saour, ces informations, cartes et alertes sont autant « d'aides à la décision » pour les autorités nationales chargées d'élaborer un plan de prévention ou de diriger une opération de secours.

La préparation suppose aussi une compréhension mutuelle entre acteurs de la protection civile et une compatibilité de leurs doctrines opérationnelles et de leurs matériels. Pour cela, le Mécanisme comprend un outil précieux : le réseau européen de connaissance en protection civile.

Ce réseau propose ainsi :

- un programme de formation pour préparer les experts de la protection civile à travailler ensemble dans les activités de prévention, de préparation et de réponse du Mécanisme (ex : communication de crise ; lutte contre les menaces NRBC...) ;

- en complément à ces formations, un programme d'exercices de protection civile, afin de tester personnels et équipements et évaluer la pertinence des procédures (ex : simulation d'interventions en situation d'inondations, d'incendies en milieu urbain) ;

un programme d'échange d'experts qui permet aux acteurs de la protection civile de faire un stage dans le service compétent d'un autre État membre ou d'un pays tiers participant au Mécanisme ;

un programme de retour d'expériences pour faciliter la diffusion des leçons tirées d'une catastrophe ou d'un savoir-faire utile.

Et, lorsqu'une catastrophe survient, le Mécanisme peut être enclenché pour soutenir les États bénéficiaires.

Le déclenchement du Mécanisme de protection civile de l'Union européenne en cas de catastrophe :

Dans cette hypothèse, la répartition des tâches est claire : l'ERCC coordonne la mise à disposition et le déploiement des équipes et matériels de secours, mais, sur place, ce sont les autorités de l'État concerné qui en disposent.

ERCC et autorités compétentes de protection civile communiquent alors via un système de communication dédié, qui leur permet de partager les alertes en temps utile (centre d'information de coordination d'urgence : CECIS).

La réserve européenne de protection civile est alors sollicitée. Elle consiste en une réserve de capacités de réaction affectées au préalable et à titre volontaire par les États participants (équipes de secours en montagne ; laboratoires mobiles ; moyens d'évacuation sanitaire aérienne ; équipements de purification de l'eau...).

Équipes de secours et matériels font l'objet d'une procédure de certification et d'enregistrement prouvant qu'ils répondent aux critères d'efficacité les plus élevés et qu'ils peuvent être déployés sans délai.

En mars 2024, 27 États participants ont mis à disposition de la réserve 130 capacités de réaction spécialisées à disposition de la réserve. 95 d'entre elles sont certifiées et peuvent être déployées pour des opérations de réaction menées à l'intérieur ou l'extérieur de l'Union européenne et suivant une demande d'aide introduite par l'intermédiaire du Mécanisme.

La Commission européenne apporte alors un soutien financier aux capacités qui font partie de la réserve et sont mobilisées en opérations. Elle couvre ainsi 75 % des frais de transport et de déploiement des capacités de la réserve.

Un soutien financier est également disponible pour la mise à niveau ou la réparation des capacités de réaction engagées dans la réserve, dans le cadre de la préparation aux catastrophes. Enfin, des subventions « à l'adaptation » peuvent être octroyées pour des capacités déjà existantes au sein d'un État participant, en vue de garantir la possibilité d'un déploiement immédiat. 

En outre, si les moyens nationaux de l'État demandeur d'une aide européenne et ceux de la réserve européenne ne suffisent pas alors que la catastrophe à laquelle ils font face est de grande ampleur, le dispositif RescEU, institué en 2019, peut aussi être mis en oeuvre.

RescEU est une réserve complémentaire de capacités européennes de protection civile, qui, elle, est totalement financée par l'Union européenne. Elle comprend :

- une flotte d'avions et d'hélicoptères bombardiers d'eau, un avion d'évacuation médicale ;

- une réserve d'articles médicaux et des hôpitaux de campagne permettant de faire face aux urgences sanitaires ;

- des abris, des équipements de transport et de logistique, ainsi que des systèmes d'approvisionnement en énergie.

Par ailleurs, des réserves sont en cours d'acquisition pour faire face aux risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) (équipements de décontamination et de détection ; contre-mesures médicales spécifiques à ces risques).

Ces moyens sont répartis sur le territoire des États membres qui s'engagent à les mettre « dans le pot commun » en cas d'urgence européenne ou de catastrophe à dimension transfrontalière.

Enfin, tirant les leçons des insuffisances de stocks stratégiques lors de la pandémie de covid 19, l'actualisation des règles du Mécanisme de 2021 a autorisé la Commission européenne, de sa propre initiative, à compléter, lorsque cela est nécessaire, les ressources disponibles pour répondre à une crise dans le domaine des transports et dans celui de la logistique.

L'ensemble de ces efforts, qui témoignent de la récurrence de ces crises et du souhait des États participants de mieux anticiper ces dernières, ont conduit à la hausse notable du budget européen consacré au Mécanisme de protection civile de l'Union européenne : ce budget est en effet passé de 574 millions d'euros dans la période 2014-2020 à 3,8 milliards d'euros entre 2021 et 2027. Un tel montant est toutefois à remettre en perspective au regard des dépenses de protection civile de la France (5,39 milliards d'euros pour les SDIS en 2021).

b) Une réussite opérationnelle

Comme le soulignait la résolution européenne du Sénat n° 140 du 13 juillet 201841(*), adoptée sur le rapport des sénateurs Jacques Bigot et André Reichardt, le Mécanisme de protection civile de l'Union européenne a démontré sa pertinence parce qu'il a été bâti en complémentarité et non en concurrence de l'action des États membres et constitue l'expression visible de la solidarité européenne face aux catastrophes.

M. Julien Marion, DGSCGC, a confirmé que ce Mécanisme était une réussite parce qu'il « incarnait la solidarité entre États membres de l'Union européenne appliquée au domaine de la sécurité civile. » La France est d'autant plus fière de ce bilan qu'elle en est la première contributrice.

Les opérations récentes ayant mobilisé la réserve européenne de protection civile en sont l'illustration :

*Les explosions sur le port de Beyrouth (2020) :

À la suite des explosions à Beyrouth au Liban et de l'activation du Mécanisme de protection civile de l'UE, le centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC) a coordonné le déploiement de plusieurs ressources de la réserve européenne de protection civile : des équipes de recherche et de sauvetage en milieu urbain venues d'Allemagne, de France, de Pologne, des Pays-Bas et de la République tchèque, ainsi qu'une équipe d'assistance technique finlandaise. 

L'opération globale a également permis le déploiement d'autres personnels médicaux et experts en risques NRBC, ainsi que la fourniture de matériel et équipements médicaux nécessaires d'urgence.

*La pandémie de covid 19 (2020-2022) :

Lors de la pandémie de COVID-19, l'UE a contribué à coordonner et à financer la fourniture de matériel médical et de produits associés en Europe et dans le monde. Le Mécanisme de protection civile de l'UE a été activé à 260 reprises entre 2020 et 2022 en raison de la crise sanitaire liée à la COVID-19, ce qui représente le nombre d'activations le plus élevé de son histoire.

*Les feux de forêt de 2023 en Grèce et à Chypre :

Lors des incendies de forêt qui ont frappé Chypre début août 2023, la Grèce est venue à son aide en lui apportant un soutien aérien. À la même période, la Grèce a elle aussi été confrontée à d'importants incendies et activé le Mécanisme de protection civile de l'UE. Le 20 août 2023, le pays a émis une demande de soutien aérien et au sol pour lutter contre les feux.

Suite à cette demande, plusieurs capacités de la réserve européenne de protection civile ont été déployées en Grèce. La France y a envoyé des capacités de soutien aérien à la lutte contre les incendies. La Pologne et la Bulgarie ont envoyé deux équipes de pompiers ainsi que des véhicules, tandis que l'Espagne a dépêché une équipe d'évaluation des incendies de forêt.

*Les inondations en Italie (2023) :

En mai 2023, plusieurs régions d'Italie ont subi de graves inondations et glissements de terrain qui ont eu lieu suite aux fortes précipitations. Le 20 mai 2023, l'Italie a activé le Mécanisme de protection civile de l'UE pour demander l'envoi de quatre pompes de grande capacité. 

La France, la Slovénie, la Belgique et la Slovaquie ont répondu à cet appel à l'aide de l'Italie et lui ont envoyé des stations de pompage de grande capacité, mises à disposition par le biais de la réserve européenne de protection civile.

*Le séisme en Turquie (2023) :

Le 6 février 2023, la Turquie a été frappée par un séisme d'une magnitude de 7,8. Le même jour, le pays a activé le Mécanisme de protection civile de l'UE, demandant à ce que soient envoyées des équipes de recherche et de secours en milieu urbain et des équipes médicales d'urgence. 

À la suite à cette demande, 12 États membres participant au Mécanisme ont déployé un vaste éventail de capacités par le biais de la réserve européenne de protection civile : ont été envoyées en Turquie des équipes de recherche et de secours en milieu urbain, des équipes médicales d'urgence et une équipe de soutien technique.

Il faut souligner que la France, qui a été à l'initiative de la création du Mécanisme de protection civile européen, prend une part déterminante à son fonctionnement, mobilisant très fréquemment ses secouristes et ses matériels au profit de ce Mécanisme.

De surcroît, lorsqu'elle est confrontée à des catastrophes naturelles dépassant ses moyens, elle-même fait désormais appel au Mécanisme de protection civile de l'Union européenne. Ce fut le cas pour la première fois lors de la saison estivale 2022, marquée par la multiplication d'incendies simultanés et débordant leur aire géographique « habituelle » (Pyrénées orientales ; Gironde ; Maine-et-Loire ; Aveyron ; centre Bretagne...). En effet, lors de l'été 2022 déjà évoqué, notre flotte aérienne de sécurité civile est apparue « largement sous-dimensionnée » pour affronter plusieurs incendies majeurs simultanés dans notre pays. La sollicitation maximale des moyens à disposition - « à la limite capacitaire » - avait conduit la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) à réquisitionner en urgence huit hélicoptères et à faire appel au Mécanisme42(*).

En conséquence, les services de secours français furent épaulés par des renforts de sapeurs-pompiers venus d'Allemagne, de Pologne, d'Autriche et de Roumanie, ainsi que par deux bombardiers d'eau du dispositif RescEU stationnés en Grèce et en Suède.

La France a ensuite déclaré vouloir bénéficier de RescEU pour moderniser sa flotte aérienne de sécurité civile. L'objectif est de permettre à notre pays de renouveler intégralement sa flotte actuelle de Canadair (12 appareils), d'acheter deux avions complémentaires sur budget national et d'en acquérir deux de plus par le programme RescEU, qui financerait intégralement ces deux avions, afin de disposer de 16 appareils de manière pérenne. En principe, le premier appareil devait être livré en 2028, mais aujourd'hui, ce calendrier semble incertain.

En effet, comme l'a expliqué la colonel Claire Kowaleski, experte nationale détachée par la France auprès de la DG ECHO de la Commission européenne, la chaîne de production des Canadair avait été arrêtée par son propriétaire d'alors (l'avionneur Bombardier), faute de perspectives de commandes suffisantes. L'entreprise De Havilland, nouveau propriétaire, a accepté de relancer la production de Canadair dès lors qu'elle aurait 20 commandes fermes d'avions. Or, si certains contrats d'achat ont été signés (la Grèce, pour 7 appareils, la Croatie, pour 2 appareils), d'autres sont encore en cours de négociation. Néanmoins, les négociations avec la France semblent bien avancées.

De même, comme l'a rappelé le sous-préfet Guillaume Saour, pour faire face aux inondations à répétition dans le Pas-de-Calais, en 2023 et début 2024, la France a sollicité le Mécanisme européen de protection civile et a obtenu la mise à disposition de huit pompes destinées à évacuer les eaux venues de Belgique, des Pays-Bas, de Slovaquie et de République tchèque.

2. D'une protection civile opérationnelle à une gestion uniformisée de toutes les crises ?
a) La nécessaire montée en puissance de la réponse européenne pour faire face aux catastrophes

La France est régulièrement touchée par des catastrophes naturelles. Ainsi, entre 1982 et 2023, 17 500 évènements ont été à l'origine de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Et 5 700 communes sont concernées chaque année en moyenne. Dans 56 % des cas, il s'agissait d'inondations.

Cependant, comme l'a déclaré M. Julien Marion, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l'intérieur, aux rapporteurs de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles43(*) au sujet des catastrophes naturelles issues du dérèglement climatique, « nous devons collectivement nous habituer à voir l'exception devenir la norme. » Sa direction générale a d'ailleurs mené une réflexion prospective afin d'identifier et d'anticiper les effets géographiques, matériels et humains des risques naturels à échéance 205044(*).

Le premier risque naturel en France est le risque inondation, soit du fait de débordement de cours d'eau, soit du fait de submersions marines. En pratique, 18 millions d'habitants sont exposés, en France, au risque d'inondation par des cours d'eau et 1,5 million, au risque de submersion marine. Ce qui représente 11,8 millions de logements au total.

Et du fait du dérèglement climatique (qui entraîne une hausse des précipitations l'hiver pour l'ensemble du territoire, accélère la fonte du manteau neigeux et élève le niveau de la mer), le rythme de ces inondations s'intensifie.

Des inondations à répétition

2010 : tempête Xynthia en Charente-Maritime, en Gironde et en Vendée. 53 morts ;

Mai-juin 2016 : inondations en régions Centre et Ile-de-France. La Seine atteint un niveau de 6,10 mètres. 5 morts ;

Octobre 2018 : crues de l'Aude. 15 morts ;

Octobre 2020 : inondations du Var dans les vallées de la Tinée, de la Vésubie et de la Roya. 10 morts et 8 disparus ;

Automne 2023 - début 2024 : le Pas-de-Calais, le Nord, la Moselle, la Charente-Maritime, la Charente, le Gard, l'Yonne, les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes, ont ainsi été durement frappés par les crues.

Une mission conjointe de contrôle sur les réponses actuelles mises en oeuvre face à ce risque naturel est d'ailleurs en cours au Sénat. Elle a été confiée à la commission des finances et à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Ses rapporteurs sont les sénateurs Jean-François Rapin et Jean-Yves Roux.

Il est urgent d'adapter les dispositifs de sécurité civile : en effet, selon ce rapport de la DGSCGC, dans le nord, l'ouest et l'est du pays, à horizon 2050, les inondations dues à des épisodes de précipitations extrêmes connaîtraient une hausse allant de 50 à 75 %.

Le risque de feux de forêt devrait également connaître une augmentation sensible d'ici à 2050 (en France, en moyenne, 26 400 hectares sont brûlés annuellement dans de tels feux et 6 870 communes sont exposées), non seulement dans l'aire méditerranéenne mais également dans des zones jusqu'alors épargnées (zones de montagne marquées par le retrait du manteau neigeux ; massifs forestiers du centre de la France, d'Ile-de-France...). Comme le précisait le rapport du Sénat sur les feux de forêt et de végétation paru en 202245(*), le réchauffement global des températures (hivers doux), la multiplication des épisodes de sécheresse (assèchement des sols ; raréfaction de la ressource en eau) mais aussi la déprise agricole (friches) et les nouveaux modes d'agriculture favorisant un continuum de végétation, sont autant de facteurs qui doivent contribuer à cette augmentation.

Troisième grand risque naturel, les tempêtes touchent notre pays chaque année, sur une grande partie du territoire, occasionnant de nombreux sinistres. Entre 1980 et 2021, la France métropolitaine a ainsi été frappée par 360 tempêtes, donnant lieu à près de 30 milliards d'euros d'indemnisation. Après une phase plus calme dans les années 2000, le nombre et l'intensité des tempêtes repartent à la hausse depuis 2017.

Quatrième risque naturel recensé, les mouvements de terrain qui prennent trois formes différentes :

- des phénomènes de rétrécissement et de gonflement des sols argileux (48 % du territoire métropolitain et 10,4 millions de maisons individuelles exposées) ;

- des glissements de terrain, chutes de blocs, éboulements, coulées de boue... (65 200 évènements entre 1900 et 2019) ;

- des séismes (36 séismes de magnitude supérieure à 4 entre 1962 et 2020).

Selon le rapport « Adaptation de la sécurité civile » précité, la hausse des températures en milieu montagneux devrait favoriser la fonte de la couverture neigeuse, les glissements de terrain et les chutes de blocs.

Soulignons également que les départements et collectivités d'Outre-mer sont exposés à des risques naturels spécifiques (cyclones ; éruptions volcaniques aux Antilles ou à La Réunion).

Enfin, ce rapport souligne le risque d'un « effet domino » sur les réseaux d'électricité et les infrastructures de transport (pluies torrentielles ; sécheresse prolongée...). Ains, à l'automne 2020, la tempête « Alex » avait détruit 50 kilomètres de routes dans les vallées de la Tinée et de la Vésubie, et coupé totalement les télécommunications. Quant au risque industriel, le recours massif à l'électricité, à l'hydrogène, au gaz méthanisé et aux batteries de lithium, va accroître très sensiblement le risque d'incendie-explosion sur l'ensemble du territoire national.

Cette nécessité d'adapter les dispositifs de secours et la coopération européenne à ces perspectives préoccupantes est largement admise par la France, l'Allemagne, la Belgique, l'Italie.

b) Une actualisation de la préparation aux crises visant la protection des réseaux et des infrastructures critiques, liée à la pandémie de covid 19 et à l'agression russe en Ukraine

En complément de l'activation réussie du Mécanisme de protection civile, l'Union européenne, tout comme la France, « ont pris conscience de leur insertion dans un monde de réseaux », pour reprendre l'expression du préfet Nicolas de Maistre, chef du service Justice Affaires intérieures à la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, et de la nécessité de protéger réseaux et infrastructures critiques à partir des retours d'expérience de la pandémie de covid 19 et de l'agression russe en Ukraine.

En effet, déjà soumis aux risques naturels (inondations ; séismes...), ces réseaux et infrastructures critiques sont, de plus, régulièrement l'objet d'attaques physiques ou cyber (incendies volontaires de pylônes de télécommunication ; tentatives d'intrusions dans les centrales électriques ; cyberattaques contre des hôpitaux...). En outre, la guerre en Ukraine a mis à jour la fragilité des infrastructures critiques lors de conflits à haute intensité (exemple des gazoducs Nordstream I et II ou du barrage ukrainien de Kakhovka, détruit pour « raisons tactiques » par l'armée russe).

L'Union européenne a donc, en urgence, actualisé et réhaussé la protection de ces réseaux et infrastructures par l'adoption de trois textes complémentaires, fin 2022 :

*La directive (UE) 2022/2557 sur la résilience des infrastructures critiques (REC) du 14 décembre 2022 énumère d'abord les secteurs « critiques » : énergie ; transports ; secteur bancaire ; infrastructures des marchés financiers ; santé ; eau potable ; eaux résiduaires ; infrastructures numériques ; services fournis par l'administration publique ; secteur de l'espace ; secteurs de la production, de la transformation et de la distribution de denrées alimentaires.

La directive, qui doit être transposée dans le droit national des États membres au plus tard le 17 octobre 2024, impose à ces derniers d'adopter une stratégie nationale et de procéder à des évaluations régulières des risques, d'identifier les entités qui fournissent des services essentiels à la société, à l'économie, à la santé et à la sécurité publiques ou à l'environnement, d'aider les entités critiques identifiées à conforter leur résilience -anglicisme synonyme de résistance et de robustesse face aux crises de tous types - avec, par exemple, des documents d'orientation, des exercices, des conseils et des formations.

Les États membres doivent aussi veiller à ce que leurs autorités nationales disposent des pouvoirs, des ressources et des moyens nécessaires pour réaliser leurs missions de surveillance sur ces infrastructures et les sanctionner en cas de non-respect de leurs obligations.

De leur côté, les entités critiques doivent elles-mêmes procéder à des évaluations des risques pour identifier les risques qui pourraient perturber leur capacité à fournir des services essentiels, prendre des mesures techniques, de sécurité et organisationnelles pour renforcer leur résilience et notifier les incidents de perturbation importants aux autorités nationales.

*La directive (SRI 2) (UE) 2022/2555 concernant les mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l'ensemble de l'Union du 14 décembre 202246(*) : adoptée sous l'impulsion de la France, et devant être aussi transposée en droit national avant le 17 octobre 2024, cette directive définit les secteurs et entités critiques considérés comme « entités essentielles »47(*) ou comme « entités importantes »48(*), soumis à ce titre à des obligations de cybersécurité, de contrôle et d'information renforcées. En cas de manquement constaté, les autorités nationales compétentes peuvent également leur infliger des amendes administratives49(*) et des sanctions (ces dernières devant être définies par le droit national).

Elle exige de chaque État membre la désignation d'une ou de plusieurs autorités compétentes pour veiller à la bonne application de la réforme et de centres de réponse aux incidents de sécurité informatique (CSIRT) pour surveiller et analyser les cybermenaces et les incidents au niveau national et pour apporter, en cas d'incident, une assistance aux entités essentielles attaquées. Elle met aussi en place un groupe de coopération européen50(*) pour donner des orientations stratégiques aux autorités compétentes et faciliter l'échange d'informations entre États membres dans le domaine de la cybersécurité.

Ce cadre juridique, cependant, s'applique « sans préjudice de la responsabilité des États membres en matière de sauvegarde de la sécurité nationale et de leur pouvoir de garantir d'autres fonctions essentielles de l'État » et ne s'applique pas « aux entités de l'administration publique qui exercent leurs activités dans le domaine de la sécurité nationale, de la sécurité publique, de la défense ou de l'application de la loi, y compris la prévention et la détection des infractions pénales, ainsi que les enquêtes et les poursuites en la matière. »

*Le règlement (UE) 2022/2554 et la directive (UE) 2022/2556 sur la résilience opérationnelle numérique du secteur financier (DORA) du 14 décembre 2022 :

Le « paquet » de textes DORA tend à renforcer l'endurance opérationnelle de l'ensemble du secteur financier de l'Union européenne (nécessité pour les opérateurs de disposer de processus et de systèmes robustes face aux cyberattaques, aux pannes de réseau...), à améliorer la protection des données des clients contre les violations et les vols de données, et à étendre le rôle des autorités de surveillance.

Son dispositif repose sur cinq piliers : la gestion des risques informatiques ; la notification des incidents liés aux technologies de l'information et de la communication ; des tests de résistance opérationnelle ; la gestion des risques liés aux prestataires ; le partage d'informations lié aux incidents

c) Les réflexions en cours sur une « défense globale » pour une Europe plus « résiliente »

Le préfet de Nicolas de Maistre et le colonel Olivier Pezza, responsable du secteur protection civile à la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne, ont confirmé que des réflexions étaient en cours dans les institutions européennes pour étendre la nature et le champ de compétences du Mécanisme de protection civile de l'Union européenne, afin d'améliorer la résilience de l'Union européenne face aux crises de tous types.

Pour rappel, ce concept est tiré de l'article 3 du traité fondateur de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), dans lequel « les parties, agissant individuellement et conjointement, d'une manière continue et effective, par le développement de leurs propres moyens et en se prêtant mutuellement assistance » s'engagent à « maintenir et à accroître leur capacité individuelle et collective de résistance à une attaque armée. »

En France, on lui a longtemps préféré la notion de défense civile, posée par l'article 17 de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense (aujourd'hui abrogée) et désormais inscrite dans le code de la défense51(*). Cette dernière recouvre trois piliers complémentaires :

- la sécurité publique, qui recouvre le maintien de l'ordre public et la lutte contre les diverses formes de criminalité et de délinquance et qui est assurée par les forces de police et de gendarmerie ;

- la sécurité civile ;

- la défense économique, qui comprend deux volets distincts : d'une part, celui strictement défensif de la préservation de la continuité des fonctions et des flux économiques essentiels à la vie de la Nation (eau ; énergie ; transports...) et, d'autre part, l'intelligence économique.

Depuis le Livre blanc 2008, néanmoins, la France a fait sien le concept de « résilience », défini comme « la volonté et la capacité d'un pays, de la société et des pouvoirs publics à résister aux conséquences d'une agression ou d'une catastrophe majeure, puis à rétablir rapidement leur capacité de fonctionner normalement, ou à tout le moins dans un mode socialement acceptable. Elle concerne non seulement les pouvoirs publics, mais encore les acteurs économiques et la société tout entière. » À compter de 2013, il a été retenu dans la stratégie française de défense et de sécurité nationale.

La réflexion en cours sur l'opportunité de confier un rôle de gestion multicrises à la Commission européenne résulte d'abord de l'opération de secours coordonnée en Ukraine par le Mécanisme européen de protection civile depuis le début de l'invasion russe, en février 2022.

Rappelons en effet que l'Union européenne a fourni ou mobilisé 143 milliards d'euros pour l'Ukraine depuis le début de la guerre et que 2,2 milliards d'euros d'aide humanitaire ont été versés à l'Ukraine en 2022-2023. L'Ukraine est devenue membre du Mécanisme européen de protection civile en avril 2023. Dans ce cadre, l'intervention du Mécanisme en Ukraine est devenue « la plus importante et la plus longue » de l'histoire du Mécanisme, selon la Commission européenne. Les 27 États membres y participent. Le Mécanisme a permis :

- le déploiement sur place de sapeurs-pompiers, de secouristes et d'un hôpital mobile ;

- des évacuations médicales de patients ukrainiens nécessitant d'urgence un traitement et l'ouverture d'un pôle médical spécial à Rzeszów (Pologne) ;

- l'envoi de plus de 88 000 tonnes d'équipements vitaux, de denrées alimentaires et de médicaments en Ukraine ;

- l'envoi de 1 000 générateurs électriques, entièrement financés par l'UE. Cette dernière action a été autorisée par l'extension du mandat du Mécanisme en 2021, qui permet à la Commission européenne de compléter seule les moyens de transport et de logistique nécessaires à des opérations de protection civile ou d'aide humanitaire.

Ce rôle croissant de la Commission européenne dans la gestion des crises est demandé par l'ensemble des États membres riverains de l'Ukraine et de la Russie (Suède, Finlande, États baltes, Pologne, Roumanie...), qui ont aussi intégré le concept de défense civile ou de « défense totale » dans leur politique de protection des populations et qui anticipent les conséquences d'un éventuel conflit direct avec la Russie.

Dans ce contexte, en mars dernier, la présidente de la Commission européenne a confié une mission de réflexion à l'ancien Président de la République de Finlande, M. Sauli Niinistö, qui est, de longue date, un ardent partisan de ce concept de « défense totale ». En pratique, cette dernière est déjà mise en oeuvre dans les pays nordiques. Le rapport intérimaire de M. Niinistö devrait être présenté en juillet et son rapport définitif, en octobre prochain.

Et simultanément, des échanges prospectifs ont lieu dans les enceintes spécialisées du Conseil en charge de la protection civile et des infrastructures critiques.

La « défense totale » en Suède

Un an après que la Russie eut envahi illégalement la Crimée en 2014, la Suède a adopté une loi de défense qui augmentait les crédits militaires pour la première fois depuis vingt ans avant de rétablir le service militaire obligatoire en 2017. Simultanément, ce pays réactivait le concept de « défense totale », utilisé pendant la Guerre Froide, qui implique que l'armée et, plus généralement, toute la population, doivent se préparer au pire des scénarios : une attaque armée contre la Suède.

Alors que la Suède a intégré l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), en mars dernier, ses autorités redoublent d'efforts pour que les Suédois se « préparent mentalement à la guerre » comme l'a affirmé le commandant en chef des forces armées suédoises, le général Micael Byden.

Dans cette hypothèse, le pays devrait pouvoir compter sur ses seules forces pendant une durée estimée à trois mois, non seulement pour se défendre militairement mais aussi pour assurer le fonctionnement des services essentiels, pendant que les citoyens, mobilisés par l'effort de guerre, devraient aussi être en capacité de pourvoir seuls à leurs besoins élémentaires pendant certaines périodes.

Ce concept implique, en amont de la crise, de renforcer les moyens de protection civile et de recenser les besoins, afin de planifier des évacuations, de construire des abris (le gouvernement a annoncé qu'il allait consacrer 33 millions d'euros à cette tâche en 2024), et de constituer des stocks stratégiques (eau potable ; médicaments ; nourriture...).

De fait, si, comme cela est probable, le rapport « Niinistö » plaide pour une « défense totale » de l'Union européenne et pour une gestion centralisée des crises, la Commission européenne souhaite transformer l'actuel centre de coordination et de réaction d'urgence (ERCC) en centre de gestion de toutes les crises.

Mme Maria Zuber, actuelle responsable de l'ERCC, explique que cette ambition pourrait conduire le centre à coordonner, comme aujourd'hui, la mise à disposition de moyens de protection civile et d'aide humanitaire, mais aussi à prendre en main la protection des infrastructures critiques « européennes », la lutte contre les menaces hybrides (désinformation, drones, instrumentalisation de migrants...) ou encore la sécurité économique...

En outre, si elle était de nouveau désignée à la tête de la Commission européenne, Mme Von der Leyen envisagerait aussi de nommer un vice-président de la Commission européenne en charge de la gestion des crises.

II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE N° 140

Sur la base des constats qui viennent d'être effectués, la proposition de résolution européenne n° 140, déposée par le sénateur Cyril Pellevat, le 21 mai dernier a un double objectif :

- préserver l'engagement citoyen volontaire et bénévole au service de la protection civile par une directive européenne spécifique (A) ;

- soutenir et conforter le Mécanisme de protection civile de l'Union européenne, afin d'améliorer son efficacité dans la prévention et la réponse aux catastrophes naturelles ou d'origine humaine (B).

A. PRÉSERVER LE VOLONTARIAT SAPEUR-POMPIER

Une directive spécifique pour protéger l'engagement volontaire

Six ans après sa publication, l'arrêt Matzak donne lieu en France à des jurisprudences contradictoires qui maintiennent les sapeurs-pompiers volontaires dans une situation inédite de fragilité juridique. Il demeure donc comme une « épée de Damoclès » suspendue au-dessus de l'organisation des secours. Simultanément, aucun texte européen n'a été proposé pour prendre en considération les spécificités des « forces de sécurité et des secours d'urgence ».

La possibilité d'une assimilation des sapeurs-pompiers volontaires à des « travailleurs » au sens de la directive 2003/88/CE est donc toujours d'actualité.

C'est pourquoi la proposition de résolution européenne appelle à la présentation par la Commission européenne, qui a le monopole de l'initiative législative au niveau européen, et à l'adoption rapide d'une directive spécifique « à l'engagement citoyen bénévole et volontaire », afin de l'exclure du champ d'application de la directive 2003/88/CE, pour « sauvegarder les systèmes européens de protection civile et favoriser la solidarité européenne face au changement climatique » (alinéa n° 20).

M. Julien Marion, DGSCGC, a précisé que le ministère observait avec intérêt toutes les initiatives susceptibles de conforter le volontariat sapeur-pompier et, plus généralement, le volontariat de la sécurité civile, au niveau européen.

B. CONFORTER LA DIMENSION EUROPÉENNE DE LA PROTECTION CIVILE

1. Vers un « Erasmus de la protection civile » ?

Reprenant une proposition phare du document d'interpellation de la FNSPF aux candidats aux dernières élections européennes, la proposition de résolution européenne recommande la mise en place d'un « Erasmus de la protection civile » (alinéa 24).

Certes, comme l'a rappelé M. Julien Marion, des échanges existent déjà aujourd'hui entre services d'incendie et de secours des États membres et entre écoles de formation des sapeurs-pompiers et acteurs de la sécurité civile. Ainsi, au cours de l'été 2024, la France va accueillir 226 sapeurs-pompiers de différents États membres pour lutter contre les feux de forêt.

Mais l'adoption formelle d'un « Erasmus de la sécurité civile » permettrait de rendre ces échanges plus réguliers et de leur faire bénéficier de financements européens plus étendus. Plus nourris, de tels échanges pourraient favoriser une meilleure connaissance mutuelle et l'interopérabilité accrue des personnels et des matériels.

Brefs rappels sur le programme « Erasmus »

Le programme Erasmus a vu le jour en 1987 et est devenu l'une des plus grandes réussites de l'Union européenne. Son objectif est de promouvoir l'échange d'étudiants, d'enseignants et de personnels des établissements d'enseignement supérieur au sein de l'Union européenne et dans des pays tiers. Il est devenu Erasmus+ à compter de 2014.

En pratique, grâce à ce programme, les étudiants des États membres peuvent suivre une partie de leurs études ou réaliser un stage dans un autre pays. Ce qui constitue une opportunité réelle de découverte d'un autre système d'enseignement et d'un autre pays, d'améliorer ses compétences linguistiques et de nouer des contacts scolaires ou professionnels précieux.

Les participants au programme Erasmus+ reçoivent une bourse (d'un montant qui a pour objet de couvrir les frais supplémentaires liés à la vie sur place). Et les crédits académiques obtenus pendant la période d'échange Erasmus font l'objet d'une reconnaissance par l'institution d'origine, facilitant la continuité des études. Depuis sa création, le programme a bénéficié à 12,5 millions de personnes. La France est le premier pays d'envoi d'étudiants, d'apprenants et de personnels dans le cadre de ce programme (plus de 136 000 mobilités financées en 2022).

Pour la période 2021 2027, Erasmus + bénéficie d'un budget de 26,2 milliards d'euros (en hausse de 80 % par rapport au Cadre budgétaire précédent).

Son champ d'application s'étend également à l'éducation et à l'accueil des jeunes enfants à l'enseignement et à la formation professionnels (apprentissage), aux organisations de jeunesse et au sport. La période de mobilité est variable : de 2 jours à 12 mois pour les étudiants ; de 6 à 18 mois pour les apprentis.

Le programme Erasmus+ est géré par la Commission européenne, par l'agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » (EACEA), ainsi que par les agences nationales dans les pays participant au programme et les bureaux nationaux dans certains pays partenaires.

L'objectif est à la fois :

- de rapprocher les formations des acteurs de la protection civile et de favoriser les exercices communs avec apprentissage des équipements ;

- de créer un lieu de discussion pour ces acteurs, sapeurs-pompiers, secouristes, spécialistes des situations de crise, afin de de leur permettre de partager leurs « retours d'expérience » et d'échanger leurs bonnes pratiques ;

- de contribuer ainsi à approfondir la coopération opérationnelle de ces acteurs et, par conséquent, d'améliorer la rapidité et l'efficacité de leurs interventions conjointes qui, du fait de la récurrence des catastrophes et de leur grande ampleur, devraient devenir régulières.

2. Pour un renforcement du dispositif RescEU afin de sécuriser les moyens aériens nationaux de la sécurité civile

La proposition de résolution européenne souhaite la poursuite de la montée en puissance du dispositif RescEU, et son utilisation pour tester des scenarii de crise partagés et développer des protocoles d'intervention unifiés (alinéa 25).

Elle s'intéresse en particulier à sa composante aérienne, qui, pour rappel, doit bénéficier surtout à la France. À ce titre, la proposition de résolution :

- salue le doublement de la flotte européenne de protection civile mis en oeuvre au cours de l'été 2023, « qui a illustré concrètement la solidarité entre les États membres » ;

- invite les États membres, en particulier la France, à respecter la trajectoire annoncée de modernisation de leur flotte aérienne de protection civile, conjointement à la mise en place d'une flotte européenne complémentaire (alinéa 27) ;

- souligne aussi la nécessité d'ouvrir une réflexion sur un « positionnement géographique stratégique des moyens européens de protection civile ». L'idée sous-jacente est de vérifier régulièrement si ces moyens sont pré-positionnés de manière opportune au regard des risques recensés et des moyens nationaux des États membres (alinéa 28) ;

- invite l'Union européenne à soutenir les efforts des États membres par des financements européens adaptés et par des appels d'offres groupés avec les États membres dans le cadre du renouvellement de leurs flottes nationales d'avions bombardiers d'eau, à conduire une revue capacitaire européenne pour définir un volume de production suffisant d'avions bombardiers d'eau dans les États membres et à favoriser l'émergence d'un avion bombardier d'eau européen (alinéas 29 et 30).

Sur ce dernier point, si la commission des affaires européennes du Sénat prend note avec compréhension du « choix capacitaire » des autorités françaises souhaitant renouveler la flotte nationale de Canadair, d'une part, pour bénéficier d'appareils neufs mais également pour prolonger la durée opérationnelle des appareils existants (pièces de rechange), elle souligne simultanément la nécessité d'encourager une solution française et européenne pour des impératifs de souveraineté politiques, opérationnels et économiques52(*).

Elle observe à cet égard qu'Airbus, l'avionneur européen, a testé certains de ses avions A400M en version « bombardier d'eau » et que ces essais ne doivent pas être ignorés : s'ils ne peuvent pas se recharger comme les Canadair en « rasant » la surface d'un plan d'eau, ces appareils peuvent apporter une solution complémentaire en emportant une plus grande capacité (20 000 tonnes) et peuvent voler la nuit.

Elle prend acte également avec intérêt du projet « Frégate 100 » de la start up bordelaise Hynaero, qui, partant des atouts du Canadair, développerait un avion plus rapide, ayant une plus grande capacité de largage (10 000 tonnes) et modernisé pour permettre des liaisons fiables avec les sapeurs-pompiers intervenant au sol. Néanmoins, le prototype n'est espéré qu'en 2028.

3. Adapter les financements disponibles

Si les États membres sont les premiers responsables de la protection de leur population, et, ce faisant, doivent prévoir les budgets nécessaires à cette protection, l'Union européenne devrait aussi actualiser les financements disponibles pour les actions de prévention, de préparation et de réaction aux crises de protection civile, qui, du fait du dérèglement climatique et du contexte géopolitique, devraient connaître un développement important au cours des prochaines années.

En toute logique, la proposition de résolution européenne (alinéa 22) appelle donc les États membres et la Commission européenne à « calibrer » ces financements au regard des besoins prioritaires.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. SOUTENIR ET COMPLÉTER LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

La proposition de résolution européenne n° 608 traduit une double prise de conscience nécessaire : d'une part, l'actualisation impérative des règles, procédures et moyens de la protection civile, notamment pour assurer la préservation du volontariat, dans la perspective des conséquences du dérèglement climatique et de la récurrence des catastrophes naturelles ou d'origine humaine ; et, d'autre part, le besoin d'une coopération européenne encore plus efficace face à ces crises.

En conséquence, la commission des affaires européennes du Sénat entend soutenir son ambition, moyennant plusieurs modifications pour clarifier et compléter son dispositif.

B. PRÉSERVER ET VALORISER LE VOLONTARIAT SAPEUR-POMPIER AU NIVEAU EUROPÉEN

a) Les autorités françaises tentent dans l'immédiat de « limiter les effets de bord » de la directive 2003/88/CE sur le volontariat sapeur-pompier

Les promoteurs de la directive 2003/88/CE mettent en avant la protection de la santé et de la sécurité des volontaires pour appuyer leur assimilation à des « travailleurs » au sens de cette directive. La commission des affaires européennes du Sénat est tout à fait favorable à une mise en oeuvre sérieuse des garanties que ce texte apporte aux salariés et agents publics. Elle soutient aussi des exigences de sécurité et de santé élevées pour les sapeurs-pompiers volontaires. Mais ces exigences imposent la modification des textes qui sont dédiés à leur activités, et non pas l'effacement de leur engagement et des valeurs civiques qu'il porte, au profit d'un statut ou d'un contrat de travail.

La commission constate simultanément que les autorités françaises, pourtant à l'origine de cette directive européenne, n'ont jamais souhaité cette assimilation. Et elle s'inquiète que l'application de la directive conduise à paralyser les services d'incendie et de secours comme elle pourrait fragiliser la disponibilité des forces armées.

Le Sénat ne saurait donc convenir que la directive doit s'appliquer intégralement et que cela ne soulèverait aucun problème, ni admettre que la seule option raisonnable est de « professionnaliser » intégralement l'organisation des secours.

Une telle solution constituerait en effet un signal très négatif à l'égard de tous les volontaires qui ne comptent pas leurs heures pour aider et secourir leurs compatriotes, parfois au péril de leur vie et de la complémentarité actuelle trouvée entre volontaires et professionnels. Et elle conduirait à la fermeture de nombreux centres d'incendie et de secours, faute des financements suffisants pour accompagner cette « professionnalisation » généralisée.

« À titre d'exemple, si les SDIS ne recouraient plus du tout aux gardes postées des sapeurs-pompiers volontaires, il faudrait compenser l'activité de 4 324 sapeurs-pompiers volontaires le jour et de 3 646 sapeurs-pompiers volontaires la nuit. En cas de compensation par des recrutements de sapeurs-pompiers professionnels soumis à un système de garde de 12 heures (soit environ 130 gardes par an), il faudrait donc recruter environ 22 000 sapeurs-pompiers professionnels pour un coût budgétaire de plus d'1,1 milliard d'euros. » alors que le système de ressources de ces services est déjà « à bout de souffle »53(*).

Voilà pourquoi, dans un rapport conjoint commandé par le ministre de l'intérieur en date de décembre 2023, l'inspection générale de l'administration (IGA) et l'inspection générale de la sécurité civile (IGSC) ont proposé de « réduire les vulnérabilités » au regard de la direction 2003/88/CE.

Le rapport prend d'abord acte des critères caractérisant le « temps de travail » et le « travailleur » dans la directive :

a) le travailleur est contraint d'être présent au lieu fixé par l'employeur (critère spatial). Au domicile, il faut évaluer « l'intensité des contraintes imposées au travailleur » ;

b) le travailleur est à la disposition de l'employeur (critère de subordination et impossibilité de se consacrer à ses propres intérêts) ;

c) « le travailleur est au travail » dans l'exercice de son activité, même si les prestations qu'il effectue varient selon les circonstances ;

d) en contrepartie de ses prestations, le travailleur reçoit des sommes d'argent ou indemnités, dont le montant relève des réglementations nationales.

Sur ce fondement, les inspections générales confirment que l'assimilation de l'astreinte effectuée par les sapeurs-pompiers volontaires à du « temps de travail » « anéantirait l'organisation des secours sur la majeure partie du territoire », que les vulnérabilités touchent principalement « la garde postée54(*) et les renforts saisonniers55(*) sous statut de sapeur-pompier volontaire » et que 43 services d'incendie et de secours sont particulièrement vulnérables.

En conséquence, leur rapport esquisse plusieurs pistes pour mettre le volontariat sapeur-pompier « à l'abri » de la directive 2003/88/CE, à droit constant :

a) veiller à renforcer les dispositions actuelles relatives à la sécurité et au repos des volontaires qui, malgré les progrès notables dans ce domaine56(*), peuvent encore être améliorées, conformément à l'objectif poursuivi par la directive - à savoir la protection de la sécurité et de la santé ;

b) « maîtriser » trois temps d'activités particulièrement susceptibles d'être soumis à la directive 2003/88/CE (le rapport préconise ainsi de limiter les gardes postées entre 400 et 800 heures individuelles par an, de renoncer au régime volontaire pour les renforts saisonniers et d'assouplir les temps de formation nécessaires) et d'abandonner les gardes postées au profit de l'astreinte lorsque cela est possible.

Cependant, ces solutions demeurent un « pis-aller » sous la menace d'éventuels revirements de jurisprudence.

b) L'avenir du volontariat sapeur-pompier ne peut dépendre du seul « dialogue des juges »

Or, l'inaction n'est plus de mise. Car, si le « dialogue des juges » nationaux et européens continue, au gré des requêtes, il ne permet pas de clarifier l'application de la directive 2003/88/CE aux sapeurs-pompiers volontaires et, plus généralement, aux forces de sécurité et au secours d'urgence, du fait de décisions parfois contradictoires.

En premier lieu, tout en confirmant l'intégration de certaines activités des sapeurs-pompiers volontaires à du temps de travail au sens de la directive 2003/88/CE, deux décisions ultérieures de la CJUE ont semblé manifester une prise de conscience des difficultés pratiques entraînées par l'arrêt Matzak et une volonté d'en atténuer la portée. La Cour a ainsi précisé :

- qu'une période de garde sous régime d'astreinte ne constituait du temps de travail, dans son intégralité, que lorsque les contraintes imposées au travailleur affectent très significativement sa façon de gérer, au cours de cette période, son temps libre57(*) ;

- qu'une période de garde sous régime d'astreinte assurée par un sapeur-pompier réserviste, durant laquelle ce « travailleur » exerce, avec l'autorisation de son employeur, une activité professionnelle pour son propre compte mais doit, en cas d'appel d'urgence, rejoindre sa caserne d'affectation dans un délai maximal de dix minutes, ne constituait pas du « temps de travail »58(*).

En second lieu, plusieurs juridictions françaises ont été amenées à se prononcer sur l'application de la directive 2003/88/CE aux sapeurs-pompiers volontaires.

Ainsi, le 24 mai 2023, sur le recours de la CFDT Interco 57 qui avait demandé au SDIS de Moselle de fixer une limite horaire maximale d'heures de garde hebdomadaire aux sapeurs-pompiers volontaires, sans obtenir de réponse, le tribunal administratif de Strasbourg a décidé d'annuler cette décision de refus implicite et a enjoint à ce SDIS de fixer un tel plafond d'heures dans un délai de trois mois. Ce faisant, il a bien assimilé les sapeurs-pompiers volontaires concernés à des « travailleurs » au sens de la directive 2003/88/CE59(*).

En revanche, saisis par un sapeur-pompier volontaire qui souhaitait faire condamner le SDIS de l'Ain à lui verser le traitement correspondant aux 9 105 heures de gardes et astreintes qu'il y avait effectuées, en invoquant l'application de la directive 2003/88/CE, le tribunal administratif de Lyon (le 27 février 2020) puis la cour administrative d'appel de Lyon (le 15 février 2023) ont rejeté sa demande. Et, alors que le requérant estimait que l'absence de transposition de cette directive en droit français méconnaissait la Constitution, et demandait en conséquence au Conseil d'État de soumettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au Conseil Constitutionnel pour vérifier la constitutionnalité de l'article L. 723-15 du code de la sécurité intérieure, le Conseil d'État a refusé cette transmission. Il a rappelé que l'exigence de transposition des directives européennes en droit français n'était « pas au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit » et ne saurait « être invoquée dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité. »60(*)

Certes, cette position de principe du Conseil d'État est susceptible de décourager des recours similaires contre les textes législatifs nationaux préservant l'engagement et la disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires. Mais ces spécificités ne peuvent dépendre exclusivement des décisions des juridictions, sous peine de subir d'éventuels revirements de jurisprudence et par là-même, une grande insécurité juridique. Une initiative européenne semble donc nécessaire.

c) La nécessité d'une directive spécifique

En théorie, une révision de la directive 2003/88/CE elle-même serait envisageable mais la renégociation de cette directive rouvrirait les négociations sur l'ensemble de ses dispositions (temps de pause ; travail de nuit...) et dans une telle négociation, comme l'a constaté le préfet de Maistre, « si l'on sait ce que l'on perd, on ne sait jamais ce que l'on obtient ».

Ce faisant, le choix d'initier une directive spécifique destinée à exclure « l'engagement citoyen bénévole et volontaire » du champ d'application de la directive 2003/88/CE semble effectivement le choix le plus pertinent. Un tel texte bénéficierait aux sapeurs-pompiers volontaires, mais aussi aux secouristes bénévoles des associations agréées de sécurité civile...

Cette solution a été appelée de ses voeux par les représentants des sapeurs-pompiers de 18 États membres61(*), réunis à Paris les 8 et 9 avril 2024, à l'initiative de la FNSPF, dans leur déclaration finale, lors du sommet européen « European summit of firefighters ».

C'est pourquoi la proposition de résolution européenne modifiée rend hommage à tous les volontaires de la sécurité civile (sapeurs-pompiers volontaires ; membres des associations agréées de sécurité civile ; réservistes...), demande la présentation et l'adoption d'une directive spécifique pour défendre cet engagement volontaire, et rappelle qu'elle répondrait aux exigences des conclusions « relatives à l'action de la protection civile face au changement climatique » adoptées par le Conseil de l'Union européenne pendant la Présidence française de l'Union européenne (PFUE), le 3 mars 2022. Ces conclusions ont en effet invité la Commission européenne à « promouvoir davantage, en coordination avec les autorité nationales ou infranationales, l'engagement de la société civile dans la prévention du changement climatique et la réponse opérationnelle face à celui-ci en soutenant la contribution des citoyens à leur propre sécurité et résilience, et en favorisant toute initiative de volontariat en matière de réponse aux catastrophes, y compris au moyen de distinctions européennes. »

C. CONFORTER LE MÉCANISME EUROPÉEN DE PROTECTION CIVILE SANS LE DÉNATURER

Tout en affirmant son appui aux principales dispositions de la proposition de résolution européenne initiale, la commission des affaires européennes du Sénat a souhaité la compléter afin de soutenir le développement du Mécanisme de protection civile de l'Union européenne et de préciser les contours de « l'Erasmus de la protection civile » envisagé.

1. Soutenir le renforcement de la coopération européenne dans le domaine de la protection civile
a) Saluer le bilan du Mécanisme européen de la protection civile et appeler à son renforcement

La proposition de résolution européenne modifiée souligne tout d'abord la pertinence du fonctionnement actuel du Mécanisme européen et de son centre de coordination et de réaction d'urgence (ERCC). Elle salue aussi son utilisation récente, dans les États membres comme en Ukraine. Elle estime également bienvenue la possibilité donnée au Mécanisme, par le règlement (UE) 2021/836, d'acquérir directement des équipements logistiques ou des moyens de transport au service des opérations européennes de protection civile. Elle souhaite d'ailleurs que ce rôle de coordination logistique soit encore conforté.

Elle demande également à la prochaine Commission européenne d'évaluer les possibilités actuelles d'utilisation du Mécanisme européen de protection civile dans les régions ultrapériphériques (RUP) 62(*) et d'envisager leur intégration sans condition dans son champ de compétences. Car ces régions ultrapériphériques (RUP) sont confrontées à des risques naturels importants (cyclones et tempêtes tropicales ; éruptions volcaniques ; mouvements de terrain...) résultant de phénomènes météorologiques extrêmes.

Cette évaluation devrait faire l'objet d'un rapport dédié et permettre à la prochaine Commission européenne de disposer d'une base claire pour sécuriser et pérenniser l'intervention du Mécanisme dans ces régions.

En effet, en l'état du droit de l'Union européenne, pour la Commission européenne63(*) :

- les régions ultrapériphériques font partie de l'Union européenne et la responsabilité première de la protection civile incombe aux États membres. L'Union complète les efforts nationaux lorsqu'un État membre ne peut pas faire face à une catastrophe ;

- en raison de leur vulnérabilité spécifique aux phénomènes météorologiques extrêmes, la Commission européenne soutient les actions de prévention des risques et de résilience face aux catastrophes naturelles de ces régions. En pratique, elles bénéficient d'un traitement préférentiel au titre du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE), avec un seuil d'activation fixé à 1 % du produit intérieur brut (PIB) (contre 1,5 % pour les autres régions) ;

- les États membres et les pays tiers peuvent demander une aide du Mécanisme mais les financements alloués à ce titre ne couvrent pas les infrastructures de protection civile. En outre, « conscient des ressources limitées », la Commission européenne « applique des règles de proportionnalité dans la répartition géographique des moyens qu'elle décide d'allouer ». En outre, l'ERCC doit veiller à ce que les moyens prévus soient pertinents et adéquats, notamment au regard de la situation géographique de la ou des régions considérées.

En conséquence, la proposition de résolution modifiée invite les États membres et la Commission européenne doivent veiller à poursuivre l'adaptation des financements nécessaires à l'accomplissement des missions de protection civile et à l'enrichissement du dispositif RescEU.

Elle souhaite ensuite rappeler un principe de bon sens : la récurrence des évènements naturels violents implique une réelle complémentarité entre action des services nationaux et action européenne. Ce faisant, les États membres ne doivent pas jouer les « passagers clandestins » mais prévoir les budgets, les personnels et les matériels suffisants pour assurer eux-mêmes, au moins dans un premier temps, cette protection immédiate.

Selon les informations recueillies lors des auditions relatives à cette proposition, le risque existe que certains États membres s'en remettent aujourd'hui excessivement à l'Union européenne et, le cas échéant, à des prestataires privés, pour assurer leur sécurité face aux feux de forêt ou aux séismes, et pourraient se trouver « désarmés » en cas de péril.

b) Refuser une dénaturation du Mécanisme européen de protection civile

Enfin, la proposition de résolution européenne modifiée prend acte de l'évolution de la situation géopolitique actuelle, qui nécessite, à l'évidence, un renforcement des mesures de protection des populations. Elle constate aussi que les réflexions en cours à la Commission européenne et dans certains États membres sur l'avenir du Mécanisme européen de protection civile pour en faire un outil de « défense totale » et élever son centre de coordination en centre de gestion de toutes les crises, ont déjà bien avancé.

Elle s'oppose cependant à une telle « dénaturation » du Mécanisme européen de protection civile qui, en dépit de ses nombreux soutiens, ne fait pas l'unanimité. La France, l'Allemagne et l'Italie s'y opposent pour diverses raisons méritant considération.

En premier lieu, il faut noter que logistiquement, la transformation de l'ERCC en centre de gestion « multicrises » nécessiterait des moyens très importants, l'ERCC ne comprenant aujourd'hui que 25 personnes dont les qualifications sont logiquement centrées sur la prévention et la réaction aux crises de protection civile.

En deuxième lieu, comme l'a rappelé très justement l'avis motivé du Sénat du 5 juin 2024 dénonçant la non-conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement relatif à l'établissement du programme pour l'industrie européenne de la défense et d'un cadre de mesures visant à assurer la disponibilité et la fourniture en temps utile des produits de défense64(*), en l'état des Constitutions des États membres et des traités européens (articles 4, 5, 42 et 45 du traité sur l'Union européenne65(*)), « la politique de défense reste une compétence nationale, la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) s'exerçant dans un cadre intergouvernemental. »

De même, dans le domaine de la protection civile, comme déjà précisé, ce sont les États membres qui ont la responsabilité première de protéger leur population, l'Union européenne disposant d'une compétence d'appui. Comme l'a souligné M. Julien Marion, DGSCGC, la gestion des crises peut donner lieu à la mise en place de mécanismes de solidarité mais pas à des transferts de compétences à la Commission européenne.

Pour l'ensemble de ces missions, les États membres, réunis au sein du Conseil, disposent d'ailleurs déjà du « dispositif intégré de l'Union européenne pour une réaction politique dans les situations de crise » (IPCR).

Le dispositif IPCR

Ce dispositif, créé en 2006 puis actualisé en 2013, est actionné par la présidence semestrielle du Conseil en cas de crise et réunit tous les acteurs compétents (représentants des États membres, de la Commission européenne, du Service européen pour l'action extérieure, des agences européennes compétentes...). Il peut être activé en réponse à une crise interne ou externe à l'Union européenne. Il a été mis en place lors de la pandémie de covid 19 et est activé à l'heure actuelle pour le suivi de la guerre en Ukraine, de la situation en Israël et à Gaza, ou pour mieux évaluer la réalité des ingérences étrangères dans les États membres.

Il peut être mis en oeuvre selon trois modes opératoires :

a) en mode « suivi », pour échanger sur les rapports relatifs à une crise et assurer une veille permanente sur un évènement ;

b) en mode « partage de l'information », pour échanger des informations complémentaires et avoir accès à des analyses opérationnelles ;

c) en mode « activation totale », pour organiser des réunions de crise (au niveau des représentants permanents au Conseil ou des ministres compétents) et proposer des projets de décision au Conseil.

Par ailleurs, des autorités de réponse aux crises sectorielles existent déjà dans certains secteurs comme celui de la santé. Ainsi, dans le domaine de l'urgence sanitaire, l'autorité européenne de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire (HERA pour Health Emergency Preparedness and Response Authority), créée en 2021, donne déjà satisfaction.

Bénéficiant d'un budget de 30 milliards d'euros, cette autorité, est aujourd'hui dirigée par un ressortissant français, M. Laurent Muschel, assisté d'un conseil au sein duquel siègent les représentants des États membres, de la Commission européenne et des agences concernées.

Anticipant les menaces et les crises sanitaires potentielles grâce à la collecte de renseignements, elle renforce simultanément les capacités de réaction nécessaires pour combler les lacunes de l'Union européenne.

Et lorsqu'une urgence de santé publique est déclarée, l'HERA, qui travaille en étroite collaboration avec les États membres et qui est une structure flexible, coordonne le développement, la fabrication et l'achat de médicaments critiques, de vaccins et d'autres contre-mesures médicales (gants, masques...). Il convient de ne pas remettre en cause ce fonctionnement par l'ajout d'un nouvel organisme.

En troisième lieu, la création d'un centre unique pour la gestion de crises très différentes dans leurs modalités (instrumentalisation des migrants, menaces hybrides, menaces sur la sécurité économique...) est un projet qui ne serait pas opérationnel. En effet, chaque crise étant particulière, sa résolution doit se faire « au plus près du terrain » et appelle alors des réponses spécifiques. En conséquence, ce centre serait immédiatement dépassé ou alors, se diviserait immédiatement en « sous-centres » sectoriels et géographiques. A contrario, le modèle français, supervisé par une cellule interministérielle de crise (CIC) au tour du Premier ministre, mais secondé par des centres de crise sectoriels ou agissant sous les consignes du haut fonctionnaire de défense et de sécurité, semble plus pragmatique.

En outre, dans un centre unique au risque d'être « obèse », le risque de transmission d'informations sensibles à des acteurs hostiles qui ne devraient pas en être destinataires, par maladresse, inadvertance ou du fait d'actions de corruption, serait très élevé.

En quatrième et dernier lieu, l'évolution du Mécanisme de protection civile à partir d'un concept de « défense totale » conduirait inévitablement à un changement radical de ses priorités d'emploi au détriment de la protection civile. Feux de forêt et inondations seraient sans doute considérés comme secondaires au regard des urgences définies par les États membres du nord et de l'est de l'Union européenne. Et les moyens budgétaires qui sont consacrés à la prévention et à la lutte contre ces risques naturels seraient sans doute « réorientés » vers de nouvelles priorités.

Voilà pourquoi la proposition de résolution européenne modifiée par la commission des affaires européennes s'oppose à une telle évolution. Elle appelle plutôt à conforter le Mécanisme dans ses fonctions actuelles de protection civile par une augmentation des moyens disponibles, par le renforcement de son rôle de coordination logistique et par une poursuite de l'harmonisation des matériels ainsi que des formations.

L'objectif est de bénéficier d'un dispositif désormais « mature » afin qu'il soutienne efficacement les États membres face aux conséquences du dérèglement climatique (inondations...), conformément aux conclusions adoptées par le Conseil de l'Union européenne en 2022.

Ces dernières rappellent la responsabilité première des États membres « en ce qui concerne la protection de leurs populations, de l'environnement et des biens, y compris du patrimoine culturel » et estime qu'en « raison du changement climatique, les États membres et les institutions de l'Union européenne doivent être prêts à faire face à des catastrophes transfrontalières de grande ampleur et multisectorielles. »

Elles demandent, en conséquence, aux États membres et à la Commission européenne :

de soutenir et mutualiser la recherche et l'innovation afin d'améliorer les capacités nationales de protection civile et d'encourager les investissements ;

d'élaborer des actions de prévention et de préparation adéquates, y compris en garantissant la disponibilité de capacités suffisantes, destinées à faire face aux risques résultant du changement climatique ;

de poursuivre le développement des capacités des réserves européennes, en particulier dans les domaines de la lutte aérienne contre les incendies de forêt, des incidents nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, de l'intervention médicale d'urgence ainsi que des transports, de la logistique et des abris ;

de soutenir la préparation et la résilience des populations exposées aux risques liés au changement climatique ;

de renforcer les organisations de volontaires et de valoriser les citoyens en tant qu'acteurs de leur sécurité, dans les procédures d'information, d'alerte et de mobilisation.

2. Appuyer le projet « Erasmus de la protection civile » et la création d'un technopôle européen dans le domaine de la protection civile

La proposition de résolution européenne modifiée appuie également la demande de coopération européenne accrue dans le domaine de la formation, des procédures et des doctrines opérationnelles mise en oeuvre, à travers l'institution d'un « Erasmus de la protection civile ».

Au cours des prochaines années, cette coopération doit conduire, dès que possible, à une « harmonisation » européenne de ces formations, procédures ou doctrines. Pour conforter l'interopérabilité des hommes et de leurs tactiques de lutte face aux risques naturels ou industriels et, par conséquent, améliorer encore leur efficacité opérationnelle.

Cette harmonisation devra s'appuyer sur les outils existants, en particulier, le réseau européen de connaissance en protection civile, déjà évoqué, et, en France, sur l'expertise de l'école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP). Cette dernière participe déjà à ce réseau ainsi qu'au Mécanisme de la protection civile de l'Union européenne.

L'ENSOSP

Installée (site principal) à Aix-en-Provence, l'ENSOSP forme - tout au long de leur activité - les 29 000 officiers sapeurs-pompiers de France, professionnels et volontaires, ainsi que les « spécialisations » du service de santé des services d'incendie et de secours (médecins, infirmiers, pharmaciens).

La formation des officiers est axée sur une dimension humaine (encadrement, commandement opérationnel) et technique (maîtrise de l'ingénierie des risques naturels ou d'origine humaine, et des procédures administratives : culture administrative, ressources humaines, gestion financière...). Elle n'est pas constituée d'un programme d'apprentissage unique au risque d'être « déconnecté du terrain » mais est adaptée, au cas par cas, aux besoins institutionnels et opérationnels et menée, dès que possible, sur des simulations de situation réelle.

L'ENSOSP dispose également d'un centre de recherches, le CERISC (centre d'études et de recherches interdisciplinaires sur la sécurité civile), qui mène ses travaux dans cinq domaines : droit et économie de la sécurité civile ; santé ; ingénierie de la sécurité civile ; mangement des organisations et retour d'expérience ; facteurs humains). Certains de ces projets de recherche sont cofinancés par l'Union européenne :

- le projet « AFAN » (janvier 2021-juin 2022) qui visait une harmonisation des connaissances sur l'analyse des feux de forêt avec le développement d'un cadre commun pour favoriser l'assistance à distance lors d'incendies de forêt ;

- le projet « HYRESPONDER » (janvier 2020 - mai 2023) qui avait pour objet de former les acteurs des secours aux nouveaux risques liés au déploiement de l'énergie hydrogène. Il a abouti à la conception de nouveaux équipements de protection ;

- le projet « INPLIC », qui a démarré en 2018, qui vise à analyser les populations locales et leur intégration dans la conduite des crises.

Cet objectif d'harmonisation est en effet plus réaliste que celui d'une « standardisation » qui impliquerait des formations, des doctrines et des équipements uniques pour les sapeurs-pompiers et secouristes des 27 États membres, au détriment des spécificités imposées par les différents types de risques naturels (les services spécialisés dans le secours en montagne ne peuvent être formés et équipés exactement comme ceux qui affrontent avant tout des feux de forêt car les réponses de sécurité civile ne sont pas les mêmes) et les histoires nationales (certains corps mêlent des volontaires et des professionnels, d'autres sont quasi exclusivement militaires...).

Enfin, signalons qu'une uniformisation conduirait immédiatement l'ensemble des acteurs de la protection civile à utiliser exclusivement la langue anglaise pour les formations, les missions... Ce choix de l'anglais comme langue opérationnelle est déjà largement répandu dans le secteur aérien comme dans les armées, mais il importe - dans les formations et les forums d'échanges de bonnes pratiques - de laisser une place au multilinguisme.

En complément, la proposition de résolution européenne modifiée préconise, à la suite du « rapport Falco » sur la modernisation de la sécurité civile66(*) et des observations de la FNSPF, de créer un « technopôle » de sécurité civile sur la base aérienne de Nîmes-Garons (dédiée aujourd'hui aux avions de la sécurité civile). Ce choix garantirait la cohérence de la stratégie nationale de prévention et de préparation aux crises, qui fait appel à une trentaine d'organismes de formation, de recherches et d'innovation..., et l'inscrirait dans les priorités européennes. Ce technopôle deviendrait un centre de recherche et d'innovation national et européen, par exemple, pour concevoir une stratégie nationale d'utilisation de l'intelligence artificielle ou des drones... au service de la sécurité civile. Il agirait en coordination avec l'ENSOSP qui assumerait les formations afférentes.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes, réunie le jeudi 20 juin 2024, a engagé le débat suivant :

M. Jean-François Rapin, président. - Nous examinons ce matin la proposition de résolution européenne n° 608 déposée par notre collègue Cyril Pellevat, le 21 mai dernier, visant à reconnaître la spécificité de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à renforcer le dispositif européen de protection civile.

Conformément au règlement du Sénat, notre commission disposait d'un mois pour examiner ce texte : c'est pourquoi il nous fallait maintenir ce point à l'ordre du jour, malgré les événements politiques qui ont suivi les élections européennes et qui nous ont précipités dans une campagne législative mobilisant nombre de nos collègues sur le terrain.

L'enjeu du volontariat des sapeurs-pompiers est important. Notre commission en a pris la mesure il y a déjà six ans, dès que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu, en février 2018, son arrêt « Ville de Nivelles contre Rudy Matzak » - dit arrêt Matzak -assimilant un sapeur-pompier volontaire à un « travailleur », au sens de la directive 2003-88-CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

Notre commission avait alerté sur les conséquences négatives de cet arrêt, comme elle l'a fait par la suite, en 2021, sur l'arrêt « Ministrvo za obrambo » relatif au temps de travail des militaires. Concernant le volontariat des sapeurs-pompiers, dès novembre 2018, elle avait adopté un avis politique sur le rapport de Jacques Bigot et André Reichardt, dont je salue l'investissement sur le sujet.

C'est aujourd'hui Cyril Pellevat qui sonne l'alarme, car rien n'a été fait depuis pour sécuriser le volontariat des sapeurs-pompiers. Avec Gisèle Jourda, ils ont mené des auditions afin de nous éclairer sur l'évolution de la situation depuis six ans et confirmer la nécessité d'obtenir des garanties fermes pour faire reconnaître la spécificité de l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et renforcer le dispositif européen de protection civile.

Malheureusement, Gisèle Jourda est retenue dans sa circonscription ce matin, mais elle a confié à Cyril Pellevat le soin de présenter leur rapport.

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Je vous prie effectivement de bien vouloir excuser Gisèle Jourda, qui n'a pu se libérer en raison d'impératifs locaux. Je tiens aussi à saluer notre collègue André Reichardt pour le travail qu'il a accompli sur ce dossier en 2018.

Je commencerai par préciser le contexte dans lequel s'inscrit la proposition de résolution européenne que j'ai déposée le 21 mai dernier.

La notion de sécurité civile est une déclinaison de la notion de sécurité intérieure. Elle a pour objet de protéger la population contre les catastrophes naturelles et d'origine humaine. À l'échelon européen, on utilise plutôt le terme de « protection civile », mais le sens est le même.

En France, la sécurité civile est une compétence régalienne. Comme le rappelle la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, « l'État est garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national ».

Pour des raisons historiques et pratiques, cette compétence est largement décentralisée. Certes, ce sont les préfets qui coordonnent la réponse aux crises importantes et c'est l'État qui possède des moyens contre des risques complexes ou de grande ampleur. Toutefois, le maire reste la première autorité à diriger les opérations de secours sur sa commune. Il doit par exemple élaborer un plan communal de sauvegarde (PCS) dans les communes à risques.

Par ailleurs, les principaux acteurs de la réponse aux catastrophes sont les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), composés de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires. Ces services sont financés à titre principal par les conseils départementaux, à hauteur de 55 %, et par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Enfin, les traités donnent à l'Union européenne une compétence d'appui aux États membres en matière de prévention des risques, de préparation aux catastrophes et de réponse aux crises de protection civile. Cette compétence repose sur l'article 196 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), précisant que les mesures prises par l'Union européenne excluent « toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres ».

Soulignons aussi que, en vertu de l'article 222 du TFUE, les États membres sont liés par une « clause de solidarité » applicable en cas de catastrophe naturelle comme en cas d'attaque terroriste.

Comme l'a confirmé le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), Julien Marion, le modèle français de sécurité civile est, à l'heure actuelle, une référence européenne et même mondiale. Cet été encore, 226 sapeurs-pompiers de différents États membres viendront se former aux techniques françaises de lutte contre les feux. Mais ce modèle, fondé sur la loi du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours et la loi de modernisation de la sécurité civile, est désormais sous tension, ce pour deux raisons.

La première source de tensions est liée au fait que les Sdis connaissent une augmentation très importante du nombre de leurs interventions. Ainsi, en 2023, les sapeurs-pompiers ont reçu 16,6 millions d'appels au 18 ou au 112 - le numéro d'appel européen - et ont effectué 4,68 millions d'interventions. Dans 84 % des cas, ces dernières concernaient le secours aux personnes.

Deux explications majeures peuvent être apportées à l'augmentation de l'intervention des Sdis. Tout d'abord, nous commençons à subir les conséquences du dérèglement climatique, qui multiplie les catastrophes naturelles, les rend plus violentes et étend leur zone géographique. On peut rappeler à cet égard les feux de l'été 2022, qui ont brûlé 72 000 hectares en Gironde, dans le Maine-et-Loire et en Bretagne. Citons aussi la très longue période d'inondations vécue par le Pas-de-Calais à l'automne 2023 et au début de l'année 2024, sur laquelle le président Rapin et notre collègue Jean-Yves Roux mènent une mission d'information.

Ensuite, l'augmentation des interventions des sapeurs-pompiers est liée à la fragilité territoriale de notre système de santé. En effet, 30 % des Français vivent dans un désert médical, ce qui compromet leurs chances de guérison en cas de maladie ou de blessure. Les sapeurs-pompiers compensent souvent ces lacunes. Ainsi, 17 % des sorties des sapeurs-pompiers s'effectuent en remplacement d'ambulances qui ne sont pas disponibles : ce sont les « carences ambulancières ».

J'en viens à la seconde source de tensions. En raison du grand nombre d'interventions des Sdis, mais aussi de la croissance de leurs frais de fonctionnement, leurs dépenses ont presque doublé en vingt ans, passant de 3,2 milliards d'euros en 2002 à 5,39 milliards d'euros en 2021. En conséquence, le système est à bout de souffle. Sans ressources nouvelles ni mutualisation des moyens, la sécurité civile serait fragilisée.

Voilà pourquoi le ministre de l'intérieur a convoqué l'ensemble des acteurs concernés, le 23 avril dernier, à un « Beauvau de la sécurité civile », pour partager un bilan et réfléchir à la sécurité civile de demain. Cela pourrait conduire à la présentation d'une nouvelle loi-cadre en 2025.

Parmi les lignes rouges de cette réflexion figure la nécessité de préserver le volontariat de la sécurité civile. Cette préservation est le premier objectif de la proposition de résolution européenne soumise à votre examen.

Les sapeurs-pompiers volontaires sont indispensables pour la sécurité civile et constituent un exemple pour notre société. Ce sont des citoyens comme vous et moi qui, en plus de leur activité professionnelle, décident de donner de leur temps pour prêter main-forte aux sapeurs-pompiers professionnels dans leurs missions de sécurité civile. Disons-le clairement, sans volontaires, notre sécurité civile ne tiendrait pas : au nombre de 197 800, ils représentent près de 79 % des effectifs de sapeurs-pompiers et assurent 67 % des interventions des Sdis.

Or leur situation est devenue incertaine depuis l'arrêt Matzak, rendu par la CJUE le 21 février 2018. À l'origine de ce contentieux, un sapeur-pompier volontaire belge souhaitait être rémunéré par un salaire versé par son service d'incendie et de secours en contrepartie des gardes qu'il effectuait. La CJUE a considéré qu'un sapeur-pompier volontaire pouvait être considéré comme un « travailleur » au sens de la directive 2003-88-CE. Elle a aussi affirmé que le temps de garde d'un sapeur-pompier volontaire était du temps de travail et qu'il devait donc être rémunéré comme tel.

Cet arrêt a provoqué, en France, un choc juridique, politique et existentiel.

Juridique d'abord, car la France est à l'origine de la directive de 2003, qu'il faut saluer dans son principe car elle tend à mieux protéger la sécurité et la santé des travailleurs -, et elle n'a pourtant jamais envisagé de l'appliquer aux sapeurs-pompiers volontaires.

Au contraire, l'article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure prévoit que « l'activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n'est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres ».

La protection de la sécurité et de la santé des sapeurs-pompiers volontaires est prioritaire mais elle ne devrait pas être régie par la directive de 2003, ces volontaires n'étant ni des salariés ni des agents de la fonction publique. Ce sont des citoyens qui, librement, se mettent à disposition de services de secours pour des interventions et des gardes.

Le choc fut ensuite politique, car, comme le relevait la mission pour la relance du volontariat, confiée en 2018 à notre ancienne collègue Catherine Troendlé par Gérard Collomb, alors ministre de l'intérieur, une telle assimilation constituerait « un biais important dans l'engagement altruiste » des sapeurs-pompiers volontaires. En outre, elle « entraînerait une augmentation considérable des dépenses, en raison des rémunérations et de la compensation des temps de repos par des rotations plus sévères entre les sapeurs-pompiers » et aurait pour conséquence « une diminution des effectifs et du maillage territorial, c'est-à-dire une profonde dégradation de la réponse des secours ».

C'est pourquoi, dans son avis politique du 15 novembre 2018, sur le rapport de nos collègues Jacques Bigot et André Reichardt, notre commission constatait que l'arrêt Matzak menaçait la pérennité du dispositif français de sécurité civile. Elle demandait donc à la Commission européenne de prendre une initiative pour modifier la directive de 2003, afin que celle-ci prévoie une dérogation pour les volontaires.

Depuis, la CJUE a également reconnu que les militaires pouvaient, eux aussi, être assimilés à des « travailleurs ». Toutefois, au sujet des sapeurs-pompiers volontaires, elle a paru vouloir limiter l'effet utile de l'arrêt Matzak dans deux nouveaux arrêts rendus en 2021.

Enfin, l'arrêt de la CJUE a constitué un choc existentiel pour les sapeurs-pompiers, en les interrogeant sur l'objet et sur le sens de leur mission.

Ce dossier demeure sensible car, en France, les juridictions rendent des décisions contradictoires, reconnaissant parfois les sapeurs-pompiers volontaires comme des « travailleurs », ou rejetant au contraire cette assimilation.

M. Julien Marion a réaffirmé la position du Gouvernement, qui réfute toute assimilation entre volontaires et « travailleurs ». Il a exprimé un optimisme prudent en rappelant que les autorités françaises avaient obtenu un soutien au volontariat des sapeurs-pompiers dans les conclusions du Conseil de l'Union européenne de mars 2022, sous présidence française.

Il a cependant confirmé que le ministère travaillait, en pratique, à abriter les sapeurs-pompiers volontaires de l'application de la directive 2003-88-CE, en particulier en limitant leurs temps de garde.

La situation est donc fragile et l'avenir des sapeurs-pompiers volontaires ne peut dépendre simplement de décisions judiciaires contradictoires. Voilà pourquoi, au travers de la présente proposition de résolution européenne, nous demandons à la Commission européenne de présenter une directive spécifique portant reconnaissance de l'engagement volontaire et bénévole, afin de le préserver de la directive de 2003.

Un tel texte permettrait aussi de protéger les 100 000 Français membres des associations de sécurité civile, telles que la Croix-Rouge française ou la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM).

Le second objet de la proposition de résolution européenne est le renforcement de la coopération européenne dans le domaine de la protection civile.

Les vingt-sept États membres et dix autres pays partenaires participent au mécanisme européen de protection civile (MPCU) de l'Union européenne. Au travers de la présente proposition de résolution, nous saluons le bilan positif de ce mécanisme et souhaitons son approfondissement. Le MPCU, placé sous l'autorité de la Commission européenne, est en effet un succès qui complète utilement l'action des États membres.

Il repose sur plusieurs instruments, dont le Centre de coordination de la réaction d'urgence (Emergency Response Coordination Centre (ERCC)) - -, que j'ai pu visiter à Bruxelles. Le Mécanisme comprend aussi des outils de prévention des risques, comme les cartes satellitaires du système Copernicus, qui aident à anticiper les tempêtes ou à évaluer les risques d'inondations. Il peut aussi être sollicité en cas de catastrophe par un État membre, un pays tiers ou une organisation internationale, en vue de soutenir une opération de protection civile ou apporter de l'aide humanitaire.

Le MPCU comprend également une réserve européenne de protection civile, qui recense et met en oeuvre les équipes de secours, les experts ou les équipements de protection civile que les États membres mettent à disposition de l'Union européenne, par exemple pour éteindre un feu de forêt ou désincarcérer des personnes enfouies à la suite d'un tremblement de terre.

Et lorsque les moyens de l'État touchés par une catastrophe, complétés par ceux de la réserve, sont insuffisants, l'Union européenne peut alors déployer aussi ceux du dispositif RescEU, tels que les hôpitaux de campagne, les pompes à eau ou les avions bombardiers d'eau.

Enfin, le MPCU inclut un Réseau européen de connaissance en protection civile, qui prévoit un programme de formations et d'exercices.

La France est très satisfaite de ce mécanisme, dont elle est le premier contributeur. En effet, il a su être l'expression de la solidarité européenne, par exemple, en Turquie, lors du séisme de 2023, en Ukraine et au sein même de l'Union européenne.

À l'heure actuelle, ces moyens aident Chypre à lutter contre d'éventuels feux de forêt. Ils ont aussi récemment profité à la France. Lors de l'été 2022, les moyens français étaient à la limite de la rupture face aux multiples feux de forêt, lesquels ont pu être maîtrisés grâce aux renforts européens, dont deux bombardiers d'eau. Cette année, plusieurs pompes à eau de grande dimension ont été déployées dans le Pas-de-Calais pour lutter contre les inondations.

Enfin, signalons que le dispositif RescEU permet aussi aux États membres d'acquérir de nouveaux moyens de protection civile par des achats communs. La France, qui souhaite faire passer sa flotte aérienne de bombardiers d'eau de douze à seize Canadair, acquerra deux d'entre eux au travers du dispositif RescEU. En pratique, c'est l'Union européenne qui les paiera. En contrepartie, la France mettra ces appareils à disposition en cas d'opérations de secours décidées dans le cadre du MPCU.

Sur ce point, nous appelons la France et l'Union européenne à respecter leurs engagements, car la production de Canadair, arrêtée depuis 2015, n'a toujours pas redémarré. Nous prenons acte des logiques capacitaires qui ont présidé au choix de se fournir de nouveau en Canadair. Toutefois, nous demandons que, à moyen terme, nos autorités favorisent la production d'un avion bombardier d'eau français et européen. Les projets existent, chez Airbus notamment, mais encore faut-il les encourager.

Plus généralement, la proposition de résolution européenne soumise à votre examen recommande de renforcer le MPCU, afin que les États membres puissent relever les défis posés par le dérèglement climatique. À cet égard, elle s'appuie sur les conclusions du Conseil de l'Union européenne de mars 2022.

Rien qu'en France, plus de 18 millions d'habitants et 11,5 millions de logements sont exposés au risque d'inondations. Ainsi, la fonction de coordination et de réserve de logistique et de transport attribuée au MPCU depuis 2021, qui fait ses preuves en Ukraine, mériterait d'être confortée.

De même, nous rappelons dans la proposition de résolution que les financements européens attribués à la protection civile devront être nécessairement adaptés dans le prochain cadre financier pluriannuel (CFP).

En outre, nous demandons à la Commission européenne d'établir un rapport évaluant les possibilités actuelles d'utilisation du MPCU dans les régions ultrapériphériques (RUP) et examinant l'intégration sans condition de ces régions dans son champ de compétences. Cinq départements français seraient ainsi concernés, à savoir la Guadeloupe, la Guyane française, La Réunion, la Martinique et Mayotte, ainsi qu'une collectivité d'outre-mer, Saint-Martin. Ces territoires sont en effet régulièrement touchés par des cyclones, des tempêtes tropicales, des séismes et des éruptions volcaniques.

En revanche, nous vous proposons de marquer notre nette opposition à une dénaturation du MPCU en outil de « défense totale », concept mis en oeuvre dans les pays nordiques qui repose sur un continuum permanent entre le militaire et le civil pour protéger la population d'une attaque militaire extérieure.

Ce sujet fait déjà l'objet d'une réflexion avancée dans les pays scandinaves et baltes, mais aussi au sein de la Commission européenne. Ursula von der Leyen a ainsi confié un rapport prospectif sur ce sujet à l'ancien Président de la République de Finlande, Sauli Niinistö, qui est un ardent partisan de cette « défense totale ». Mme Von der Leyen envisage aussi de désigner un vice-président de la Commission européenne chargé de la gestion des crises.

Nous nous refusons cette évolution pour trois raisons. D'abord, elle est incompatible avec les traités européens actuels, qui confient la gestion des crises aux États membres, avec un appui de l'Union européenne. Ensuite, une centralisation excessive paralyserait l'efficacité opérationnelle des secours. Enfin, une telle décision politique conduirait à ce que les outils et financements du MPCU soient consacrés à d'autres priorités que la lutte contre les catastrophes naturelles.

La présente proposition de résolution européenne préconise en dernier lieu la mise en place d'un « Erasmus de la protection civile », afin d'harmoniser les formations et les doctrines opérationnelles des acteurs de la protection civile. Des échanges ont déjà lieu, mais il faut leur assurer régularité et visibilité et y allouer des moyens budgétaires.

Il ne s'agit pas de partir de rien : le Réseau européen de connaissance en protection civile et l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (Ensosp) pourront être mis à contribution.

M. Jean-François Rapin, président. - Gisèle Jourda étant absente aujourd'hui, je souhaiterais m'assurer qu'elle partage ces propositions.

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - C'est bien le cas, monsieur le président. La proposition de résolution européenne modifiée est issue de nos réflexions communes.

M. André Reichardt. - Ayant été corédacteur d'un rapport sur la même thématique il y a quelques années, j'approuve le contenu des évolutions qui nous sont proposées.

Je tiens aussi à rendre hommage à nos anciens collègues Jacques Bigot et Catherine Troendlé, laquelle s'est montrée particulièrement active pour défendre les sapeurs-pompiers volontaires. Elle continue d'ailleurs de s'investir dans cette cause, bien qu'elle n'ait plus de « casquette sénatoriale ».

Il est temps que la Commission européenne prenne une directive pour mettre enfin un terme aux contradictions judiciaires insupportables entraînées par l'arrêt Matzak, sans quoi le volontariat dans notre pays est voué à être déstructuré, au-delà des sapeurs-pompiers.

En outre, les rapporteurs ont raison de s'opposer à une transformation des dispositifs prévus pour la lutte contre le dérèglement climatique en une défense civile européenne.

M. Jacques Fernique. - Je comprends la nécessité de protéger le statut de sapeurs-pompiers volontaires. Dans cette perspective, comment éviter un jeu de vases communicants entre pompiers volontaires et professionnels ? Il ne faudrait pas que la préservation du volontariat contribue à dégrader les ressources et les moyens des agents professionnels.

Mme Florence Blatrix Contat. - Nous apportons tout notre soutien à cette proposition de résolution. En effet, il n'a pas été donné suite à l'arrêt Matzak, et il est temps que la Commission européenne s'empare de ce sujet.

Notre modèle de sécurité civile fonctionne parfaitement bien. Pour répondre à notre collègue Fernique, je veux confirmer que de nombreux départements augmentent les moyens des sapeurs-pompiers professionnels, mais que cela n'est pas suffisant. Nous avons aussi besoin des sapeurs-pompiers volontaires, qui constituent la grande majorité des sapeurs-pompiers et sont présents surtout dans les territoires ruraux. L'engagement reste important dans les temps que nous vivons.

Mme Pascale Gruny. - L'arrêt de la CJUE est très grave, car il nous conduirait à perdre 60 % des pompiers volontaires, qui ont tous un travail à côté de leurs missions de protection civile. Or, leur contrat de trente-cinq heures par semaine ne permet pas d'accomplir dix heures supplémentaires dans le cadre d'un emploi complémentaire de sapeur-pompier. En outre, la directive européenne elle-même fixe des plafonds de durée de travail hebdomadaire.

Nous perdrions, à terme, toutes nos forces : les agents professionnels ayant vocation à assurer principalement des missions d'encadrement, il n'y aurait plus aucun pompier sur le terrain. Notre collègue Blatrix Contat a raison : il est essentiel de préserver les territoires ruraux, où il n'y a que des pompiers volontaires.

Je vous remercie sincèrement de vous emparer de ce sujet.

M. Jean-François Rapin, président. - Je rejoins les propos de Pascale Gruny. La directive 2003-88-CE prévoit une durée de travail maximale hebdomadaire de 48 heures. Veillons donc à ne pas accepter une réforme qui nous mettrait dans l'illégalité.

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Si la professionnalisation des volontaires devait s'imposer dans les termes de l'arrêt Matzak, elle menacerait une forme d'engagement civique que l'on retrouve aussi chez les membres de la Croix-Rouge française ou la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM). De ce fait, certains volontaires arrêteraient leur engagement et se recentreraient sur leur métier, ce qui réduirait les effectifs de volontaires.

Une telle professionnalisation conduirait, en conséquence, à une perte du maillage territorial de la sécurité civile car, comme cela a été indiqué, ce sont les sapeurs-pompiers volontaires qui garantissent la permanence et la réactivité des centres de première intervention (CPI) et assurent la majorité des opérations de secours aux personnes.

Par ailleurs, il faut que la France et l'Union européenne renforcent leurs moyens de sécurité civile. Bien sûr, certains Sdis ont les moyens de procéder à l'acquisition de matériel et de véhicules, tels que des hélicoptères. Mais il est cohérent de nationaliser les moyens lourds, notamment aériens, tout ceci, afin de faire face efficacement aux nouvelles menaces du dérèglement climatique.

Lors de notre déplacement à Bruxelles, nous avons entendu que la France serait la seule à s'inquiéter de l'arrêt Matzak. Or, cela ne semble pas tout à fait exact. En effet, d'autres États membres, comme l'Allemagne, l'Autriche ou la Pologne, comptent une majorité de sapeurs-pompiers volontaires. D'ailleurs, à cet égard, le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) nous a précisé que les sapeurs-pompiers de 18 États membres s'étaient réunis à Paris, les 8 et 9 avril derniers, et avaient alors demandé la présentation d'une directive européenne spécifique pour préserver le volontariat.

Concernant l'évolution éventuelle du Mécanisme européen de protection civile, on constate la volonté claire de la présidente de la Commission européenne de modifier le dispositif européen de protection civile et, le cas échéant, de le militariser, afin de répondre aux demandes des pays baltes, de la Suède et de la Finlande. La feuille de route semble déjà tracée et exclure toute marge d'appréciation : le rapporteur choisi par elle est déjà acquis à cette évolution avec un adossement à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan). Les voix contradictoires, notamment celles des pays latins, ne sont pas entendues. Malgré tout, la France, l'Italie et l'Allemagne contestent le bien-fondé d'une telle initiative. Il faudra suivre attentivement ce dossier au cours des prochains mois.

M. Jean-François Rapin, président. - Le renforcement de la formation du public pour la gestion et la prévention des crises est un point intéressant. Pensons aux inondations qui ont frappé régulièrement notre pays : la culture du risque fait défaut depuis une vingtaine d'années dans notre pays. Une sécurité civile efficace passe par le rétablissement de cette culture chez nos concitoyens.

Par ailleurs, le dispositif mis en place pour l'obtention d'une aide financière européenne d'urgence en cas de catastrophes naturelles doit être pleinement revu. Le délai dans lequel cette aide doit être sollicitée est trop court : il est impossible à appliquer dans certains territoires, comme le Pas-de-Calais, où trois ou quatre événements climatiques peuvent parfois se succéder.

M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Je veux ajouter une précision concernant le renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile. La chaîne de production des Canadair va être relancée ; c'est une bonne chose, car les appareils en fonction sont aujourd'hui vétustes. Toutefois, cela pose la question de notre souveraineté, car les Canadiens disposent du monopole de leur production. Et ils attendent une commande ferme de 20 appareils pour relancer cette production. Plusieurs États membres, dont la France, ont indiqué vouloir acquérir des avions. La France a choisi cette option car cette réactivation de la ligne de production permettra de renouveler la flotte mais aussi de recréer des pièces arrivées à l'état d'usure, ce qui doit permettre d'augmenter la durée de vie des appareils existants.

Quant aux intentions d'Airbus, nous avons eu des informations contradictoires : à Bruxelles, nous avons entendu que la société n'était pas intéressée par un marché de « niche » si faible en nombre de commandes, mais la FNSPF a affirmé le contraire. Par ailleurs, d'autres initiatives françaises existent mais à l'état de projets. Il nous faudra donc rester vigilants sur ce dossier.

En pratique, dans ce dispositif, l'Union européenne achète des avions et les met à la disposition de la France, qui se charge ensuite de les entretenir et de les équiper. À cet égard, l'achat de matériel est un enjeu important. Certains États européens ne sont pas propriétaires de la majorité de leur flotte aérienne et ont contracté des leasings dont les prix augmentent de 30 % chaque année. En conséquence, ils ne peuvent plus payer les échéances et ne disposent plus d'appareils en nombre suffisant.

M. Jean-François Rapin, président. - Sur l'organisation matérielle des moyens mis au service de la lutte contre les feux de forêt, je précise que deux rapports intéressants ont été publiés au cours des dernières années par notre commission des finances, dans le cadre du contrôle budgétaire qu'elle exerce. On peut s'y référer utilement, en particulier au sujet du remplacement des pièces, du monopole canadien en la matière et de la difficulté que les Français ont à se rééquiper.

Je soumets maintenant aux voix les textes proposés à notre commission par les rapporteurs.

La commission a autorisé la publication du rapport et a adopté la proposition de résolution européenne ainsi modifiée, disponible en ligne sur le site du Sénat, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE MODIFIÉE

(1) Vu l'article 88-4 de la Constitution,

(2) Vu les articles 196 et 222 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE),

(3) Vu la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail,

(4) Vu la décision n° 1313/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relative au mécanisme de protection civile de l'Union,

(5) Vu l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne du 21 février 2018, (affaire C-518/15) Ville de Nivelles contre Rudy Matzak,

(6) Vu la résolution européenne n° 140 (2017-2018) du 13 juillet 2018 du Sénat sur le mécanisme de protection civile de l'Union européenne,

(7) Vu l'avis politique de la commission des affaires européennes du Sénat du 15 novembre 2018 sur les règles européennes et le statut des sapeurs-pompiers volontaires,

(8) Vu la décision (UE) 2019/420 du Parlement européen et du Conseil du 13 mars 2019 modifiant la décision n° 1313/2013/UE relative au mécanisme de protection civile de l'Union,

(9) Vu le règlement (UE, Euratom) 2020/2093 du Conseil du 17 décembre 2020 fixant le cadre financier pluriannuel pour les années 2021 à 2027,

(10) Vu le règlement (UE) 2021/836 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2021 modifiant la décision n° 1313/2013/UE relative au mécanisme de protection civile de l'Union,

(11) Vu le règlement (UE) 2021/817 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2021 établissant Erasmus+, le programme de l'Union pour l'éducation et la formation, la jeunesse et le sport, et abrogeant le règlement (UE) n° 1288/2013,

(12) Vu les conclusions 2022/C 322/02 du Conseil du 26 août 2022 relatives à l'action de la protection civile face au changement climatique,

(13) Vu le rapport sur l'adaptation de la sécurité civile aux défs climatiques à l'horizon 2050, de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) du ministère de l'intérieur de mars 2023,

(14) Vu le rapport conjoint de l'inspection générale de l'administration (IGA) et de l'inspection générale de la sécurité civile (IGSC) sur l'activité des sapeurs-pompiers volontaires de décembre 2023,

(15) Vu la déclaration finale du sommet européen des « sapeurs-pompiers 112 », tenu à Paris les 8 et 9 avril 2024, cosignée par les représentants des sapeurs-pompiers de 18 États membres, et demandant un cadre européen spécifique reconnaissant l'apport du volontariat dans les services d'incendie et de secours et, plus largement, dans les organismes en charge de la protection civile,

(16) Considérant l'augmentation des risques de catastrophes naturelles, technologiques et sanitaires dans les États membres de l'Union européenne notamment liée au réchauffement climatique ;

(17) Considérant la responsabilité première des États membres de l'Union européenne dans la protection de leurs populations, de l'environnement et des biens, selon leurs spécificités et besoins propres ;

(18) Considérant l'article 196 du TFUE, qui encourage la coopération entre les États membres face aux catastrophes et l'article 222 du même traité, en vertu duquel l'Union européenne et ses États membres agissent dans l'esprit de solidarité si un État membre est victime d'une catastrophe ;

(19) Considérant le gain de réactivité et d'efficacité qu'une réponse de protection civile coordonnée au niveau européen peut apporter en cas de catastrophe transfrontalière de grande ampleur ou de crise multisectorielle ayant de graves répercussions sur la santé humaine, sur les activités humaines et sur la biodiversité ;

(20) Considérant que le développement du Mécanisme de protection civile de l'Union et le renforcement du réseau européen des acteurs de la protection civile de l'Union, en particulier par la mise en commun des connaissances et l'échange de bonnes pratiques, sont essentiels pour apporter cette réponse coordonnée mais aussi pour améliorer les politiques de prévention et de réaction aux catastrophes de chaque État membre ;

(21) Considérant que l'organisation des secours en France repose principalement sur l'activité des services départementaux et territoriaux d'incendie et de secours (SDTIS), composés, pour 21 % de leurs effectifs, de sapeurs-pompiers professionnels, qui sont des fonctionnaires territoriaux, et pour 79 % de ces effectifs, de sapeurs-pompiers volontaires, citoyens engagés au service de l'intérêt général ;

(22) Considérant que, dans un arrêt « Ville de Nivelles contre Rudy Matzak » du 21 février 2018 (C-518/15), la Cour de justice de l'Union européenne a assimilé un sapeur-pompier volontaire belge en astreinte à son domicile à un « travailleur » au sens de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 précitée, ce qui pourrait avoir pour conséquence de comptabiliser le temps d'activité des sapeurs-pompiers volontaires dans le calcul du temps de travail autorisé et de soumettre les sapeurs-pompiers volontaires au principe du repos quotidien de sécurité, conduisant alors à restreindre fortement la liberté d'exercice de l'engagement de sapeur-pompier volontaire, à remettre en cause la proximité des secours et à affecter gravement la capacité de résilience nationale face aux crises et par conséquent, la protection civile des populations et la sécurité nationale, sans alternative opérationnellement satisfaisante et financièrement soutenable ;

(23) Considérant la nécessité d'assurer la pérennité du volontariat de sapeur-pompier et de mettre un terme, par une solution européenne, à la menace résultant des contentieux pendants devant les juridictions nationales ;

(24) I) Sur la préservation du volontariat sapeur-pompier pour faire face aux catastrophes naturelles et d'origine humaine

(25) Rappelle avec solennité que la sécurité civile est l'affaire de tous ; salue en conséquence l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires, des membres des associations agréées de sécurité civile et des réservistes de sécurité civile,

(26) Rappelle également que l'activité de sapeur-pompier volontaire repose, aux termes de l'article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure, sur le volontariat et le bénévolat et n'est pas exercée à titre professionnel et, qu'aux termes de l'article L. 723-8 du même code, « ni le code du travail ni le statut de la fonction publique ne lui sont applicables » ;

(27) Constate qu'une assimilation des sapeurs-pompiers volontaires à des travailleurs au sens de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 précitée risque de fragiliser et de remettre en cause le modèle de sécurité civile français mais aussi celui d'autres États membres tels que l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas, la Finlande ou la Pologne ;

(28) Estime nécessaire que soit proposée, dans les meilleurs délais, une directive européenne spécifique à l'engagement citoyen bénévole et volontaire, dans l'optique de le protéger, de l'encourager et d'éviter sa requalification par le droit du travail pour sauvegarder les systèmes européens de protection civile et favoriser la solidarité européenne face au changement climatique ;

(29) Insiste à cet égard sur les conclusions du Conseil de l'Union européenne de mars 2022 qui demandent aux États membres de « promouvoir davantage, en coordination avec les autorités nationales ou infranationales, l'engagement de la société civile dans la prévention du changement climatique et la réponse opérationnelle face à celui-ci en soutenant la contribution des citoyens à leur propre sécurité et résilience, et en favorisant toute initiative de volontariat en matière de réponse aux catastrophes, y compris au moyen de distinctions européennes. » ;

(30) II) Sur le renforcement du Mécanisme de protection civile de l'Union européenne

(31) Salue le bilan du Mécanisme de protection civile de l'Union européenne qui incarne la solidarité européenne en matière de protection civile et d'aide humanitaire, et son amélioration dans le cadre du règlement (UE) 2021/836 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2021 précité ;

(32) Rappelle néanmoins que, du fait de leur responsabilité première dans la protection des populations, les États membres doivent mettre à disposition les personnels et les matériels suffisants pour assurer cette protection face aux risques naturels ou d'origine humaine identifiés,

(33) Appelle la Commission européenne et les États membres à adapter les financements nécessaires à la disponibilité et au bon fonctionnement de ce Mécanisme ;

(34) Demande à la Commission européenne un rapport examinant les modalités d'utilisation actuelles du Mécanisme dans les régions ultrapériphériques (RUP) et évaluant les possibilités d'intégration sans condition de ces régions dans son champ de compétences, eu égard à leur forte exposition aux catastrophes naturelles (cyclones ; tempêtes tropicales ; séismes ; éruptions volcaniques...) du fait du dérèglement climatique,

(35) Souhaite la poursuite du développement du Mécanisme de protection civile de l'Union européenne afin de faire face aux conséquences du dérèglement climatique, conformément aux conclusions précitées du Conseil de l'Union européenne de mars 2022, en particulier dans son rôle de coordination logistique ;

(36) Estime simultanément que le centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC) du Mécanisme ne doit pas être transformé en centre de gestion de toutes les crises (menaces hybrides ; instrumentalisation des migrations...) dans une perspective de « défense totale », sous peine de faire passer au second plan ses missions prioritaires de protection civile, de se substituer à la compétence des États membres et de rendre caduque le rôle du « dispositif intégré pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise » du Conseil (IPCR), qui permet déjà une coordination européenne efficace en cas de crises majeures ;

(37) Encourage le renforcement de l'harmonisation européenne des formations des acteurs de la protection civile et de la doctrine opérationnelle ;

(38) Propose donc, pour conforter les échanges existant à cet égard entre les acteurs de la protection civile des États membres, la création d'un programme européen, sur le modèle du programme « Erasmus+ », afin de créer des réflexes communs et de faciliter la coopération opérationnelle entre les forces de protection civile des États membres de l'Union européenne ;

(39) Considère que la coopération européenne dans le soutien à la recherche et à l'innovation dans le domaine de la protection civile (intelligence artificielle ; drones...) pourrait s'appuyer sur un centre d'excellence européen sur la base de Nîmes-Garons ;

(40) Forme le souhait que la Commission européenne poursuive la mise en oeuvre et le développement du dispositif RescEU, réserve européenne de capacités de protection civile comprenant une flotte d'avions et d'hélicoptères bombardiers d'eau, des avions d'évacuation médicale ainsi que des stocks d'articles médicaux et des hôpitaux de campagne, susceptible d'être mobilisée pour faire face à une catastrophe naturelle, technologique ou sanitaire, en réponse à la demande d'un État membre, et que ce dispositif soit utilisé pour mettre en place et tester des scenarii de crise partagés et développer des protocoles d'intervention unifiés ;

(41) Salue le doublement de la flotte européenne de protection civile mis en oeuvre pour la campagne « feux de forêt » de l'été 2023, qui a illustré concrètement la solidarité des États membres ;

(42) Invite les États membres, en particulier la France, à respecter la trajectoire de modernisation, à renforcer la polyvalence de leurs flottes aériennes et à travailler conjointement à la montée en puissance de la réserve aérienne européenne de protection civile avant la fin de la prochaine mandature ;

(43) Souligne, à titre complémentaire, la nécessité d'ouvrir une réflexion sur un positionnement géographique stratégique des moyens européens de protection civile ;

(44) Invite en parallèle l'Union européenne à soutenir les efforts des États membres par des financements européens adaptés et par des appels d'offres groupés avec les États membres dans le cadre du renouvellement de leurs flottes nationales d'avions bombardiers d'eau ;

(45) Invite à conduire une revue capacitaire européenne pour définir un volume de production suffisant d'avions bombardiers d'eau dans les États membres et favoriser l'émergence d'un avion européen bombardier d'eau qui constitue un enjeu majeur de souveraineté industrielle et opérationnelle et de compétitivité économique ;

(46) Demande au Gouvernement français de soutenir ces positions au Conseil.

LA RÉSOLUTION EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la résolution en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/tableau-historique/ppr23-608.html

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

· Départements de France (28 mai 2024) :

- M. Christophe GUILLOTEAU, vice-président de Départements de France, président du conseil départemental du Rhône ;

- M. André ACCARY, président de la commission SDIS de Départements de France et président du conseil départemental de Saône-et-Loire ;

- M. Jean-Baptiste ESTACHY, conseiller Sécurité - Prévention de la délinquance - Radicalisation - Sécurité civile (SDIS) à Départements de France ;

· Déplacement à Bruxelles (4 juin 2024) :

Représentation de la France auprès de l'Union européenne :

. M. le préfet Nicolas de MAISTRE, chef du secteur « Justice Affaires intérieures » ;

. Colonel Olivier PEZZA, conseiller sécurité civile ;

. M. François CHAUVIN, conseiller chargé de la gestion de crise ;

. M. Sylvain HUMBERT, conseiller juridique ;

Mécanisme de protection civile de l'Union européenne, centre de coordination de la réaction d'urgence (ERCC), Commission européenne :

. Sous-préfet Guillaume SAOUR, expert national détaché à la direction générale ECHO de la Commission européenne ;

. Mme Maria ZUBER, responsable de l'ERCC ;

. Colonelle Claire KOWALEWSKI, experte nationale détachée à la direction générale ECHO de la Commission européenne pour le développement de moyens aériens de protection civile ;

· Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) (10 juin 2024) :

- M. Jean-Paul BOSLAND, président de la FNSPF ;

- M. Guillaume BELLANGER, directeur de cabinet ;

· Ministère de l'Intérieur (14 juin 2024) :

- M. Julien MARION, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) ;

- M. Pierre REGNAULT de la MOTHE, directeur des affaires européennes et internationales.


* 1 Loi n° 2004-811 du 13 août 2004.

* 2 Article premier du Règlement (UE) 2021/836 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2021 modifiant la décision n° 1313/2013/UE relative au mécanisme de protection civile de l'Union.

* 3 Rapport « Les personnels des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et de la sécurité civile : Des défis à relever, des perspectives à redéfinir », mars 2019.

* 4 Décision du Conseil du 23 octobre 2001 instituant un mécanisme communautaire visant à favoriser une coopération renforcée dans le cadre des interventions de secours relevant de la protection civile.

* 5 Les modalités de mise en oeuvre de cette clause par l'Union européenne sont définies par une décision du Conseil, adoptée sur proposition de la Commission européenne et du Haut-représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

* 6 Article 73 de la Lo fondamentale. Et loi sur la protection civile et l'aide en cas de catastrophe du 25 avril 1997 (Zivilschutz -und Katastrophenhilfegesetz -ZSKG).

* 7 Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et à valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.

* 8 Cet agrément prévu à l'article L. 725-1 du code de la sécurité intérieure, qui peut être délivré à l'échelon départemental, interdépartemental ou national, va définir les missions de ces associations : intervention dans le cadre d'opérations de secours ; actions de soutien aux populations sinistrées (accueil ; écoute ; ravitaillement...) et encadrement des bénévoles dans de telles actions ; tenue de postes de secours dans les rassemblements de personnes.

* 9 124 communes des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint Denis et du Val-de-Marne comprenant environ 7 millions d'habitants.

* 10 Ces interventions étaient relatives, à 82 %, à du secours à personne, à 8,4 %, à des interventions diverses, à 5,2 %, à des accidents de la circulation, à 3 %, à des incendies.

* 11 Sont également couverts l'aéroport de Marseille-Provence, les ports de Fos-sur-mer et de Port-de-Bouc, ainsi que le site d'Airbus hélicoptères.

* 12 Article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

* 13 Éléments fournis par la DGSCGC. Source : rapport d'information n° 245 (seizième législature) de M. Didier Lemaire, député, au nom de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les capacités d'anticipation et d'adaptation de notre modèle de protection et de sécurité civiles, 3 avril 2024.

* 14 Elle ne peut en effet excéder celle de l'indice des prix à la consommation hors tabac.

* 15 Loi n° 96-369 du 3 mai 1996 relative aux services d'incendie et de secours.

* 16 Loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

* 17 « Rétablir l'équité territoriale en matière d'accès aux soins : agir avant qu'il ne soit trop tard », rapport d'information n° 589 de M. Bruno Rojouan au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, déposé le 29 mars 2022.

* 18 Article 1424-2 du code général des collectivités territoriales.

* 19 Rapport « Le financement des services d'incendie et de secours : réalisations - défis -perspectives », Inspection générale de l'administration, octobre 2022.

* 20 Loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels.

* 21 Article 1424-42-1 du code général des collectivités territoriales.

* 22 « Mission volontariat, tous volontaires », rapport de Mme Catherine Troendlé et de MM. Fabien Matras, Olivier Richefou, Éric Faure et Pierre Brajeux à l'attention de M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur, 16 mai 2018.

* 23 Rapport sur l'activité des sapeurs-pompiers volontaires, établi conjointement par l'Inspection générale de l'administration (IGA) et l'Inspection générale de la sécurité civile (IGSC), décembre 2023.

* 24 En pratique, ce dernier donne lieu à des versements sous forme de rentes à la fin de leur service.

* 25 Article L. 723-5 du code de la sécurité intérieure.

* 26 Rapport « Mission volontariat » précité, p 26.

* 27 L'astreinte est une période pendant laquelle le sapeur-pompier volontaire, sans être à disposition permanente et immédiate, a l'obligation de demeurer à son domicile, sur son secteur d'intervention (secteur d'astreinte du centre de secours) ou à proximité immédiate, afin d'être en mesure d'intervenir. Selon le rapport précité de l'IGA et de l'IGC sur l'activité des sapeurs-pompiers volontaires, les sapeurs-pompiers volontaires effectuent 96 % de astreintes de jour et 98 % des astreintes de nuit.

* 28 Article premier de la directive.

* 29 « Le choc de la jurisprudence Matzak », p 27 du rapport.

* 30 CJUE, 15 juillet 2021, Ministrvo za obrambo (C-742/19). Cet arrêt affirme que les militaires sont des « travailleurs » au sens de la directive 2003/88/CE mais indique que dans plusieurs cas, leur activité de garde n'entre pas dans son champ d'application : si la garde intervient pendant la formation initiale, un entraînement opérationnel ou une opération militaire, ou quand elle représente une « activité à ce point particulière qu'elle ne se prête pas à un système de rotation des effectifs », ou encore quand elle est exécutée dans le cadre d'évènements exceptionnels dont la gravité et l'ampleur nécessitent l'adoption de mesures indispensables à la protection de la vie, de la santé et de la sécurité de la collectivité et dont la bonne exécution serait compromise si l'ensemble des règles énoncées par la directive devaient être respectées, ou, enfin, lorsque l'application de ladite directive (...) ne pourrait se faire qu'au détriment du bon accomplissement des opérations militaires proprement dites.

* 31 Conseil d'État, Assemblée, n° 437125.

* 32 p. 25 du rapport précité.

* 33 Audition devant la commission de la défense nationale de l'Assemblée nationale, 23 juin 2021.

* 34 Rapport précité de la « mission volontariat » (p 33).

* 35 Éléments de réponse rappelés dans la lettre de M. le Président du Sénat, Gérard Larcher, au sénateur Jean Bizet, alors président de la commission des affaires européennes du Sénat, en date du 18 décembre 2018.

* 36 Réponse du ministre de l'intérieur (12 mars 2019) à la question écrite n° 13190 du 9 octobre 2018 transmise par Mme Frédérique Lardet, députée.

* 37 « Les personnels des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et de la sécurité civile », rapport public thématique, mars 2019.

* 38 Décision 2001/792/CE, Euratom du Conseil.

* 39 Décision 1313/2013/UE du 17 décembre 2013.

* 40 Ayant remplacé en 2012, l'initiative européenne de surveillance globale pour l'environnement et la sécurité (GMES), le programme Copernicus, mis en place par l'Agence spatiale européenne (ESA), s'appuie sur une constellation de satellites Sentinelles et de moyens mis à disposition par les États membres pour suivre l'évolution de l'occupation des sols, caractériser les variables bio-géophysiques sur les terres émergées, prévoir l'état des océans, apporter une aide à la gestion de crise sur des zones affectées par des catastrophes naturelles ou industrielles, suivre la composition chimique et la qualité de l'air, ré-analyser des variables climatiques essentielles et développer des outils pour la mise en place de services climatiques.

* 41 Résolution européenne n° 140 (2017-2018) sur le Mécanisme de protection civile de l'Union européenne.

* 42 Voir l'avis budgétaire n° 134 (2023-2024) sur le programme 161 « Sécurité civile » du projet de loi de finances pour 2024 de Mme Françoise Dumont, rapporteur pour avis de la commission des lois du Sénat, 23 novembre 2023.

* 43 Rapport d'information précité, p 118.

* 44 Rapport « Adaptation de la sécurité civile face aux défis climatiques à l'horizon 2050 », direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur, mars 2023.

* 45 « Feux de forêt et de végétation : prévenir l'embrasement », rapport d'information n° 856 (2021-2022) de M. Jean Bacci, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Pascal Martin et Olivier Rietmann, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des affaires économiques du Sénat, en date du 3 août 2022.

* 46 Directive (UE) 2022/2555 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2022 concernant les mesures destinées à assurer un niveau élevé commun de cybersécurité dans l'ensemble de l'Union, modifiant le règlement (UE) n° 910/2014 et la directive (UE) 2018/1972, et abrogeant la directive (UE) 2016/1148 (directive SRI 2).

* 47 Les « entités essentielles » sont les fournisseurs d'énergie (électricité ; gaz ; pétrole...), les entreprises gestionnaires des infrastructures de transport, les fournisseurs de réseaux publics de communications électroniques publics ou services publics de communications, le secteur bancaire et les marchés financiers, le secteur de la santé, les fournisseurs et distributeurs d'eau potable, les centres de traitement des eaux usées, les infrastructures numériques, les prestataires des services de confiance (= qui se soumettent aux exigences du règlement « eIDAS » n° 910/2014 du 23 juillet 2014 pour pouvoir délivrer, valider et conserver des certificats qualifiés de signature électronique, de cachet électronique ou d'authentification de sites internet), lorsqu'ils constituent au moins des moyennes entreprises, ainsi que l'administration publique.

* 48 Les « entités importantes » sont celles des secteurs énumérés en note précédente qui, du fait de leur trop petite taille, ne sont pas considérées comme des « entités essentielles » et ainsi que les services postaux, les entreprises de gestion des déchets, les entreprises chimiques, les entreprises du secteur agro-alimentaire et les entreprises de fabrication (dispositifs médicaux ; produits informatiques ; véhicules...).

* 49 Le montant de ces amendes peut être fixé jusqu'à 10 millions d'euros ou 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial d'une entité essentielle et jusqu'à 7 millions d'euros ou 1,4 % du chiffre d'affaires annuel mondial d'une entité importante.

* 50 Ce groupe de coopération est constitué de représentants des États membres, de la Commission européenne (qui assurerait son secrétariat) et de l'agence européenne de cybersécurité (ENISA).

* 51 Articles L. 1321-1 à L. 1324-1 du code de la défense.

* 52 Pour un point de situation détaillé sur les défis de la flotte aérienne de sécurité civile, voir le rapport d'information n° 838 (2022-2023) « La flotte de bombardiers d'eau de la sécurité civile : un renouvellement à accélérer, une gestion à optimiser » de M. Jean-Pierre Vogel, sénateur, au nom de la commission des finances, en date du 5 juillet 2023.

* 53 Rapport de l'inspection générale de l'administration : « Le financement des services d'incendie et de secours : réalisation - défis - perspectives », n° 22015-R, octobre2022.

* 54 La garde postée (ou garde à la caserne) : le sapeur-pompier volontaire est à la caserne pour quelques heures et participe aux opérations de secours.

* 55 Les sapeurs-pompiers volontaires assurent ces périodes qui peuvent durer plusieurs semaines ou plusieurs mois, soit en contrat à durée déterminée (CDD), soit en demeurant sous régime volontaire.

* 56 Ainsi, alors que le nombre de sapeurs-pompiers décédés chaque année était en moyenne de 20 jusqu'en 2005, ce nombre est désormais de 7 décès annuels.

* 57 CJUE, 9 mars 2021, D.J./Radiotelevizija Slovenija et RJ/Stadt Offenbach am Main, C-344/19 et C-580/19.

* 58 CJUE, 11 novembre 2021, Dublin city Council, C-214/20.

* 59 TA Strasbourg, 24 mai 2023, n° 2101694.

* 60 Conseil d'État, 13 octobre 2023, n° 473321.

* 61 Outre la FNSPF pour la France, étaient représentés les sapeurs-pompiers d'Allemagne, d'Autriche, de Belgique, de Bulgarie, de Chypre, de Croatie, d'Espagne, de Finlande, de Hongrie, d'Italie, du Luxembourg, des Pays-Bas, du Portugal, de République tchèque, de Roumanie, de Slovénie et de Suède.

* 62 Seraient donc concernés cinq départements français d'outre-mer (la Martinique, Mayotte, la Guadeloupe, la Guyane et la Réunion), une collectivité d'outre-mer française (Saint-Martin), deux régions autonomes portugaises (Madère et les Açores) et une communauté autonome espagnole (les îles Canaries).

* 63 Réponse du commissaire Lenarcic, en date du 16 avril 2024, à la question avec demande de réponse écrite E-000560/24 de M. André Rougé, député européen (ID).

* 64 COM(2024) 150 final.

* 65 L'article 4 prévoit en particulier que l'Union européenne respecte les fonctions essentielles de l'État et que la sécurité nationale reste de la compétence exclusive des États membres. L'article 5 demande le respect du principe d'attribution des compétences entre Union européenne et États membres, ainsi que des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Les articles 42 et 43 définissent la politique de sécurité et de défense commune et affirment sa dimension intergouvernementale.

* 66 Rapport de M. Hubert Falco, ancien ministre, au nom de la mission sur la modernisation de la sécurité civile et la protection contre les risques majeurs, « Pour des territoires plus résilients », 20 juin 2023.

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