TITRE X : SIMPLIFIER LE DÉVELOPPEMENT
DES COMMERCES

Article 24 A
Précision de la définition du local commercial ou artisanal dans le cadre de l'exercice du droit de préférence du locataire

Présenté par un amendement proposé par la Sénatrice Annick Billon et le Sénateur Hervé Marseille (COM-51), ayant reçu un avis favorable du rapporteur, l'article propose de clarifier le champ d'application du droit de préemption du locataire de locaux à usage commercial et artisanal.

1. La situation actuelle - le droit de préférence du locataire dans le cadre de la cession du local commercial ne bénéficie qu'aux locaux commerciaux ou artisanaux

La loi dite « Pinel » du 18 juin 2014 a introduit un article L. 145-46-1 au sein du code de commerce qui consacre un droit de préférence du locataire lors de la cession d'un local commercial ou artisanal.

Ce droit de préférence (ou de « préemption ») vise à favoriser le maintien des très petites entreprises commerciales et artisanales dans les zones de centre-ville soumises à une pression immobilière.

Ainsi, lorsque le propriétaire d'un local à usage commercial ou artisanal envisage de le vendre, il doit ainsi en informer le locataire par lettre recommandée avec avis de réception ou remise en main propre contre récépissé ou émargement. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au locataire.

Le locataire dispose ensuite d'un délai d'un mois pour se prononcer. En cas de réponse positive à l'offre de vente du bailleur, le locataire dispose d'un délai de deux mois pour réaliser la vente.

Ce droit de préférence s'applique aux seuls locaux commerciaux et artisanaux et non à tous les locaux loués dans le cadre d'un bail commercial. Conformément à l'objectif du législateur lors de l'examen parlementaire de la loi Pinel, il ne s'applique pas aux locaux à usage professionnel et donc pas aux bureaux.

Or la définition d'un local à usage artisanal ou commercial n'est pas précisée par cet article. Des divergences d'interprétation existent donc sur l'inclusion ou non des locaux à usage professionnel voire des entrepôts dans le champ de l'article L. 145-46-1 du code de commerce, dès lors que le preneur est titulaire d'un bail commercial et qu'il exerce une activité commerciale.

La jurisprudence de la cour de cassation exclut bien les locaux à usage industriel du champ d'application du dispositif, même lorsqu'une activité de négoce y est exercée à titre accessoire, dès lors que le local ne sert pas à la réception de clientèle231(*). En revanche, elle inclut les locaux à usage de bureaux dès lors qu'il s'agit de bureaux dont l'activité est commerciale232(*)

Il en résulte une incertitude juridique sur l'application du droit de préemption, alors même que son non-respect entraîne la nullité d'une vente. Cette incertitude juridique, soulignée par les notaires, peut être à l'origine de contentieux - par les locataires qui intentent une action en nullité - mais aussi une multiplication des notifications « par prudence ».

2. Le dispositif envisagé - une précision de la définition du local commercial ou artisanal pour l'exercice de ce droit de préférence

L'objectif du présent article est de modifier l'article L. 145-46-1 du code de commerce afin d'y préciser la définition des locaux à usage commercial ou artisanal dans le cadre de l'exercice du droit de préemption.

Il est donc précisé :

- un local à usage commercial au sens du présent article s'entend de tout local aménagé, à titre principal, pour l'accueil physique d'une clientèle en vue de la vente sur place de biens ou la réalisation sur place de prestations de services ;

- un local à usage artisanal au sens du présent article s'entend de tout local aménagé à titre principal pour des activités de production, de transformation, de réparation ainsi que pour la vente des biens et services résultant de ces activités et au sein duquel est reçu à titre habituel la clientèle.

Ces définitions ont vocation à écarter les locaux à usage de bureaux ou encore les entrepôts.

3. La position de la commission spéciale - une précision bienvenue

La commission spéciale estime qu'une précision du champ d'application du dispositif de préférence « Pinel » est souhaitable pour renforcer la sécurité juridique des transactions, le non-respect du droit de préemption entraînant la nullité d'une cession.

Elle souligne à ce titre que la sécurité juridique peut être une source de simplification pour les acteurs économiques.

La commission a adopté l'article 24 A ainsi rédigé.

Article 24
Mensualisation du versement des loyers commerciaux
et encadrement du montant de la garantie

L'article 24 vise à renforcer l'encadrement du régime des baux commerciaux dans le but de mieux protéger la trésorerie des commerçants, notamment en instaurant un paiement mensualisé du loyer sur demande du preneur à bail et en plafonnant le montant de la garantie versée à l'équivalent d'un trimestre de loyer.

La commission spéciale a adopté cet article modifié par six amendements. Elle a notamment précisé le champ d'application de l'article, prévu que la mensualisation du loyer n'est de droit que si le preneur est à jour de ses paiements, introduit une précision pour éviter le versement d'intérêts dans le cadre du dépôt de garantie et encadré le délai de restitution de la garantie au preneur à bail dans un délai qu'elle a fixé à trois mois.

1. La situation actuelle - le bail commercial est peu encadré par la loi

Conformément à l'article L. 145-1 du code de commerce, le régime des baux commerciaux s'applique aux baux :

- d'un immeuble ou local dans lesquels un fonds de commerce est exploité, que le fonds appartienne « soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat immatriculée au registre national des entreprises, accomplissant ou non des actes de commerce » ;

- de locaux accessoires à l'exploitation du fonds de commerce mais qui sont essentiels à l'exploitation du fonds, ou aux baux des terrains nus sur lesquels ont été édifiées des constructions à usage commercial, industriel ou artisanal.

Il peut aussi s'appliquer, conformément à l'article L. 145-2 du code de commerce, à d'autres baux - comme ceux des locaux ou immeubles abritant des établissements d'enseignement.

1.1. En l'absence d'encadrement, le versement du loyer est fréquemment trimestriel

Les sections 2, 3, 4 et 5 du code de commerce encadrent la durée du bail commercial, qui ne peut être inférieure à neuf ans sauf exceptions, son renouvellement ainsi que les cas de refus de renouvellement.

En ce qui concerne le loyer, seule sa révision est encadrée :

- depuis la loi du 18 juin 2014233(*), l'article L. 145-34 prévoit que la révision du loyer ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux publié par l'INSEE ;

- le montant du loyer, la périodicité de paiement et le moment du paiement (à échoir ou à terme échu) ressortissent de la liberté contractuelle.

La pratique est le plus souvent celle d'un paiement trimestriel du loyer, dont les sommes sont acquittées à l'avance.

Durant la crise sanitaire liée au covid-19, certains bailleurs ont accepté de mettre en place un paiement mensuel du loyer pour certaines enseignes rencontrant de graves difficultés financières. Ces mesures, à la discrétion des bailleurs, sont demeurées provisoires et ont donc pris fin à la reprise normale de l'activité des commerçants.

1.2. Le montant de la garantie n'est pas plafonné juridiquement

Le montant de la garantie versée au bailleur par le preneur à bail ne fait l'objet d'aucun encadrement au sein de la loi.

En pratique, les baux commerciaux prévoient généralement un dépôt de garantie correspondant à trois mois de loyers, ce qui représente en moyenne 3,75 % du chiffre d'affaires annuel d'un commerçant selon la Direction générale des entreprises (DGE).

La garantie demandée excède rarement ce montant, en raison de la volonté des bailleurs d'éviter le versement d'intérêts en faveur des preneurs de baux.

En effet, l'article L. 145-40 du code de commerce prévoit que « les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêt au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes. »

Or actuellement, les loyers sont le plus souvent versés en avance, avec des termes trimestriels : le paiement du premier loyer trimestriel, couplé au versement d'une garantie équivalente à un trimestre de loyer, correspond donc à une avance de paiement d'une somme équivalente au prix du loyer de deux termes - donc six mois. Elle n'emporte donc pas provisionnement d'intérêts au profit du preneur à bail.

Aux côtés des sommes versées au bailleur à titre de garantie, peuvent être exigées des garanties complémentaires, qui ne sont pas directement versées au prêteur mais grèvent sa trésorerie - à l'instar d'une garantie autonome à première demande (GAPD) par laquelle le preneur immobilise des sommes sur un compte bancaire.

1.3. Seule la jurisprudence précise les modalités de restitution de la garantie

En cas de vente d'un local commercial loué, la Cour de cassation considère que la restitution du dépôt de garantie versé lors de la conclusion du bail reste une dette personnelle du propriétaire cédant ayant conclu le bail. La jurisprudence constante de la Cour de cassation prévoit une obligation de restitution du dépôt de garantie à la charge du bailleur initial en cas de vente d'un local commercial loué234(*).

En ce qui concerne les baux d'habitation, la règle a été précisée par la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, modifiant l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs pour prévoir qu' « en cas de mutation à titre gratuit ou onéreux des locaux loués, la restitution du dépôt de garantie incombe au nouveau bailleur. » Ainsi, le propriétaire du local à usage d'habitation au terme du bail est débiteur de la restitution de la garantie versée au propriétaire au moment de la conclusion du bail avec le locataire.

2. Le dispositif envisagé : une mensualisation des loyers commerciaux, un plafonnement de la garantie versée au bailleur et une clarification sur les modalités de restitution de cette garantie

2.1. Une mensualisation des loyers commerciaux sur demande du preneur de bail

Un nouvel article serait créé au début de la Section 6 « Du loyer » du Chapitre « Du bail commercial » du code de commerce, relatif au régime des baux commerciaux.

Ce paiement mensuel du loyer serait de droit, sur demande du preneur à bail d'un local destiné à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros, ou de prestations de service à caractère commercial ou artisanal.

L'utilisation de cette définition vise à circonscrire l'application de cette mesure aux baux commerciaux concernant un local commercial - et ainsi exclure les locaux à usage de bureaux et ceux à usage de stockage pouvant être soumis au régime des baux commerciaux. Ainsi, la mensualisation est susceptible de s'appliquer aux baux mentionnés à l'article L. 145-2 du code de commerce uniquement dans le cas où ces locaux sont destinés à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros ou de prestations de service à caractère commercial ou artisanal. À titre d'exemple, ces mesures ne seront pas applicables aux locaux abritant des établissements d'enseignement.

Cette disposition serait applicable aux baux en cours d'exécution à date de la promulgation de la loi. Si un commerçant locataire formule une demande de mensualisation du versement de son loyer en cours de contrat, la mensualisation prendra ainsi effet à compter de la prochaine échéance du loyer prévue par le bail.

La mensualisation sur demande serait d'ordre public : conformément à l'article L. 145-15 du code de commerce, toute clause, stipulation ou arrangement établi en contradiction avec l'article L. 145-40 serait réputé non écrite.

2.2. Un plafonnement du montant de garantie

Pour les locaux destinés à l'exercice d'une activité de commerce de détail ou de gros, ou de prestations de service à caractère commercial ou artisanal, le montant de la garantie versée par le preneur au bailleur serait plafonné à l'équivalent d'un trimestre de loyer.

Contrairement à la mensualisation de droit sur demande, qui s'appliquerait aux baux en cours à l'entrée en vigueur de la loi, le plafonnement de la garantie ne s'appliquerait qu'aux nouveaux baux conclus à compter de l'entrée en vigueur de la loi. Le Conseil d'État a en effet estimé, dans son avis sur le présent projet de loi, qu'une application aux baux en cours à date de promulgation de la loi, emportant l'obligation pour les bailleurs de restituer les sommes payées à titre de garantie excédant le plafond fixé par le projet de loi, aurait constitué une atteinte excessive au droit au maintien des baux commerciaux en cours d'exécution.

2.3. Une précision juridique sur la restitution de la garantie

Il serait précisé, à l'article L. 145-40 du code de commerce, qu'en cas de mutation à titre gratuit ou onéreux du local pris à bail, l'obligation de restitution au preneur des sommes payées à titre de garantie est transmise au nouveau bailleur.

Cette précision serait applicable à tout preneur d'un bail commercial régi par le chapitre V du Titre IV du livre Ier du code de commerce, dans le cadre de mutations intervenant à l'expiration d'un délai de trois mois après la date d'entrée en vigueur de la présente loi.

3. La position de la commission spéciale : renforcer la protection de la trésorerie des commerces tout en apporter certaines contreparties aux bailleurs

1.1. Un dispositif bienvenu pour favoriser la trésorerie des petits commerces

Pour la commission spéciale, les trois mesures prévues par le présent article sont de nature à favoriser la préservation de la trésorerie des commerces, notamment au regard :

- des difficultés économiques endurées par les commerces lors de la crise sanitaire du fait du ralentissement de leur activité, qui perdurent actuellement : la commission spéciale déplore la hausse des défaillances d'entreprises fin 2023 (+35 %235(*)), particulièrement marquée dans le commerce, notamment dans les secteurs de l'habillement et de l'hôtellerie-restauration ;

- de la relation contractuelle structurellement déséquilibrée entre bailleurs commerciaux et preneurs de baux commerciaux, le marché des premiers étant dominé par quatre foncières commerciales (Unibail Rodamco Westfield, Klépierre, Carmila, Mercialys), face à une multitude de preneurs dont une part non négligeable est constituée de petits commerçants ;

- du faible encadrement du régime des baux commerciaux, notamment au regard de l'encadrement des baux d'habitation.

Selon la FACT, le surplus de trésorerie des bailleurs lié au versement trimestriel des loyers commerciaux est estimé à environ deux milliards d'euros.

Néanmoins, la commission spéciale souligne que ces trois mesures auront un impact différencié sur la situation des petits commerces :

- la mensualisation du versement du loyer sur demande du commerçant locataire est une mesure bienvenue en ce qu'elle permettra aux commerces de diminuer leur besoin de trésorerie de deux mois. La commission souhaite maintenir son déclenchement sur demande afin de ne pas contraindre les locataires qui souhaiteraient conserver un rythme de paiement trimestriel ;

- en revanche, le plafonnement du montant des sommes payées à titre de garantie n'aura pas d'impact significatif sur la trésorerie des commerçants : le niveau du plafonnement proposé par le projet de loi (un trimestre) correspond au montant de la garantie demandée dans la pratique actuelle. En effet, les bailleurs sont réticents à demander un montant plus élevé qui les conduirait à devoir verser des intérêts au preneur ;

- la précision juridique concernant les modalités de restitution du dépôt de garantie est également bienvenue afin de résoudre d'éventuels litiges, mais elle n'aura pas d'effet sur les délais de restitution du dépôt de garantie.

1.2. Un dispositif à renforcer

La commission spéciale a souhaité renforcer le dispositif prévu par le présent article afin de protéger davantage la trésorerie des commerces tout en prévoyant certaines contreparties pour les bailleurs commerciaux.

Pour compenser le faible impact du plafonnement du montant de la garantie versée au bailleur sur les montants effectivement immobilisés par les commerçants, la commission spéciale souhaite encadrer dans le temps la restitution de cette garantie au preneur : cela permettrait d'éviter une immobilisation excessivement longue de sommes précieuses pour la trésorerie des commerces. Le délai de restitution de la garantie prévue dans le cadre des baux habitation est quant à lui précisé par la loi236(*) : il est fixé à maximum deux mois, ou un mois lorsque l'état des lieux de sortie est conforme à l'état des lieux d'entrée. Par parallélisme avec le plafonnement de la garantie à l'équivalent d'un trimestre de loyers, le rapporteur propose d'instaurer un délai maximal de trois mois pour la restitution de la garantie au preneur d'un bail commercial.

Le rapporteur constate néanmoins qu'en vertu de l'article L. 145-40 du code de commerce, les sommes versées à titre de garantie ne portent pas intérêts au profit du locataire si elles n'excèdent pas deux termes de loyers : dans le cas de termes mensuels, une garantie fixée à trois mois de loyer - comme le permet le présent projet de loi - conduirait donc les bailleurs à verser des intérêts au prêteur. Le rapporteur estime que ce n'est pas l'objet du texte et que cela risquerait même d'encourager les bailleurs à se reporter sur d'autres garanties, au détriment de la trésorerie des commerces. Il a donc proposé à la commission de prévoir que les sommes versées à titre de garantie par le preneur à bail d'un local commercial - qui sont plafonnées à l'équivalent d'un trimestre de loyers - ne portent pas intérêts à son profit.

Enfin, si la commission spéciale salue la mensualisation des loyers commerciaux, elle estime qu'elle ne saurait être de droit que si le preneur à bail qui en fait la demande est à jour du paiement de ses loyers. Selon la FACT, plus de 10 % des loyers commerciaux ne sont pas réglés 60 jours après leur date d'exigibilité.

À l'initiative du rapporteur, la commission spéciale a donc adopté les cinq amendements suivants :

un amendement COM-356 de précision sur le périmètre des baux concernés pour faire référence aux locaux commerciaux définis par l'article 231 ter du code général des impôts, définition qui inclut les réserves attenantes aux locaux affectés à une activité de commerce et qui permet de clarifier l'exclusion des locaux de bureaux et de stockage ;

un amendement COM-357 pour préciser que le versement mensuel du loyer est de droit sur demande du preneur à bail d'un local commercial, s'il est à jour du paiement de ses loyers - c'est-à-dire sans impayé sur des termes échus et sans retard de paiement sur le terme en cours ;

- un amendement COM-359 visant à préciser que la restitution des sommes versées au titre de la garantie doit se faire sous 3 mois à compter de la remise en main propre, ou par lettre recommandée avec avis de réception, des clés au bailleur ou à son mandataire ;

un amendement COM-358 visant à préciser que les sommes versées au titre du dépôt de garantie par le preneur du bail commercial, qui sont plafonnées à un trimestre de loyer, ne portent pas intérêt au profit du preneur. En effet, sans précision ad hoc dans le texte, dans le cadre d'une mensualisation du loyer, elles porteraient intérêt au-delà de deux termes de loyer, soit deux mois, ce qui est inférieur au montant maximal de la garantie proposé par le présent article ;

un amendement COM-360 de précision rédactionnelle ;

- un amendement COM-361 de précision juridique afin d'appliquer le plafonnement du montant de la garantie non seulement aux baux conclus après la promulgation de la loi mais aussi aux baux renouvelés.

La commission a adopté l'article 24 ainsi modifié.

Article 25
Simplification du régime d'aménagement commercial pour moderniser
et rationnaliser les espaces commerciaux

L'article 25 vise à assouplir la politique d'aménagement commercial en limitant d'une part la possibilité d'introduire des recours dilatoires devant la Commission nationale d'aménagement commercial dont l'objectif est d'empêcher ou de ralentir l'ouverture de nouveaux commerces, et en facilitant d'autre part les réorganisations internes de magasins au sein des centres commerciaux, y compris si ces magasins sont fermés depuis plus de trois ans.

1. Une politique d'aménagement commercial dont le principal outil demeure la procédure d'autorisation d'exploitation commerciale

1.1. Les autorisations d'exploitation commerciale délivrées par les commissions départementales peuvent faire l'objet d'un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial

Par principe, tout projet de création ou d'agrandissement d'un magasin ou d'un ensemble commercial de plus de 1 000 m² de surface de vente nécessite une autorisation d'exploitation commerciale (AEC)237(*), même s'il existe plusieurs dérogations listées au sein du code de commerce.

Cette autorisation est délivrée par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC) qui fondent leur décision sur le respect de plusieurs critères et vérifient, le cas échéant, la compatibilité du projet avec le schéma de cohérence territoriale (Scot) applicable. Selon l'étude d'impact du projet de loi, entre 2017 et 2022, le taux d'autorisation annuel des demandes d'exploitation commerciale dans les CDAC est élevé, compris entre 84 % et 88 %.

Or, dans un délai d'un mois, cette décision peut faire l'objet d'un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC), ce qui tend à rallonger de six mois une procédure d'autorisation qui en prend déjà quatre. Ainsi, selon l'article L. 752-17 du code de commerce, « le demandeur, le représentant de l'État dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet » peut introduire un tel recours, ce qui est une appréciation particulièrement large de l'intérêt à agir, en particulier dans des secteurs commerçants particulièrement concurrentiels. Selon l'étude d'impact du projet de loi, entre 2017 et 2022, le taux d'autorisation annuel en CNAC a été de plus de 40 %, sachant que certaines de ses décisions ont été déférées devant la juridiction administrative qui, en 2022, s'est prononcée au fond sur 49 avis et en a annulé 10.

1.2. Actuellement, la réouverture de commerces fermés depuis plus de trois ans s'apparente à une extension de l'ensemble commercial, conditionnant cette réouverture à l'obtention d'une nouvelle autorisation

Aujourd'hui, lorsqu'un magasin cesse d'être exploité au sein d'un ensemble commercial, il conserve ses droits, rattachés à son autorisation d'exploitation commerciale (AEC), pour une durée de trois ans. Si ce magasin reste fermé pendant plus de trois ans, alors il perd ses droits et sa réouverture ultérieure s'apparente à une extension de l'ensemble commercial, ce qui peut nécessiter de demander une nouvelle AEC. Or, selon l'étude d'impact du projet de loi, une telle procédure peut s'avérer coûteuse et décourageante, surtout dans le cas où des travaux d'aménagement et de regroupement sont en cours mais finalisés à l'issue de cette période de trois ans.

2. Une double mesure de simplification visant à lutter contre les recours dilatoires faisant obstacle à l'installation de nouveaux commerces et à faciliter les réorganisations au sein des ensembles commerciaux

2.1. Une limitation de l'intérêt à agir afin de mieux lutter contre les recours dilatoires dont l'objectif est de limiter la concurrence au sein d'une même zone de chalandise

Dans un premier temps, l'article 25 vise à modifier les conditions dans lesquelles il est possible d'introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) pour contester un avis de la Commission départementale d'aménagement commercial (CDAC). En effet, il est proposé de limiter l'intérêt à agir dans la mesure où le demandeur, le représentant de l'État, les membres de la CDAC concernée ou tout professionnel devront démontrer qu'ils sont affectés de manière directe et significative par le projet d'aménagement commercial. Si le recours se contente d'indiquer que son activité est affectée par un tel projet, alors il pourra être déclaré irrecevable par la CNAC.

L'objectif du Gouvernement est de lutter contre les recours dilatoires déposés par des enseignes de la grande distribution dès qu'un projet d'aménagement commercial susceptible de concurrencer leur activité est envisagé dans leur zone de chalandise.

Au regard des données transmises à la commission spéciale, la CNAC a par exemple examiné 180 recours en 2022, dont 157 ont été déposés par des enseignes concurrentes. Parmi ces recours, il est estimé qu'environ 15 % sont dilatoires et introduits dans le seul but de ralentir la réalisation d'un projet commercial.

Il est estimé que cette limitation de l'intérêt à agir pourrait permettre de faire diminuer d'environ 10 % le nombre de recours déposés devant la CNAC.

2.2. Une facilitation des déplacements et des regroupements de magasins au sein d'un même ensemble commercial

Dans un second temps, l'article 25 vise à faciliter les réorganisations internes au sein d'un même ensemble commercial, sans augmentation de la surface totale de vente.

D'une part, le critère de « voisinage » est retiré dans le cas de regroupement de magasins vacants ayant conservé leurs droits commerciaux, l'autorisation d'exploitation commerciale (AEC) étant valable pour une durée de trois ans.

D'autre part, il est prévu que les déplacements ou les regroupements de magasins de commerce de détail au sein d'un même ensemble commercial peuvent être dispensés de l'obligation d'obtention d'une AEC, y compris au-delà de la période de trois ans pendant laquelle une telle autorisation est octroyée, à condition :

- que la surface de vente du magasin de détail réouvert n'entraîne pas d'augmentation de la surface de vente ni de modification de l'emprise au sol du bâtiment dans lequel il est situé ;

- que la surface de vente du magasin de commerce de détail réouvert demeure inférieure à 2 500 mètres carrés ou à 1 000 mètres carrés pour les commerces à prédominante alimentaire.

3. La commission spéciale a estimé que les mesures proposées sont bel et bien de nature à simplifier l'ouverture et la réouverture de magasins de commerce de détail

3.1. Sur la limitation de l'intérêt à agir

La commission spéciale a estimé qu'une telle mesure était justifiée et n'était pas de nature à remettre en cause l'exercice du droit de recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC). Elle considère également que la limitation de l'intérêt à agir devrait permettre de faciliter l'implantation de nouveaux commerces et d'augmenter la concurrence au sein d'une même zone de chalandise en luttant plus efficacement contre les recours dilatoires, principalement déposés par de grandes enseignes concurrentes.

Par ailleurs, la commission relève que dans la mesure où cette limitation de l'intérêt à agir devrait se traduire par une baisse du nombre de recours devant la CNAC, dont le secrétariat est assuré par les services du ministère de l'Économie et des Finances, il s'agit également d'une mesure de simplification au bénéfice de l'administration.

3.2. Sur la simplification des réorganisations internes au sein d'un même ensemble commercial

La commission spéciale a également estimé que les mesures proposées sont de nature à faciliter la réouverture de commerces fermés depuis trois ans ainsi que leurs regroupements et déplacements au sein d'un même ensemble commercial. Par ailleurs, les conditions cumulatives fixées pour restreindre le champ d'application du dispositif, en particulier l'interdiction de l'augmentation de la surface de vente totale, sont de nature à être compatibles avec l'objectif de réduction de l'artificialisation des sols puisque ne conduisant pas à l'ouverture ou à l'extension des centres commerciaux existants.

La commission a adopté l'article 25 sans modification.

Article 26
Faciliter les travaux dans certains établissements recevant du public (ERP)

L'article 26 vise à transformer, de façon dérogatoire, le régime d'autorisation préalable de travaux en régime de déclaration préalable pour les établissements recevant du public de moins de 300 m2 qui conservent la même activité et qui sont situés dans des centres commerciaux déjà équipés contre le risque incendie.

1. L'ouverture et la réouverture des commerces sont, par principe, soumise à un régime d'autorisation préalable de travaux dans la mesure où ces derniers sont des établissements recevant du public

En l'état actuel du droit, les commerces situés au sein d'un ensemble commercial étant des établissements recevant du public (ERP), leur ouverture - travaux de création - et leur réouverture - travaux d'aménagement - sont soumises, par principe, à une autorisation préalable de travaux délivrée par l'autorité administrative compétente238(*) qui est soit le préfet, soit le maire. Cette autorisation doit être délivrée dans un délai de quatre mois, le silence de l'administration valant acceptation239(*). Les travaux ne peuvent débuter en l'absence de cette autorisation qui vérifie à la fois que les ERP sont accessibles à tous240(*) et qu'ils sont conformes aux règles de sécurité contre l'incendie241(*).

En complément, il est également prévu que l'ouverture des ERP est conditionnée à l'obtention d'une autorisation préalable attestant de leur conformité aux règles de la sécurité contre l'incendie242(*) même si, sous certaines conditions, des petits ERP « isolés » susceptibles d'accueillir moins de 200 personnes, tels que des boulangeries, des « snack bars » ou des librairies, peuvent être dispensés de l'obtention de cette autorisation.

2. L'évolution de ce régime d'autorisation en régime de déclaration de travaux est envisagée pour les établissements recevant du public de moins de 300 m2 situés dans un centre commercial équipé contre le risque incendie

L'article 26 du projet de loi porte seulement sur la procédure d'autorisation de travaux prévue à l'article L. 122-3 du code de la construction et de l'habitation et vise à la transformer, à titre dérogatoire, en un régime de déclaration de travaux.

Cette dérogation concerne seulement les travaux d'ouverture ou de réouverture des établissements recevant du public (ERP) de moins de 300 m2 conservant la même activité et situés dans un centre commercial disposant déjà d'un système d'extinction adapté aux risques d'incendie. Par exemple, la transformation d'un magasin d'habillement en restaurant n'est pas concernée, mais les travaux de rénovation d'un magasin d'habillement peuvent l'être.

La déclaration de travaux devra être certifiée par un tiers « présentant des garanties de compétence et d'indépendance » et devra être transmise à l'autorité administrative compétente, le maire ou le préfet, avant le début des travaux, sachant que cette autorité peut s'y opposer dans les délais règlementaires prévus.

Les conditions d'application de ce régime dérogatoire de déclaration de travaux seront précisées par un décret en Conseil d'État.

3. La commission spéciale a estimé qu'une telle mesure était proportionnée et de nature à faciliter l'ouverture et la réouverture des commerces au sein des centres commerciaux

La commission spéciale considère qu'une telle mesure est de nature à faciliter les réorganisations internes au sein des centres commerciaux - il y en avait 838 sur le territoire national en 2020 - et à lutter contre la vacance commerciale au sein de ces ensembles commerciaux, en cohérence notamment avec les objectifs poursuivis par l'article 25 du projet de loi.

Au regard des informations transmises à la commission spéciale par les différentes fédérations du commerce et de la distribution, il s'avère que cette mesure est attendue par de nombreux commerçants qui sont parfois obligés de commercer à prendre un bail et à payer un loyer dans l'attente de l'obtention d'une autorisation de travaux, qui peut prendre jusqu'à quatre mois, les bailleurs refusant souvent d'accorder une clause suspensive liée à l'obtention d'une telle autorisation. La réduction des délais administratifs devrait donc avoir un impact direct sur l'exploitation des commerces, même si l'étude d'impact du projet de loi manque de précisions sur ce point, en particulier sur le taux de vacance commerciale au sein des centres commerciaux.

Enfin, le rapporteur relève que les observations du Conseil d'État ont bien été prises en compte par le Gouvernement, notamment pour préciser que sont seulement concernés les centres commerciaux déjà équipés d'un système d'extinction adapté aux risques d'incendie.

La commission a adopté l'article 26 sans modification.

Article 26 bis
Simplification de l'obtention de licences de 4e catégorie dans les communes de moins de 3 500 habitants n'en disposant pas

Cet article additionnel après l'article 26 vise à simplifier l'obtention de licences de 4e catégorie dans les communes de moins de 3 500 habitants n'en disposant pas afin de faciliter l'installation de lieux de convivialité, notamment en milieu rural.

La commission spéciale a adopté sans modification l'amendement du rapporteur portant article additionnel introduit à l'initiative du rapporteur.

Alors que la France comptait 200 000 cafés et bistrots en 1960, il n'en restait plus que 38 800 en 2023, les zones rurales étant particulièrement affectées par ce phénomène de dévitalisation. Face à cette situation, et dans la continuité des annonces de l'Agenda Rural du 20 septembre 2019, une dérogation de trois ans avait été accordée par la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique243(*) pour l'obtention de nouvelles licences de 4e catégorie dans les communes de moins de 3 500 habitants n'en disposant pas.

En effet, par principe, l'ouverture d'un nouvel établissement de 4e catégorie est interdite244(*), sauf si les débits de boissons de toute nature à consommer sur place concernent des manifestations temporaires comme des expositions ou des foires245(*).

Une licence de 4e catégorie permet de vendre des boissons sans alcool (eaux minérales ou gazéifiées, jus de fruits, sirops, limonades, thé, café, chocolat, etc.), des boissons fermentées non distillées (vin, bière, cidre, poiré, hydromel, etc.), des boissons avec un taux d'alcool jusqu'à 18° (vins doux naturels, vins de liqueur, etc.) et supérieur (rhums, tafias, cognac, armagnac, gin, pastis, vodka, whisky, liqueurs, etc.).

Par ailleurs, la dérogation octroyée en 2019 prévoyait également que les nouvelles licences de 4e catégorie ne pouvaient pas être transférées au-delà de l'intercommunalité, alors que par principe un débit de boissons à consommer sur place en exploitation peut être transféré dans le département où il se situe246(*).

Toutefois, alors que la période de trois ans a expiré, cette dérogation n'a pas été renouvelée, alors qu'elle est pourtant de nature à faciliter l'installation de cafés et de bistrots, sources de dynamisme économique et de lien social, en particulier dans les zones rurales.

La reconduction de cette dérogation pour une même période de trois ans est donc l'objet de cet article additionnel introduit en commission spéciale par l'adoption de l'amendement COM-362 du rapporteur Yves Bleunven.

La commission a adopté l'article 26 bis ainsi rédigé.


* 231 Cass. 3e civ., 29 Juin 2023, n° 22-16.034.

* 232 CA Paris, 1er déc. 2021, n° 20/00194 ; CA Rennes, 11 janv. 2022, n° 20/01661.

* 233 Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises

* 234 Cass. 3e civ., 25 févr. 2004, n° 02-16.589 ; Cass. 3e civ., 28 juin 2018, no 17-18.100

* 235  Étude EY - AU GROUP

* 236 Article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986

* 237 Article L. 752-1 du code de commerce.

* 238 Article L. 122-3 du code de la construction et de l'habitation.

* 239 Article R. 122-21 du code de la construction et de l'habitation.

* 240 Article L. 161-1 du code de la construction et de l'habitation.

* 241 Article L. 141-2 du code de la construction et de l'habitation.

* 242 Article L. 122-5 du code de la construction et de l'habitation.

* 243  Article 47 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique.

* 244 Article L. 3332-2 du code de la santé publique.

* 245 Article L. 3334-1 du code de la santé publique.

* 246 Article L. 3332-11 du code de la santé publique.

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