N° 634

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mai 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission spéciale (1) sur le projet de loi de simplification
de la
vie économique (procédure accélérée),

Par Mme Catherine DI FOLCO et M. Yves BLEUNVEN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Rémy Pointereau, président ; MM. Pierre Barros, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thomas Dossus, Mmes Pascale Gruny, Nadège Havet, Audrey Linkenheld, MM. Michel Masset, Serge Mérillou, Olivier Rietmann, vice-présidents ; M. Christian Klinger, Mme Anne-Catherine Loisier, M. Michaël Weber, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Nadine Bellurot, MM. Yves Bleunven, Jean-Luc Brault, Christophe Chaillou, Mmes Catherine Conconne, Nathalie Delattre, Catherine Di Folco, M. Alain Duffourg, Mme Françoise Dumont, MM. Sébastien Fagnen, Fabien Gay, Martin Lévrier, Mme Pauline Martin, M. Stéphane Piednoir, Mme Raymonde Poncet Monge, MM. André Reichardt, Hervé Reynaud, Mme Anne-Sophie Romagny, MM. David Ros, Stéphane Sautarel, Laurent Somon, Mme Dominique Vérien.

Voir les numéros :

Sénat :

550 et 635 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Réunie le 28 mai 2024, sous la présidence de Rémy Pointereau, la commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi de simplification de la vie économique a procédé à l'examen du texte qui lui est soumis.

Face à un projet de loi protéiforme, dont le contenu réel entretient un lien ténu avec les annonces et promesses pourtant mises en avant par le Gouvernement, la commission spéciale a regretté le manque d'ambition d'un projet pourtant attendu par nos entreprises.

Dans un esprit de responsabilité, la commission a néanmoins souhaité faire oeuvre utile, au service de nos entreprises, d'une part, en adoptant les mesures du texte n'étant pas dépourvues d'intérêt et, d'autre part, en prolongeant celles de ses dispositions lui paraissant excessivement timides.

La commission a toutefois supprimé plusieurs dispositions du projet de loi, soit que les effets bénéfiques pour les entreprises en sont incertains, soit qu'elles emportent une attrition du rôle du Parlement.

Au terme de ses travaux, elle a, sur la proposition de ses rapporteurs Yves Bleunven et Catherine Di Folco, adopté un texte largement remanié par 90 amendements, proposant des mesures de simplification effectives au bénéfice de nos entreprises.

I. UN PROJET DE LOI DÉCEVANT, UNE PROMESSE QUE LE SÉNAT VEUT CONCRÉTISER

Le projet de loi de simplification de la vie économique est présenté comme une des deux réformes structurelles soutenant le programme de stabilité et de croissance présenté par la France à l'Union européenne.

Il puise à plusieurs sources. La première est le rapport du 15 juin 2023 de la délégation aux entreprises du Sénat, La sobriété normative pour renforcer la compétitivité des entreprises, qui a notamment fourni les éléments d'analyse chiffrés sur les coûts des normes sur l'économie (3 % du PIB).

Il s'appuie également sur le rapport Rendre des heures aux Français : 14 mesures pour simplifier la vie des entreprises, présenté, à la demande du ministre, par cinq parlementaires, quatre députés et la sénatrice Nadège Havet.

Il se fonde enfin sur les résultats de la « consultation citoyenne » amorcée lors des Rencontres de la simplification du 15 novembre 2023 organisées par Bruno Le Maire et Olivia Grégoire, qui ont abouti aux 52 mesures du plan d'action de simplification.

Se présentant comme articulant des mesures générales de simplification et des mesures sectorielles, le projet de loi est constitué en réalité d'une série d'annonces et de mesures de portées diverses dont plusieurs ont peu de lien avec l'objectif affiché d'alléger le poids des contraintes administratives sur les entreprises pour libérer la croissance.

Cet écart entre les annonces et les réalités se manifeste notamment par la distance entre les titres ambitieux des différents chapitres du projet de loi et le caractère très circonscrit voire purement technique des mesures qui s'y trouvent. Le chapitre III se présente ainsi comme permettant de « Simplifier et accélérer les procédures judiciaires » mais ne modifie en réalité que des dispositions encadrant l'exercice de certaines fonctions pour les magistrats de l'ordre administratif.

Contrairement aux annonces du Gouvernement, ce projet de loi n'a en aucun cas la même envergure que la loi PACTE de 2019 et concerne autant la simplification de la vie administrative que celle des entreprises ce qui a conduit le Conseil d'État à proposer d'en modifier l'intitulé.

Obligée d'examiner le texte dans des délais particulièrement contraints, la commission spéciale a, malgré les limites du texte qui lui est soumis, décidé de s'engager dans la démarche de simplification proposée pour répondre aux attentes fortes exprimées par les entreprises.

Elle a notamment décidé de prendre le Gouvernement au mot et d'agir pour la simplification en s'inscrivant dans le temps long avec la perspective d'un projet de loi annuel. Cette démarche correspond en effet à la nécessité de traiter le stock de normes existantes pour supprimer celles qui pèsent inutilement sur les entreprises et en limitent la croissance. Mais cet engagement a pour contrepartie des exigences de méthode. La première est de bien distinguer entre la norme qui protège et celle qui entrave et ne supprimer que cette dernière. La deuxième est de ne pas adopter de mesures dont le coût, y compris le coût de transition, n'ait pas fait l'objet de concertation avec les acteurs et d'études de faisabilité. Souvent en effet, le statu quo, même imparfait, est préférable à l'instabilité des normes, comme il a été rappelé avec force par les représentants des entreprises du bâtiment lors de leur audition, s'agissant des décisions successives du Gouvernement au sujet du dispositif « MaPrimeRénov ». La dernière exigence est celle du respect des droits du Parlement. La simplification est une responsabilité partagée, car la complexification, si elle résulte parfois des lois et des amendements, est tout autant le fait du pouvoir réglementaire et de l'administration. Il ne peut être question de simplifier en écartant le Parlement, que ce soit en le dessaisissant de ses fonctions de législateur ou de sa capacité de contrôle. Comme le démontre l'examen de ce projet de loi, seul le Parlement est à même de garantir que le point de vue de tous les acteurs sera pris en compte et que l'évolution des normes tiendra compte des réalités de terrain, au-delà des effets d'annonce.

Le respect du Parlement passe aussi par le fait de ne pas revenir sur des compromis de CMP récents. L'exemple du bilan carbone appliqué aux appels d'offres en matière d'énergies renouvelables en 2019, avec l'appui du Gouvernement, et pour lequel une suppression est aujourd'hui proposée, laisse songeur.

Poursuivant les travaux engagés par la Délégation aux entreprises, déjà traduits au Sénat au travers de la proposition de loi visant à rendre obligatoires les « tests PME » d'Olivier Rietmann, le Sénat a également souhaité, en accord avec le Gouvernement, s'engager dans une évaluation des normes applicables aux entreprises avant leur mise en oeuvre. Ce dispositif qui trouve ses parallèles tant en Allemagne qu'au Royaume-Uni ouvre la voie à une gestion du flux de normes qui soit réellement en phase avec les besoins des entreprises. Son application dans les années à venir est l'une des promesses les plus importantes de ce texte et fait l'objet d'un large consensus.

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