CHAPITRE II
RENFORCER LA TRANSPARENCE DANS LE RECOURS AUX PRESTATIONS DE CONSEIL

Article 2
Création de trois règles permettant de mieux identifier l'action des prestataires et des consultants dans leurs rapports avec l'administration bénéficiaire et avec les tiers

L'article 2 crée de nouvelles règles afin, d'une part, de mieux identifier les consultants dans leurs relations avec l'administration et avec des tiers et, d'autre part, de mettre en évidence leurs apports dans les documents qu'ils produisent pour l'administration.

L'utilisation des marques distinctives de l'administration, telles que les logos, serait réservée uniquement aux documents produits par l'administration, éventuellement avec la participation de consultants. Dans ce cas, les documents produits conjointement comporteraient une mention de la participation des consultants ainsi que le cadre contractuel dans lequel s'inscrit la prestation de conseil. En outre, les consultants seraient tenus de décliner leur identité dans leurs échanges avec l'administration ou des tiers, afin d'éviter toute confusion quant à leur qualité de consultant vis-à-vis des agents publics.

En première lecture, le Sénat a approuvé ces mesures, qu'il a renforcées notamment en interdisant l'attribution d'une adresse électronique comportant le nom de domaine de l'administration aux consultants. Tout en maintenant les règles de transparence instaurées par le Sénat, l'Assemblée nationale a adopté cet article en prévoyant deux exceptions à ces mesures.

La commission a adopté cet article, modifié par un amendement présenté par sa rapporteure qui rétablit l'obligation de mentionner la participation d'un cabinet de conseil à la rédaction d'un document à destination du public.

1. Des règles encore insuffisantes pour assurer la traçabilité des interventions des cabinets de conseil lors de leurs prestations

a) Le constat initial d'une certaine opacité quant aux apports et à l'identification des consultants

La commission d'enquête a identifié des pratiques entraînant un risque de confusion entre le rôle des consultants et celui de l'administration bénéficiaire.

Ces pratiques concernent notamment :

- l'utilisation du sceau ou du logo de l'administration sur les livrables ou documents divers fournis par le cabinet de conseil ;

- l'absence de précision quant à la qualité de consultant dans les échanges avec des tiers ou des agents de l'administration, les consultants pouvant alors être assimilés à des agents publics ;

- ou encore l'omission, dans les livrables issus d'un travail collectif entre des agents publics et des consultants, de la participation de ces derniers au travail effectué.

La commission d'enquête estime qu'il résulte de ces pratiques une absence de visibilité quant aux réels apports des consultants au travail de l'administration, qui nuit aussi bien à la transparence de l'utilisation des deniers publics qu'à la possibilité, pour l'administration, d'évaluer convenablement la prestation des consultants.

C'est pourquoi elle a préconisé de mettre en place un corpus de règles permettant de mieux identifier l'action des consultants lorsque ceux-ci travaillent pour des administrations publiques.

Proposition n° 2 de la commission d'enquête

Assurer la traçabilité des prestations des cabinets de conseil en :

- exigeant que chaque livrable précise le rôle qu'ont joué les cabinets dans sa conception ;

- interdisant aux cabinets de conseil d'utiliser le sceau ou le logo de l'administration.

Cette traçabilité devra demeurer en cas de publication de tout ou partie des livrables des cabinets.

b) Des règles inexistantes ou à la normativité limitée

En réaction aux travaux et aux recommandations de la commission d'enquête sénatoriale, de premières règles, de nature infra-législative, ont été récemment édictées afin de mettre un terme aux pratiques précitées.

En premier lieu, la circulaire n° 6329/SG du Premier ministre du 19 janvier 2022 encadrant le recours par les administrations et les établissements publics de l'État aux prestations intellectuelles dispose qu'il « est primordial qu'aucun doute ne soit entretenu concernant [la] qualité de prestataire, tant en interne que vis-à-vis des tiers » afin d'éviter toute « confusion ». Pour atteindre cet objectif, la seule recommandation pratique consiste cependant à ne pas affecter une adresse électronique aux consultants, dont la signature doit mentionner explicitement leur qualité de prestataire et l'administration qui les a mandatés pour la mission qu'ils conduisent.

En second lieu, l'accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) relatif aux prestations de conseil en stratégie, en cadrage et conduite de projets et en efficacité opérationnelle, publié en juillet 2022, prévoit dans son cahier des clauses administratives particulières (CCAP) des dispositions censées assurer une plus grande transparence dans les modes d'intervention des consultants, directement inspirées des recommandations de la commission d'enquête48(*) :

- l'article 9.2.2 impose aux consultants « d'indiquer leur identité ainsi que le nom de l'entreprise qui les emploie dans leurs contacts avec l'administration bénéficiaire et les tiers avec qui ils échangent pour les besoins de leurs prestations » ;

- les consultants ont « interdiction d'utiliser les sceaux, timbres, cachets et marques de l'administration » et « la charte graphique de l'administration est réservée uniquement aux productions rédigées par l'administration » (article 9.3.4) ;

- enfin, les livrables ou documents rédigés avec la participation directe ou indirecte du consultant doivent « mentionne[r] cette information, précise[r] la prestation de conseil réalisée et le cadre contractuel dans lequel s'inscrit ladite prestation » (article 9.3.4).

La sanction prévue en cas de non-respect des deux dernières règles est une pénalité de 500 € par élément utilisé à tort (article 17.9). Aucune sanction particulière n'est prévue en cas de manquement à la première règle.

Ces règles, pour nécessaires qu'elles soient, ne sont cependant pas systématiques, en l'absence de cadre légal qui les imposerait à tous les contrats publics de prestations de conseil.

Ainsi, le dernier accord-cadre de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP), rédigé avant le début des travaux de la commission d'enquête, ne prévoit aucune règle de nature à identifier convenablement les apports et l'identité des consultants, alors que l'UGAP représenterait près de 30 % des prestations de conseil les plus stratégiques de l'État, selon les estimations de la commission d'enquête, soit davantage que la DITP (23 %).

2. Prévenir la pratique consistant à « rester en coulisse » par l'inscription dans la loi de règles limitant les risques de confusion entre l'administration et les consultants qu'elle sollicite

a) Le texte initial

L'article 2 de la proposition de loi tend à systématiser trois règles encadrant les interventions des consultants dans la sphère publique via leur inscription dans la loi, afin d'assurer la traçabilité de ces interventions.

Le I prévoit l'obligation pour les consultants d'indiquer leur identité et celle de leur employeur au cours de leurs échanges avec l'administration ou des tiers. Le II interdirait aux consultants d'utiliser les marques distinctives de l'administration bénéficiaire de la prestation de conseil. Enfin, le III prévoit la mention, dans tous les documents livrés, du rôle tenu par le consultant dans les travaux de rédaction, même lorsque la participation de ce dernier est indirecte.

L'adoption de ces règles rendrait illégale la pratique consistant à « rester en coulisse ». Dans un objectif de transparence, elle rendrait donc caduques les préventions des cabinets de conseil ou des administrations souhaitant que « les travaux et livrables fournis [par le cabinet] et divulgués à l'extérieur du [ministère] ne [mentionnent pas] l'intervention et le nom [du cabinet], sauf obligation légale »49(*).

La rédaction initiale du IV de l'article 2 de la proposition de loi, apparentait cette pratique à un manquement pouvant être sanctionné par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), laquelle aurait pu infliger une amende administrative, voire exclure le contrevenant des procédures de passation des marchés publics pour une durée maximale de trois ans.

b) Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

En première lecture, la commission a approuvé le principe d'un encadrement des modalités d'intervention des cabinets de conseil auprès des administrations publiques et leur inscription dans un cadre légal qui harmoniserait les pratiques dans le sens d'une exigence de transparence qui lui est apparu nécessaire.

Elle a adopté un amendement COM-7 de sa rapporteure, renforçant et précisant ces mesures. Outre plusieurs clarifications rédactionnelles et une coordination avec l'article 13 de la proposition de loi, cet amendement interdit l'attribution d'une adresse électronique comportant le nom de domaine de l'administration aux consultants et prévoit, toujours dans un souci de transparence, que c'est à l'administration de mentionner sur les livrables rédigés conjointement avec des consultants les informations relatives à l'intervention de ces derniers et au cadre contractuel dans lequel ils ont participé aux travaux de rédaction. Enfin, le même amendement a assoupli l'interdiction d'utilisation des signes distinctifs de l'administration par le cabinet de conseil, en limitant cette interdiction aux relations de ces derniers avec l'administration ou des tiers et aux documents qu'ils produisent pour le compte de l'administration bénéficiaire. Cette précision permettra aux cabinets de conseil de diffuser, sur leur site internet, la liste des administrations pour lesquelles ils ont travaillé en les identifiant notamment par leur logo, pratique favorable à l'objectif de transparence que promeut la proposition de loi.

En séance publique, le Sénat a adopté l'article 2 dans sa rédaction issue du texte de la commission.

c) Les modifications apportées par l'Assemblée nationale en première lecture

Sans revenir sur les nouvelles règles de transparence instaurées par le Sénat, la commission des lois de l''Assemblée nationale a cependant prévu, à l'initiative de ses rapporteurs, deux exceptions à leur application.

En premier lieu, elle a prévu une exception au principe d'interdiction d'octroi d'une adresse électronique comportant le nom de domaine de l'administration au consultant lorsqu'il s'agit de conseil informatique et que l'attribution d'une telle adresse électronique est justifiée pour assurer la sécurité des systèmes d'information et la protection des données de l'administration bénéficiaire.

En second lieu, elle a prévu que la mention explicite de la participation du prestataire de conseil sur les documents produits et les restrictions sur l'utilisation des signes distinctifs de l'administration par le prestataire ne s'appliqueraient pas aux documents destinés à l'information du public produits dans le cadre du conseil en communication, c'est-à-dire les campagnes de communication ou de publicité pour le compte d'une administration. Ces restrictions ont été justifiées par la crainte que les obligations issues de l'article 2 « empêcherai[en]t en pratique la réalisation de toute campagne de communication par une agence de communication pour une administration bénéficiaire »50(*).

En séance publique, l'article 2 a été adopté dans sa rédaction issue de la commission des lois.

3. Maintenir une exigence élevée en matière d'information du public

La commission a jugé que les préoccupations de l'Assemblée nationale n'étaient pas infondées.

Toutefois, si l'interdiction d'utilisation des signes distinctifs de l'administration peut en effet présenter une difficulté, rien ne justifie que le public ne soit pas informé de la participation d'un cabinet de conseil à la rédaction d'un document de communication.

C'est pourquoi la commission a adopté un amendement COM-5, présenté par sa rapporteure, qui maintient l'exception insérée par l'Assemblée nationale en ce qui concerne l'utilisation des signes distinctifs de l'administration, mais rend à nouveau pleinement applicable l'obligation de préciser la participation d'un prestataire de conseil sur les documents qu'il a produits pour le compte d'une administration.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3
Rapport biannuel recensant les prestations de conseil réalisées au bénéfice des administrations publiques au cours des cinq dernières années

L'article 3 visait à créer un nouveau document budgétaire, annexé à chaque loi de finances, appelé « jaune budgétaire », recensant les prestations de conseil effectuées pour le compte des administrations bénéficiaires afin de disposer, sur un document unique, à la fois d'informations agrégées sur le recours aux prestations de conseil et d'une liste détaillée de chaque prestation.

La création de jaunes budgétaires appartenant, conformément à la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), au domaine exclusif des lois de finances, en première lecture le Sénat a transformé ce jaune budgétaire en demande de rapport annuel.

Depuis lors, un véritable jaune budgétaire consacré aux prestations de conseil a été créé par l'article 164 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023. Bien qu'inspiré de l'article 3 de la présente proposition de loi, son périmètre est cependant plus restreint et il comporte des informations moins détaillées.

Tout en soulignant ces limites, l'Assemblée nationale a fusionné en un document unique devant être transmis tous les deux ans au Parlement les deux rapports initialement demandés au présent article 3 et à l'article 8, relatif à la cartographie des ressources humaines de l'administration, tout en supprimant plus de la moitié des informations qu'ils devaient contenir.

Constatant, d'une part, que le jaune budgétaire est en-deçà des exigences du Sénat en matière de transparence et, d'autre part, qu'il ne contient pas toutes les informations demandées par la loi de finances pour 2023, la commission a rétabli, sous réserve de quelques modifications tenant compte de certains apports de l'Assemblée nationale, l'article 3 dans sa rédaction issue de la première lecture au Sénat.

1. Afin de pallier l'absence de données agrégées et d'appréhender l'étendue du recours aux prestations de conseil par les administrations, l'article 3 tendait à créer un document budgétaire annuel dédié au recours à ces prestations

a) Un manque de transparence, identifié par la commission d'enquête, résultant de l'absence d'un suivi structuré du recours aux prestations de conseil

Alors que le recours aux prestations de conseil par les administrations publiques aurait atteint, selon les estimations « minimales » de la commission d'enquête, près de 900 millions d'euros en 2021, il ressort des travaux de cette dernière qu'il n'existait pas, jusqu'à récemment, de données agrégées et exhaustives permettant d'apprécier et d'évaluer les montants ainsi que le nombre de prestations de conseil auxquelles l'État et ses établissements publics ont eu recours.

Cette méconnaissance généralisée des montants concernés résultait principalement d'un manque de coordination au sein des administrations de l'État, aucune administration, y compris le ministère de l'économie et des finances, chargé de la rédaction des documents budgétaires, n'ayant été missionnée jusqu'à alors pour assurer un suivi quantitatif minimal de ces prestations. Même à l'échelle des ministères, l'agrégation des données était fortement hétérogène, illustrant l'absence d'un suivi fiable, systématique et harmonisé.

Si ces informations n'étaient disponibles ni pour les parlementaires, ni pour les citoyens, ce qui soulevait un problème de transparence de l'utilisation des deniers publics, l'État lui-même ne semblait pas en mesure de chiffrer son recours aux prestations de conseil, ce qui interrogeait sur l'efficacité et la maîtrise de la dépense publique.

En conséquence, la commission d'enquête a préconisé, « pour plus de transparence », de « publier la liste des prestations de conseil de l'État et de ses opérateurs dans un document budgétaire, annexé au projet de loi de finances, [précisant] l'objet de la prestation, son montant, le cabinet de conseil sélectionné et ses éventuels sous-traitants »51(*).

b) Le Sénat a souhaité la création d'un document budgétaire dont le périmètre diffère du premier rapport publié par le Gouvernement en octobre 2022

(1) De premières avancées en réaction aux recommandations de la commission d'enquête

Corroborant le constat de la dispersion et donc de la difficulté d'appréhender les données relatives aux prestations de conseil dressé par la commission d'enquête, le Gouvernement a pris de premières dispositions en 2022 afin de rationaliser le recueil et la publicité de ces informations.

La circulaire du Premier ministre du 19 janvier 202252(*) a ainsi cherché à initier « une nouvelle politique de recours aux prestations intellectuelles », passant notamment par la mise en place d'un « dispositif de pilotage » au sein de chaque ministère sous la responsabilité de son secrétaire général. À l'échelle agrégée de l'État, il a été demandé à la direction du budget du ministère de l'économie et des finances d'assurer, dès l'exercice 2022, « un suivi des dépenses de prestations intellectuelles à travers le réseau des contrôleurs budgétaires et comptables ministériels ».

En outre, le 10 octobre 2022, soit deux jours avant l'examen de la proposition de loi par la commission en première lecture, le Gouvernement a publié un rapport annexé à la loi de finances pour 2023 relatif au « recours aux conseils extérieurs ». Ce rapport reprenait l'esthétique, l'intitulé et les modalités de présentation des annexes générales au projet de loi de finances, appelés « jaunes budgétaires », sans pour autant disposer de leur base légale, seule une loi de finances pouvant créer une annexe générale au projet de loi de finances. Outre la présentation de la stratégie de l'État quant à son recours aux prestations de conseil, ce rapport a, pour la première fois au nom de l'État, agrégé des données pour l'année 2021 et les six premiers mois de l'année 202253(*), présentées à l'échelle de l'État et par ministère.  

Contrairement aux estimations de la commission d'enquête, ces données excluent cependant les prestations de conseil en informatique. En outre, ont été exclues du rapport les dépenses de conseil engagées par les établissements publics nationaux. Enfin, ce rapport ne contient pas de liste détaillée des prestations de conseil effectuées pour le compte des administrations publiques.

b) Des ambitions plus élevées en matière de transparence fixées par le Sénat

Transposant les recommandations de la commission d'enquête, l'article 3, dans sa version initiale, prévoyait la création d'un document budgétaire annexé à la loi de finances, appelé « jaune budgétaire », dédié au recours aux prestations de conseil par l'État et ses opérateurs.

Il permettrait de disposer, sur un document public unique, d'informations agrégées et d'une liste détaillée des prestations de conseil effectuées au cours des cinq dernières années pour le compte des administrations entrant dans le périmètre de la proposition de loi. Outre le souci de transparence, l'objectif ainsi affiché d'une telle mesure était également, en raison du caractère régulier et systématique de la discussion des lois de finances, de pérenniser et d'affiner le suivi des dépenses de conseil initié par la circulaire du Premier ministre du 22 janvier 2022 précitée.

Chaque prestation listée au sein du jaune budgétaire aurait dû être accompagnée d'une une série d'informations détaillées telles que la date de notification et d'exécution de la prestation, l'administration bénéficiaire, l'objet résumé de la prestation, son montant, le nom du prestataire, ou encore la référence de l'accord-cadre auquel se rattache la prestation. Étaient également demandés le nom et le numéro de système d'identification du répertoire des établissements (SIRET) du prestataire et de ses éventuels sous-traitants, le groupe de marchandise auquel se rattache la prestation au sens de la nomenclature des achats de l'État, l'intitulé et le numéro d'identification du marché, l'intitulé et le numéro du lot et, lorsque la prestation se rattache à un accord-cadre, le numéro du bon de commande ou du marché subséquent.

Une réserve à la publication de ces informations était prévue lorsque la prestation de conseil était en lien avec « le secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l'État, de la sécurité publique et de la sécurité des personnes ou des systèmes d'information ».

En première lecture, la commission a approuvé la création de ce document budgétaire, y voyant un outil qui participerait aussi bien à la transparence du recours aux prestations de conseil qu'à l'émergence d'un suivi plus structuré de ces prestations par l'État.

Prenant cependant acte de la compétence exclusive des lois de finances pour créer des annexes à celles-ci54(*), la commission a transformé, par l'adoption de l'amendement COM-8 présenté par sa rapporteure, ce jaune budgétaire en demande de rapport annuel, tout en souhaitant que la discussion du projet de loi de finances pour 2023, alors imminente, soit l'occasion de créer un véritable jaune budgétaire.

En séance publique, le Sénat a adopté l'article 3 dans sa rédaction issue du texte de la commission.

2. Malgré la création d'un véritable jaune budgétaire lors de la loi de finances pour 2023, l'effort de transparence reste inférieur aux souhaits du Sénat

a) Un jaune budgétaire « plus limité » que le rapport prévu à l'article 3 de la proposition de loi

Le voeu de la commission a été rapidement exhaussé, puisque le Gouvernement a inséré, lors de l'examen de la loi de finances pour 2023, un amendement55(*) modifiant l'article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre2019 de finances pour 2020 et portant création d'un jaune budgétaire inspiré du document budgétaire sans base légale publié en octobre 2022.

Le document budgétaire sur les conseils extérieurs prévu au 32° du I de l'article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, modifié par l'article 164 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023

32° Un rapport relatif au recours par l'État aux prestations de conseil réalisées par des personnes morales de droit privé ou par des personnes physiques exerçant à titre individuel, sous réserve du secret de la défense nationale, de la conduite de la politique extérieure de la France, de la sûreté de l'État, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de la sécurité des systèmes d'information et du secret des affaires et à l'exclusion des marchés entrant dans le champ d'application de l'article L. 1113-1 du code de la commande publique et de ceux que le ministre concerné estime nécessaire de ne pas diffuser dans le cadre de la protection du patrimoine scientifique et technique de la Nation.

Ce rapport présente, pour les deux exercices précédents :

a) La stratégie poursuivie en matière de recours au conseil extérieur ;

b) Les transferts de compétences réalisés au bénéfice de l'administration ainsi que les mesures mises en oeuvre pour développer et valoriser les compétences de conseil en interne ;

c) Le montant par ministère, par mission et par programme des autorisations d'engagement et des crédits de paiement consacré aux dépenses de conseil extérieur et la part de ces dépenses dans le total des crédits alloués au ministère, à la mission et au programme ;

d) La liste des prestations de conseil réalisées à titre onéreux ou relevant du champ d'application de l'article 238 bis du code général des impôts.

Pour chacune de ces prestations, la liste indique l'objet résumé de la prestation, son montant, sa date de notification, sa période d'exécution, l'organisme bénéficiaire au sein du ministère et le prestataire.

Les établissements publics dont les dépenses de fonctionnement constatées dans le compte financier au titre de l'avant-dernier exercice clos sont supérieures à 60 millions d'euros publient annuellement les mêmes éléments que ceux définis aux sept premiers alinéas du présent 32°.

Ces informations sont publiées dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

Selon les mots des rapporteurs de l'Assemblée nationale sur la présente proposition de loi, « si la création de cette annexe budgétaire correspond, dans l'esprit, à la demande de la commission d'enquête, son contenu diffère néanmoins des prescriptions de la proposition de loi, et le champ du jaune budgétaire créé par l'amendement du Gouvernement est, de manière générale, bien plus limité que le rapport prévu par le présent article »56(*).

Le caractère « limité » du jaune budgétaire résulte des considérations suivantes :

- Le périmètre des prestations concernées par le jaune budgétaire est plus restreint, dans la mesure où il n'inclut pas les dépenses en conseil informatique ;

- Le jaune budgétaire ne retrace que les dépenses en prestations de conseil des ministères, les établissements publics dont les dépenses annuelles de fonctionnement excèdent 60 millions d'euros devant publier leur propre rapport sur leur recours à des prestations de conseil ;

- Le jaune budgétaire ne liste les prestations de conseil et les montants afférents que sur les deux dernières années, contre cinq années dans le rapport prévu à l'article 3 de la proposition de loi ;

- L'article 179 précité prévoit une réserve à la publication au sein du jaune budgétaire des informations qui apparaîtraient couvertes par le secret des affaires, une réserve non prévue par l'article 3 de la proposition de loi ;

- Enfin, les informations exigées pour chaque prestation sont moins détaillées, puisqu'il n'est plus demandé ni les numéros de marchés ou de bons de commande, ni le SIRET du prestataire, ni le groupe de marchandise auquel se rattache la prestation au sens de la nomenclature des achats de l'État.

Conformément au dernier alinéa de l'article 179 de la loi de finances pour 2020, toutes ces informations doivent être « publiées dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé », ce qui rejoint une préconisation de la commission d'enquête ayant été retranscrite à l'article 4 de la proposition de loi.

Les a et b de l'article 179 précité, qui prévoient la présentation de la stratégie poursuivie par l'État en matière de recours au conseil extérieur et les transferts de compétences réalisés au bénéfice de l'administration ainsi que les mesures mises en oeuvre pour développer et valoriser les compétences de conseil en interne, correspondent quant à eux à des informations demandées au sein du rapport initialement prévu à l'article 8 de la proposition de loi (voir le commentaire de l'article 8).

En vertu du même article 179, un jaune budgétaire relatif aux prestations de conseil, cette fois-ci avec une base légale conforme à la LOLF, a été annexé à la loi de finances pour 2024 et publié en octobre 2023. Il reprend une trame similaire à celle du premier rapport publié en 2022. Si le premier rapport ne répondait à aucune obligation légale et était donc libre de son périmètre, en revanche, ce second rapport n'applique que partiellement les exigences fixées à l'article 179 de la loi de finances pour 2020, comme l'ont relevé les rapporteurs de l'Assemblée nationale57(*). En premier lieu, il ne contient pas la liste exhaustive des prestations auxquelles ont recouru les ministères, contrairement au d du même article 179. Le jaune budgétaire se contente en effet de ne publier qu'une liste très partielle, par ministère, « de prestations réalisées auprès des cinq principaux fournisseurs ». En second lieu, la publication des données du jaune budgétaire en format ouvert n'a pas été réalisée.

b) Un rapport appauvri par l'Assemblée nationale

Malgré l'appréciation plutôt négative portée par les rapporteurs de l'Assemblée nationale sur le jaune budgétaire publié en octobre 2023, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements ayant réduit l'étendue des informations devant être contenues par les rapports prévus aux articles 3 et 8 de la proposition de loi.

En commission des lois, les députés ont adopté trois amendements58(*) présentés par les rapporteurs, dont le principal a ajouté le secret des affaires parmi les réserves à la publication des informations relatives aux prestations de conseil.

Lors de la séance publique, les députés ont adopté un amendement présenté par le Gouvernement, sous-amendé par Cécile Untermaier et Timothée Houssin59(*).

Cet amendement visait initialement, bien que cela ait été présenté différemment, à supprimer le rapport prévu à l'article 3, au motif les informations relatives aux prestations de conseil sont déjà contenues dans le jaune budgétaire précité, et à y insérer à la place des informations rejoignant celles prévues au sein du rapport mentionné à l'article 8 de la proposition de loi, à savoir « le bilan des moyens de l'Agence de conseil interne de l'État », « la cartographie des ressources humaines dont chaque ministère dispose en matière de conseil, en interne » et « les mesures mises en oeuvre pour valoriser ces ressources humaines et développer les compétences en matière de conseil en interne au sein de la fonction publique de l'État ». L'objectif était ainsi, selon la ministre chargée des relations avec le Parlement, Marie Lebec, de « centrer le rapport que [l'article 3] prévoit sur la réinternalisation des compétences » et « d'éviter de dédoubler les documents que le Gouvernement remet au Parlement »60(*).

Plutôt qu'une échéance annuelle, le même amendement du Gouvernement visait à ne transmettre ce rapport au Parlement qu'à un rythme trisannuel, la première remise du rapport devant avoir lieu dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi.

Par l'adoption des sous-amendements présentés par Cécile Untermaier et Timothée Houssin, l'Assemblée nationale a, d'une part, prévu un rythme de publication biannuel plutôt que trisannuel et, d'autre part, rétabli une partie des informations demandées par le Sénat, sans toutefois atteindre le même degré d'exhaustivité. Seuls sont désormais demandés la date de notification de la prestation et sa période d'exécution, le ministère ou l'organisme bénéficiaire, l'objet résumé de la prestation ainsi que son montant.

3. Le maintien d'un niveau élevé de transparence face à un jaune budgétaire lacunaire

La commission a estimé que le jaune budgétaire dédié aux prestations de conseil annexé chaque année au projet de loi de finances depuis 2022, est non seulement très en-deçà du niveau de transparence demandé par le Sénat en première lecture, mais, plus problématique encore, apparaît lacunaire par rapport aux exigences légalement fixées au 32° de l'article 179 de la loi du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, comme l'ont d'ailleurs relevé les rapporteurs de l'Assemblée nationale (voir supra). 

Outre que le jaune budgétaire publié en 2023 ne contient pas la liste exhaustive des prestations auxquelles ont recouru les ministères, contrairement à ce que prévoit le d du 32° du même article 179, et que la publication des données du jaune budgétaire en format ouvert n'a pas été réalisée, contrairement au dernier alinéa dudit 32°, il appert également que les établissements publics dont les dépenses de fonctionnement dépassent le seuil annuel de 60 millions d'euros n'ont pas, non plus, appliqué l'avant-dernier alinéa du même 32°, qui leur impose de publier la liste et le montant des prestations de conseil auxquelles ils ont recouru.

En conséquence, par l'adoption de l'amendement COM-6 présenté par sa rapporteure, la commission a rétabli le texte du Sénat, tout en maintenant la fusion des rapports initialement prévus aux articles 3 et 8 de la proposition de loi à laquelle a procédé l'Assemblée nationale. L'amendement COM-6 réinstaure en outre la publication en format ouvert des données relatives au recours aux prestations de conseil, initialement prévue à l'article 4, lequel a été supprimé par l'Assemblée nationale. Enfin, il supprime la mention de l'Agence de conseil interne, une entité certes utile mais qu'il n'apparaît pas nécessaire de consacrer au niveau législatif.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.

Article 3 bis (Non modifié)
Complément au rapport annuel de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et des consignations portant sur le recours aux prestations de conseil

Alors que l'Assemblée nationale a exclu, à l'article 1er, la Caisse des dépôts et des consignations (CDC) du périmètre de la loi, le présent article 3 bis, inséré par l'Assemblée nationale, complète le rapport annuel de la commission de surveillance sur la direction morale et sur la situation matérielle de la CDC, en prévoyant qu'il fasse état de son recours aux prestations de conseil.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. L'Assemblée nationale a exclu la Caisse des dépôts et des consignations du périmètre de la loi

a) Chargée de « missions d'intérêt général », la CDC a été incluse dans le périmètre de la loi par le Sénat

Conformément à l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, la Caisse des dépôts et des consignations (CDC) est un « établissement spécial ». À ce titre, et comme le soulignait Jean-Pierre Sueur dans son amendement n° 27 rect. adopté en première lecture au Sénat, elle n'a ni le statut d'établissement public de l'État, ni d'autorité administrative ou publique indépendante. C'est pourquoi le Sénat l'a incluse, avec un avis de sagesse du Gouvernement, dans le périmètre de la loi, en la mentionnant à l'article 1er.

Il a en effet semblé opportun au Sénat de l'intégrer dans le périmètre de la loi, au regard « des missions d'intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l'État et les collectivités territoriales » que lui attribue le même article L. 518-2. La CDC est en outre chargée « de la protection de l'épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d'organismes de retraite » et « d'administrer les dépôts et les consignations, d'assurer les services relatifs aux caisses ou aux fonds dont la gestion lui a été confiée »61(*). Le code monétaire et financier dispose également qu'elle « contribue au développement économique local et national »62(*).

Pour l'exercice de ces missions, la CDC recourt fréquemment à des prestations de conseil, notamment pour l'accompagnement de ses projets d'investissement. Interrogée par la rapporteure dans le cadre de la deuxième lecture, elle lui a indiqué avoir recouru à des prestations externes à hauteur de 655 millions d'euros sur la période 2010 - 2021.

b) Au motif que la CDC est déjà soumise à un contrôle parlementaire, l'Assemblée nationale l'a exclue du périmètre de la loi

Lors de l'examen du texte en première lecture à l'Assemblée nationale, les rapporteurs, Bruno Millienne et Nicolas Sansu ont cependant « considéré qu'il était préférable d'exclure la CDC du champ du texte prévu à l'article 1er »63(*).

Les rapporteurs, qui ont été suivis en ce sens par la commission des lois64(*), ont estimé que « les obligations de transparence prévues par la proposition de loi, qui impliquent principalement la publication d'informations budgétaires dans le cadre d'un rapport établi par le Gouvernement, s'articuleraient mal avec les spécificités de cet établissement public »65(*).

La CDC est en effet placée « de la manière la plus spéciale, sous la surveillance et la garantie de l'autorité législative »66(*). Ce contrôle prend notamment la forme d'une commission de surveillance, à laquelle appartiennent trois députés et deux sénateurs et dont le président est choisi parmi ces cinq parlementaires67(*), qui assure « le contrôle permanent de la gestion de la Caisse par le directeur général »68(*). Elle adopte le budget de la Caisse et peut, pour l'accomplissement de ses missions, « opérer les vérifications et les contrôles et se fai[re] communiquer tous les documents qu'elle estime nécessaires »69(*).

Dans un souci de transparence, le législateur a prévu que la commission de surveillance adresse, avant le 30 juin de chaque année, un rapport « sur la direction morale et sur la situation matérielle de l'établissement au cours de l'année expirée »70(*).

2. En contrepartie de l'exclusion de la CDC du périmètre de la loi, l'article 3 bis vise à rendre plus transparent son recours aux prestations de conseil

Reconnaissant toutefois la pertinence du souhait du Sénat d'intégrer la CDC dans l'objectif général de meilleur encadrement des interventions des cabinets de conseil dans la sphère publique, l'Assemblée nationale a adopté « des mesures de transparence alternatives, spécifiques et adaptées » à la CDC71(*).

Pour ce faire, l'Assemblée nationale a inséré le présent article 3 bis, qui complète l'article L. 518-10 du code monétaire et financier afin que le rapport de la commission de surveillance comprenne également une annexe faisant état des informations mentionnées à l'article 3 de la présente loi, c'est-à-dire la liste détaillée des prestations de conseil (voir le commentaire de l'article 3).

3. Une mesure constituant une avancée positive bien que moins ambitieuse que le texte adopté en première lecture par le Sénat

Bien que l'article 3 bis ne constitue pas une mesure aussi satisfaisante qu'une inclusion complète de la CDC dans le périmètre du texte, la commission a estimé qu'il s'agissait déjà d'une avancée significative en matière de transparence et, surtout, que les pratiques vertueuses imposées par la proposition de loi seront vraisemblablement appliquées également, par mimétisme, par les consultants lorsqu'ils travailleront pour le compte de la CDC. Dans ces conditions, elle a accepté la rédaction issue de l'Assemblée nationale.

La commission a adopté l'article 3 bis sans modification.

Article 4 (Suppression maintenue)
Publication des informations relatives aux prestations de conseil en données ouvertes et dans le rapport social unique des administrations concernées

L'article 4 de la proposition de loi prévoyait la publication en données ouvertes des informations relatives aux prestations de conseil et des bons de commande et actes d'engagement lorsque la prestation se rattache à un accord cadre. Ces données auraient figuré en outre dans le rapport social unique de l'administration bénéficiaire des prestations de conseil.

En première lecture, le Sénat a approuvé ces dispositions, modifiées par un amendement de coordination avec l'article 3. L'Assemblée nationale a en revanche supprimé l'article 4.

La commission a maintenu la suppression de l'article 4, tout en rétablissant l'obligation de publication en données ouvertes en l'inscrivant à l'article 3.

1. L'article 4 visait à instaurer une démarche de transparence du recours aux prestations de conseil, aussi bien à destination du grand public que des agents publics

En réponse au double constat « d'opacité » et de manque d'information des agents publics quant au recours par leur propre administration à des cabinets de conseil72(*), la commission d'enquête a préconisé, d'une part, de « publier la liste des prestations de conseil de l'État et de ses opérateurs en données ouvertes, pour permettre leur analyse »73(*) et, d'autre part, de « présenter les missions de conseil dans le bilan social unique des administrations, pour permettre aux représentants des agents publics d'en débattre »74(*). Ces deux recommandations ont été retranscrites à l'article 4 de la proposition de loi, respectivement au 1° du I et au II pour la publication en données ouvertes des informations relatives aux prestations de conseil contenues dans le rapport annuel mentionné à l'article 3 de la proposition de loi, et au 2° du I pour les informations à insérer dans le rapport social unique, qui rassemble, conformément à l'article 5 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, tous les éléments et données sur la base desquelles est élaborée la stratégie pluriannuelle de pilotage des ressources humaines, notamment la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences.

La publication en données ouvertes de la liste des prestations de conseil complèterait le cadre général de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, qui a acté le principe d'une ouverture des données publiques, lesquelles doivent être publiées « dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ». Conformément à l'article L. 321-4 du code des relations entre le public et l'administration, la mise à disposition des données de référence « en vue de faciliter leur réutilisation » constitue une mission de service public relevant de l'État. Cette mission de service public est notamment assurée par le biais du site data.gouv.fr.

La publication en données ouvertes des bons de commande ou des actes d'engagement des marchés rattachés à des accords-cadres, prévue par le II de l'article 4, va dans le sens de la jurisprudence de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), qui autorise déjà la communication des pièces des accords-cadres, sous réserve du retrait des informations personnelles et des éléments permettant de déterminer les prix unitaires, c'est-à-dire, dans le cas des prestations de conseil, les unités d'oeuvre75(*).

En première lecture, la commission a approuvé ces mesures, et a adopté un amendement COM-10 de coordination présenté par la rapporteure, considérant qu'elles participaient « du mouvement de transparence promu par la proposition de loi ». La commission avait en outre estimé que la publication systématique des bons de commande ou des actes d'engagement des marchés rattachés à des accords-cadres permettrait de réduire les saisines de la CADA, dans un contexte de forte hausse de son activité, les saisines qu'elle a reçues ayant augmenté de 46 % en 2022 par rapport à la période 2018-202176(*).

En séance publique, le Sénat a adopté l'article 4 dans sa rédaction issue du texte de la commission.

2. Un article supprimé en deux temps par l'Assemblée nationale

Lors de son examen à l'Assemblée nationale, l'article 4 a fait l'objet de modifications substantielles ayant finalement abouti à sa suppression lors de la séance publique.

La commission des lois a tout d'abord adopté deux amendements77(*) présentés par ses rapporteurs, dont la mesure principale consiste en la suppression du 2° du I, c'est-à-dire de l'obligation de publication des informations relatives aux prestations de conseil dans le rapport social unique des administrations concernées.

Deux raisons ont été mises en avant par les rapporteurs pour justifier cette suppression. En premier lieu, cette publication serait « superfétatoire » car le rapport au Parlement prévu à l'article 3 de la proposition de loi prévoit déjà la publication agrégée de telles données. En second lieu, les rapporteurs estiment que « le rapport social unique n'a pas vocation à retracer les informations relatives aux cabinets de conseil : il rassemble les éléments et données à partir desquels sont établies les lignes directrices de gestion, permettant de déterminer la stratégie pluriannuelle ».

En séance publique, les députés ont adopté, avec un avis de sagesse de la commission mais un avis défavorable à titre personnel de l'un des deux rapporteurs, Nicolas Sansu, un amendement n° 180, présenté par le Gouvernement, qui supprime l'article 4 dans sa totalité, au motif d'une « coordination »78(*) avec les modifications que le Gouvernement a souhaité apporter à l'article 3 de la proposition de loi. En réalité, la coordination résulte davantage de l'article 179 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, qui prévoit que les « informations [relatives aux prestations de conseil qui doivent désormais être annexées à tous les projets de loi de finances] sont publiées dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé »79(*). Les informations contenues dans le jaune budgétaire sont cependant moins détaillées que celles exigées dans la version initiale de l'article 3 de la proposition de loi.

Une raison supplémentaire à la suppression de l'article 4 a été évoquée lors des discussions sur l'article 3 : lors de la première lecture au Sénat, le ministre de la transformation et de la fonction publiques, Stanislas Guerini, a mis en avant la charge « disproportionnée » que « le travail de biffage ou de caviardage d'un certain nombre d'informations, par exemple du nom des agents publics », représenterait. Selon lui, ce travail correspondrait approximativement à « cinq heures par prestation de conseil », soit « 25 000 heures de travail consacrées à la simple publication de l'intégralité des bons de commande »80(*).

3. Une suppression maintenue par la commission, sans pour autant abandonner l'objectif de publication en données ouvertes

Consciente de la charge de travail que représenterait la publication des bons de commande et estimant que la publication du rapport mentionné à l'article 3 était déjà un grand pas en faveur de la transparence du recours aux prestations de conseil et donc qu'il n'était pas indispensable de compléter également le rapport social unique, la commission a maintenu la suppression de l'article 4.

Toutefois, elle a parallèlement adopté un amendement COM-6, présenté par sa rapporteure, qui rétablit, à l'article 3, l'exigence de publication des données relatives au recours aux prestations de conseil en format ouvert. Ce rétablissement lui est apparu d'autant plus nécessaire que, comme l'ont souligné les rapporteurs de l'Assemblée nationale, l'article 179 de la loi de finances pour 2020 n'est pas entièrement appliqué puisqu'il n'a pas été procédé à la publication en format ouvert des données contenues dans le jaune budgétaire (voir le commentaire de l'article 3).

La commission a maintenu la suppression de l'article 4.


* 48 Selon Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique, lors de son audition par la rapporteure, le 27 septembre 2022.

* 49 Voir page 34 du rapport de la commission d'enquête.

* 50 Amendement CL151 de Bruno Millienne et Nicolas Sansu, rapporteurs.

* 51 Recommandation n° 1 de la commission d'enquête.

* 52 Circulaire n° 6329/SG du Premier ministre du 19 janvier 2022 encadrant le recours par les administrations et les établissements publics de l'État aux prestations intellectuelles.

* 53 D'après ce rapport, l'État aurait passé 4 854 commandes de prestations intellectuelles auprès de conseils extérieurs en 2021, pour un montant total de 271 millions d'euros. Lors du premier semestre de l'année 2022, 2 321 commandes auraient été passées, pour un montant total de 118 millions d'euros.

* 54 Conformément au 7° de l'article 51 de la LOLF, tel qu'issu de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 55 Amendement n° II-2818 déposé à l'Assemblée nationale par le Gouvernement, non mis aux voix mais inséré au texte transmis au Sénat après engagement de la responsabilité du Gouvernement, en application de l'article 49 de la Constitution.

* 56 Rapport n° 2112 (XVIe législature) de Bruno Millienne et Nicolas Sansu, fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, déposé le 24 janvier 2024.

* 57 Ibid.

* 58 Amendements CL116, CL177 et CL118.

* 59 Amendement n° 179 et sous-amendements n° 226, 245 et 246.

* 60 Voir le compte rendu de la première séance de l'Assemblée nationale du jeudi 1er février 2024.

* 61 Article L. 518-2 du code monétaire et financier.

* 62 Ibid.

* 63 Rapport n° 2112 (XVIe législature) de Bruno Millienne et Nicolas Sansu, fait au nom de la commission des lois sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, déposé le 24 janvier 2024.

* 64 Par l'adoption de l'amendement CL148.

* 65 Ibid.

* 66 Article L. 518-2 du code monétaire et financier.

* 67 Articles L. 518-4 et L. 518-5 du code monétaire et financier.

* 68 Article L. 518-7 du code monétaire et financier.

* 69 Article L. 518-9 du code monétaire et financier.

* 70 Article L. 518-10 du code monétaire et financier.

* 71 Amendement CL148 de Bruno Millienne et Nicolas Sansu, rapporteurs.

* 72 Voir le rapport de la commission d'enquête, pages 34 à 39.

* 73 Proposition n° 1 de la commission d'enquête.

* 74 Proposition n° 3 de la commission d'enquête.

* 75 Avis n° 20221607 du 21 avril 2022.

* 76 Selon le rapport d'activité de la CADA au titre de l'année 2022.

* 77 Amendements CL119 et CL120.

* 78 Selon l'exposé des motifs de l'amendement n° 180.

* 79 Voir le commentaire de l'article 3.

* 80 Voir le compte rendu de la séance publique du Sénat du 18 octobre 2022.

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