EXAMEN EN COMMISSION
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M. François-Noël Buffet, président. - Nous en venons à l'examen du rapport de Lauriane Josende sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l'accompagnement des victimes.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - La commission mixte paritaire qui s'est tenue le 7 mars dernier n'a pas été conclusive, car deux points d'achoppement n'ont pu être dépassés : l'article 1er, qui visait à créer un délit réprimant le placement ou le maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique susceptible d'altérer gravement la santé, et l'article 4, qui avait pour objet de réprimer la provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins. Si les députés avaient accepté de supprimer l'article 4 - notre ligne rouge - un accord eût été possible.
À l'issue de la navette, l'article 1er et l'article 4 ont été rétablis, alors que le Sénat les avait rejetés.
Les apports les plus importants du Sénat ont été conservés, qu'il s'agisse du statut législatif de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), des peines complémentaires ou encore du caractère aggravant de l'utilisation de moyens numériques.
Toutefois, je vous proposerai d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable, car les nouvelles dispositions des l'articles 1er et 4 ne permettent manifestement pas d'atteindre un équilibre satisfaisant entre la liberté d'expression, la liberté de choisir ou de refuser des soins et l'objectif de protection de la santé publique. Le Conseil d'État s'est montré lui-même réservé sur ces dispositions, voire hostile, dès lors que d'autres incriminations moins attentatoires aux droits et libertés constitutionnellement garantis sont suffisantes pour atteindre cet objectif.
Selon nous, il n'est pas utile de débattre de nouveau de ce texte. Du reste, son adoption entrerait en contradiction avec les dispositions de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, dite loi About-Picard.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable.
Mme Nathalie Delattre. - Traditionnellement attaché au débat, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen ne votera pas cette motion. Il était nécessaire de trouver un accord en commission mixte paritaire ; la navette parlementaire aurait dû permettre d'y aboutir, même si cela demandait du travail.
Il s'agit d'un sujet majeur, sur lequel ce texte nous aurait permis d'avancer.
Je me félicite que l'Assemblée nationale ait conservé mon amendement tendant à allonger les délais de prescription lorsqu'un abus de faiblesse a été commis sur une victime mineure.
M. Christophe Chaillou. - L'adoption de cette motion ne permettrait pas de débattre du texte, dont la rédaction a été améliorée par les députés. De plus, ceux-ci ont retenu un certain nombre de dispositions introduites par le Sénat. Ainsi, à l'article 4, ils ont tenu compte de l'avis du Conseil d'État : la rédaction des dispositions proposées semble bien plus acceptable.
À l'instar de Nathalie Delattre, je souhaite que nous avancions sur ce sujet et j'aurais préféré que nous puissions en débattre de nouveau.
M. Olivier Bitz. - Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants ne votera pas cette motion.
S'agissant d'un problème de plus en plus prégnant, alors même que la demande de protection des victimes est grandissante, je déplore que le Sénat se place du mauvais côté de l'histoire en mettant la poussière sous le tapis !
L'adoption de cette motion ne permettra pas de débattre des dispositions législatives permettant de renforcer la protection des victimes.
Les arguments avancés sont les mêmes que ceux qui ont été avancés lors de l'examen de la proposition de loi About-Picard : faire primer les prétendues libertés individuelles sur la nécessaire protection des victimes ! Le Sénat aurait dû s'inscrire dans le mouvement de la protection des victimes.
M. Guy Benarroche. - Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ne votera pas non plus cette motion ; l'adopter reviendrait à dire : « circulez, il n'y a rien à voir ! »
L'Assemblée nationale a adopté à juste titre deux articles, l'un introduit des circonstances aggravantes pour les thérapies de conversion - je rappelle que la loi qui a créé ce délit a été récemment adopté par les deux assemblées - ; l'autre, après la réécriture de l'article 4, exclut les lanceurs d'alerte du délit.
Nous souhaitions pouvoir en débattre, afin de voter un texte équilibré.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - En première lecture, nous avons complété ce texte, afin d'en limiter les effets de bord, car nous souhaitons lutter contre les dérives sectaires. D'une part, le Sénat s'est inscrit dans cette démarche il y a bien longtemps ; il ne met pas la poussière sous le tapis ! D'autre part, dans ce texte, nous avons voté des dispositions renforçant la lutte contre les dérives sectaires, qu'il s'agisse du statut législatif de la Miviludes ou des dispositions luttant contre les « gourous 2.0 ». En revanche, le consensus n'est pas assez large sur les dispositions relatives aux soins ; le sujet n'est pas assez mûr, et nous ne voulons pas prendre le risque que texte soit censuré par le Conseil constitutionnel. Il faut légiférer avec calme et précision.
Je le répète, nous avons renforcé la lutte contre les dérives sectaires dans ce texte, mais nous ne souhaitons pas débattre de nouveau des points forts sur lesquels nous n'avons pas trouvé de consensus avec l'Assemblée nationale.
La lutte contre les dérives sectaires est avant tout une question de moyens et de prévention ; ne donnons pas de faux espoirs à ceux qui luttent quotidiennement contre elles !
EXAMEN DE LA MOTION DU RAPPORTEUR
Question préalable
La motion COM- 5 est adoptée.
La commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi.
En conséquence, elle émet un avis défavorable aux autres amendements.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Motion |
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Mme JOSENDE, rapporteure |
5 |
Motion tendant à opposer au texte la question préalable |
Adopté |
Article 2 |
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Mme Nathalie DELATTRE |
4 rect. |
Circonstance aggravante d'assujettissement psychologique ou physique en cas de viol |
Rejeté |
Article(s) additionnel(s) après l'article 5 |
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Mme Nathalie DELATTRE |
1 rect. |
Obligation pour la promotion et la vente de biens et de services liés à des pratiques thérapeutiques non conventionnelles d'opérer un renvoi explicite vers une notice informative sur ces pratiques |
Rejeté |
Mme Nathalie DELATTRE |
2 rect. |
Rapport annuel au Parlement dressant un suivi statistique du recours de la population aux pratiques thérapeutiques non conventionnelles. |
Rejeté |
Intitulé du projet de loi |
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Mme Nathalie DELATTRE |
3 rect. |
Modification de l'intitulé du projet de loi afin d'inclure explicitement la lutte contre la désinformation dans le domaine de la santé. |
Rejeté |
En conséquence, la commission n'adopte pas le projet de loi.