EXAMEN DES ARTICLES
CHAPITRE IER A : CONSACRER LES POUVOIRS ET LE RÔLE DE LA MIVILUDES DANS LA LUTTE CONTRE LES DÉRIVES SECTAIRES (NOUVEAU)
Article 1er A (nouveau)
Statut législatif de la mission
interministérielle de vigilance
et de lutte contre les dérives
sectaires
Introduit par la commission à l'initiative du rapporteur, l'article 1er A tend à conférer à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) un statut législatif.
I. Une demande ancienne découlant de la nécessité de garantir la cohérence et la continuité de l'action publique contre les dérives sectaires
La volonté de doter la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), créée par décret en 2002, d'un statut déterminé par la loi est ancienne. Le rapport de Georges Fenech remis au Premier ministre en 20085(*) en faisait sa première préconisation6(*). Celui de Jacques Mézard, qui en 20137(*) traitait des dérives sectaires en matière de santé, en faisait sa quatrième.
Tirant les enseignements de cinq ans de fonctionnement de la mission, le rapport Fenech écartait la transformation de la Miviludes en autorité administrative indépendante, mais affirmait :
« En revanche si la Mission doit conserver son caractère interministériel, il y aurait de grands avantages à l'adosser à un texte législatif et non plus à un simple décret.
« La plus grande légitimité tirée de la loi serait saluée par tous, tant ce sujet fait consensus dans la classe politique.
« En outre, une loi pérenne aurait pour autre avantage de faire disparaître les craintes récurrentes d'une dissolution de la Mission ou de son rattachement au seul ministère de l'Intérieur ».
Outre le renforcement du statut de la Miviludes, le rapport de la commission d'enquête sénatoriale pointait pour sa part une autre justification d'un statut législatif : accorder « une immunité encadrée [au] président [de la Miviludes], dans le cadre du rapport qu'il remet chaque année au Premier ministre.» Cette protection paraît en effet la seule réponse adéquate à la volonté manifeste de la part des certains groupes souvent dénoncés pour leurs dérives sectaires de paralyser l'action de la Miviludes par la multiplication de procédures judiciaires.
L'octroi d'un statut législatif à la Miviludes apparaît d'autant plus nécessaire depuis 2020 et son rattachement au comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR)8(*), donc au ministère de l'intérieur. Ce rattachement ministériel, peut-être en raison des critiques nombreuses qu'il avait suscitées, dont celles de la commission des lois, s'était opéré tout en conservant à la mission son caractère interministériel. Or ces deux positionnements, comme le montrait le référé de la Cour des comptes de 20179(*), ont vocation à être alternatifs. Le statut législatif de la Miviludes permettra de surmonter ce paradoxe administratif en consacrant son rôle de coordination de l'action des services centraux dans la lutte contre les dérives sectaires et en facilitant son ancrage territorial.
L'article 1er A, issu d'un amendement de commission du rapporteur, tend donc dans un premier temps à élever au niveau législatif le contenu du décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, tel que modifié par le décret n° 2020-867 du 15 juillet 2020.
Missions confiées à la Miviludes par le décret du 28 novembre 2002
Article 1er
La mission est chargée :
« 1° D'observer et d'analyser le phénomène des mouvements à caractère sectaire dont les agissements sont attentatoires aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales ou constituent une menace à l'ordre public ou sont contraires aux lois et règlements ;
« 2° De favoriser, dans le respect des libertés publiques, la coordination de l'action préventive et répressive des pouvoirs publics à l'encontre de ces agissements ;
« 3° De développer l'échange des informations entre les services publics sur les pratiques administratives dans le domaine de la lutte contre les dérives sectaires ;
« 4° De contribuer à l'information et à la formation des agents publics dans ce domaine ;
« 5° D'informer le public sur les risques, et le cas échéant les dangers, auxquels les dérives sectaires l'exposent et de faciliter la mise en oeuvre d'actions d'aide aux victimes de ces dérives ;
« 6° De participer aux travaux relatifs aux questions relevant de sa compétence menés par le ministère des affaires étrangères dans le champ international. »
(L'article 2 du décret vient préciser les modalités d'action de la Miviludes avec les autres services de l'Etat pour la mise en oeuvre des missions définies à l'article 1)
Article 6
« Le président de la mission détermine chaque année, après consultation du conseil d'orientation, le programme d'action de la mission. Il établit un rapport annuel d'activité qui est remis au Premier ministre et est rendu public. »
L'article 1er A complète ces dispositions pour asseoir l'ensemble des missions déjà exercées par la Mivilude.
II. Un préalable nécessaire à la nouvelle impulsion politique donnée à l'action de la Miviludes
Au moment où la Miviludes apparaît à nouveau comme un acteur incontournable et indispensable de la lutte contre les dérives sectaires, toute évolution dans cette politique doit avoir pour préalable le renforcement de ses moyens, en particulier juridiques.
Le statut législatif sert de base à cette nouvelle impulsion. Il permet de reconnaître ce qui est depuis 2002 l'une des missions essentielles assumées par la Miviludes, son « rôle d'interface avec le public » affirmé par l'étude d'impact du projet de loi dans son double aspect d'information du public et de réception des signalements par les victimes et le public. Il constitue le fondement logique de l'article 6 du projet de loi, qui confie à la mission, parmi d'autres services du ministère de l'intérieur, un rôle d'amicus curiae.
Comme préconisé par la commission d'enquête sénatoriale, ce statut garantit une meilleure protection de la Miviludes, en la personne de son président, contre les procédures judiciaires abusives en matière de délits de presse sur le fondement du rapport annuel qu'il signe. Sur le modèle des dispositions prévues pour le Défenseur des droits, il est donc prévu d'interdire les poursuites à raison des opinions émises par le président de la mission dans le rapport annuel de la mission.
Enfin, le statut législatif permettra également de protéger toute victime ou tiers ayant signalé, informé ou communiqué à la mission des informations sur l'existence ou le risque d'une dérive sectaire. Cela n'aura bien sûr pas pour effet d'exonérer les auteurs d'éventuelles dénonciations calomnieuses de leur responsabilité.
La commission a adopté l'article 1er A ainsi rédigé.
* 5 La justice face aux dérives sectaires, remis le 11 juillet 2008.
* 6 « Doter la MIVILUDES d'une dimension décisionnelle et opérationnelle dans un nouveau cadre législatif. »
* 7 Rapport n° 480 (2012-2013) de la commission d'enquête relative aux « Dérives thérapeutiques et dérives sectaires : la santé en danger », déposé le 3 avril 2013.
* 8 Décret n° 2020-867 du 15 juillet 2020 modifiant le décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires
* 9 Cour des comptes - Référé n° S2017-1611 du 27 mai 2017.