TITRE V
PERMETTRE À L'ÉTAT D'ANALYSER PLUS
EFFICACEMENT L'ÉVOLUTION DES MARCHÉS NUMÉRIQUES
Article 16
Élargissement des pouvoirs de
collecte des données par le Pôle d'expertise de la
régulation du numérique pour des activités de recherche
publique
L'article 16 vise à renforcer les capacités de collecte de données du Pôle d'expertise de la régulation numérique (PEReN) pour ses activités de recherche publique, notamment à des fins de détection des risques systémiques au sein de l'Union européenne.
La commission a adopté l'article, modifié par trois amendements du rapporteur Patrick Chaize, afin de sécuriser l'accès du PEReN aux données des très grandes plateformes et des très grands moteurs de recherche en ligne et d'étendre la durée de conservation de ces données.
1. Une extension nécessaire des compétences du PEReN en matière de collecte de données à des fins de recherche publique
a) Les compétences du PEReN
Le pôle d'expertise de la régulation numérique est un service à compétence nationale institué par le décret n° 2020-1102 du 31 août 2020 portant création d'un service à compétence nationale dénommé Pôle d'expertise de la régulation numérique (PEReN). Placé sous l'autorité conjointe des ministres chargés de l'économie, de la communication et du numérique, le PEReN est administrativement rattaché à la direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Ce service est chargé d'«appuyer les services de l'État intervenant dans la régulation des plateformes numériques, dans leurs travaux de conception, de mise en oeuvre et d'évaluation de cette régulation ». Le PEReN met ainsi à disposition de l'État une expertise et une assistance technique générales et fournit une contribution et une expertise techniques dans le cadre de contrôles, enquêtes ou études menés sur les plateformes numériques.
Les compétences du PEReN sont précisées à l'article 36 de la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique. Le PEReN est ainsi investi de deux missions principales : d'une part, la conduite d'expérimentations visant à utiliser, concevoir ou évaluer des outils techniques portant sur la régulation des opérateurs de plateforme en ligne et, d'autre part, la conduite d'activités de recherche publique.
Le PEReN collabore également avec huit autorités administratives indépendantes, dont la liste est fixée par décret du 21 avril 2022. Il s'agit de l'Autorité de la concurrence (ADLC), l'Autorité des marchés financiers (AMF), l'Autorité nationale des jeux (ANJ), l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), l'Autorité de régulation des transports (ART), la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et du Défenseur des droits.
Selon le directeur adjoint du PEReN entendu par la commission spéciale le 12 juin117(*), il n'existe pas, à l'heure actuelle, de service similaire dans les autres pays membres de l'Union européenne, mais un centre européen pour la transparence algorithmique devrait prochainement ouvrir à Séville. La mutualisation des compétences du PEReN avec les services de l'État et les autorités administratives indépendantes est inédite au sein de l'Union européenne, et source d'inspiration pour la Commission européenne.
b) Le dispositif envisagé
L'article 16 du projet de loi modifie l'article 36 de la loi du 25 octobre 2021 fixant les compétences du PEReN pour la poursuite de ses activités d'expérimentation et de recherche publique.
Comme pour ses activités d'expérimentation, le PEReN agira désormais en qualité de responsable de traitement au sens de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés pour ses activités de recherche publique, ce qui étend ses compétences de collecte de données. Dès lors, il ne pourra se voir refuser l'accès aux données publiquement accessibles à des fins de recherche publique, déjà garanti pour ses activités d'expérimentation au cinquième alinéa de l'article 36.
Les activités de recherche du PEReN sont également spécifiées. En effet, le PEReN conduira ses activités « notamment à des fins de recherches contribuant à la détection, à la détermination et à la compréhension des risques systémiques dans l'Union ». Ces risques systémiques découlant de la conception ou du fonctionnement des services des très grandes plateformes en ligne et des très grands moteurs de recherche en ligne sont précisés à l'article 34, paragraphe 1 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques (RSN). Il s'agit de :
- la diffusion de contenus illicites par l'intermédiaire des services de ces plateformes ;
- tout effet négatif réel ou prévisible pour l'exercice des droits fondamentaux, en particulier du droit fondamental à la dignité humaine, au respect de la vie privée et familiale, à la protection des données à caractère personnel, à la liberté d'expression et d'information, des droits fondamentaux relatifs aux droits de l'enfant et du droit fondamental à un niveau élevé de protection des consommateurs ;
- tout effet négatif réel ou prévisible sur le discours civique, les processus électoraux et la sécurité publique ;
- tout effet négatif réel ou prévisible lié aux violences sexistes et à la protection de la santé publique et des mineurs et les conséquences négatives graves sur le bien-être physique et mental des personnes.
La spécification des activités de recherche publique du PEReN est essentielle afin de lui donner accès au statut de chercheur au sens de l'article 40, paragraphe 2, du RSN (voir infra) et de lui assurer l'accès aux données publiques des très grandes plateformes en ligne et des très grands moteurs de recherche en ligne prévu à ce même article. Cet accès -qui porte uniquement sur les activités de recherche publique du PEReN - est formalisé par une inscription au sixième alinéa de l'article 36 de la loi du 25 octobre 2021 afin de le sécuriser juridiquement. Selon l'article 40, paragraphe 12, du RSN, ces plateformes en ligne devront donner accès au PEReN « sans retard injustifié, aux données, y compris, lorsque cela est techniquement possible, aux données en temps réel, à condition que ces données soient publiquement accessibles sur leur interface en ligne ».
Le PEReN est-il considéré comme chercheur agrée au sens du RSN ?
Si le PEReN est enregistré au registre national des services de recherche (RNSR), le service ne peut obtenir le statut de chercheur agréé au sens de l'article 40 paragraphe 4 du règlement (UE) 2022/2065 du Parlement européen et du Conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques (RSN).
Ce statut de chercheur agréé permet d'avoir un accès étendu aux données (publiques ou non) des très grandes plateformes en ligne et des très grands moteurs de recherche en ligne. Ce statut de chercheur est attribué projet par projet par le coordinateur pour les services numériques, si sept conditions cumulatives listées à l'article 40, paragraphe 8, du RSN sont remplies. Le PEReN ne remplit cependant pas l'une des conditions, imposant d'être affilié « à un organisme de recherche tel qu'il est défini à l'article 2, point 1), de la directive (UE) 2019/790 », c'est-à-dire une « entité ayant pour objectif premier de mener des recherches scientifiques, ou d'exercer des activités éducatives comprenant également des travaux de recherche scientifique ». Le PEReN ne menant pas de recherches scientifiques ou d'activités éducatives comprenant de tels travaux, il ne peut bénéficier de ce statut de chercheur agréé.
Le PEReN est toutefois considéré comme un chercheur pouvant bénéficier d'un accès aux données publiques des plateformes au titre de l'article 40, paragraphe 12, du RSN. Ces chercheurs ne doivent répondre qu'à certaines conditions listées à l'article 40, paragraphe 8, du RSN : être indépendant de tout intérêts commerciaux, respecter les exigences spécifiques en matière de sécurité et de confidentialité des données et protéger les données à caractère personnel, démontrer que leur accès aux données et les périodes d'accès demandées sont nécessaires et proportionnés aux fins poursuivies par leur recherche et que les résultats escomptés de cette recherche contribueront à la détection, au recensement et à la compréhension des risques systémiques dans l'Union et indiquer la source de financement de leur recherche.
2. La position de la commission : une volonté de lever les limites restantes à la transmission et à la conservation des données des très grandes plateformes et des très grands moteurs de recherche en ligne afin de renforcer notre compréhension et notre régulation de l'économie numérique
Afin de garantir un accès total du PEReN aux données publiques détenues par les plateformes et qui sont rendues accessibles aux chercheurs par le RSN, il est nécessaire de lui donner accès aux données de ces mêmes plateformes lorsqu'elles sont stockées sur les terminaux mobiles par les systèmes d'exploitation. En effet, certaines plateformes en ligne ne disposent pas d'un accès sur Internet, mais uniquement sur une application via un appareil mobile. L'accès à ces données provenant initialement de très grandes plateformes et moteurs de recherche en ligne, pourtant garanti par le RSN, peut dès lors être dénié par un tiers, le fournisseur du système d'exploitation du terminal.
De plus, la nouvelle rédaction de l'article 36 de la loi du 25 octobre 2021 issue du présent article 16 vient soumettre les activités de recherche publiques du PEReN à une limitation de la durée de conservation des données similaire à celle applicable pour ses activités d'expérimentation. En l'état, les données doivent être détruites à l'issue des travaux et au plus tard dans un délai de neuf mois. Le PEReN a fait état des limitations que représente cette restriction de la conservation des données pour la conduite de ses travaux.
En conséquence, la commission a adopté l'amendement COM-124 du rapporteur visant à obliger les fournisseurs de système d'exploitation à transmettre au PEReN les données publiques des très grandes plateformes et des très grands moteurs de recherche en ligne visées à l'article 40, paragraphe 2, du RSN stockées sur les terminaux mobiles pour ses activités de recherche publique.
En second lieu, cet amendement élargit la période de conservation des données collectées dans le cadre des activités de recherche publique du PEReN à cinq ans ; ce qui demeure en conformité avec les exigences du RGPD.
La commission spéciale a également adopté les deux amendements de précision rédactionnelle COM-123 et COM-125 présentés par le rapporteur.
La commission spéciale a adopté l'article 16 ainsi modifié.
Article 17
Dispositif de centralisation des
données devant être transmises aux communes par les
opérateurs de plateformes numériques en matière de
location de meublés de tourisme
L'article 17 vise à créer une plateforme unique, intermédiaire entre les plateformes et les communes, centralisant les données relatives aux meublés de tourisme mis en location dans chaque commune. Cette plateforme sera gérée par un organisme unique désigné par décret en Conseil d'État.
La commission salue ce dispositif dont elle a souhaité renforcer encore davantage le caractère opérationnel pour les communes. Elle a ainsi adopté un amendement du rapporteur Patrick Chaize qui permet de garantir que les communes qui le souhaitent pourront disposer d'un accès à ces données via le portail unique, sans avoir à formuler à chaque fois une demande ponctuelle explicite de transmission de données.
La commission spéciale a adopté l'article ainsi modifié.
1. La situation actuelle : une difficulté des communes à contrôler le bon respect des obligations des loueurs de meublés de tourisme
a) La location de meublés de tourisme est encadrée par la loi afin que son développement puisse être maîtrisé par les communes
1. La location de meublés de tourisme est soumise au cadre juridique du changement d'usage et à une déclaration préalable
Depuis la loi dite Alur de 2014118(*), il est précisé à l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitat que « le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage ». Ainsi, dans les communes mentionnées à cet article, le changement d'usage d'un local d'habitation - sauf d'une résidence principale - est soumis à une autorisation préalable. Le même régime peut être appliqué dans les communes situées en zones tendues sur décision du conseil municipal ou de l'établissement public de coopération intercommunale119(*) et dans les autres communes après autorisation du préfet.
Toujours hors résidence principale, ces locations font l'objet d'une déclaration préalable auprès de la commune en vertu de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme.
2. Une procédure de déclaration préalable avec enregistrement auprès de la commune complète ce cadre pour certaines communes depuis 2016
Depuis la loi pour une République numérique de 2016120(*), dans les communes dans lesquelles le changement d'usage des locaux d'habitation est soumis à autorisation préalable, le conseil municipal peut soumettre à déclaration préalable avec enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme, résidences principales incluses. La déclaration mène à la délivrance d'un numéro obligatoirement affiché sur l'annonce de location.
Depuis lors, les plateformes de location comme Airbnb ont l'obligation d'informer les loueurs de leurs obligations de déclaration ou d'autorisation préalable et d'obtenir une déclaration sur l'honneur attestant de leur conformité avec la loi. Ils ont l'interdiction d'offrir à la location des meublés de tourisme déclarés comme résidence principale dont ils ont connaissance qu'ils ont été loués par leur entremise plus de 120 jours au cours d'une année. La loi dite Élan de 2018121(*) a appliqué cette obligation aux loueurs122(*).
Dans les faits, selon l'Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV), à la fin de l'année 2022, 193 communes appliqueraient une procédure de déclaration préalable avec enregistrement. D'autres sources privées évoquent plus de 700 communes, le Gouvernement retenant quant à lui une estimation de 350 communes.
b) Pour contrôler le bon respect de ces obligations, une transmission numérique de données aux communes est prévue depuis 2018
1. La transmission de données par les loueurs
Depuis la loi Élan de 2018123(*), les communes ont la possibilité de demander au loueur, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant la location d'un meublé, la transmission d'informations sur le nombre de jours pendant lesquels ce dernier a été loué. Ces informations, transmises sous un mois, incluent l'adresse du meublé et son numéro de déclaration. Toutefois, ces demandes individualisées ne sont pas propices au contrôle effectif du bon respect des obligations des loueurs dans un contexte où la location de meublés de tourisme s'opère en large partie via des plateformes numériques.
2. La transmission de données par les plateformes de location
Depuis 2018 également, toute commune ayant mis en oeuvre la procédure d'enregistrement peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant la location du meublé, demander à la plateforme de location de lui transmettre sous un mois le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué par son intermédiaire. Les données incluent le nom du loueur, l'adresse du bien, le numéro de déclaration et s'il s'agit d'une résidence principale. Elles sont transmises par la plateforme lorsque cette dernière « en a connaissance », ce qui implique que les transactions doivent se dérouler sur la plateforme.
c) Un dispositif administrativement lourd pour les communes
En théorie, ce dispositif de transmission de données permet aux communes de contrôler le bon respect des obligations suivantes :
- l'obtention par le meublé proposé à la location du numéro de déclaration mentionné dans l'annonce ;
- s'il s'agit d'une résidence secondaire, le bon respect du cadre juridique sur le changement d'usage ;
- s'il s'agit d'une résidence principale, le bon respect de la limitation à 120 jours de location par an.
En pratique, les communes doivent adresser une demande à chaque plateforme sur laquelle les meublés de tourisme de son territoire peuvent être proposés à la location - si Airbnb est la plateforme de location la plus connue et la plus populaire, il en existe plusieurs autres concernées par cette procédure. Les données sont transmises annuellement124(*) par les opérateurs de plateforme sous un format tableur modifiable informatiquement, entraînant des pics d'activité saisonniers sans pour autant que toutes les communes ne formulent cette demande au même moment. Les échanges bilatéraux sont multiples et concernent souvent les mêmes meublés de tourisme présents sur plusieurs plateformes, nuisant à la lisibilité et à la rapidité du traitement des données collectées. Le foisonnement d'interlocuteurs rend le processus administratif lourd pour les communes et difficilement automatisable.
Entre février et septembre 2022, l'expérimentation de la plateforme « API meublé » a permis de tester une solution facilitant les échanges de données entre cinq opérateurs numériques de location de meublés de tourisme et cinq communes. Sans supprimer les échanges bilatéraux entre communes et opérateurs de plateformes, ce dispositif mis en oeuvre par voie contractuelle a permis aux acteurs de disposer d'un outil unique de contrôle des données, proposant un fichier consolidé.
2. Le dispositif envisagé : la création d'une plateforme unique de centralisation des données devant être transmises aux communes
Le dispositif envisagé prévoit de tirer les enseignements de l'expérience positive d'API meublé en confiant à un organisme unique désigné par décret en Conseil d'État la gestion d'un guichet centralisant les données collectées auprès des plateformes intermédiaires de location.
Chaque commune n'aura ainsi plus à s'adresser à chaque plateforme pour obtenir des informations sur les meublés de tourisme loués sur son territoire, mais pourra consulter ces données en se connectant sur un portail unique en ligne. L'objectif est d'alléger la charge administrative des communes et de leur permettre de mieux contrôler le respect de la loi par les loueurs via l'étude des données consolidées dont elles disposeront. Le Gouvernement estime ainsi que pour 350 communes, le déploiement du nouveau dispositif centralisé réduirait de 3500 actuellement à 370 le nombre de démarches administratives réalisées.
Le II de l'article L.324-2-1 du code du tourisme est donc modifié afin de :
- disposer que la commune demande non plus à la plateforme de lui mettre à disposition les données relatives aux meublés loués par son intermédiaire, mais à un organisme unique chargé de recueillir ces données par voie électronique auprès des plateformes numériques ;
- prévoir qu'un décret en Conseil d'État désigne l'organisme unique en question et détermine la nature des données, leur durée de conservation, les délais de réponse, la fréquence et les modalités techniques de leur transmission.
3. La position de la commission : le renforcement du caractère opérationnel du dispositif afin de faciliter le travail des communes
La commission spéciale est favorable à un dispositif unique et centralisé de transmission des données, qui serait de nature à alléger la charge administrative des communes et faciliter leur contrôle des obligations des loueurs. Seule disposition du présent projet de loi intéressant les collectivités territoriales, elle a retenu toute l'attention de la commission spéciale qui rappelle que le bon respect du cadre juridique relatif à la location de meublés de tourisme permet aux communes d'éviter de potentiels effets indésirables du développement non maîtrisé de ces locations sur leur territoire, comme la hausse de prix de l'immobilier, la pénurie de logements destinés à l'habitation, la modification de l'offre commerciale ou des besoins en équipements.
En effet, le dispositif actuel est loin de permettre le
bon respect de la loi par les loueurs : selon l'étude d'impact du projet
de loi, le taux de non-conformité du parc de locations de
meublés de tourisme est estimé
à
34 % à Paris et 46 % à
Lyon. La complexité du dispositif actuel de
transmission des données et sa lourdeur administrative pèsent sur
les communes, dont certaines ont pu être découragées
d'exercer leur faculté à formuler cette demande aux
plateformes.
Ainsi, selon les chiffres communiquées par Airbnb au rapporteur, sur l'année 2022, seules 90 communes lui ont adressé une demande de transmission des données, alors que 192 auraient été fondées à le faire.
L'amélioration du dispositif est donc bienvenue aux yeux de la commission spéciale, qui souligne toutefois plusieurs incertitudes. Dans sa rédaction initiale, l'article prévoit la possibilité pour les communes de demander la transmission de données à l'organisme unique, ce qui en pratique leur donnerait accès au portail unique. Pour la commission spéciale, cela revient à limiter considérablement le champ du dispositif, certaines communes risquant de ne pas exercer cette faculté, ou alors de manière irrégulière, ce qui limiterait leur capacité à contrôler les obligations des loueurs. D'autres incertitudes devront être levées lors de la prise du décret en Conseil d'État, notamment en ce qui concerne la fréquence de la transmission des données aux collectivités. Il serait en effet souhaitable que les données soient collectées par l'organisme unique auprès des plateformes à un intervalle régulier permettant aux communes qui le souhaitent d'y avoir accès via une simple connexion sur le portail unique, sans avoir à réitérer leur demande. La commission insiste donc sur l'importance de la concertation des acteurs préalablement à la prise de ce décret afin de déterminer les modalités de mise en oeuvre de cette interface.
La commission spéciale attire également l'attention sur le fait que l'organe qui sera désigné par un décret en Conseil d'État devra être doté des moyens humains et financiers nécessaires à la réalisation de ses missions. Les moyens attribués à cet organisme feront l'objet d'une attention particulière lors de l'examen du projet de loi de finances.
Elle signale enfin que le présent article est une anticipation par rapport au règlement européen proposé en novembre 2022 sur la collecte et le partage des données relatives aux services de location de courte durée qui, au-delà des seuls meublés de tourisme, concernera toutes les locations de courte durée. Cette proposition en cours de négociation prévoit en effet que les États membres mettent en place un « point d'entrée numérique unique » pour la transmission de données relatives aux locations de courte durée entre les opérateurs de plateforme et les autorités publiques. La loi française devra donc être à nouveau adaptée une fois ce règlement adopté.
Afin de renforcer le caractère opérationnel du dispositif, la commission spéciale a adopté l'amendement COM-126 du rapporteur précisant que les communes qui le souhaitent disposent, via une simple connexion au portail unique, d'un accès aux données relatives aux meublés de tourisme, sans avoir à formuler à chaque fois une demande ponctuelle de transmission de données. En effet, conditionner chaque accès à ces données à une demande de transmission adressée par la commune emporte le risque de limiter considérablement le champ du dispositif.
La commission spéciale a adopté l'article 17 ainsi modifié.
* 117 https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20230612/cs_num.html#toc3
* 118 Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové.
* 119 Annexe du décret n°2013-392 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts.
* 120 Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique
* 121 Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique
* 122 Article 324-1-1 du code de tourisme
* 123 Article L. 324-1 du code du tourisme.
* 124 En vertu de l'article R. 324-2 du code du tourisme, la commune peut adresser au plus une demande d'information par année civile à l'opérateur de plateforme.