EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
A
Mise en place d'un parcours fausse couche
Cet article vise à faire obligation aux agences régionales de santé (ARS) de mettre en place, avant le 1er septembre 2024, un « parcours fausse couche » associant des professionnels médicaux et des psychologues, dans l'objectif de développer la formation des professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesse et d'améliorer l'information, l'orientation et le suivi psychologique et médical des femmes concernées.
La commission a adopté cet article avec modification afin de renforcer les objectifs assignés aux parcours en matière d'information des patientes et de les renommer « parcours interruption spontanée de grossesse ».
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
A. La prise en charge des souffrances psychologiques associées à l'interruption spontanée de grossesse apparaît lacunaire
1. Une prise en charge souvent limitée à son aspect médical
· Les interruptions spontanées de grossesse constituent, la plupart du temps, des événements relativement bénins d'un point de vue médical, pris en charge dans les services d'urgences gynécologiques ou d'urgences généralistes hospitaliers, le plus souvent par des internes.
En fonction du degré d'évacuation et du stade de la grossesse lors de la consultation du service d'urgences, trois types de traitements peuvent être proposés à la patiente :
- l'expectative, consistant à attendre l'expulsion spontanée de la grossesse par le corps ;
- la prise en charge médicamenteuse, visant à provoquer des contractions pour faciliter l'évacuation, laquelle peut avoir lieu hors du service d'urgences ;
- la prise en charge chirurgicale, consistant en une aspiration par les voies naturelles, sous anesthésie générale ou locorégionale, de la grossesse.
Des recommandations élaborées par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) guident les professionnels médicaux dans leur prise en charge. En cas de grossesse arrêtée, sans évacuation du sac gestationnel, la prise en charge médicamenteuse ou chirurgicale est recommandée. À l'inverse, dans les cas de fausses couches incomplètes, caractérisés par une évacuation du sac gestationnel avec persistance de matériel intra-utérin, l'expectative peut être proposée en première intention1(*).
· En revanche, les professionnels médicaux amenés à intervenir dans la prise en charge apparaissent peu accompagnés dans la gestion de l'annonce et l'accompagnement psychologique des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse. Les recommandations du CNGOF se bornent à indiquer que « la prise en charge psychologique systématique après un épisode de fausse couche ne semble pas apporter un bénéfice évident à un an... » et que le retentissement psychologique « n'est pas influencé par les modalités de prise en charge » choisies (expectative, médicamenteuse, chirurgicale)2(*).
Première cause de consultations aux urgences gynécologiques, l'interruption spontanée de grossesse est un événement courant, risquant d'être banalisé par les équipes médicales. Au sein des services d'urgences, le manque de temps, l'afflux de patients et l'absence d'accompagnement des médecins et sages-femmes dans la gestion de l'annonce et dans l'accompagnement des femmes concernées ne permettent pas toujours aux professionnels de santé d'offrir l'écoute attendue.
Conscients de ces difficultés, la gynécologue-obstétricienne Ghada Hatem-Gantzer, fondatrice de la Maison des femmes, et le Cercle des gynécologues-obstétriciens d'Île-de-France (Cegorif) ont par exemple contribué à la production du court-métrage « Allez, vous en ferez un autre ! », réalisé par Nils Tavernier, illustrant la détresse psychologique et la solitude d'une femme confrontée à une annonce maladroite3(*).
2. L'insuffisante formation des professionnels médicaux
Si les professionnels médicaux sont formés au diagnostic et à la prise en charge médicale d'une interruption spontanée de grossesse, les études de santé ne font que peu de place aux questions touchant au retentissement psychologique de l'événement : formulation de l'annonce, écoute et accompagnement des patientes victimes.
· Les référentiels de formation des études de médecine et de maïeutique comprennent, en effet, plusieurs enseignements relatifs aux complications de la grossesse et aux interruptions spontanées.
Le programme du deuxième cycle, commun à l'ensemble des étudiants de médecine, classe ainsi parmi les compétences devant être acquises par tous avant l'internat le fait de « savoir reconnaître les principales complications de la grossesse et savoir orienter les femmes vers le recours adapté » ou de « connaître la prise en charge d'une fausse couche du premier trimestre »4(*).
Au cours du troisième cycle et au-delà de la spécialité de gynécologie obstétrique, un stage en santé de la femme est proposé au cours du diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale et une formation spécialisée transversale de foetopathologie, comprenant des enseignements relatifs aux interruptions médicales et spontanées de grossesse, est proposée aux étudiants des autres DES5(*).
De la même manière, le référentiel de formation en maïeutique, qui doit être révisé pour la rentrée universitaire 20246(*), prévoit que les sages-femmes doivent savoir, à l'issue de leur formation, « dépister et participer à la prise en charge des patientes présentant des complications de la grossesse »7(*).
· En revanche, les auditions conduites par le rapporteur ont permis de confirmer que les enjeux associés à l'annonce d'une interruption spontanée de grossesse et à l'accompagnement psychologique dont les femmes concernées et leurs partenaires pouvaient avoir besoin ne faisaient le plus souvent pas l'objet, durant les études de médecine ou de maïeutique, d'enseignements spécifiques.
De la même manière, la formation continue des professionnels médicaux impliqués dans l'annonce et la prise en charge des fausse couche apparaît faire une place insuffisante aux enjeux psychologiques de l'événement. L'association Agapa, auditionnée par le rapporteur, anime des formations sur le deuil périnatal et suggère de rendre obligatoires, chaque fois que cela est possible, une formation pour les professionnels impliqués.
3. Une information inégale des femmes concernées
· Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades8(*), le code de la santé publique reconnaît à toute personne « le droit d'être informée sur son état de santé », cette information portant tant sur les investigations, traitements ou actions proposés que sur leur utilité, leurs conséquences et les risques fréquents ou graves prévisibles qu'ils comportent.
Cette information incombe à tout professionnel de santé, dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser9(*).
À ce droit est associé celui de prendre, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations fournies, les décisions concernant sa propre santé10(*).
· Si, dans ce cadre, les femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse sont informées par le personnel médical des traitements disponibles, de leur intérêt et de leurs effets secondaires, les associations auditionnées ont toutefois mis en avant que l'information des patientes sur le phénomène de l'interruption spontanée de grossesse, ses conséquences psychologiques et les possibilités d'accompagnement, par des psychologues ou des associations, n'était pas systématique et s'avérait, le plus souvent, lacunaire.
Le collectif « Fausses couches, vrai vécu », auditionné par le rapporteur, souligne ainsi qu'aucun site institutionnel ni aucun dispositif d'information standardisé ne permet aux femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse d'accéder facilement aux informations dont elles ont besoin. Sans dispositif national ou généralisé d'information, et en l'absence de parcours d'accompagnement organisé localement, elles sont contraintes de rechercher elles-mêmes les professionnels de santé, psychologues ou structures associatives susceptibles de les accompagner dans cette épreuve.
B. La proposition de loi vise la mise en place par les ARS de « parcours fausse couche » permettant d'améliorer l'accompagnement des couples victimes d'une interruption spontanée de grossesse
L'article 1er A, introduit par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale à l'initiative de la rapporteure, vise à instituer des « parcours fausse couche » que les ARS seront chargées d'établir, afin de renforcer l'accompagnement médical et psychologique des femmes concernées et de leur partenaire.
À cet effet, le I de l'article insère dans le code de la santé publique un nouveau chapitre consacré à l'interruption spontanée de grossesse et, en son sein, un nouvel article L. 2122-6 prévoyant :
- que chaque ARS doit mettre en place un parcours fausse couche associant professionnels médicaux et psychologues hospitaliers et libéraux dans une « approche pluridisciplinaire » ;
- que ce parcours a pour objectifs de développer la formation des professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesse, de systématiser l'information et d'améliorer l'orientation des femmes et de leur partenaire, de faciliter leur accès à un suivi psychologique et d'améliorer le suivi médical des femmes concernées.
Le II rend ces dispositions applicables à compter du 1er septembre 2024, après recensement par les ARS des modalités de prise en charge existantes dans leur ressort territorial.
II - La position de la commission
Le rapporteur a favorablement accueilli ces dispositions, susceptibles d'améliorer l'accompagnement psychologique des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse et de leur partenaire.
· Il a souligné l'importance de renforcer la formation, initiale et continue, des professionnels médicaux à l'annonce et à l'accompagnement des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse et de leur partenaire.
À cet égard, il souligne que ce renforcement ne doit pas être limité au DES de gynécologie-obstétrique, mais concerner l'ensemble des étudiants de médecine, en intégrant les enseignements relatifs aux complications de la grossesse d'ores et déjà dispensés au cours du deuxième cycle d'études médicales.
S'agissant des études de maïeutique, il souhaite que la révision des référentiels, devant intervenir pour la rentrée 2024, soit également l'occasion de renforcer la formation des futures sages-femmes sur ce point.
· Plus généralement, le rapporteur juge souhaitable de renforcer le niveau de formation de la population aux interruptions spontanées de grossesse, qui constituent un événement suffisamment fréquent pour toucher l'ensemble des cercles familiaux, amicaux et professionnels.
Il regrette qu'une sensibilisation à ce phénomène, et aux douleurs psychologiques qu'il peut entraîner, ne soit pas intégrée aux programmes de l'enseignement secondaire ou ne fasse pas l'objet, comme d'autres enjeux relatifs à la santé et à la sexualité, de séances annuelles d'information des élèves11(*). Il souhaite qu'une réflexion soit conduite sur l'opportunité d'intégrer de tels enseignements.
· Enfin, à l'issue de l'audition de plusieurs associations de victimes et de psychologues, le rapporteur souligne que le renforcement de l'information des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse apparaît particulièrement indispensable. Le sentiment d'isolement, d'incompréhension de la part de l'entourage, et l'absence d'information sur les recours disponibles, renforce la solitude des femmes et de leur partenaire et aggrave la difficulté de l'épreuve qu'ils traversent.
Afin de renforcer les objectifs assignés sur ce point aux parcours mis en place par les ARS et à l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement n° COM-7 précisant que ceux-ci devront viser à systématiser l'information des femmes et, le cas échéant, de leur partenaire sur le phénomène d'interruption spontanée de grossesse, les possibilités de traitement ou d'intervention et les dispositifs de suivi médical et d'accompagnement psychologique disponibles. Ce renforcement devrait viser l'information de l'ensemble des femmes touchées, qu'elles fassent ou non l'objet d'une prise en charge dans les services d'urgences hospitaliers.
· Enfin, la commission a regretté que l'intitulé des parcours reprenne l'expression « fausse couche », jugée stigmatisante et négative par l'ensemble des associations auditionnées. À l'initiative du rapporteur, elle a adopté un amendement n° COM-6 visant à lui substituer l'expression « interruption spontanée de grossesse », plus neutre et largement retenue médicalement. En cohérence, elle a adopté un amendement n° COM-12 apportant la même modification à l'intitulé de la proposition de loi.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 1er
B
Suppression du délai de carence pour l'indemnisation des
arrêts maladie faisant suite à une interruption spontanée
de grossesse
Cet article propose la suppression du délai de carence pour l'indemnisation du congé pour incapacité à continuer ou reprendre le travail lorsque celui-ci est consécutif à une interruption spontanée de grossesse avant la 22e semaine d'aménorrhée.
Il concerne les assurées du régime général, des régimes spéciaux, du régime des salariés agricoles et des régimes applicables aux agents publics.
La commission a adopté cet article avec modification pour étendre la mesure aux indépendantes.
I - Le dispositif proposé
A. Un délai de carence est prévu dans l'indemnisation des congés pour incapacité physique à reprendre le travail d'origine non professionnelle, quel que soit le régime d'assurance maladie
1. Le congé pour incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail d'origine non professionnelle est accompagné du versement d'indemnités par la branche maladie ou l'État
Lorsqu'un assuré social se retrouve dans l'incapacité physique d'exercer son travail, il peut se faire prescrire un arrêt de travail par un médecin ou, dans les limites de sa compétence professionnelle, par une sage-femme12(*).
Lorsque l'arrêt de travail n'est pas consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, la branche maladie ou l'État verse, sous certaines conditions13(*), une indemnisation à l'assuré en congé.
L'indemnisation couvre l'ensemble de la période d'incapacité, jusqu'à la guérison complète, dans la limite des durées maximales d'indemnisation fixées par les régimes14(*).
De tels congés concernent, sous des modalités différentes, l'ensemble des assurés15(*).
a) Pour les non-fonctionnaires, des indemnités journalières versées par les différents régimes de sécurité sociale, complétées le cas échéant par des versements de l'employeur
· Les indemnités journalières versées par la sécurité sociale
Les assurés du régime général d'assurance maladie reçoivent des indemnités journalières (IJ) lorsqu'ils sont en congé pour incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail, aux termes de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale.
Ces indemnités sont versées par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) compétente, et correspondent à 50 %16(*) du salaire journalier de base, dans la limite de 1/730e de 1,8 fois le montant du salaire minimum de croissance17(*), soit 50,58 euros brut par jour. À partir du vingt-neuvième jour, l'indemnité atteint 80 % du salaire journalier de référence.
Les agents contractuels bénéficient des indemnités journalières dans les mêmes conditions que les assurés du régime général.
En ce qui concerne les indépendants, les indemnités journalières dont ils bénéficient aux termes de l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale sont versées par les CPAM et correspondent à 1/730e de leur revenu d'activité annuel moyen dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale18(*), soit 60,26 euros bruts par jour.
La Mutualité sociale agricole (MSA) verse aux assurés non-salariés des indemnités journalières en cas d'incapacité physique temporaire de continuer ou de reprendre le travail, conformément à l'article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime. Toutefois, le montant de l'IJ est défini forfaitairement19(*) comme 63 % de 1/365e du gain forfaitaire annuel, soit 22,95 euros. À partir du vingt-neuvième jour d'arrêt, l'IJ passe à 30,61 euros.
Aux termes de l'article L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime, les salariés agricoles bénéficient en matière de congé maladie du même traitement que les assurés du régime général, si ce n'est que le versement des IJ est à la charge des caisses de la MSA et non des CPAM.
Le congé maladie prévu pour le régime général « s'applique, en tant que de besoin, aux assurés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-11 » aux termes de l'article L. 711-5 du code de la sécurité sociale.
· Les indemnités complémentaires versées par l'employeur
Hors du cadre financé par la sécurité sociale, tous les employeurs soumis au code du travail doivent verser à leur charge des indemnités complémentaires20(*) aux IJ lorsque le salarié a au moins un an d'ancienneté, est soigné en France et a transmis à l'employeur son certificat médical dans les 48 heures suivant le début de son arrêt de travail.
La durée de versement maximale est corrélée à l'ancienneté du salarié.
Les indemnités ainsi versées complètent les IJ pour permettre au salarié en arrêt de toucher 90 % de sa rémunération brute lors de la première moitié de la durée de versement maximale des indemnités complémentaires, puis, le cas échéant, 66,66 % sur la période de versement restante.
Pour les agents contractuels, l'État finance un versement complémentaire aux IJ permettant une rémunération de remplacement à plein traitement puis à demi-traitement pour une durée dépendant de l'ancienneté de l'agent.
b) L'État verse des revenus de remplacement aux fonctionnaires en congé de maladie
Chez les fonctionnaires, il existe plusieurs types de congés pour maladie.
On distingue ainsi un congé maladie ordinaire (CMO), un congé longue maladie (CLM), et un congé maladie longue durée (CLD). À la différence des autres régimes, ce n'est pas la branche maladie mais l'État qui finance les revenus de remplacement induits par le congé. De plus, l'indemnité perçue par les fonctionnaires remplit à la fois le rôle des indemnités journalières de la sécurité sociale et du versement complémentaire pour les employeurs.
Le congé de maladie ordinaire permet au fonctionnaire malade ou dans l'incapacité de travailler d'être rémunéré à plein traitement pendant 90 jours (sauf la période entre l'arrêt et la transmission de l'arrêt, en cas de dépassement répété du délai de transmission de 48 heures), puis à demi-traitement pendant 270 jours, tandis que les primes peuvent être versées à 100 %, à 50 % ou à 0 %.
Le congé longue maladie permet au fonctionnaire atteint d'une maladie invalidante nécessitant un traitement et des soins prolongés d'être placé en congé maladie pour une durée maximale de trois ans fractionnables et de bénéficier d'un traitement indiciaire intégral la première année du congé, puis réduit de moitié les deux années suivantes. Les primes font l'objet d'un traitement protéiforme.
Le cas échéant, à la fin de la première année de CLM ou en fin de droits, le fonctionnaire atteint par une maladie grave21(*) peut accéder à un CLD, d'une durée de cinq ans fractionnables. Le traitement indiciaire est versé en totalité durant trois ans, puis réduit de moitié les deux années suivantes, tandis que le régime indemnitaire varie en fonction des primes.
2. Le délai de carence, qui prévoit la non-indemnisation d'une période au début du congé maladie, a progressivement été étendu à tous les régimes
Toutefois, les indemnités prévues en cas de congé maladie ne couvrent pas l'intégralité des jours non travaillés : il existe en effet, dans chaque régime, un délai de carence à l'ouverture de la période de congés.
Le délai de carence, prévu pour le régime général à l'article L. 323-1 du code de la sécurité sociale, a progressivement été étendu à tous les régimes22(*). Le dernier exemple en date concerne les agents publics et les assurés des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.
Instauré pour les agents publics à l'article 105 de la loi de finances pour 2012, abrogé à l'article 126 de la loi de finances pour 2014, le délai de carence a finalement été rétabli à l'article 115 de la loi de finances pour 2018 pour les agents publics civils et militaires, les assurés des régimes spéciaux et ceux dont l'indemnisation du congé maladie n'est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale.
La durée du délai de carence varie entre un et trois jours selon les régimes :
- il est d'un jour pour les fonctionnaires civils, les militaires, les assurés des régimes spéciaux et ceux dont l'indemnisation du congé maladie n'est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale23(*) ;
- il est de trois jours pour les assurés du régime général24(*), pour les contractuels de la fonction publique, pour les salariés agricoles25(*), les indépendants26(*) et pour les non-salariés agricoles27(*).
Quant au versement des indemnités complémentaires à la charge de l'employeur soumis au droit du travail, il est soumis à un délai de carence de sept jours. Le maintien du traitement des agents contractuels est, lui, soumis à un délai de carence d'un jour.
Dès lors, une salariée assurée du régime général en congé d'un lundi à un vendredi pour incapacité physique de reprendre ou de continuer le travail à la suite d'une interruption spontanée de grossesse avant la 22e semaine d'aménorrhée ne perçoit ses indemnités journalières qu'à compter du jeudi. Les lundi, mardi et mercredi ne font pas l'objet d'une indemnisation par le régime général : à une souffrance physique ou psychique parfois aiguë s'ajoute donc une perte significative de revenus, qui décourage le recours au congé.
L'effet de ces délais de carence est toutefois limité par la prévoyance d'entreprise, modalité complémentaire de couverture des indemnités liées aux congés pour incapacité permettant la prise en charge de tout ou partie des indemnités journalières non perçues du fait des jours de carence.
Selon des données de 2009, 64 % des salariés bénéficieraient d'une prise en charge totale de leurs jours de carence par la protection sociale complémentaire d'entreprise, et 2 % d'une prise en charge partielle. Le taux de couverture varie toutefois nettement entre catégories socio-professionnelles : 82 % des cadres bénéficient d'une prise en charge complète, contre 51 % des ouvriers.
Après la 22e semaine d'aménorrhée, en revanche, les femmes confrontées à un arrêt précoce de leur grossesse bénéficient à plein de leur congé pour maternité, d'une durée de seize semaines28(*), durant lesquelles elles perçoivent des indemnités spécifiques, sans délai de carence.
En l'état actuel du droit, il existe donc un important effet de seuil pour les arrêts spontanés de grossesse. Si la femme qui y est confronté ressent le besoin d'arrêter temporairement le travail :
- avant la 22e semaine d'aménorrhée, elle doit se faire prescrire un arrêt pour incapacité à reprendre le travail avec délai de carence ;
- après la 22e semaine d'aménorrhée, elle bénéficie de plein droit d'un congé maternité indemnisé sans délai de carence, d'une durée maximale de seize semaines29(*).
Tableau 1 : Récapitulatif des modalités de couverture des congés maladie
Régime |
Financeur |
Niveau de prise en charge de l'arrêt maladie |
Niveau de prise en charge complémentaire par l'employeur |
Délai de carence |
Général |
CPAM |
50 % du salaire journalier de base, dans la limite de 50,58 € brut par jour |
Complément des IJ pour atteindre 90 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours, puis complément des IJ pour atteindre 66,66 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours |
3 jours |
Indépendants |
CPAM |
1/730e de leur revenu d'activité annuel moyen, dans la limite de 60,26 € brut par jour |
N/A |
3 jours |
Fonctionnaires |
État |
100 % du traitement indiciaire brut pendant 90 jours, puis 50 % du traitement indiciaire brut pendant 270 jours. Certaines primes sont versées tout ou partie. |
N/A |
1 jour |
Agents contractuels |
CPAM |
50 % du salaire journalier de base, dans la limite de 50,58 € brut par jour |
Complément des IJ pour atteindre 100 % du traitement brut pendant 30 à 90 jours, puis complément des IJ pour atteindre 50 % du traitement. Certaines primes sont versées tout ou partie. |
1 jour pour la prise en charge complémentaire, 3 jours pour les IJ |
Salariés agricoles |
MSA |
50 % du salaire journalier de base, dans la limite de 50,58 € brut par jour |
Complément des IJ pour atteindre 90 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours, puis complément des IJ pour atteindre 66,66 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours |
3 jours |
Non-salariés agricoles |
MSA |
22,95 € bruts par jour puis 30,61 € brut par jour à compter du vingt-neuvième jour d'arrêt |
N/A |
3 jours |
Source : Commission des affaires sociales du Sénat.
B. Le législateur a prévu diverses exceptions au délai de carence, notamment au bénéfice des plus fragiles
1. Les exceptions au délai de carence pour les assurés du régime général, du régime agricole et du régime des indépendants
Aux termes des articles L. 323-1-1 du code de la sécurité sociale et du L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime, les arrêts de travail faisant suite au décès d'un enfant âgé de moins de vingt-cinq ans ou d'une personne âgée de moins de vingt-cinq ans dont l'assuré a la charge effective et permanente ne font pas l'objet d'un délai de carence.
Si deux arrêts de travail sont espacés de moins de 48 heures et ont la même cause, le second ne fait pas l'objet d'un délai de carence si celui-ci avait été épuisé lors du premier arrêt de travail.
De plus, les arrêts de travail liés à des affections de longue durée ne sont pas concernés par le délai de carence, à l'exception du premier d'entre eux.
2. Les exceptions au délai de carence pour les agents publics et les assurés des régimes spéciaux
La loi prévoit des exceptions au délai de carence pour le maintien du traitement ou de la rémunération des agents publics civils et militaires, des assurés des régimes spéciaux ou dont la prise en charge n'est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale.
Aux termes de l'article 115 de la loi de finances pour 2018, le délai de carence ne s'applique pas notamment dans les cas suivants :
- au deuxième congé de maladie pour une même cause, lorsque la reprise du travail n'a pas excédé 48 heures ;
- au congé de maladie accordé postérieurement à un premier congé maladie au titre d'une affection de longue durée ;
- au congé de maladie accordé postérieurement à la déclaration de grossesse et avant le début du congé de maternité ;
- au premier congé de maladie intervenant à la suite du décès d'un enfant ou d'une personne dont l'agent a la charge lorsque le défunt est âgé de moins de vingt-cinq ans.
3. L'exception au délai de carence pour les personnes contaminées par le SARS-CoV-2, aujourd'hui éteinte
L'article 8 de la loi d'urgence sanitaire n°2020-290 du 23 mars 2020 a suspendu le délai de carence applicable à l'ensemble des régimes obligatoires pour les arrêts de travail liés à la contamination par le SARS-CoV-2 jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire, le 10 juillet 2020.
Par la suite, le dispositif a été prolongé à plusieurs reprises jusqu'à la LFSS pour 2023, qui renvoyait en son article 27 à un décret la date limite de levée du jour de carence pour les congés de maladie covid. Le décret du 27 janvier 2023 a rétabli, en ce sens, les jours de carence pour des arrêts maladie consécutifs à la contamination par le SARS-CoV-2 à compter du 1er février 2023.
C. L'article 1er B propose de supprimer le délai de carence pour l'indemnisation des arrêts maladie faisant suite à une interruption spontanée de grossesse, mais ne couvre pas tous les assurés
1. L'article 1er B vise à desserrer les contraintes financières s'opposant au recours au congé maladie après une interruption spontanée de grossesse avant la 22e semaine d'aménorrhée
L'article 1er B, introduit en séance à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, prévoit la suppression du délai de carence pour l'indemnisation du congé pour incapacité à continuer ou reprendre le travail lorsque celui-ci est consécutif à une interruption spontanée de grossesse avant la 22e semaine d'aménorrhée.
Le dispositif insère un article L. 321-1-2 dans le code de la sécurité sociale afin de s'appliquer aux assurées du régime général, aux contractuelles et aux salariées agricoles (I), et un nouvel alinéa à l'article 115 de la loi de finances pour 2018 afin de concerner également les agentes publiques et les assurées des régimes spéciaux de l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale (II).
Les arrêts de travail concernés seraient ceux prescrits pour une interruption spontanée de grossesse antérieure à la 22e semaine d'aménorrhée après une date définie par décret et ne pouvant être ultérieure au 1er janvier 2024 (III).
Les arrêts de travail consécutifs à des interruptions spontanées de grossesse postérieures à la 22e semaine d'aménorrhée sont, eux, déjà couverts par les congés pour maternité, et ne sont pas visés par cet article.
L'article 1er B vise donc à desserrer les contraintes financières pesant sur les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse et dont l'état de santé physique ou mental nécessite un congé pour incapacité à continuer ou reprendre le travail. Il permettra une indemnisation dès le premier jour d'arrêt. Le coût induit pour les finances publiques a été évalué par la direction de la sécurité sociale du ministère de la santé et de la prévention à 5 millions d'euros.
Toutefois, l'indemnisation des congés maladie par la sécurité sociale ne couvrant pas l'intégralité du salaire, l'arrêt de travail consécutif à une interruption spontanée de grossesse ne sera pas systématiquement neutre financièrement pour la patiente, malgré la suppression du délai de carence.
2. La solution retenue présente l'avantage de ne pas nécessiter d'information de l'employeur
Au contraire d'un congé pour événement familial, le dispositif retenu par l'Assemblée nationale présente la caractéristique avantageuse de ne pas nécessiter d'information de l'employeur quant aux motifs de l'arrêt de travail.
Seuls auront à connaître la cause du congé le financeur de l'arrêt de travail et le médecin ou la sage-femme prescripteur, soumis au secret médical.
Cela répond, selon les auditions organisées par le rapporteur, à une demande univoque de la part des femmes confrontées à des interruptions spontanées de grossesse.
En effet, l'absence d'information de l'employeur prémunit la femme confrontée à un arrêt spontané de grossesse contre des discriminations supplémentaires au travail pour raisons familiales. En ce sens, le recours à un congé de maladie indemnisé par l'Assurance maladie plutôt qu'à un congé pour événement familial à la charge de l'employeur répond à une préoccupation pour l'égalité professionnelle.
3. La suppression du délai de carence ne concerne, en l'état actuel du texte, pas l'ensemble des assurées
En l'état actuel du texte, l'article 1er B vise les assurées du régime général, des régimes spéciaux, les agentes publiques civiles et militaires et les salariées agricoles.
Cependant, en omettant de modifier le code rural et de la pêche maritime, l'article 1er B ne supprime, en l'état, pas le délai de carence applicable aux non-salariées agricoles. De plus, l'article ne couvre pas, en l'état actuel du texte, le régime des indépendants, faute de modifier l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale.
D'une durée de trois jours, le délai de carence applicable aux non-salariées agricoles et aux indépendantes serait donc maintenu en cas d'interruption spontanée de grossesse.
II - La position de la commission
Le rapporteur estime que la suppression du délai de carence pour les congés maladie consécutifs à des interruptions spontanées de grossesse est une mesure opportune et adéquate, symbolisant la solidarité de la nation avec la souffrance physique et psychologique qu'un tel événement peut provoquer chez les patientes qui y sont confrontées.
Il souscrit à la volonté de limiter le préjudice financier engendré par le besoin légitime de congé que peuvent éprouver ces femmes afin de se remettre d'un événement douloureux, tant physiquement que psychologiquement.
Toutefois, il déplore l'absence d'inclusion des non-salariées agricoles et des indépendantes dans le dispositif. Aucune différence objective de situation entre les assurées du régime des non-salariés agricoles, des indépendants et celles des autres régimes n'apparaît justifier un tel écart au principe d'égalité.
Par conséquent, et à l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement n° COM-8, qui entend aligner les assurées du régime des indépendants sur celui de l'ensemble des assurées visées par le dispositif et supprimer les jours de carence pour les arrêts de travail prescrits à des indépendantes consécutivement à une interruption spontanée de grossesse avant la 22e semaine d'aménorrhée.
Cet amendement, qui aggrave une charge publique au sens de l'article 40 de la Constitution, est « couvert » par les déclarations du ministre de la santé et de la prévention en séance publique à l'Assemblée nationale le 8 mars 2023, assurant que « les travailleurs indépendants sont couverts par la mesure ».
Le rapporteur a, par ailleurs, invité le Gouvernement à déposer un amendement en séance afin d'étendre le dispositif aux non-salariées agricoles.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article
1er
Possibilité d'adressage par les sages-femmes à un
psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy
Cet article vise à permettre aux sages-femmes d'adresser à un psychologue conventionné, dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, une patiente et, dans les cas d'interruption spontanée de grossesse, son partenaire.
La commission a adopté cet article sans modification.
I - Le dispositif proposé
A. Le dispositif MonParcoursPsy permet la prise en charge de séances de suivi psychologique auprès d'un psychologue conventionné
1. Mis en place en 2022, le dispositif permet la prise en charge de séances réalisées en ambulatoire après adressage par un médecin
· Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 202230(*), le dispositif MonParcoursPsy permet la prise en charge de séances d'accompagnement psychologique réalisées en ambulatoire, auprès d'un psychologue exerçant en libéral, dans un centre de santé ou dans une maison de santé, lorsque celles-ci remplissent deux conditions cumulatives :
- le psychologue réalisant la séance doit avoir été sélectionné et être signataire d'une convention avec l'Assurance maladie ;
- le patient doit avoir été adressé au psychologue par son médecin traitant ou, à défaut, par un médecin impliqué dans sa prise en charge31(*).
Les professionnels de santé, médecins et psychologues, participant au dispositif sont réputés appartenir à des équipes de soins au sens de l'article L. 1110-12 du code de la santé publique et sont, en conséquence, autorisés à partager les informations nécessaires à la coordination des soins et au suivi du patient32(*).
· Mis en oeuvre depuis avril 2022, le dispositif constitue une innovation en ouvrant la prise en charge par l'Assurance maladie obligatoire de séances réalisées, en ambulatoire, auprès d'un psychologue libéral ou salarié. Jusque-là, seules les consultations en établissement de santé ou en établissement médico-social étaient prises en charge.
2. Les conditions d'éligibilité et de prise en charge ont été précisées par voie réglementaire
Un décret de février 202233(*) est venu préciser les modalités d'application du dispositif et d'éligibilité des psychologues comme des patients.
· Le nombre de séances prises en charge est limité à huit par année civile34(*) et leur tarification est fixée par arrêté35(*) à 40 euros pour la première séance, dite « entretien d'évaluation », et à 30 euros pour les séances suivantes36(*). Ce montant, correspondant aux honoraires perçus par le psychologue, est pris en charge à 60 % par l'assurance maladie obligatoire.
Pour être éligibles au dispositif, les psychologues doivent être inscrits auprès de l'agence régionale de santé de leur lieu d'exercice et disposer d'une expérience professionnelle en psychologie clinique ou psychopathologie d'au moins trois ans37(*).
· Enfin, pour bénéficier de la prise en charge, le patient doit être âgé de trois ans ou plus38(*) et présenter :
- pour les majeurs, une souffrance psychique ou trouble psychiatrique mineur, à l'exclusion des situations, plus graves, nécessitant d'emblée ou en cours de prise en charge l'avis d'un psychiatre ;
- pour les mineurs, une situation de mal-être ou de souffrance psychique pouvant susciter l'inquiétude de l'entourage39(*).
B. La proposition de loi autorise les sages-femmes à adresser leurs patientes victimes d'une fausse couche dans le cadre du dispositif
1. Les sages-femmes occupent un rôle de plus en plus important dans le suivi de la santé des femmes
· Les sages-femmes françaises exercent les responsabilités les plus étendues au niveau européen40(*). Leurs compétences, progressivement élargies, comprennent désormais des actes de diagnostic et de prescription. Ces dernières années, les sages-femmes ont ainsi été autorisées :
- à prescrire des substituts nicotiniques et à prendre en charge des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses41(*) ;
- à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse, sous conditions de formation et d'expérience42(*) ;
- à prescrire aux patientes et à leurs partenaires un dépistage d'infections sexuellement transmissibles et certains de leurs traitements43(*).
Elles sont, comme les médecins, autorisées à conduire l'entretien postnatal entre les quatrième et huitième semaines suivant l'accouchement, systématisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 202244(*). Celui-ci vise, notamment, à repérer les premiers signes de la dépression du post-partum ou les facteurs de risques qui y exposent et à évaluer les éventuels besoins de la femme ou de son partenaire en termes d'accompagnement45(*).
· Cette extension des compétences des sages-femmes s'est accompagnée, ces dernières années, d'une diversification de leurs modes d'exercice. Alors qu'elles n'étaient que 20 % en 2012, 34 % des sages-femmes ont, désormais, une activité libérale.
La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) estime que, si ces tendances se poursuivent, l'exercice libéral ou mixte pourrait devenir majoritaire dans la profession à l'horizon 205046(*).
2. L'article 1er permet aux sages-femmes d'adresser leurs patientes victimes d'une interruption spontanée de grossesse à un psychologue conventionné
La proposition de loi vise à favoriser le suivi psychologique des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse en permettant aux sages-femmes de les adresser à un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy.
Pour ce faire, l'article 1er du texte initial modifiait, à l'article L. 162-58 du code de la sécurité sociale, les conditions d'adressage associées au dispositif MonParcoursPsy pour prévoir que celui-ci pouvait être réalisé non plus seulement par un médecin, mais également par une sage-femme suite à une interruption spontanée de grossesse. Il précisait également que la patiente devait être informée de cette possibilité.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
À l'initiative de sa rapporteure, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a intégralement réécrit l'article 1er de la proposition de loi pour étendre sa portée.
Désormais, le 1° modifie l'article L. 162-58 du code de la sécurité sociale pour autoriser les sages-femmes à adresser à un psychologue conventionné :
- l'ensemble de leurs patientes, sans condition tenant à l'existence d'une interruption spontanée de grossesse ni d'aucun événement lié à la grossesse ;
- dans les seuls cas où leur patiente a subi une interruption spontanée de grossesse, son partenaire.
En cohérence, le 2° de l'article inclut les sages-femmes à l'origine de l'adressage dans l'équipe de soins chargée du suivi du patient, leur permettant notamment partager avec le psychologue conventionné consulté des informations nécessaires à la coordination ou à la continuité de la prise en charge.
L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.
III - La position de la commission
Le rapporteur a favorablement accueilli ces dispositions, susceptibles d'améliorer le suivi psychologique des patientes victimes d'une interruption spontanée de grossesse et de favoriser sa prise en charge.
· Il observe, toutefois, que le déploiement poussif du dispositif MonParcoursPsy ne devrait pas permettre de donner à ces dispositions l'effet espéré.
Le taux de participation apparaît, d'abord, particulièrement faible. Selon la fédération française des psychologues et de psychologie, auditionnée par le rapporteur, 2 000 psychologues seulement sur les plus de 20 000 qui y seraient éligibles participent au dispositif47(*). La faible rémunération des séances, leur durée inadaptée à certains troubles visés et le système d'adressage préalable mis en place figurent parmi les principaux facteurs explicatifs mis en avant par les syndicats de psychologues.
Selon la direction de la sécurité sociale (DSS), sur les neuf mois d'application du dispositif en 2022, seuls 76 375 patients ont été pris en charge, pour 3,88 séances en moyenne48(*). En comparaison, le nombre de fausses couches survenant chaque année en France pourrait être proche de 200 000 et le nombre de naissances recensées s'établit en 2022, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), à 723 00049(*).
· En conséquence, la commission souhaite que le dispositif MonParcoursPsy fasse rapidement l'objet d'une évaluation, permettant de recenser les raisons du faible taux de participation des psychologues et d'interroger les conditions d'éligibilité mises en place. Celle-ci devra permettre d'évaluer la pertinence du système d'adressage retenu et d'apprécier l'opportunité de l'élargir. Elle devra également permettre d'identifier les moyens d'assurer l'accès au dispositif des patients en ayant le plus besoin.
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 1er
bis
Obligations des médecins et sages-femmes prenant en charge
une
femme victime d'une interruption spontanée de grossesse
Cet article vise à faire obligation aux médecins et sages-femmes sollicités par une femme victime d'une interruption spontanée de grossesse :
- d'informer cette dernière des possibilités de traitement et de leurs implications ;
- de lui proposer, en cas de prise en charge médicale, de la suivre en établissement de santé ;
- de lui proposer, enfin, un nouvel examen médical au cours des quatre semaines suivant la prise en charge.
La commission a supprimé cet article.
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
A. La prise en charge médicale des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse est strictement encadrée
1. Les droits des patients à l'information et à l'expression de leur volonté
La prise en charge, par les médecins et sages-femmes, des femmes subissant un arrêt spontané de grossesse est encadrée par plusieurs dispositions législatives reconnaissant d'ores et déjà à l'ensemble des malades le droit de prendre les décisions concernant leur santé de manière éclairée.
· S'applique ainsi, d'abord, le « droit d'être informé sur son état de santé », reconnu par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades50(*), permettant aux patients d'être informés des investigations, traitements ou actions proposés, de leur utilité, de leurs conséquences et des risques fréquents ou graves prévisibles qu'ils comportent, comme des autres solutions possibles51(*).
Cette information incombe aux professionnels de santé, à qui il appartient, en cas de litige, d'apporter la preuve qu'elle a été délivrée.
· Corollairement, le patient a le droit, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et préconisations qu'il lui fournit, de prendre « les décisions concernant sa santé. »52(*) La loi fait obligation aux médecins de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité et n'autorise aucun acte médical ni aucun traitement sans le consentement libre et éclairé du malade, lorsque celui-ci est majeur et en état d'exprimer sa volonté.
2. Les obligations déontologiques des médecins et sages-femmes
Les obligations déontologiques des médecins et sages-femmes encadrent également la prise en charge.
· En application du droit des malades à l'information et à l'expression de leur volonté, le médecin doit ainsi livrer à la personne qu'il examine, soigne ou conseille « une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose »53(*).
Le code de déontologie prévoit également que « le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas » et que le médecin doit respecter le refus d'un malade en état d'exprimer sa volonté54(*).
· Les obligations déontologiques encadrent également les choix thérapeutiques pouvant être réalisés par un médecin ou une sage-femme, avec l'assentiment de la patiente.
Aussi les médecins et les sages-femmes, libres de leurs prescriptions dans les limites fixées par la loi55(*), doivent-ils néanmoins s'interdire de faire courir à la patiente un risque injustifié dans les investigations et interventions qu'ils pratiquent56(*).
Enfin, médecins et sages-femmes sont tenus déontologiquement, dès lors qu'ils ont accepté de répondre à une demande, d'assurer avec conscience et dévouement les soins que requiert la patiente, conformément à l'état actuel des connaissances scientifiques57(*).
3. Les recommandations de bonnes pratiques du Collège national des gynécologues-obstétriciens français
Des recommandations de bonnes pratiques, publiées par le Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF) et actualisées chaque fois que les données scientifiques le requièrent, guident enfin médecins et sages-femmes dans la prise en charge des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse.
· Ainsi le CNGOF peut-il recommander un type de traitement ou d'intervention plutôt qu'un autre en fonction du degré d'évacuation de la grossesse lors de la consultation.
Le CNGOF recommande, ainsi, dans les cas de grossesse arrêtée pour lesquelles le sac gestationnel n'est pas évacué, d'éviter l'expectative consistant à s'abstenir de tout traitement dans l'attente d'une expulsion spontanée, puisqu'elle augmente les risques de traitement chirurgical non programmé et de transfusion sanguine. À l'inverse, l'expectative peut, selon lui, être proposée en première intention dans les cas de fausse couche incomplète.
· De la même manière, le CNGOF recommande dans certaines situations la réalisation de consultations complémentaires ou la mise en oeuvre d'une alternative thérapeutique. C'est le cas, par exemple, lorsqu'un traitement médicamenteux a été choisi mais ne permet pas, dans un délai de deux jours à deux semaines, d'obtenir l'évacuation complète de la grossesse58(*).
En cas de fausses couches à répétition, définies comme la survenance de trois interruptions spontanées de grossesse consécutives, le CNGOF recommande la mise en place d'une politique de réassurance, fondée sur la répétition de plusieurs consultations et échographies, ainsi que la réalisation d'un bilan comprenant notamment la recherche d'un diabète ou d'une carence vitaminique.
B. L'article 1er bis vise à encadrer davantage la prise en charge médicale en imposant aux médecins et sages-femmes une meilleure information de la patiente et la prescription d'un examen complémentaire
L'article 1er bis de la proposition de loi, issu d'un amendement de Mme Martine Etienne (La France insoumise) adopté en séance plénière par l'Assemblée nationale, vise à améliorer le suivi médical des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse en renforçant les obligations des médecins et sages-femmes impliqués dans leur prise en charge.
À cette fin, il insère, au sein de l'article L. 2122-1 du code de la santé publique relatif à la surveillance médicale de la grossesse et aux examens prénataux et postnataux obligatoires, un nouvel alinéa prévoyant que les médecins et sages-femmes prenant en charge une femme victime d'une interruption spontanée de grossesse doivent :
- informer la patiente, dès la première consultation, des possibilités de traitement, de leurs implications et effets secondaires potentiels ;
- dans le cas d'un traitement médical, proposer à la patiente de suivre celui-ci dans un établissement de santé adapté ;
- enfin, proposer obligatoirement à la patiente un examen médical complémentaire dans les quatre semaines suivant sa prise en charge.
L'Assemblée nationale a adopté cet article.
II - La position de la commission
La commission a accueilli les présentes dispositions avec circonspection, jugeant que celles-ci reprenaient des obligations s'imposant déjà aux professionnels de santé ou, dans d'autres domaines, contraignaient leur exercice pourtant guidé par les données scientifiques disponibles et les recommandations des sociétés savantes.
· S'agissant de l'obligation d'information, le rapporteur souligne qu'un droit général des malades à l'information, consacré par le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, s'impose déjà à l'ensemble des professionnels de santé.
Précisé par les codes de déontologie de chaque profession, ce droit contraint les professionnels de santé à fournir aux patients l'ensemble des informations relatives aux investigations, traitements ou actions proposés susceptibles de permettre et d'éclairer l'expression de leur volonté.
· La commission n'a pas davantage souscrit à l'obligation de proposer une prise en charge dans un établissement de santé, en cas de traitement médical, et une consultation complémentaire dans les quatre semaines suivant la prise en charge.
Les recommandations de bonnes pratiques établies par les sociétés savantes ne recommandent la prise en charge en établissement de santé ou la réalisation d'examens complémentaires que lorsque certaines données cliniques établissent leur nécessité.
Dans ces circonstances, considérant que ces dispositions contraignaient inutilement l'exercice des professionnels de santé et la prise en charge médicale des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse, la commission a adopté un amendement n° COM-10 du rapporteur visant à supprimer le présent article de la proposition de loi.
La commission a supprimé cet article.
Article 1er
ter
Demande de rapport sur l'extension de l'assurance
maternité
à tous les frais médicaux de la femme
enceinte
Cet article est une demande de rapport au Gouvernement sur l'extension de l'assurance maternité à l'ensemble des frais médicaux de la femme enceinte dès les premières semaines d'aménorrhée, qu'ils concernent la grossesse et l'accouchement ou non.
La commission a supprimé cet article.
I - Le dispositif proposé
A. L'assurance maternité vise à accorder une protection accrue à la femme enceinte, aux jeunes parents et au nouveau-né
1. L'assurance maternité a pour objet la prise en charge des frais médicaux de la femme enceinte et celle des congés parentaux
L'assurance maternité, définie à l'article L. 330-1 du code de la sécurité sociale, présente deux objectifs distincts concourant à mieux protéger la femme enceinte puis les jeunes parents et leur nouveau-né.
a) L'assurance maternité prévoit l'octroi d'indemnités journalières pour les congés parentaux
D'une part, l'assurance maternité garantit l'octroi de congés parentaux lors desquelles le bénéficiaire perçoit des indemnités journalières (IJ).
Trois types de congés sont pris en charge au titre de l'assurance maternité :
- le congé maternité qui consiste, aux termes de l'article L. 331-3 du code de la sécurité sociale, en le versement d'IJ à la femme enceinte ou ayant récemment accouché. Pour un premier enfant, il couvre une période de seize semaines, débutant six semaines avant la date présumée de l'accouchement et se terminant dix semaines après celle-ci, indépendamment de la date réelle de l'accouchement. Pour des grossesses multiples59(*) et à compter du troisième enfant60(*), la durée d'indemnisation est accrue. Le bénéfice du congé maternité est conditionné à une interruption du travail salarié pendant la période de versement, qui ne peut être inférieure à huit semaines.
La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 a confié à la branche famille le financement de 60 % des IJ au titre du congé maternité, représentant symboliquement les IJ post-natales. Les 40 % restants, figurant les IJ prénatales, restent à la charge de la branche maladie ;
- le congé de paternité et d'accueil de l'enfant, prévu à l'article L. 331-8 du code de la sécurité sociale. Il consiste en le versement d'IJ au parent n'ayant pas accouché ou au concubin de la mère pour une durée de vingt-cinq jours calendaires (trente-deux en cas de naissances multiples) répartis entre quatre jours faisant immédiatement suite au congé pour naissance de l'enfant, et vingt-et-un jours fractionnables. Le bénéfice de ce congé est conditionné à la cessation du travail salarié pendant la période d'indemnisation.
Le congé de paternité et d'accueil de l'enfant est financé par la branche famille ;
- le congé de deuil en cas de décès de l'enfant, prévu à l'article L. 331-9 du code de la sécurité sociale. Il consiste en le versement d'IJ aux parents d'un enfant décédé pour une durée de huit jours fractionnables, sous condition de cessation du travail salarié pendant la période d'indemnisation.
Le congé de deuil est financé par la branche famille.
b) L'assurance maternité prévoit également une prise en charge complète de certains frais médicaux de la mère par la Sécurité sociale
L'assurance maternité ne se résume toutefois pas au versement d'indemnités journalières : elle couvre également certains frais médicaux de la mère et de l'enfant, dans l'objectif d'éviter le renoncement à des soins nécessaires pour raisons financières, d'autant plus préjudiciable que les publics visés - femmes enceintes et enfants - sont fragiles.
Toute assurée ou ayant droit bénéficie en ce sens d'une prise en charge intégrale de certains frais médicaux par l'Assurance maladie sur la base des tarifs de la sécurité sociale, avec dispense d'avance de frais. Les seuls frais restant à la charge de la bénéficiaire de l'assurance maternité sont donc les dépassements d'honoraires et les frais pour confort personnel.
Si la majorité des actes médicaux couverts par l'assurance maternité concerne la période de grossesse, les examens médicaux obligatoires des enfants jusqu'à dix-huit ans mentionnés à l'article L. 2132-2 du code de la santé publique font également l'objet d'une prise en charge intégrale avec dispense d'avance de frais au titre de l'assurance maternité.
2. Le champ des actes médicaux pris en charge par l'assurance maternité est considérablement enrichi à compter du sixième mois de grossesse
Les actes médicaux concernés par l'assurance maternité évoluent au cours de la grossesse.
Du début de la grossesse jusqu'à la fin du cinquième mois, font l'objet d'une prise en charge intégrale avec tiers payant l'ensemble des frais médicaux, pharmaceutiques, d'analyses et d'examens de laboratoires, d'appareils et d'hospitalisation relatifs à la grossesse, à l'accouchement et à ses suites.
Cela comprend notamment les examens obligatoires du père et de la mère compris dans le suivi médical de la grossesse et prévus aux articles L. 2122-1 et L. 2122-3 du code de la santé publique.
À compter du quatrième mois et jusqu'à douze jours après l'accouchement, une consultation bucco-dentaire pour la mère est prise en charge à 100 % dans le cadre de l'assurance maternité.
Du premier jour du sixième mois de grossesse à douze jours après l'accouchement, l'assurance maternité devient plus protectrice et couvre désormais tous les frais médicaux61(*) remboursables de la femme enceinte, qu'ils aient trait ou non à la grossesse, à l'accouchement ou à ses suites.
Cela inclut notamment la troisième échographie, les échographies complémentaires éventuellement prévues, le transport vers l'hôpital ou la clinique conventionnée pour l'accouchement, et l'accouchement en lui-même.
Dans les douze jours suivant l'accouchement, le suivi à domicile par une sage-femme fait également l'objet d'une prise en charge à 100 %.
3. Les actes médicaux relatifs aux interruptions spontanées de grossesse ne font pas tous l'objet d'une prise en charge intégrale
Selon la direction de la sécurité sociale (DSS) et la direction générale de l'offre de soins (DGOS) du ministère de la santé et de la prévention, auditionnées par le rapporteur, les actes médicaux consécutifs aux interruptions spontanées de grossesse n'entrent pas dans l'assurance maternité.
Le niveau de prise en charge varie selon que l'arrêt spontané de grossesse est traité avec la méthode médicamenteuse ou la méthode chirurgicale.
Lorsque l'arrêt spontané de grossesse est traité par la méthode médicamenteuse, un forfait de prise en charge s'applique : le reste à charge sur le médicament est nul et il n'existe pas de ticket modérateur. Toutefois, à la différence d'une prise en charge par l'assurance maternité, le tiers payant n'est pas obligatoire.
Selon la DSS, auditionnée, lorsque l'arrêt spontané de grossesse est traité par la méthode chirurgicale, le droit commun de la prise en charge des frais hospitaliers s'applique. Avant déduction de la part prise en charge par la sécurité sociale, l'intervention chirurgicale reviendrait aux alentours de 1 300 euros, selon les auditions conduites par le rapporteur. Par conséquent, à la suite de l'intervention chirurgicale, un ticket modérateur de l'ordre de 200 euros peut rester à la charge de l'assurée ou de sa complémentaire santé.
B. Ouvrir la prise en charge intégrale des frais médicaux au titre de l'assurance maternité dès les premières semaines d'aménorrhée : une manière dispendieuse de mieux prendre en charge les frais relatifs aux interruptions spontanées de grossesse
L'article 1er ter, introduit en séance à l'Assemblée nationale à l'initiative de la députée Martine Étienne et plusieurs de ses collègues du groupe La France Insoumise, a été adopté contre l'avis de la commission et contre celui du Gouvernement. Il s'agit d'une demande de rapport sur l'extension de l'assurance maternité à l'ensemble des frais médicaux dès les premières semaines d'aménorrhée.
Le rapport devrait être rendu dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la proposition de loi.
II - La position de la commission
Le rapporteur comprend l'intention de l'article. La question de la prise en charge des frais liés à l'interruption spontanée de grossesse constitue un enjeu à ne pas négliger : la volonté de ne pas accabler des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse par des frais médicaux inévitables et potentiellement élevés pour les ménages les plus modestes est louable.
Toutefois, la commission accueille traditionnellement les demandes de rapport avec circonspection, considérant que ceux-ci ne sont que rarement remis, dans les faits, par le Gouvernement.
En outre, la question à étudier, c'est-à-dire l'extension de la prise en charge intégrale des frais médicaux des femmes enceintes dès les premières semaines de grossesse, apparaît peu opérationnelle et inefficiente.
D'une part, selon l'audition de la DSS par le rapporteur, la solution retenue semble insuffisamment opérationnelle. En effet, la sécurité sociale n'est informée de la grossesse qu'à compter de la transmission par la femme enceinte de sa déclaration de grossesse, le plus souvent autour du troisième mois. Les dépenses de santé de la femme enceinte avant la transmission à la sécurité sociale de sa déclaration de grossesse ne pourraient donc faire l'objet d'un remboursement intégral que rétroactivement, puisque la sécurité sociale n'était pas prévenue de la grossesse au moment où lesdites dépenses ont été engagées.
Le dispositif, s'il devait être adopté à l'issue du rapport, serait ainsi source d'une complexité opérationnelle considérable pour la sécurité sociale tout en ne répondant pas pleinement à l'enjeu du renoncement aux soins pour motifs financiers, le remboursement rétroactif impliquant une avance de frais par la femme enceinte.
D'autre part, la solution retenue présente des effets de bord importants, avec des conséquences certaines sur les finances sociales, soulignées par l'audition de la DSS par le rapporteur. Justifiée notamment par la volonté de couvrir les frais liés aux interruptions spontanées de grossesse - d'ailleurs déjà prises en charge à 100% en cas de traitement médicamenteux - elle emporte des répercussions nettement plus larges en proposant le remboursement intégral de l'ensemble des frais médicaux relatifs ou non à la grossesse de toutes les femmes enceintes, dès les premières semaines d'aménorrhée. Cela apparaîtrait discutable sur le plan des principes.
En conséquence, la commission a adopté un amendement n° COM-11 de son rapporteur visant à supprimer l'article 1er ter.
La commission a supprimé cet article.
Article 2
(suppression maintenue)
Gage financier de la proposition de loi
Cet article gage les conséquences financières sur l'État de l'adoption de la présente proposition de loi.
La commission a maintenu la suppression de cet article.
I - Le dispositif proposé
L'article 2 gage l'incidence de la proposition de loi sur les finances de l'État, par majoration à due concurrence de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Un amendement gouvernemental visant à supprimer l'article 2 de la proposition de loi a été adopté en commission par l'Assemblée nationale.
III - La position de la commission
La commission a maintenu la suppression de cet article.
* 1 Recommandations pour la pratique clinique élaborées par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, Les pertes de grossesse (texte court).
* 2 Ibid.
* 3 Niels Tavernier, « Et si on s'écoutait - épisode 2 : Allez, vous en ferez un autre ! », février 2020.
* 4 Programme de connaissances du deuxième cycle annexe à l'arrêté du 8 avril 2023 relatif au régime des études en vue du premier et du deuxième cycle des études médicales.
* 5 Arrêté du 21 avril 2017 relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d'études spécialisées et fixant la liste de ces diplômes et des options et formations spécialisées transversales du troisième cycle des études de médecine.
* 6 Article 3 de la loi n° 2023-29 du 25 janvier 2023 visant à faire évoluer la formation de sage-femme.
* 7 Arrêté du 11 mars 2013 relatif au régime des études en vue du diplôme d'État de sage-femme.
* 8 Article 11 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
* 9 Article L. 1111-2 du code de la santé publique.
* 10 Article L. 1111-4 du code de la santé publique.
* 11 Articles L. 312-16 et suivants du code de l'éducation.
* 12 Article L. 321-1 du code de la sécurité sociale.
* 13 Les conditions incluent notamment le paiement d'un montant minimal de cotisations aux termes des articles L. 313-1 (régime général), L. 711-5 (régimes spéciaux) et L. 622-3 (indépendants) du code de la sécurité sociale, et une durée minimale d'affiliation aux termes de l'article L. 622-3 du code de la sécurité sociale (indépendants) et de l'article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime (régime des non-salariés agricoles).
* 14 Par exemple, 89 jours pour les assurés du régime des indépendants aux termes de l'article D. 622-12 du code de la sécurité sociale, un an pour les fonctionnaires.
* 15 À l'exception des avocats, dont le congé pour maladie ne relève ni de l'État, ni de la sécurité sociale aux termes de l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale.
* 16 Articles L. 323-4 et R. 323-5 du code de la sécurité sociale.
* 17 Articles L. 323-4, R. 323-4 et R. 323-9 du code de la sécurité sociale.
* 18 Article D. 622-7 du code de la sécurité sociale.
* 19 Article L. 732-4-1 du code rural et de la pêche maritime.
* 20 Articles L. 1226-1 et L. 1226-1-1 du code du travail.
* 21 Cancer, déficit immunitaire grave et acquis, maladie mentale, tuberculose, poliomyélite.
* 22 Article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime pour les non-salariés agricoles, et, par alignement sur les assurés du régime général, article L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime pour les salariés agricoles, article L. 622-1 du code de la sécurité sociale pour les indépendants.
* 23 Article 115 de la loi de finances pour 2018
* 24 Article R. 323-1 du code de la sécurité sociale.
* 25 Article R. 742-2 du code rural et de la pêche maritime, par alignement sur les assurés du régime général.
* 26 Article D. 622-12 du code de la sécurité sociale.
* 27 Article D. 732-2-2 du code rural et de la pêche maritime.
* 28 Pour des grossesses multiples ou à compter du troisième enfant, la durée de versement est accrue. Le commentaire sur l'article 1er ter fournit de plus amples informations à ce sujet.
* 29 Hors cas de famille nombreuse ou grossesse multiple.
* 30 Article 79 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021.
* 31 Article L. 162-58 du code de la sécurité sociale.
* 32 Article L. 1110-4 du code de la santé publique.
* 33 Décret n° 2022-195 du 17 février 2022 relatif à la prise en charge des séances d'accompagnement réalisées par un psychologue.
* 34 Article R. 162-65 du code de la sécurité sociale.
* 35 Article R. 162-69 du code de la sécurité sociale.
* 36 Article 2 de l'arrêté du 8 mars 2022 précité.
* 37 Article R. 162-60 du code de la sécurité sociale.
* 38 Article R. 162-64 du code de la sécurité sociale.
* 39 Article 1er de l'arrêté du 8 mars 2022 relatif aux tarifs, codes de facturation et critères d'inclusion du dispositif de prise en charge de séances d'accompagnement psychologique.
* 40 Igas, « L'évolution de la profession de sage-femme », juillet 2021, p. 88.
* 41 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.
* 42 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.
* 43 Loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification.
* 44 Article 86 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.
* 45 Article L. 2122-1 du code de la santé publique.
* 46 Drees, « Médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens : combien de professionnels à l'horizon 2050 ? », 26 mars 2021.
* 47 Réponses de la Fédération française des psychologues et de psychologie au questionnaire adressé par le rapporteur.
* 48 Rapport d'activité « La direction de la sécurité sociale en 2022 », mars 2023.
* 49 « Bilan démographique 2022 », Insee Première n° 1889, janvier 2023.
* 50 Article 11 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
* 51 Article L. 1111-2 du code de la santé publique.
* 52 Article L. 1111-4 du code de la santé publique.
* 53 Article R. 4127-35 du code de la santé publique.
* 54 Article R. 4127-36 du code de la santé publique.
* 55 Articles R. 4127-8 et R. 4127-311 du code de la santé publique.
* 56 Articles R. 4127-40 et R. 4127-314 du code de la santé publique.
* 57 Articles R. 4127-32 et R. 4127-325 du code de la santé publique.
* 58 Recommandations pour la pratique clinique élaborées par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, Les pertes de grossesse (texte court).
* 59 Aux termes de l'article L. 331-3 du code de la sécurité sociale, le congé maternité s'étend de douze semaines avant le terme à vingt-deux semaines après le terme prévu pour des jumeaux ; et de vingt-quatre semaines avant le terme à vingt-deux semaines après le terme prévu pour la naissance de plus de deux enfants.
* 60 Aux termes de l'article L. 331-4 du code de la sécurité sociale, le congé maternité s'étend sur vingt-six semaines lorsque le ménage assume déjà la charge d'au moins deux enfants ou lorsque l'assurée a déjà mis au monde deux enfants nés viables.
* 61 Frais médicaux, pharmaceutiques, relatifs aux analyses et aux examens de laboratoires, frais d'appareil et frais d'hospitalisation, frais de soin.