N° 590
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 SEIZIÈME LÉGISLATURE |
N° 163
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023 |
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Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er décembre 2022 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission mixte paritaire(1)
chargée de proposer un texte sur les dispositions restant
en discussion du projet de
loi
d'
orientation
et de
programmation
du
ministère
de
l'
intérieur
,
PAR M. Florent BOUDIÉ,
Député
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PAR MM. Marc-Philippe DAUBRESSE
Sénateurs
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(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, sénateur, président ; M. Sacha Houlié, député, vice-président ; MM. Marc-Philippe Daubresse, Loïc Hervé, sénateurs, M. Florent Boudié, député, rapporteurs .
Membres titulaires : MM. Henri Leroy, Jérôme Durain, Jean-Yves Leconte, Alain Richard, sénateurs ; Mme Marie Lebec, MM. Jordan Guitton, Thomas Portes, Ian Boucard, Mme Blandine Brocard, députés.
Membres suppléants : Mmes Catherine Di Folco, Nadine Bellurot, Agnès Canayer, Dominique Vérien, Marie-Pierre de La Gontrie, Maryse Carrère, Éliane Assassi, sénateurs ; M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Julie Lechanteux, M. Philippe Pradal, Mme Sandra Regol, M. Christophe Naegelen, députés.
Voir les numéros :
Sénat : |
Première lecture : 876 (2021-2022), 9 , 19 , 20 et T.A. 2 (2022-2023) Commission mixte paritaire : 164 (2022-2023) |
Assemblée nationale ( 16 e législ.) : |
Première lecture : 343 , 436 et T.A. 32 |
Mesdames, Messieurs,
Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, et à la demande de la Première ministre, une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur s'est réunie au Sénat le jeudi 1 er décembre 2022.
Le bureau a été ainsi constitué :
- M. François-Noël Buffet, sénateur, président ;
- M. Sacha Houlié, député, vice-président.
La commission a désigné :
- MM. Marc-Philippe Daubresse et Loïc Hervé, sénateurs, rapporteurs pour le Sénat ;
- M. Florent Boudié, député, rapporteur pour l'Assemblée nationale.
*
* *
La commission mixte paritaire procède ensuite à l'examen des dispositions restant en discussion.
M. Florent Boudié, rapporteur pour l'Assemblée nationale . - Je me réjouis de la tonalité de nos discussions et je tiens à remercier les deux rapporteurs pour le Sénat. Le Sénat et l'Assemblée nationale ayant adopté le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) à une large majorité, notre objectif est de parvenir à un accord sur les dispositions restant en discussion.
Je me contenterai de passer en revue les principales dispositions du texte que nous vous proposons.
Sur l'article 3, qui autorise la saisie d'actifs numériques sans l'accord préalable du juge des libertés et de la détention, nous sommes revenus sur la précision que l'Assemblée nationale souhaitait apporter, car elle n'est pas nécessaire.
L'article 4 a été significativement modifié par l'Assemblée nationale : il est désormais prévu que le remboursement par l'assurance des pertes et dommages faisant suite à une cyberattaque soit subordonné au dépôt d'une plainte de la victime, au plus tard soixante-douze heures après que la victime a eu connaissance de l'atteinte. Nous sommes tombés d'accord sur les conditions qu'il nous semblait utile d'ajouter. Nous prévoyons également de différer de trois mois l'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions, considérant qu'il faut laisser le temps aux assurés de prendre connaissance de leurs obligations.
Les modifications proposées à l'article 5 relatif à la mise en oeuvre du projet « Réseau radio du futur » (RFF) sont essentiellement rédactionnelles.
Concernant la visioplainte, prévue à l'article 6, nous avons complété le dispositif afin de garantir son caractère opérationnel.
Nous sommes également tombés d'accord sur l'article 7 concernant le délit d'outrage sexiste et sexuel aggravé.
Plusieurs articles additionnels ont fait l'objet de discussions entre nous. C'est le cas de la plainte hors les murs. Une expérimentation est en cours et sa généralisation est annoncée dans le rapport annexé. C'est pourquoi nous avons supprimé cette disposition figurant à l'article 6 bis B. Il en est de même pour les référents formés sur la lutte contre les discriminations. Ce dispositif s'applique déjà et le rapport annexé prévoit sa montée en puissance. C'est la raison pour laquelle nous avons supprimé l'article 6 bis .
Concernant l'article 6 bis A, nous avons conservé une disposition normative protectrice pour les victimes en complétant l'article 10-4 du code de procédure pénale, mais avons supprimé la modification prévue pour l'article 10-2 du même code, considérant, lors de nos échanges, qu'elle était superfétatoire.
S'agissant des articles 11 à 13 bis relatifs au renforcement de la fonction investigation, il n'y avait quasiment aucune divergence. Nous vous proposerons simplement des aménagements d'ordre rédactionnel.
J'en viens à l'article 14 portant sur les amendes forfaitaires délictuelles (AFD). Nous avons considéré que la position du Sénat était sage. Nous nous sommes inscrits dans son sillage, mais nous avons eu un débat sur l'application de cette mesure aux cas de récidive, que la commission des lois de l'Assemblée nationale avait intégrés. J'ai bien compris les réticences du Sénat et accepté un compromis. Nous sommes parvenus, me semble-t-il, à un bon équilibre, et vous proposons de réduire le nombre d'infractions pour lesquelles l'AFD pourra être prononcée y compris en cas de récidive. Nous vous proposons également de supprimer des AFD inopérantes, s'agissant, des infractions de refus, telles que le refus de contrôle, et d'une infraction impliquant l'état d'ivresse de la personne. En revanche, nous renforçons l'encadrement de l'AFD pour port d'armes de catégorie D, qui, je le rappelle, ne concernera pas les armes à feu. Nous avons aussi supprimé la délictualisation des tapages nocturnes et l'AFD correspondante, considérant que passer d'une contravention de troisième classe à un délit pouvait être excessif. En revanche, je le dis ici solennellement, nous avons l'engagement du Gouvernement de faire passer cette contravention à une contravention de quatrième, voire de cinquième classe.
Le compromis auquel nous sommes parvenus nous conduit également à vous proposer le maintien de l'article 14 bis tout en resserrant la portée du dispositif aux seules menaces de mort, afin de répondre à un objectif d'efficience opérationnelle.
S'agissant de l'article 15, relatif aux compétences du préfet en cas de crise, nous proposons une clarification rédactionnelle.
Nos deux commissions des lois n'appréciant généralement pas les demandes de rapport - quoique la nouvelle configuration de l'Assemblée nationale incite peut-être parfois à déroger à cette tradition -, nous sommes convenus de supprimer les articles 18 et 19, au motif que tant l'Assemblée nationale que le Sénat pourront évaluer les dispositifs visés par ces deux articles.
S'agissant maintenant du rapport annexé, nous étions, pour l'essentiel, d'accord sur la plupart des points. La seule proposition de rédaction qui vous sera présentée concerne les garanties apportées sur la police judiciaire, dans le cadre de la réforme de la police nationale : la rédaction proposée à l'alinéa 150 me paraît plus claire que celle que l'Assemblée nationale avait adoptée et ne modifie en rien le fond.
J'espère que le texte ainsi soumis à nos débats, modifié dans le respect des rédactions issues des travaux de nos deux chambres, saura recueillir les suffrages du plus grand nombre d'entre nous.
M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur pour le Sénat . - Nous avons travaillé dans un climat de confiance, car nous partageons l'économie générale du projet de loi et les moyens supplémentaires à octroyer.
Sur le rapport annexé, nous nous étions attachés à garantir, pour nos concitoyens, l'accessibilité des démarches et le bon accueil par les forces de sécurité. Nous avions également prêté une attention particulière aux modalités de répartition et d'installation des 200 nouvelles brigades de gendarmerie et complété le texte en ce qui concerne les réservistes. L'ensemble de ces points ont été repris par l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale a également prolongé nos apports, notamment pour renforcer la lutte contre la cybercriminalité, et nous ne pouvons qu'être d'accord avec le texte tel qu'il a été adopté par les députés.
Deux points étaient pour nous particulièrement importants : les garanties données pour préserver le rôle de la police judiciaire dans le cadre de la réforme de l'organisation de la police nationale, et les limites au développement des amendes forfaitaires délictuelles - Loïc Hervé reviendra sur ce second point.
Sur la police judiciaire, je veux dire que chaque mot a été pesé au trébuchet pour obtenir l'adhésion la plus large possible. Le Sénat avait prévu que la réforme de la police nationale devrait prendre en compte les spécificités de la police judiciaire. Dans le cadre de ses enquêtes, la police judiciaire doit rester sous l'autorité fonctionnelle du procureur. Par ailleurs, elle doit continuer à avoir la capacité de traiter les affaires sensibles. Enfin, avec le développement exponentiel de la délinquance organisée qui dépasse les frontières départementales, il est utile de prévoir des structures zonales qui permettent d'assurer les coordinations nécessaires. L'Assemblée nationale est allée dans ce sens, et la rédaction que nous vous proposons est claire et apporte des garanties, sur lesquelles le ministre s'est d'ailleurs engagé en séance publique. Il reviendra ensuite aux missions d'information de nos deux commissions de s'assurer que ces spécificités sont protégées assurées et, le cas échéant, de proposer d'autres garanties.
Les échanges entre les rapporteurs de nos deux assemblées ont permis d'aboutir à une proposition de rédaction commune sur l'ensemble du texte, qui me semble équilibré, efficace et à la hauteur des enjeux auxquels font face la police et la gendarmerie nationales.
M. Loïc Hervé , rapporteur pour le Sénat . - Je me suis plus particulièrement intéressé à l'article 5, relatif au « Réseau radio du futur », ainsi qu'aux articles 7 à 16 du projet de loi. Sur ces différents sujets, je salue à mon tour la qualité de nos échanges avec Florent Boudié et je me félicite que l'Assemblée nationale ait enrichi et amélioré le texte.
Je note que l'Assemblée nationale a rebaptisé l'outrage sexiste « outrage sexiste et sexuel », ce qui correspond mieux à la réalité de cette infraction. Elle a élargi le champ du délit pour qu'il englobe tous les outrages commis à l'encontre d'un mineur, alors que nous avions visé les seuls mineurs de quinze ans.
Concernant les assistants d'enquête, l'Assemblée nationale a élargi le vivier de recrutement, sans abaisser le niveau d'exigence, ce qui nous paraît aller dans le bon sens.
Elle a également approuvé l'extension des autorisations générales de réquisition, qui allégeront la tâche des procureurs, en prévoyant qu'un rapport d'évaluation sera réalisé dans deux ans.
Finalement, c'est surtout sur la question des amendes forfaitaires délictuelles que le dialogue a été le plus nourri avec le rapporteur pour l'Assemblée nationale. Vous vous en souvenez, le Sénat avait rejeté la mesure générale envisagée par le Gouvernement, préférant viser une liste d'infractions. L'Assemblée nationale a enrichi cette liste. Si certains ajouts nous conviennent, nous vous proposons de resserrer la liste des infractions visées. En effet, l'AFD ne nous semble pas être un outil adapté à tous les délits, ce qui nous impose de procéder à un examen attentif et au cas par cas. Nous avons aussi souhaité limiter le recours à l'AFD en cas de récidive : dans certains cas, un passage devant le tribunal nous paraît nécessaire.
Permettez-moi d'évoquer l'article 14 bis , introduit par le Sénat puis supprimé par l'Assemblée nationale. Il vise à faciliter les poursuites en cas de menace, en supprimant l'exigence de réitération ou de matérialisation. C'est une mesure à laquelle je suis attaché, et qui nous a été inspirée par les retours de terrain de certains procureurs. Nous avons trouvé une rédaction de compromis, qui respecte l'esprit de la mesure, mais en limitant son champ aux seules menaces de mort.
Pour terminer, je me félicite que l'Assemblée nationale ait confirmé notre choix de créer, à l'article 15, une unité de commandement en cas de crise, en prévoyant que l'agence régionale de santé (ARS) sera placée sous l'autorité du préfet.
Le travail très constructif réalisé ces derniers jours avec le rapporteur pour l'Assemblée nationale nous laisse à penser que nous devrions pouvoir parvenir à un accord sur ce texte attendu par nos forces de sécurité intérieure.
M. Jérôme Durain , sénateur . - Je félicite le travail des rapporteurs. Je veux dire que nous sommes en désaccord sur la question des AFD et de la récidive ; nous réservons notre vote en séance publique. Je souligne le travail réalisé par les rapporteurs sur la question de la police judiciaire : la proposition de rédaction qui nous est présentée dissipera tout doute.