B. DES DÉPENSES DE PERSONNEL DOPÉES PAR LA POURSUITE DU PLAN DE RECRUTEMENT QUINQUENNAL ET PAR LES MESURES INDEMNITAIRES ET CATÉGORIELLES
La hausse des dépenses de personnel s'explique par des évolutions en partie non pilotables (glissement vieillesse technicité, indemnisation de jours de compte épargne temps, corrections techniques). D'autres, en revanche, résultent directement des mesures prises par le gouvernement : les recrutements et les mesures indemnitaires et catégorielles, notamment.
Pour la police nationale, l'effet des mesures indemnitaires et du schéma d'emploi sont comparables et explique à lui seul près de la moitié de l'augmentation des dépenses de personnel.
Principaux facteurs de l'évolution de la masse salariale de la police nationale
(en % de la différence des crédits ouverts en
2020 et demandés en PLF 2021,
hors CAS
« Pensions »)
Note de lecture : les dépenses hachurées regroupent les dépenses pilotables.
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Pour la gendarmerie nationale, plus de la moitié de la variation des dépenses de personnel entre 2020 et 2021 s'explique par le coût du schéma d'emploi.
Principaux facteurs de l'évolution de la masse salariale de gendarmerie nationale
(en % de la différence des crédits ouverts en
2020 et demandés en PLF 2021,
hors CAS
« Pensions »)
Note de lecture : les dépenses hachurées regroupent les dépenses pilotables.
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
1. Le schéma d'emploi : une poursuite du plan présidentiel de recrutements
L'année 2021 devrait, à nouveau, être marquée par une hausse importante des effectifs de la police et de la gendarmerie nationales, conformément à la tendance constatée depuis 2013.
Pour mémoire, le Président de la République s'est engagé à créer 10 000 emplois sur la période 2018/2022 pour renforcer les forces de sécurité intérieure. Dans ce cadre, la police nationale bénéficie de 7 500 ETP et la gendarmerie nationale de 2 500 ETP.
Au total, les forces de sécurité intérieure devraient bénéficier, en 2021, de près de 1 500 créations de postes.
Dans ce cadre, la gendarmerie nationale devrait bénéficier de 317 nouveaux ETP, principalement au profit du corps des sous-officiers de la gendarmerie, qui correspondent au schéma d'emplois :
• +500 ETP, dans le cadre du plan présidentiel de création de 2 500 emplois entre 2018 et 2022 ;
• +27 ETP au profit du renseignement ;
• -33 ETP au titre de la rationalisation de l'administration centrale et des états-majors ;
• -177 ETP en renfort de l'administration territoriale de l'État.
Pour y parvenir, la gendarmerie devrait recruter 11 731 personnels, dont 114 officiers, 3 944 sous-officiers, 5 481 volontaires et 193 civils en primo recrutement. Outre les 317 créations nettes de postes, ces recrutements compenseront les départs du programme, estimés à 11 414 personnels.
Il est à noter qu'en tenant compte des transferts budgétaires et de la poursuite du plan de transformation du ministère, les créations nettes d'emplois sont ramenées à + 335 ETP.
Schéma d'emploi de la gendarmerie nationale en 2021
(en ETP)
Catégorie d'emplois |
Sorties prévues |
Entrées prévues |
Schéma d'emploi |
Personnels administratifs
|
61 |
63 |
2 |
Personnels administratifs
|
185 |
213 |
28 |
Personnels administratifs
|
145 |
159 |
14 |
Personnels techniques |
269 |
324 |
55 |
Ouvriers d'État |
23 |
0 |
-23 |
Officiers de gendarmerie |
482 |
220 |
-262 |
Officiers du corps technique et administratif |
32 |
39 |
7 |
Sous-officiers de gendarmerie |
4 038 |
4 462 |
424 |
Sous-officiers du corps de soutien technique et administratif |
397 |
470 |
73 |
Volontaires (gendarmes) |
5 782 |
5 781 |
-1 |
Total |
11 414 |
11 731 |
317 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
De même, la police nationale connaîtra une augmentation de ses effectifs à hauteur de 1 145 ETP. Cette hausse se concentre sur le corps d'encadrement et d'application de la police nationale
Schéma d'emploi de la police nationale en 2021
(en ETP)
Catégorie d'emplois |
Sorties prévues |
Entrées prévues |
Schéma d'emploi |
Personnels administratifs cat A |
157 |
339 |
182 |
Personnels administratifs cat B |
95 |
220 |
125 |
Personnels administratifs cat C |
477 |
524 |
47 |
Personnels techniques |
189 |
241 |
52 |
Ouvriers d'État |
15 |
0 |
-15 |
Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement |
490 |
269 |
-221 |
Corps d'encadrement et d'application |
2 553 |
4 210 |
1 657 |
Personnels scientifique |
59 |
177 |
118 |
Adjoints de sécurité |
3 336 |
2 536 |
-800 |
Total |
7 371 |
8 516 |
1 145 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Pour la police nationale, ce schéma d'emplois prévu en PLF 2021 est supérieur de 12,11 millions d'euros à celui prévu dans le triennal.
2. Le poids persistant des mesures de revalorisation
La police et la gendarmerie nationales ont mis en oeuvre, depuis 2016, divers protocole de revalorisation indemnitaire qui continueront à produire leurs effets en 2021, alimentant le dérapage des dépenses de personnel.
Les protocoles de revalorisation indemnitaire obtenus
dans la police
Les policiers et les gendarmes ont obtenu, en avril 2016, la signature de deux protocoles leur accordant d'importantes mesures de revalorisation des carrières et des rémunérations 5 ( * ) . Les coûts supplémentaires liés à ces protocoles sont estimés par le ministère de l'intérieur à 470 millions d'euros en 2022, hors contribution au CAS « Pensions ». En outre, ainsi que le relevait la Cour des comptes 6 ( * ) , l'ensemble de ces mesures catégorielles a un coût annuel élevé et mal maîtrisé, puisqu'elles prévoient également des avancements massifs par repyramidage des corps, augmentant mécaniquement la part des gradés les plus élevés, et les dépenses de personnel associées. Ce dernier a été suivi d'un autre protocole, conclu le 19 décembre 2018 7 ( * ) avec les syndicats de police nationale dans le contexte de la forte activité générée par le mouvement des « gilets jaunes ». Source : commission des finances du Sénat |
Pour la gendarmerie nationale, les mesures générales génèrent un surcoût de 2,53 millions d'euros hors CAS « Pensions » par rapport à ce qui avait été prévu dans le triennal pour 2021. Par ailleurs, le poids du protocole du 11 avril 2016 s'atténue fortement.
Coût des mesures mises en oeuvre dans le cadre du
protocole
du 11 avril 2016
(en millions d'euros)
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
1,36 |
45,75 |
27,29 |
20,76 |
11,06 |
1,14 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses aux questionnaires budgétaires)
La situation est plus défavorable pour la police nationale. Les mesures catégorielles prévues pour 2021 sont ainsi supérieures de 23,14 millions d'euros hors CAS « Pensions » pour le programme 176 « Police nationale » à ce qui est prévu par le triennal 8 ( * ) . Même si ce cadre a été largement rendu caduc par la crise sanitaire, ce dépassement traduit l'absence de maîtrise des dépenses de personnel de la police nationale constaté depuis plusieurs années 9 ( * ) .
Ce dépassement s'explique notamment par l'actualisation des mesures du protocole signé le 11 avril 2016. Plusieurs mesures budgétées en totalité sur l'exercice 2020 ont été réparties sur le triennal 2020-2023. Ces protocoles entrainent par exemple en 2021 une réforme des voies d'avancement des gardiens de la paix , dont le coût est évalué à 25 millions d'euros sur cinq ans, permettant un avancement semi-automatique au grade de brigadier après 25 ans de service et un plan de valorisation de la filière investigation (avancement accéléré, revalorisation de la prime OPJ à hauteur de 20 %, augmentation du nombre de formateurs).
Les mesures nouvelles prévues en 2021 s'élèvent à 18,73 millions d'euros, et comprennent notamment la création d'une indemnité forfaitaire de nuit à hauteur de 15 millions d'euros (initialement prévue à hauteur de 10 millions d'euros) 10 ( * ) , censée accompagner la montée en puissance d'un nouveau cycle de travail et éviter les écueils rencontrés lors de l'expérimentation de la vacation forte (voir infra IV B).
Le ministre de l'intérieur a également indiqué vouloir relancer « le projet de gratuité des transports pour les forces de l'ordre », qui existe déjà pour les gendarmes, et constitue une attente forte des policiers, mais serait extrêmement coûteux pour le programme. Le rapporteur spécial rappelle que cet avantage constitue pour les militaires une contrepartie de leur disponibilité permanente et de leur mobilité totale. En outre, le DGPN a indiqué en audition que l'idée, évoquée par le passé, de demander aux policiers bénéficiant de cette gratuité de se signaler au personnel de bord afin de pouvoir intervenir en cas d'incident a été abandonnée. En tout état de cause, le coût d'un tel projet, s'il devait être supporté par le programme 176 « Police nationale », s'élèverait à environ 60 millions d'euros par an, diminuant d'autant les marges de manoeuvre disponibles pour les crédits de fonctionnement et d'investissement.
* 5 Il s'agit, notamment, de la transposition pour la police et la gendarmerie nationale du protocole de modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR).
* 6 Cour des comptes, référé au Premier ministre du 13 mars 2018 sur les rémunérations et le temps de travail dans la police et la gendarmerie nationales.
* 7 Ce protocole fait suite à un amendement du gouvernement adopté par l'Assemblée nationale, qui prévoyait de « de financer une prime exceptionnelle de 300 € qui sera versée aux 111 000 policiers et militaires qui ont participé aux récentes opérations [de maintien de l'ordre] ».
* 8 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
* 9 Rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Philippe DOMINATI, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019.
* 10 Communiqué de presse de Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, 13 octobre 2020.