B. UN CONTEXTE QUI JUSTIFIE UNE ADOPTION RAPIDE DE LA PROPOSITION DE LOI
1. Un texte équilibré, en dépit de quelques interrogations juridiques
Votre commission s'est félicitée que l'Assemblée nationale, partageant les objectifs poursuivis par le Sénat, ait conservé l'ensemble des dispositions qu'il avait adoptées en première lecture.
Soucieuse d' assurer le caractère opérationnel des mesures et outils créés, elle a pleinement souscrit à plusieurs des modifications apportées par les députés.
Bien que le dispositif autorisant la réalisation de contrôles des personnes dans les manifestations ait été profondément remanié, elle a estimé que la nouvelle rédaction de l'article 1 er de la proposition de loi assurait un juste équilibre entre protection des libertés et efficacité opérationnelle pour les forces de l'ordre.
Pour les mêmes raisons, elle a jugé cohérent de privilégier, à l' article 3 de la proposition de loi, l'inscription des mesures d'interdiction de manifester dans le fichier des personnes recherchées.
La suppression de l'article 5 , qui prévoyait d'élargir les incriminations de port d'arme dans le cadre de manifestations sur la voie publique, lui est également apparue acceptable dès lors que cet article n'apportait aucune valeur ajoutée par rapport au droit existant.
Attentive à assurer la protection des droits et libertés, votre commission a, dans l'ensemble, jugé que les garanties ajoutées par le Sénat, confortées, voire renforcées à certains égards par l'Assemblée nationale, permettaient d'aboutir à un équilibre entre la protection des droits et libertés et les exigences de sauvegarde de l'ordre public .
Sans remettre en cause le bien-fondé des mesures concernées, elle s'est néanmoins interrogée sur la constitutionnalité de certaines rédactions adoptées par l'Assemblée nationale, qui lui paraissent perfectibles.
S'agissant en premier lieu de l' article 2 , votre commission s'est demandée si l'élargissement de la mesure d'interdiction administrative de manifester, tant en raison de la redéfinition de son champ d'application que de l'allongement, jusqu'à un mois, de sa durée, conservait un caractère suffisamment proportionné au regard de ses effets potentiels sur l'exercice du droit de manifester et de la liberté d'aller et venir.
Votre commission estime également que l'élément intentionnel aurait sans doute gagné à être davantage précisé, afin de se prémunir contre tout risque d'inconstitutionnalité, dans la définition, à l' article 4 , du nouveau délit de dissimulation du visage dans le cadre d'une manifestation. Cette préoccupation l'avait conduite à mieux caractériser cet élément intentionnel lors de l'examen du texte en première lecture.
2. Des besoins opérationnels qui justifient une entrée en vigueur rapide du texte
En dépit de ces réserves, votre commission a décidé d' adopter sans modification la proposition de loi dans sa version issue de l'Assemblée nationale.
Face aux violences et aux dégradations qui accompagnent, chaque semaine, depuis près de quatre mois, les manifestations des « gilets jaunes » , elle a en effet estimé qu'il était de sa responsabilité de doter les forces de l'ordre des moyens nécessaires à prévenir la commission de ces faits. Il en va, de l'avis de votre rapporteur, non seulement de la sécurité de l'ensemble de nos concitoyens, mais également de la protection du droit de manifester.
L'existence de doutes sur la proportionnalité de certaines dispositions de la proposition de loi, en définitive peu nombreuses, ne lui est pas apparue de nature à devoir retarder l'entrée en vigueur d'un arsenal juridique fortement attendu par les forces de sécurité intérieure, tant dans son volet administratif que pénal. En tout état de cause, il appartiendra au Conseil constitutionnel, s'il venait à être saisi, de se prononcer sur la conformité à la Constitution des dispositions contenues dans ce texte.
Sur l'ensemble des difficultés soulevées, les représentants du ministère de l'intérieur et de la Chancellerie reçus en audition se sont attachés à apporter des garanties à votre rapporteur, notamment quant à l'application ciblée qui sera faite de ces mesures. Ils ont également indiqué avoir étudié avec soin la rédaction de chacun des articles de la proposition de loi soumis au vote des députés pour s'assurer qu'elle n'encourait pas de risque d'inconstitutionnalité.
Les personnes auditionnées lui ont également donné un éclairage utile sur les besoins opérationnels ayant présidé à l'adoption de ces rédactions plus souples et, à leurs yeux, plus conformes aux réalités du terrain. Ainsi, la nécessité d'inclure, dans le champ de la mesure d'interdiction de manifester, les organisateurs des manifestations ou les personnes incitant directement à la commission des violences impliquerait d'adopter une définition suffisamment large de la mesure. De même, s'agissant du délit de dissimulation du visage, il a été indiqué à votre rapporteur que l'assouplissement de l'élément intentionnel se justifiait par les difficultés à établir, dans la pratique, le fait qu'une personne mise en cause a dissimulé son visage dans le but de ne pas être reconnue.
Compte tenu de ces précisions et de ces assurances, votre commission juge qu'il convient d'approuver le texte dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale plutôt que de prolonger pendant encore plusieurs semaines, voire plusieurs mois, la navette parlementaire. Nos concitoyens attendent en effet aujourd'hui du législateur des décisions et une action rapides et déterminées.
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Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission a adopté la proposition de loi n° 286 (2018-2019) visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public dans les manifestations sans modification .