LES LIMITES DE LA COOPÉRATION JUDICIARE EUROPÉENNE
Comme il a été dit plus haut ( cf . le II. supra ), l'Union européenne est, depuis de nombreuses années, un acteur important de la coopération en matière de lutte contre le terrorisme , avec une accélération au cours des dernières années du fait de la multiplication d'attentats terroristes et de tentatives d'attentats.
Le mandat d'arrêt européen, le traité de Prüm, la création d'Eurojust, les différentes stratégies européennes, la nomination d'un coordonnateur européen, la coopération policière à travers Europol, les équipes communes d'enquête, etc. constituent autant d'illustrations de ces actions européennes concertées.
Pour autant, l' insuffisance de la coopération européenne en la matière est aujourd'hui largement admise. Comme le note le rapport de la commission d'enquête sur les filières djihadistes, « la coopération effective entre les États membres sur [la lutte contre le terrorisme] reste soumise à la bonne volonté des gouvernements. En particulier, la coopération en matière de renseignement, aspect essentiel de cette lutte, reste en grande partie en dehors du champ communautaire ». Il poursuit : « Les services de renseignement ont une tendance naturelle à préférer les coopérations bilatérales ou dans des instances ad hoc dont ils maîtrisent le format et les modalités de travail ».
Sur Eurojust, le même rapport relève que cette agence « repose sur une approche intergouvernementale, ce qui laisse les décisions de transferts d'informations judiciaires à la discrétion des États » et que « l'accès d'Eurojust aux fichiers d'analyse d'Europol reste très parcellaire et inégal de même que la coopération entre Eurojust et les bureaux de liaison nationaux d'Europol ».
Ce constat avait également été dressé par les résolutions européennes susmentionnées du Sénat sur la lutte contre le terrorisme.
Certains progrès ont toutefois été réalisés depuis lors.
Ainsi, il convient de noter une augmentation très conséquente, en 2016, des diffusions de mandats d'arrêt européens par la France via les canaux de coopération policière en matière terroriste, avec 145 mandats d'arrêt européens émis, contre 45 en 2014 et 25 en 2015.
De même, Eurojust a introduit de nouveaux outils ou renforcé les outils existant permettant d'améliorer la coopération judiciaire en la matière. Ainsi, depuis 2014, les cas de recours à Eurojust dans les procédures terroristes ont été multipliés par cinq, qu'il s'agisse de la mise en place d'équipes communes d'enquêtes, de soutien à l'exécution des demandes d'entraide et de mandats d'arrêt européen ou d'analyse d'informations. Eurojust a également mis en place un réseau informel de correspondants en matière de terrorisme qui se réunit annuellement. Cette plateforme permet l'échange de bonnes pratiques entre professionnels.
Par ailleurs, le ministère de la justice a initié, dans le cadre d'un appel à projet de la Commission européenne, un projet, dit JUPITTER 17 ( * ) , visant à développer des relations directes entre les magistrats chargés de la lutte antiterroriste des pays de l'Union européenne les plus touchés par la problématique des combattants terroristes étrangers, soit, outre la France, l'Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, l'Espagne et les Pays-Bas. Il prévoit des programmes d'échanges de magistrats spécialisés dans la lutte anti-terroriste.
Enfin, il existe des groupes de travail bilatéraux dédiés à la lutte contre le terrorisme tels que les groupes de travail franco-américain, franco-espagnol ou encore franco-allemand.
* 17 JUdges Prosecutors Involved in Tackling TERrorism .