B. LE FINANCEMENT DU PROJET DE LOI EST ASSURÉ PAR UNE ENVELOPPE BIEN IDENTIFIÉE MAIS DONT L'AMPLEUR EST LIMITÉE
1. Un projet de loi intégralement financé par le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie
La contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Fixée à un taux de 0,3 %, elle est assise sur une partie des pensions de retraite et d'invalidité ainsi que sur les préretraites 19 ( * ) .
Elle correspond en pratique à une extension de l'assiette de la CSA qui repose sur la seule masse salariale. Cette ressource est appelée à connaître une évolution dynamique dans les années à venir.
Perspectives d'évolution du produit de la Casa 2015-2020
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
683 |
702 |
722 |
750 |
779 |
792 |
Source : DGCS - Réponses aux questionnaires budgétaires PLFSS 2015
Initialement, le produit de la Casa devait être mis en réserve au sein d'une nouvelle section du budget de la CNSA afin de préparer la réforme de la prise en charge de la perte d'autonomie. Les lois de financement pour 2013 et 2014 ont cependant prélevé, à due concurrence, une partie du produit de la CSG affecté à la CNSA afin de l'orienter vers le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Si un amendement parlementaire a permis de conserver 100 millions d'euros issus de la Casa au sein du budget de la CNSA en 2014, près d'un milliard d'euros, initialement destinés à financer la réforme en cours, auront, in fine , été utilisés pour combler le déficit du FSV.
En 2015, le Gouvernement s'est engagé à ce que le produit de la Casa soit intégralement versé à la CNSA. Les incertitudes relatives au calendrier d'examen du projet de loi laissent malgré tout planer un doute quant à la façon dont sera utilisée une partie de cette ressource. Pour le moment, 300 millions d'euros doivent permettre de reconduire, pour les années 2015 à 2017, le plan d'aide à l'investissement qui était jusque-là financé chaque année en loi de financement par 2 % du produit de la CSA. 20 millions d'euros seront également débloqués dès cette année pour accompagner l'Anah dans le lancement du plan national d'adaptation des logements. Enfin, le Gouvernement a agréé un avenant à la convention collective de l'aide à domicile qui doit permettre de revaloriser à hauteur de 1 % la valeur du point d'indice dans la branche. La mesure coûtera 25 millions d'euros en 2015.
L'étude d'impact du projet de loi se fonde sur l'hypothèse d'un produit de la Casa égal à 645 millions d'euros par an. Elle envisage une phase transitoire durant laquelle une partie de ce produit sera consacrée au financement du volet adaptation du projet de loi. Comme cela a été indiqué précédemment, 20 millions d'euros sur les 84 millions prévus par l'étude d'impact seront affectés dès 2015 à l'Anah.
Prévision d'utilisation du produit de la
Casa
pour le financement des trois volets du projet de loi
Volet anticipation et prévention de la perte d'autonomie |
185 000 000 € |
Aides techniques / Actions collectives de prévention |
140 000 000 € |
Forfait-autonomie en logements-foyers |
40 000 000 € |
Contribution au fonds de compensation du handicap |
5 000 000 € |
Volet adaptation de la société au vieillissement (dépenses temporaires) |
84 000 000 € |
Plan d'adaptation de 80 000 logements privés par l'Anah |
40 000 000 € |
Fonds de garantie du microcrédit |
4 000 000 € |
Plan d'aide à l'investissement dans les résidences autonomie |
40 000 000 € |
Volet accompagnement de la perte d'autonomie |
460 000 000 € |
APA domicile : revalorisation des plafonds d'aide |
153 000 000 € |
APA domicile : diminution du ticket modérateur |
197 000 000 € |
APA domicile : amélioration des conditions de travail du secteur de l'aide à domicile |
25 000 000 € |
Actions de soutien et d'accompagnement des aidants financées par la CNSA |
5 000 000 € |
Appui et formation pour l'accueil familial |
1 000 000 € |
Droit au répit pour les aidants et prise en charge des bénéficiaires de l'APA lorsque l'aidant est hospitalisé |
78 000 000 € |
Source : Etude d'impact annexée au projet de loi
2. Une enveloppe fermée qui limite nécessairement les ambitions des réformes proposées
Vos rapporteurs saluent la démarche consistant à consacrer une enveloppe de financement dédiée à la mise en oeuvre de la réforme de l'accompagnement à domicile des personnes en situation de perte d'autonomie. Compte tenu de la situation actuelle de nos finances publiques, l'effort est loin d'être négligeable.
Néanmoins, ils ne peuvent que regretter le report, à une date plus qu'incertaine, de la réforme de la prise en charge en établissement. Le projet de loi engage une évolution timide vers une meilleure maîtrise des tarifs hébergement à travers la création d'un « tarif socle » à l'article 40. Vos rapporteurs souhaitent que cette démarche puisse être confortée dans le cadre du groupe de travail qui a été lancé sur la tarification des Ehpad. Ils soulignent par ailleurs l'enjeu essentiel que revêt, pour les personnes hébergées et pour leurs familles, la mise en place d'un portail d'information par la CNSA.
Une autre déception, souvent exprimée au cours des auditions menées par vos rapporteurs, tient à l'absence de convergence entre les politiques du handicap et de la perte d'autonomie des personnes âgées. La question de la suppression des barrières d'âge de soixante et soixante-quinze ans est abordée par le projet de loi à travers une demande de rapport introduite à l'Assemblée nationale (article 30 bis ). Vos rapporteurs se satisfont de cette demande tout en soulignant que le rapprochement des politiques du handicap et de la prise en charge des personnes âgées, s'il apparaît intellectuellement stimulant, se heurtera nécessairement à des difficultés financières et de principe nombreuses dont les enjeux relatifs à la mise en place de maisons départementales de l'autonomie (MDA) constituent une première illustration. De façon corollaire, c'est la question très spécifique du vieillissement des personnes handicapées qui apparaît insuffisamment abordée par le projet de loi.
De tels constats conduisent nécessairement à s'interroger sur la façon dont pourraient être assuré, à l'avenir, le financement de la prise en charge de la perte d'autonomie. Le développement du recours aux assurances privées, s'il constitue une piste qui peut être étudiée, ne pourra apporter qu'une réponse partielle et qui ne doit pas conduire à une aggravation des inégalités face au risque de perte d'autonomie.
Vos rapporteurs privilégient donc la voie d'un financement socialisé des dépenses relatives à la prise en charge de la perte d'autonomie. La création d'une deuxième journée de solidarité ou l'alignement du taux de CSG des retraités sur celui des actifs ont été évoquées à plusieurs reprises au cours de leurs travaux. Vos rapporteurs ont souhaité proposer à la commission des affaires sociales une solution plus mesurée consistant à parachever l'élargissement de la CSA entamé avec la création de la Casa, en y incluant les travailleurs indépendants. Il leur a en effet semblé inéquitable qu'une catégorie de la population demeure encore exonérée de toute participation à l'effort collectif en faveur de la prise en charge de la perte d'autonomie. Un tel élargissement aurait permis de compléter le produit de la Casa à hauteur de 250 millions d'euros. Cette enveloppe de financement supplémentaire aurait pu être entièrement fléchée vers la réforme de l'APA. La commission des affaires sociales a cependant estimé que la période actuelle n'était pas propice à une augmentation des prélèvements, qui plus est pour une catégorie de la population qui a été confrontée à une lourde augmentation de ceux-ci au cours des dernières années.
* 19 Sont exonérés du paiement de la contribution les retraités qui bénéficient du taux réduit de CSG de 3,8 %, c'est-à-dire dont la contribution d'impôt sur le revenu de l'année précédente n'atteint pas le seuil de 61 euros applicable pour la mise en recouvrement de celle-ci. Selon les estimations du Gouvernement, l'application de ce seuil revenait à exclure 44 % des retraités du paiement de la Casa en 2013.