II. LA RÉFORME PROPOSÉE PAR LE GOUVERNEMENT : UNE APPROCHE NOUVELLE DE LA QUESTION DU VIEILLISSEMENT MALGRÉ DES FINANCEMENTS CONTRAINTS
A. LE PROJET DE LOI ADOPTE UNE APPROCHE TRANSVERSALE DU VIEILLISSEMENT DONT IL FAIT UNE PRIORITÉ DE L'ENSEMBLE DES POLITIQUES PUBLIQUES
1. Des travaux préparatoires poussés pour une approche renouvelée de la question du vieillissement
Le présent projet de loi est issu de travaux préparatoires lancés dès l'année 2012. Trois rapports, remis au début de l'année 2013 à Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie, ont permis d'en tracer les principaux contours.
Les travaux de Mme Martine Pinville, aujourd'hui rapporteure du projet de loi à l'Assemblée nationale, soulignaient que, si aucun pays de l'OCDE n'avait jusqu'à présent été en mesure de développer une véritable politique de l'âge globale et transversale, la France était en mesure de jouer un rôle pionnier en la matière 16 ( * ) .
Le rapport du docteur Jean-Pierre Aquino sur l'anticipation de la perte d'autonomie a quant à lui insisté sur la nécessité de mener des actions de prévention à la fois dans des moments de rupture (départ à la retraite, maladie, isolement, notamment) mais également tout au long de la vie 17 ( * ) . Le rapport souligne également que la prévention ne doit pas se limiter à la sphère sanitaire et médico-sociale, mais avoir une dimension pluridisciplinaire.
Enfin, le rapport de Luc Broussy souligne que les générations actuelles de personnes âgées, davantage sensibilisées à la question du vieillissement, sont également mieux à même de l'anticiper et de définir, pour elles-mêmes, un véritable projet de vie avant leur perte d'autonomie 18 ( * ) . Pour ces générations, le maintien à domicile est une exigence. Il doit par conséquent devenir une priorité de l'ensemble des politiques publiques, en particulier de celles du logement et de l'urbanisme.
A la suite de ces travaux, une concertation a été lancée avec l'ensemble des parties prenantes des politiques du vieillissement à la fin de l'année 2013. Ses travaux ont été restitués le 12 février 2014. Le texte qui en est inspiré, initialement intitulé « projet de loi d'orientation et de programmation pour l'adaptation de la société au vieillissement » , a été transmis, conformément aux règles fixées par la Constitution s'agissant des lois de programmation, au Conseil économique, social et environnemental (Cese) le 14 février 2014. Ce dernier a rendu un avis le 26 mars 2014.
2. Un premier pas vers un changement du regard porté sur la question du vieillissement
Le projet de loi est organisé autour de trois piliers que sont l'anticipation du vieillissement, l'adaptation de la société à celui-ci et l'accompagnement de la perte d'autonomie. Il est accompagné d'un projet de rapport annexé qui, au-delà de la présentation des mesures de nature législative, embrasse l'ensemble du champ des politiques relatives au vieillissement et dresse les grandes lignes des actions qu'entend mener le Gouvernement au cours des prochaines années. Les préoccupations larges et diverses qui y sont exposées trouvent un écho dans l'article 1 er du projet de loi, dont la portée est davantage programmatique que normative : « l'adaptation de la société au vieillissement est un impératif national et une priorité de l'ensemble des politiques publiques de la Nation » .
Il s'agit bien d'affirmer que la question du vieillissement ne doit plus être appréhendée sous le seul angle de la prise en charge sanitaire et médico-sociale de la perte d'autonomie mais de façon transversale, dans une logique intégrant l'ensemble des politiques publiques. Si le Cese, dont deux sections se sont saisies du projet de loi - la section de l'aménagement durable des territoires et celle des affaires sociales et de la santé -, a salué ses orientations, il a également souligné la nécessité d'aller vers davantage de transversalité en la matière. De façon symbolique, il suggère de rattacher le ministère délégué aux personnes âgées « à un ministère plus large de l'égalité et de la solidarité, afin d'intégrer la question du vieillissement dans toutes les politiques publiques » . Une telle évolution constituerait selon lui l'une des conditions d'un véritable changement du regard de la société sur la question du vieillissement.
L'approche transversale adoptée par le projet de loi a été saluée à plusieurs reprises au cours des auditions organisées par vos rapporteurs. Ainsi, l'observatoire décentralisé de l'action sociale (Odas) a souligné l'aspect positif de ce changement de regard qui incite à ne plus voir le vieillissement comme un problème mais met au contraire l'accent sur l'utilité sociale des personnes âgées. Le souci du projet de loi de favoriser l'engagement associatif des personnes âgées et la transmission intergénérationnelle leur a, à ce titre, paru important. Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférence à la Sorbonne et président du collège de philosophie, a de son côté remarqué le regard positif que porte le texte sur la vieillesse, qui n'est pas une maladie mais une période de la vie où apparaissent des fragilités, et par conséquent des risques, qui doivent être pris en compte. Dès lors, les politiques de l'âge ne doivent plus aborder celui-ci sous le seul angle médico-social et sanitaire mais prendre en compte le lien social des personnes âgées avec le reste de la société et mieux valoriser leur trajectoire existentielle, notamment leur souhait de rester à domicile le plus longtemps possible.
C'est également la volonté de dépasser la seule sphère médico-sociale et les questionnements traditionnels sur le vieillissement qui a conduit vos rapporteurs à solliciter l'ensemble des membres de la commission des affaires sociales afin qu'ils puissent leur faire part de leurs témoignages et d'expériences innovantes dont ils auraient eu connaissance sur leurs territoires. Vos rapporteurs remercient leurs collègues pour ces contributions qui ont permis d'enrichir considérablement leur réflexion. Elles prouvent, s'il en était besoin, que les grandes orientations définies par le projet de loi et son rapport annexé pourront s'appuyer sur le dynamisme d'acteurs de terrain engagés et innovants.
Une politique ambitieuse du vieillissement doit également pouvoir s'appuyer sur des travaux de recherche poussés. A cet égard, Mme Florence Weber, MM. Bernard Ennuyer, Serge Guérin et Pierre-Henri Tavoillot ont alerté vos rapporteurs sur les menaces qui pèsent, à très court terme, sur le fonds documentaire de la Fondation nationale de gérontologie, en raison de la destruction programmée des locaux de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris qui abritaient les 20 000 documents qui composent ce fonds. Vos rapporteurs formulent le voeu qu'une solution puisse être trouvée dans les tous prochains mois afin que soient préservés des outils indispensables aux chercheurs qui travaillent sur les questions du vieillissement.
* 16 Martine Pinville, députée de la Charente, « Relever le défi de l'avancée en âge : perspectives internationales », mars 2013.
* 17 Rapport du Comité avancée en âge, prévention et qualité de vie, présidé par le Dr Jean-Pierre Aquino, « Anticiper pour une autonomie préservée : un enjeu de société », février 2013.
* 18 Luc Broussy, conseiller général du Val d'Oise, « L'adaptation de la société au vieillissement de sa population : France, année zéro », janvier 2013.