CHAPITRE II BIS - PRÉVENTION ET ACCOMPAGNEMENT VERS LES SOINS DES PERSONNES PROSTITUÉES POUR UNE PRISE EN CHARGE GLOBALE
Article 14 ter (article L. 3121-6 [nouveau] du code de la santé publique) - Mise en oeuvre de la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées
Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, a pour objet de fixer le cadre dans lequel doit s'inscrire la politique de réduction des risques en direction des personnes prostituées.
I - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
•
Ainsi que l'a souligné
l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) en
décembre 2012, l'état de santé des personnes
prostituées est particulièrement fragile
79
(
*
)
. Aux risques sanitaires qui
découlent de l'exercice de leur activité - infections et
maladies sexuellement transmissibles principalement -, s'ajoutent des
fragilités liées à des conditions de vie le plus souvent
précaires.
Or l'accès aux soins s'avère difficile pour ce type de public. Si les personnes prostituées partagent un grand nombre de difficultés avec l'ensemble des autres publics vulnérables, le sentiment de stigmatisation, la peur du jugement ainsi que des obstacles d'ordre très pratique lorsqu'elles sont en situation irrégulière sur le territoire ou ne maîtrisent pas la langue française, constituent des freins supplémentaires. Les pratiques de prévention et de dépistage apparaissent en outre variables. Elles seraient notamment beaucoup moins systématiques chez les personnes qui se prostituent sur Internet ou de façon occasionnelle.
Afin de remédier à cet éloignement, les associations organisent des maraudes pour aller vers les personnes prostituées et leur délivrer des messages de prévention - plusieurs membres de la commission spéciale ont pu participer à celles effectuées par l'association des Amis du bus des femmes. Ces maraudes sont parfois l'occasion, en lien avec les centres de dépistage anonymes et gratuits (CDAG) et les centres d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles (CIDDIST), de procéder à des tests rapides d'orientation diagnostic (Trod), qui constituent un premier outil de dépistage du VIH.
Le centre hospitalier Ambroise Paré a mis en place des actions de ce type dans le cadre du partenariat qu'il a développé avec l'association PASTT (Prévention, action, santé, travail pour les transgenres) auprès des personnes prostituées du bois de Boulogne. Ce projet, né au début des années 2000, s'est notamment traduit par le recrutement d'un agent de médiation polyglotte, issu du milieu de la prostitution, qui sert de relais entre les services hospitaliers et les patientes. Les actions menées sont financées dans le cadre des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac). Entre 200 et 250 personnes sont reçues chaque année à l'hôpital et près de 200 sont rencontrés au bois de Boulogne. Un déplacement organisé par votre commission spéciale le 12 mars 2014 a permis à plusieurs de ses membres d'apprécier, sur place, la qualité du travail effectué par les équipes 80 ( * ) . Lors de son audition par votre commission spéciale, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a indiqué que des mesures relatives à la médiation sanitaire seraient intégrées dans le futur projet de loi de santé .
•
Le présent article,
inséré par l'Assemblée nationale à l'initiative du
Gouvernement, vise à donner un cadre global aux actions de
réduction des risques en direction des personnes prostituées. Il
en donne une définition en indiquant que la politique de
réduction des risques consiste à
« prévenir
les infections sexuellement transmissibles et les dommages sanitaires, sociaux
et psychologiques liés à l'activité
prostitutionnelle »
. Il précise que cette politique
relève de l'État et prévoit qu'un document national de
référence, approuvé par décret, définisse
les orientations selon lesquelles seront conduites les actions de
réduction des risques.
Ces dispositions nouvelles sont intégrées au sein du titre II du livre I er de la troisième partie du code de la santé publique, relatif à la lutte contre le virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et les infections sexuellement transmissibles (IST).
Lors de son audition par votre commission spéciale, Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, a indiqué que son ministère piloterait cette démarche tout en associant l'ensemble des acteurs, notamment associatifs. Elle a par ailleurs précisé que la Haute Autorité de santé s'était vue confier l'élaboration du document national de référence .
II - La position de votre commission spéciale
À l'initiative de sa rapporteure et de son président, votre commission spéciale a adopté un amendement qui apporte trois modifications au présent article. La première vise à supprimer la référence au fait que l'État est seul compétent en matière de réduction des risques sanitaires. Il serait en effet regrettable de limiter la capacité d'initiative d'autres acteurs, notamment des collectivités territoriales, en fixant dans la loi un principe de ce type. Le rôle de coordination et d'impulsion que peut jouer l'État apparaît cependant déjà clairement dans la mesure où les actions de réduction des risques seront menées conformément aux orientations définies par le document national de référence.
Le deuxième changement consiste à remplacer la référence à la prévention des « dommages » par celle des « risques » sanitaires, sociaux et psychologiques. Cette notion apparaît plus adaptée et moins soumise à interprétations que celle de dommages.
La dernière modification consiste en un changement de place dans le code de la santé publique afin que l'article ne soit plus intégré dans un titre relatif aux seules IST. Il est donc créé un nouveau titre « Réduction des risques relatifs à la prostitution » au sein du livre premier du code de la santé publique « Protection des personnes en matière de santé ».
Votre commission spéciale a adopté l'article 14 ter ainsi modifié. |
* 79 Igas, « Prostitution : les enjeux sanitaires », décembre 2012.
* 80 Le compte rendu vidéo de ce déplacement est disponible à l'adresse suivante : http://videos.senat.fr/video/videos/2014/video22228.html