N° 594

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juin 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , relative à la sobriété , à la transparence et à la concertation en matière d' exposition aux ondes électromagnétiques ,

Par M. Daniel RAOUL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

1635 , 1676 , 1677 et T.A. 281

Sénat :

310 , 592 et 595 (2013-2014)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Notre Haute Assemblée examinera le 17 juin prochain, dans le cadre de l'espace réservé du groupe écologiste, la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes .

Cette proposition de loi, déposée par la députée écologiste Laurence Abeille, a été adoptée par l'Assemblée nationale le 23 janvier dernier . Elle fait suite à une première proposition de loi relative à l'application du principe de précaution défini par la Charte de l'environnement aux risques résultant des ondes électromagnétiques, de la même auteure, qui avait été discutée un an plus tôt par l'Assemblée nationale et avait fait l'objet d'une motion de renvoi en commission le 31 janvier 2013.

À la suite de ce vote, le Premier ministre avait confié au Professeur Jean-François Girard et à l'ancien député Philippe Tourtelier, secondés par Stéphane le Bouler, un rapport sur le développement des usages mobiles et sur le principe de sobriété , rapport qui a été remis en novembre 2013 1 ( * ) . C'est en partie en s'appuyant sur ce rapport que Laurence Abeille a déposé une nouvelle proposition de loi en décembre 2013.

La proposition de loi a été très largement modifiée par l'Assemblée nationale :

- 38 amendements ont été adoptés en commission , dont plusieurs amendements de Suzanne Tallard, rapporteure pour avis de la commission du développement durable qui ont largement réécrit l'article 1 er , disposition phare de la proposition de loi ;

- en séance publique, 45 amendements ont été adoptés , conduisant à la réécriture de plusieurs articles du texte, comme les articles 3, 6 et 7.

Votre commission estime que cette proposition de loi comprend des dispositions utiles et bienvenues , telles que la procédure d'information et de concertation du public préalable à l'implantation des antennes relais, placée sous l'autorité du maire, l'obligation de mention du DAS sur les équipements terminaux radioélectriques ou encore la mention de la recommandation d'usage du « kit mains libres » dans les publicités pour les téléphones mobiles.

Pour autant, votre commission a adopté soixante et un amendements à cette proposition de loi , visant à préciser la rédaction, à clarifier certaines dispositions, à supprimer des redondances avec le droit en vigueur ou des dispositions ne relevant pas du domaine législatif, mais aussi à ajuster - voire supprimer - des dispositions inapplicables techniquement, non conformes au droit européen ou dont l'impact économique n'a pas été mesuré et pourrait être néfaste.

*

* *

Lors de sa réunion du 10 juin 2014, la commission des affaires économiques a adopté la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques dans la rédaction issue de ses travaux.

I. UNE PROPOSITION DE LOI AU CARREFOUR DE PLUSIEURS ENJEUX

La proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d'exposition aux ondes électromagnétiques se situe au carrefour de trois enjeux :

- un enjeu à la fois sanitaire et social ;

- un enjeu d'aménagement numérique du territoire ;

- un enjeu en matière d'innovation et de compétitivité.

Elle ne peut être examinée qu'en prêtant attention à chacun de ces enjeux.

A. UN ENJEU SANITAIRE ET SOCIAL

Votre rapporteur rappelle avec force qu' aucune étude n'a établi la preuve d'un risque sanitaire de l'exposition aux ondes électromagnétiques .

Les conclusions de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) , qui a publié une première étude sur le sujet en 2009, étude qu'elle a actualisée en 2013, sont claires : l'exposition aux ondes électromagnétiques n'a aucun effet sanitaire avéré. L'agence indique ainsi que l'actualisation de l'étude de 2009 « ne met pas en évidence d'effet sanitaire avéré et ne conduit pas à proposer de nouvelles valeurs limites d'exposition de la population » 2 ( * ) . L'Anses appelle à une certaine vigilance uniquement pour l'utilisation des téléphones portables, en ce qui concerne les utilisateurs intensifs ainsi que les enfants .

L'Académie de médecine indique quant à elle qu'« aucun risque des radiofréquences n'est avéré en dessous des limites réglementaires et qu'il n'a pas été mis en évidence de mécanisme pouvant entraîner l'apparition d'une maladie » 3 ( * ) .

Les connaissances scientifiques n'arrivent cependant pas à dissiper les inquiétudes qui existent au sein de la population .

Les élus locaux, et notamment les maires, sont en effet confrontés aux difficultés d'acceptation de l'implantation d'antennes relais , acceptation rendue d'autant plus difficile que les opérateurs se sont pendant longtemps comportés comme des « hussards sur les toits »... L'expérience est d'autant plus « douloureuse » pour les élus locaux que le maire ne dispose que de sa compétence en matière d'urbanisme : l'implantation des antennes relais relève en effet de la compétence de l'État par le biais de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) .

Pour autant, le maire reste l'interlocuteur privilégié de nos concitoyens, comme l'ont confirmé les éléments suivants :

- la loi « Grenelle I » 4 ( * ) a consacré la nécessité d'associer les élus locaux à l'implantation des « antennes-relais » : l'article 42 de cette loi dispose ainsi que « les communes seront associées aux décisions d'implantation d'antennes des opérateurs dans le cadre de la mise en place de chartes locales ou de nouvelles procédures de concertation communales ou intercommunales » ;

- l'Association des maires de France (AMF) et l'Association française des opérateurs mobiles (AFOM) ont publié en décembre 2007 un Guide des relations entre opérateurs et communes, le GROC , qui organise le dialogue entre opérateurs et élus locaux ainsi que l'information de la population ;

- enfin, une centaine de chartes ont été conclues entre les opérateurs et des municipalités : votre rapporteur sait d'expérience que ces chartes ont permis d'apaiser bon nombre d'inquiétudes sur le terrain, comme à Paris ou à Angers 5 ( * ) . Le Gouvernement, interrogé par votre rapporteur, reconnaît lui-même que « le bilan est tout à fait positif . Les chartes ont permis d'instaurer un dialogue entre les opérateurs et les collectivités et des relations de confiance dans la durée. Elles ne se sont pas traduites par une remise en cause des valeurs limites d'exposition du public (...) mais ont surtout eu pour objet d'assurer une plus grande transparence concernant les projets d'implantation de stations et les niveaux de champs émis par celles déjà en service. (...) Les opérateurs reconnaissent que la conclusion des chartes leur a permis de faire preuve de pédagogie et a contribué à améliorer la compréhension des élus et au final a contribué à l'acceptabilité sociale des antennes » 6 ( * ) .

Il convient enfin de relever une certaine contradiction entre , d'une part, la sensibilité de nos concitoyens vis-à-vis de l'implantation des antennes-relais , assez unique en Europe, et , d'autre part, la moindre sensibilité de l'opinion publique vis-à-vis des ondes électromagnétiques des téléphones mobiles ... Depuis plus de dix ans et depuis notamment un rapport que votre rapporteur a eu l'honneur de rédiger avec notre regretté collègue Jean-Louis Lorrain, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) 7 ( * ) , les pouvoirs publics recommandent l'utilisation du « kit mains-libres » pour les communications vocales par téléphone mobile. Or combien de nos concitoyens - notamment parmi les utilisateurs intensifs - respectent cette recommandation ?


* 1 « Développement des usages mobiles et principe de sobriété . Rapport à Monsieur le Premier ministre », MM. Jean-François Girard et Philippe Tourtelier, Stéphane Le Bouler, rapporteur, novembre 2013.

* 2 « Face au développement rapide des technologies sans fil, l'Anses formule des recommandations pour limiter les expositions aux radiofréquences, notamment des populations les plus vulnérables », Communiqué de presse, 15 octobre 2013.

* 3 « Exposition aux ondes électromagnétiques. La santé publique ne doit pas être un enjeu politique », Académie nationale de médecine, M. André Aurengo.

* 4 Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

* 5 Cf. annexe 2 : exemple de la charte d'Angers.

* 6 Réponse au questionnaire du rapporteur.

* 7 Rapport n° 52 (2002-2003) fait au nom de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur l'incidence éventuelle de la téléphonie mobile sur la santé, MM. Jean-Louis Lorrain et Daniel Raoul.

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