AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Suite au dépôt par le groupe écologiste d'une proposition de loi au choix libre et éclairé d'une assistance médicalisée pour une fin de vie digne, inscrit dans l'ordre du jour qui lui est réservé, la commission a désigné comme rapporteur M. Jean Desessard. Ses auditions ouvertes à l'ensemble des commissaires ont permis, en un temps malheureusement contraint, de recueillir l'opinion des auteurs des rapports récemment rendus sur la question de la fin de vie, des médecins de soins palliatifs et de certaines des associations engagées depuis de nombreuses années dans le débat sur l'euthanasie.

L'examen de la proposition de loi permet, dans l'attente du projet de loi annoncé par le Président de la République lors de sa conférence de presse du 14 janvier 2014, de faire le point sur l'avancée de la réflexion collective en matière de fin de vie et de poser, dans toute leur complexité, les enjeux des débats à venir.

Le débat en commission a été particulièrement dense et riche en arguments, dans le respect des positions de chacun. Ce sujet qui mêle conviction philosophiques et expérience personnelle dépasse les clivages politiques et appelle un travail approfondi et éloigné de toute volonté polémique.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES POSITIONS CONCERNANT LA FIN DE VIE ONT EVOLUE AU COURS DES DERNIERES ANNÉES

A. UN DÉBAT APPROFONDI

Même si plusieurs textes législatifs et programmes d'action gouvernementaux ont concerné depuis quinze ans la question de la fin de vie, le débat public a longtemps uniquement été porté par les associations militantes, parfois au travers de telle ou telle situation particulièrement tragique mise en lumière par les médias.

Cette situation a évolué, d'abord avec la discussion au Sénat d'un texte ouvrant le droit à une assistance médicalisée pour mourir, puis depuis 2012 avec l'organisation, à l'initiative du Président de la République, d'un débat national.

1. Au Sénat

Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité d'un débat déjà dense. Le Sénat a en effet eu l'occasion à plusieurs reprises au cours des dernières années de se pencher sur la question de la fin de vie. Tout d'abord, à la suite d'une question orale avec débat déposée par M. Jean-Pierre Godefroy, la commission des affaires sociales a constitué en son sein, en avril 2009, un groupe de travail associant des sénateurs de tous les groupes politiques afin de déterminer si la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie 1 ( * ) , dite Loi Leonetti, devait être complétée par de nouvelles dispositions législatives. Ce groupe a procédé à une vingtaine d'auditions de philosophes, de sociologues, de praticiens, de juristes et d'associations représentant toutes les familles de pensées ; il a analysé la législation mise en oeuvre par certains pays étrangers et rendu un rapport en juin 2010.

En janvier 2011 la commission a examiné trois propositions de loi émanant 2 ( * ) des groupes CRC, Socialiste et UMP, relatives à l'aide active à mourir et élaboré un texte commun, discuté en séance publique. Rejeté par la majorité de l'époque, ce texte a néanmoins été redéposé sous forme de propositions de loi par plusieurs de nos collègues 3 ( * ) . Le Président du Sénat les a soumises, ainsi que d'autres textes ayant le même objet, au Conseil d'Etat en application de l'article 39 de la Constitution. L'Assemblée générale du Conseil d'Etat a rendu son avis sur ces textes en février 2013.

En aucun cas la proposition de loi actuelle ne prétend se substituer au travail approfondi déjà mené par nos collègues. Elle permet cependant de prolonger le débat parlementaire dans l'attente du projet de loi annoncé par le Président de la République lors sa conférence de presse le 14 janvier dernier.

En effet, depuis la loi dite Leonetti de 2005, chaque occasion de débattre a permis de faire progresser la réflexion collective au-delà des points de vue également respectables des partisans et opposants à l'euthanasie. La création de l'Observatoire national de la fin de vie en 2010 a posé les prémices d'une étude scientifique et objective de la situation dans laquelle on meurt en France, ce qui permet d'espérer dépasser les analyses partielles ou partisanes. Le troisième rapport annuel de l'Observatoire, remis en janvier à la ministre de la santé 4 ( * ) , dresse ainsi un portrait de la fin de vie des personnes âgées dans notre pays au travers de sept parcours ordinaires.

2. Dans l'opinion publique

Surtout, conformément à ses engagements de campagne, le Président de la République a, depuis juillet 2012, engagé un débat public sur la fin de vie. A sa demande, une commission présidée par le Pr Didier Sicard a été constituée afin d'étudier la fin de vie en France. Elle a remis le 18 décembre 2012 son rapport intitulé « Penser solidairement la fin de vie ». Le comité consultatif national d'éthique a par ailleurs été saisi d'une demande d'avis sur la question suivante : « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir ». Cet avis a été rendu le 13 juin dernier. Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) formule plusieurs remarques, mais considère que la réflexion sur le sujet de la fin de la vie n'est pas close et qu'elle doit se poursuivre sous la forme d'un débat public.

Le CCNE note également que, le Président de la République ayant mentionné dans sa saisine la présentation prochaine d'un projet de loi sur ces sujets, ce débat public devrait, comme le prévoit la loi relative à la bioéthique, comporter des états généraux réunissant « des conférences de citoyens choisis pour représenter la société dans sa diversité ». Conformément à la mission qui lui a été confiée par le législateur dans le cadre de la loi bioéthique, le CCNE a donc organisé une conférence des citoyens et remettra un rapport, sans doute en mars, préalable au dépôt d'un projet de loi.

La conférence des citoyens sur la fin de vie a pour sa part remis un « avis citoyen » le 14 décembre dernier.

Nous disposons donc de plusieurs rapports et avis d'instances publiques collégiales ou de citoyens choisis pour représenter la diversité de la société française et amenés à débattre.


* 1 Loi n° 2005-370.

* 2 Proposition de loi n° 65 (2008-2009) déposée le 29 octobre 2008 par Alain Fouché, sénateur UMP ; proposition de loi n° 659 (2009-2010), déposée par Jean-Pierre Godefroy et plusieurs membres du groupe socialiste ; proposition de loi n° 31 (2010-2011) déposée par Guy Fischer, François Autain et plusieurs membres du groupe CRC-SPG.

* 3 Proposition de loi n° 312 (2011-2012) présentée par M. Jean-Pierre Godefroy et soixante-dix-sept autres sénateurs, proposition de loi n° 623 (2011-2012) proposée par M. Alain Fouché, proposition de loi n° 735 (2011-2012) présentée par M. Jacques Mézard et douze autres sénateurs.

* 4 Observatoire national de la fin de vie, « Fin de vie des personnes âgées, sept parcours ordinaires pour mieux comprendre les enjeux de la fin de vie en France. », rapport 2013.

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