Section 2 Encourager des voies négociées de maintien de l'emploi
face aux difficultés conjoncturelles

Article 11 (art. L. 3232-2, L. 3232-5, L. 5122-1 à L. 5122-4, L. 5428-1 du code du travail ; L. 242-10 du code de la sécurité sociale) Activité partielle

Objet : Cet article reprend les dispositions de l'article 19 de l'Ani et remplace les divers dispositifs d'allocations de chômage partiel en une allocation unique d'activité partielle, financée par l'Etat et l'Unédic, tout en encourageant les salariés placés en activité partielle à suivre des actions de formation.

I - Le droit en vigueur

Une entreprise peut recourir au chômage partiel si la baisse de l'activité conduit à une réduction de l'horaire de travail en dessous de la durée légale de 35 heures ou à la suspension temporaire de l'activité.

La baisse, voire la suspension de l'activité de l'entreprise doit résulter :

- de la conjoncture économique ;

- de difficultés d'approvisionnement en matières premières ;

- d'un sinistre ou d'intempéries de caractère exceptionnel ;

- de la transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise ;

- de toute autre circonstance de caractère exceptionnel.

Avant de présenter un dossier de demande d'aide à l'unité territoriale de la Direccte, l'employeur doit solliciter, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, l'avis du comité d'entreprise, s'il existe, ou à défaut celui des délégués du personnel.

Tous les salariés peuvent bénéficier de mesures de chômage partiel, sauf certaines catégories de salariés très circonscrites (salariés grévistes ou absents depuis plus de six semaines notamment).

La demande doit indiquer le nombre de salariés concernés, la durée de travail habituelle, la période de chômage partiel et un état nominatif du nombre d'heures déjà chômées par chaque salarié.

On distinguait en 2012 pas moins de cinq dispositifs différents de chômage partiel.

1) L'allocation spécifique de chômage partiel de l'Etat (AS)

Cette aide est exclusivement supportée par l'Etat .

Son montant horaire est de 4,33 euros par salarié dans les entreprises de moins de 250 salariés, et de 4,84 euros dans les autres entreprises.

La durée d'indemnisation est de six semaines en cas de fermeture temporaire de l'établissement (dans la limite de 1 000 heures sauf cas exceptionnel). En cas d'absence de fermeture de l'entreprise, un contingent de 1 000 heures est imposé, quelle que soit la branche professionnelle concernée.

A l'instar de la réglementation en Allemagne, l'employeur verse les rémunérations des salariés à chaque échéance habituelle et perçoit ensuite chaque mois, de la part de l'administration, des allocations spécifiques de chômage partiel.

2) L'allocation conventionnelle et la prise en charge partielle de l'Etat

Cette allocation conventionnelle est exclusive de la convention d'activité partielle de longue durée (APLD) et doit être versée par l'entreprise si elle relève du champ d'application de l'Ani du 21 février 1968, modifié par avenant du 15 septembre 2008.

En pratique, cette allocation conventionnelle concerne la plupart des secteurs d'activité représentés au sein du Medef, à l'exception de la céramique, la couture artisanale, la maroquinerie, les textiles artificiels et naturels, la fourrure, qui peuvent être couverts par des accords particuliers.

Depuis le 1 er janvier 2009, l'entreprise doit verser aux salariés 60 % de la rémunération horaire brute servant d'assiette au calcul de l'indemnité de congés payés. Le montant minimum de l'allocation conventionnelle est de 6,84 euros par heure chômée, diminuée du montant de l'allocation spécifique. Autrement dit, l'employeur doit débourser a minima 2 euros par heure chômée dans les entreprises de moins de 250 salariés et 2,51 euros dans les autres entreprises.

La durée de versement de l'allocation conventionnelle est identique à celle de l'allocation spécifique.

Toutefois, l'allocation complémentaire peut être partiellement prise en charge par l'Etat afin d'éviter ou de limiter les licenciements pour motif économique.

Une convention ad hoc doit alors être conclue entre le préfet (ou la Direccte), et l'entreprise (ou les organisations professionnelles), pour une durée maximale de 6 mois, renouvelable une fois.

Le niveau de prise en charge par l'Etat de l'allocation conventionnelle dépend de la gravité des difficultés de l'entreprise, de ses efforts de réorganisation et du nombre de licenciements envisagés. Pour les conventions signées en 2012, le taux maximal d'intervention était limité à 80 %, mais pouvait atteindre 100 % sur décision conjointe des ministres de l'emploi et du budget.

3) La convention d'activité partielle de longue durée (APLD)

Entrée en vigueur le 1 er mai 2009, la convention APLD est financée par l'Unédic et permet à la fois une meilleure indemnisation des salariés et un accompagnement renforcé des employeurs. Toutes les entreprises, notamment celles éligibles à l'allocation conventionnelle, peuvent conclure avec la Direccte une convention APLD, d'une durée minimale de 2 mois, renouvelable dans la limite de 12 mois, à condition de bénéficier au préalable de l'allocation spécifique.

Ce dispositif garantit aux salariés en chômage partiel une indemnisation au moins égale à 75 % de la rémunération brute mensuelle servant d'assiette de calcul à l'indemnité de congés payés, contre 60 % pour l'allocation conventionnelle. L'Unédic finance ce dispositif dès la première heure de chômage partiel, à hauteur de 2,90 euros par heure. Ainsi, le cumul AS et APLD atteint 7,74 euros dans les entreprises de moins de 250 salariés, et 7,23 euros dans les autres entreprises.

En contrepartie de cette aide financière, l'entreprise s'engage à ne procéder à aucun licenciement des salariés concernés pendant une durée égale au double de la durée de la convention, et à proposer à chaque salarié un entretien individuel pour proposer des actions de formation (et notamment les bilans de compétence et les validations d'acquis de l'expérience), qui peuvent désormais être réalisées pendant les heures chômées. Afin d'inciter les salariés à suivre ces formations pendant les périodes de chômage partiel, l'allocation APLD atteint 100 %.

Selon les informations communiquées par M. Vincent Destival, directeur général de l'Unédic lors de son audition devant votre rapporteur, l'APLD a atteint un « point haut » en 2009 avec 43 millions d'euros, et un « point bas » en 2011 avec 20 millions d'euros. Ces sommes sont à mettre en regard des dépenses de l'Etat en matière de chômage partiel, qui ont atteint 320 millions d'euros en 2009, pour refluer à 46 millions en 2011.

4) L'allocation complémentaire de chômage partiel au titre de la RMM (rémunération mensuelle minimale) et la participation éventuelle de l'Etat

Afin de protéger le pouvoir d'achat des salariés pendant les périodes de chômage partiel, le législateur a obligé l'employeur à garantir une rémunération mensuelle minimale, ne pouvant être inférieure au Smic mensuel net (7,23 euros net par heure au 1 er janvier 2012).

Derechef, l'Etat peut prendre en charge jusqu'à la moitié de la RMM. Il est toutefois interdit que le cumul AS et prise en charge de la RMM dépasse la moitié de la différence entre la RMM et le salaire net du salarié.

5) L'allocation d'aide au retour à l'emploi

Au-delà de six semaines de versement d'allocation spécifique, les salariés peuvent être considérés comme demandeurs d'emploi, tout en conservant leur contrat de travail. Ils peuvent alors être indemnisés par le régime d'assurance chômage.

II - Le dispositif proposé

L'article 11 compte onze paragraphes.

Le paragraphe I replace l'intitulé actuel « Aides aux salariés en chômage partiel » du chapitre II du titre II du livre I er de la cinquième partie du code du travail par l'intitulé suivant : « Aide aux salariés placés en activité partielle ».

Le paragraphe II supprime les titres des sections 1 (allocation spécifique de chômage partiel), 2 (allocations complémentaires de chômage partiel), 3 (régime social et fiscal des allocations) et 4 (dispositions d'application), du chapitre II du titre II du livre I er de la cinquième partie du même code.

Le paragraphe III modifie en profondeur l'article L. 5122-1 , relatif à l'allocation spécifique de chômage partiel.

En premier lieu, par coordination avec le nouvel intitulé du chapitre II précité, l'expression « chômage partiel » est remplacée par celle « d'activité partielle », étant précisé que l'autorisation administrative préalable demeure obligatoire, que cette autorisation soit expresse ou implicite. Les cas de recours à l'activité partielle demeurent inchangés par rapport au droit en vigueur, et doivent viser soit la fermeture temporaire de tout ou partie de l'établissement, soit la réduction de l'horaire de travail en deçà de la durée légale de travail.

En deuxième lieu, l'allocation spécifique de chômage partiel à la charge de l'État est supprimée, tandis que l'expression de salaire est remplacée par celle, moins restrictive, de rémunération.

En troisième lieu, un nouvel alinéa est inséré après le troisième, pour préciser qu'en cas de réduction collective de l'horaire de travail, les salariés peuvent être placés en position d'activité partielle individuellement et alternativement.

En dernier lieu, le projet de loi supprime les dispositions des quatrième, cinquième et sixième alinéas de l'article L. 5122-1, qui prévoient notamment que :

- les entreprises de plus de 250 salariés doivent conclure une convention d'activité partielle de longue durée ;

- les salariés restent liés à leur employeur par un contrat de travail, qui est toutefois suspendu pendant le versement de l'allocation spécifique ;

- ces derniers peuvent suivre des actions de formation en dehors du temps de travail.

Le projet de loi introduit à la place de ces dispositions trois alinéas.

Le premier prévoit que les salariés reçoivent une indemnité horaire, versée par leur employeur, correspondant à une part de leur rémunération antérieure dont le pourcentage est fixé par décret en Conseil d'État. L'employeur perçoit ensuite une allocation financée conjointement par l'État et l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage, c'est-à-dire l'Unédic. Une convention conclue entre l'État et cet organisme détermine les modalités de financement de cette allocation.

Le deuxième alinéa indique que le contrat de travail des salariés placés en activité partielle est suspendu pendant les périodes où ils ne sont pas en activité.

Le dernier alinéa dispose que l'autorité administrative peut définir des engagements spécifiquement souscrits par l'employeur en contrepartie de l'allocation qui lui est versée, en tenant compte d'un éventuel accord collectif d'entreprise conclu sur l'activité partielle. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités selon lesquelles sont souscrits ces engagements.

Allocation d'activité partielle et engagements de l'employeur

Actuellement, un employeur ne doit souscrire des engagements que s'il signe une convention APLD.

Dans le cadre de la réforme de l'activité partielle, les engagements seront modulés en fonction de l'aide accordée.

Ainsi, lors d'une première demande d'activité partielle, il n'est pas prévu, à ce stade, que l'employeur prenne des engagements souscrits, sauf bien entendu de maintenir dans l'emploi les salariés pendant le versement des allocations.

En revanche, à l'occasion d'une deuxième demande, il est envisagé de déterminer des contreparties en concertation avec l'employeur, et en tenant compte d'un éventuel accord d'entreprise sur l'activité partielle.

Ces engagements pourraient être :

- le maintien dans l'emploi des salariés pendant le double de la durée du bénéfice de l'activité partielle ;

- des actions de formation des salariés ;

- un renforcement de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ;

- la mise en place d'un plan de redressement.

Le paragraphe IV propose une nouvelle rédaction pour l'article L. 5122-2 , relatif aux actions de prévention pour éviter des licenciements pour motif économique.

Cet article prévoit actuellement deux types d'actions : la prise en charge partielle par l'Etat des indemnités complémentaires de chômage partiel ; le versement d'allocations aux salariés pour les périodes de chômage partiel de longue durée.

Le projet de loi change l'objet même de l'article, désormais consacré aux actions de formation pendant les périodes d'activité partielle et comprenant deux alinéas.

Le premier alinéa dispose que le salarié placé en activité partielle peut bénéficier, pendant les heures chômées, de l'ensemble des actions mentionnées aux articles L. 6313-1 (cet article essentiel fixe les treize catégories d'actions de formation professionnelle continue) et L. 6314-1 (toute personne a le droit de suivre, à son initiative, une formation lui permettant de progresser au cours de sa vie professionnelle d'au moins un niveau de qualification), réalisées notamment dans le cadre du plan de formation.

Le second alinéa prévoit, en cas de suivi de formation, une majoration de l'indemnité du salarié, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

Le paragraphe V abroge l'article L. 5122-3 , qui prévoit un décret pour déterminer les conditions dans lesquelles les actions de prévention du chômage partiel peuvent être engagées.

Le paragraphe VI modifie l'article L. 5122-4 , relatif au régime social et fiscal des indemnités d'activité partielle.

Cet article dispose actuellement que le régime social et fiscal très favorable des contributions de l'employeur mentionnées à l'article L. 5422-10 (exonération de la taxe sur les salaires, des cotisations de sécurité sociale, et déductibilité de ces sommes sur l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés) est applicable aux allocations et contributions de chômage partiel, lorsque cette indemnisation résulte d'accords professionnels ou interprofessionnels, nationaux ou régionaux.

Le projet de loi conserve ces dispositions mais supprime la condition relative aux accords professionnels, interprofessionnels, nationaux ou régionaux, et vise plus simplement l'indemnité versée au salarié. En outre, il est ajouté un alinéa pour préciser que cette indemnité est cessible et saisissable dans les mêmes conditions et limites que les salaires.

Le paragraphe VII modifie l'article L. 3232-5 , relatif à la rémunération mensuelle minimale (RMM).

Le premier alinéa de cet article prévoit qu'un salarié a droit, en cas de chômage partiel, si son revenu est inférieur à la RMM, à une allocation complémentaire de l'employeur, égale à la différence entre la RMM et la somme qu'il a effectivement perçue. Le second alinéa assimile les indemnités pour intempéries aux allocations légales ou conventionnelles de chômage partiel.

Le projet de loi maintient ces dispositions tout en apportant les coordinations juridiques nécessaires.

Le paragraphe VIII abroge la section 4 du chapitre II du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, intitulée « remboursement de l'Etat ». Cette section comprend l'article unique L. 3232-8 , qui dispose que l'Etat rembourse à l'employeur une fraction de l'allocation complémentaire, étant précisé que le montant cumulé de ce remboursement et de l'allocation de chômage partiel ne peut excéder la moitié de la différence entre la RMM et le salaire net perçu par un travailleur.

Le paragraphe IX modifie l'article L. 3232-2 , relatif au rapport que le Gouvernement présente chaque année, en annexe au projet de loi de finances, sur l'application de la rémunération mensuelle minimale.

Là encore, le projet de loi maintient cette obligation tout en apportant les coordinations juridiques nécessaires.

Le paragraphe X modifie le premier alinéa de l'article L. 5428-1, qui indique que les allocations de chômage partiel sont cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires. Cette référence est supprimée par coordination avec le VI.

Enfin, le paragraphe XI modifie le dernier alinéa de l'article L. 242-10 du code de la sécurité sociale, qui exclut l'indemnisation au titre du chômage partiel de l'abattement d'assiette de cotisations sociales prévues aux articles L. 242-8 et L. 242-9.

Le projet de loi maintient cette exclusion et apporte les coordinations juridiques appropriées.

III - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale


• Les principaux amendements adoptés en commission ont visé à :

- préciser que l'autorité administrative peut imposer des obligations spécifiques à l'employeur en contrepartie de l'allocation qui lui est versée, et pas simplement définir des obligations souscrites par ce dernier ;

- exonérer l'indemnité d'activité partielle de la taxe sur les salaires et des cotisations de sécurité sociale, par coordination avec le régime actuel dont bénéficie l'allocation de chômage partiel ;

- aligner les règles de l'indemnité d'activité partielle sur celles de l'allocation de chômage partiel dans le code général des impôts en matière d'abattement fiscal et d'exonération de la taxe sur les salaires ;

- demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport présentant les propositions pour renforcer l'attractivité du régime de l'activité partielle.


• Un amendement du rapporteur est revenu, en séance, à la version initiale du projet de loi concernant les engagements auxquels il sera demandé à l'employeur de souscrire.

IV - Le texte adopté par la commission

Votre rapporteur insiste avec force sur la nécessité de disposer d'un dispositif d'activité partielle simple, efficace et stable, pour permettre aux entreprises de résister aux aléas conjoncturels et éviter des licenciements économiques. La variabilité des règles de chômage partiel, sur un point aussi essentiel que l'autorisation administrative préalable, est un facteur de complexité administrative supplémentaire.

L'instabilité des règles du chômage partiel

L' autorisation administrative préalable pour bénéficier de l'AS a été supprimée par un décret du 9 mars 2012, avant d'être rétablie par le décret du 19 novembre 2012.

Désormais, la demande préalable est réputée acceptée après un délai de quinze jours sans réponse de l'administration (en pratique, le délai observé est de huit jours en moyenne).

Il existe un deuxième exemple de cette incertitude des règles : la durée minimale de conventionnement de l'APLD.

Les partenaires sociaux ont exprimé le souhait, dans le cadre de l'Ani du 6 février 2012, que soit expérimentée, à titre dérogatoire, une réduction temporaire de la durée minimale de conventionnement de l'APLD de 3 à 2 mois. En effet, les entreprises hésitent souvent à demander le bénéfice de l'APLD, qui interdit les licenciements pendant une période double de la durée de versement de l'aide, sauf à rembourser l'intégralité de l'aide accordée. C'est pourquoi le Gouvernement, par décret du 28 février 2012, a autorisé une expérimentation en ce sens jusqu'au 30 septembre 2012.

Constatant que cette période d'expérimentation était trop courte, un décret du 24 décembre 2012 l'a prolongée jusqu'à la fin du premier trimestre 2013.

Afin d'assurer la stabilité juridique de l'APLD jusqu'à l'entrée en vigueur du futur dispositif d'allocation unique d'activité partielle, le Gouvernement prépare actuellement un nouveau décret, suite à un récent avenant des partenaires sociaux à la convention Etat-Unédic du 4 décembre 2009.

Au total, trois décrets auront été pris en l'espace d'un an environ pour prolonger l'expérimentation de l'abaissement de la durée minimale de conventionnement de l'APLD.

Votre rapporteur souhaite que l'Unédic et l'Etat puisse mobiliser les sommes suffisantes pour inciter au recours à l'activité partielle pour les entreprises en difficulté et renforcer les actions de formation des salariés pendant les périodes d'inactivité. Selon l'OCDE, entre 2008 et le troisième trimestre 2009, 18 000 emplois ont été préservés en France grâce au chômage partiel, contre plus de 200 000 en Allemagne et 120 000 en Italie. En outre, les salariés français ne profitent pas suffisamment des périodes de chômage partiel pour suivre des actions de formation. Si en 2010, six entreprises en chômage partiel sur dix ont recouru à des opérations de formation, la proportion a chuté à deux sur dix en 2011. La prochaine convention financière Etat-Unédic, qui devrait être signée avant la fin du premier semestre 2013, fixera les taux de remplacement, en concertation avec les partenaires sociaux sur la base éventuelle d'un accord national interprofessionnel. Mais il est d'ores et déjà prévu que le taux de remplacement des heures d'activité partielle pour des actions de formation sera majoré.

Seul un amendement de cohérence juridique a été adopté à l'initiative de votre rapporteur.

La commission a adopté cet article dans la rédaction issue de ses travaux.

Article 12 (art. L. 5125-1 à L. 5125-6 [nouveaux] du code du travail) Accords de maintien de l'emploi

Objet : Cet article définit le contenu des accords de maintien dans l'emploi et reprend les dispositions de l'article 18 de l'Ani et de son annexe.

I - Le dispositif proposé

L'article 12 modifie l'intitulé du titre II du livre I er de la cinquième partie du code du travail en remplaçant les termes « aides au maintien et à la sauvegarde de l'emploi » par ceux de « maintien et sauvegarde de l'emploi ».

Il insère six nouveaux articles dans le code du travail, regroupés au sein d'un chapitre V nouveau « accords de maintien de l'emploi ».


• L'article L. 5125-1 comprend 4 paragraphes.

Le I définit les accords de maintien de l'emploi . Ainsi, en cas de graves difficultés conjoncturelles, un accord d'entreprise peut, en contrepartie de l'engagement de la part de l'employeur de maintenir les emplois pendant la durée de validité de l'accord, aménager pour les salariés occupant ces emplois :

- la durée du travail ;

- ses modalités d'organisation et de répartition ;

- ainsi que la rémunération au sens de l'article L. 3221-3 (cet article définit comme rémunération non seulement le salaire, ou traitement ordinaire de base ou minimum, mais aussi tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de son travail).

Cet accord doit s'appuyer sur un diagnostic, qui est analysé avec les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise.

En aucun cas cet accord ne peut déroger aux « éléments de l'ordre public social », dont le contour est dessiné par les articles suivants.

L'ordre public social auquel ne peuvent pas déroger les accords de maintien de l'emploi

Article du code du travail

Contenu

Article L. 2253-3 (premier alinéa)

Un accord ne peut jamais déroger aux dispositions d'accords de branche (ou accords professionnels ou interprofessionnels) en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle.

L. 3121-33 à L. 3121-36

Durée maximale du travail : temps de pause, durée quotidienne maximale, durées hebdomadaires maximales.

L. 3122-34 et L. 3122-35

Durées quotidienne et hebdomadaire du travail pour les travailleurs de nuit.

L. 3131-1 à L. 3132-2

Repos quotidien et exceptions.

L. 3133-4

Journée du 1 er mai fériée et chômée.

L. 3141-1 à L. 3141-3

Droits aux congés payés.

L. 3231-2

Définition du salaire minimum de croissance.

Le second alinéa du I dispose qu'un expert-comptable peut être mandaté par le comité d'entreprise pour accompagner les organisations syndicales. Il peut intervenir à deux moments : lors de l'analyse du diagnostic, ou pendant la négociation de l'accord, dans les conditions prévues par l'article L. 2325-35.

Le II interdit l'application des clauses des accords de maintien de l'emploi relatives à la réduction de rémunération aux salariés les moins bien rémunérés , et il impose aux dirigeants salariés, mandataires sociaux et actionnaires un effort en termes de rémunération.

En effet, l'application de l'accord ne peut avoir pour effet ni de diminuer la rémunération des salariés lorsque le taux horaire de celle-ci, à la date de conclusion de cet accord, est égal ou inférieur au taux horaire du SMIC majoré de 20 %, ni de porter la rémunération des autres salariés en dessous de ce seuil.

En outre, l'accord doit prévoir les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés exerçant des responsabilités dans le périmètre de l'accord participent aux efforts demandés aux salariés, notamment en termes de rémunération. Il doit également prévoir, dans le respect des compétences des organes d'administration et de surveillance, des stipulations équivalentes pour la rémunération des mandataires sociaux et le versement des dividendes aux actionnaires.

Le III de l'article indique que la durée de l'accord est limitée à deux ans . Pendant sa durée de validité, toute rupture du contrat de travail des salariés concernés par l'accord pour motif économique est interdite.

Son second alinéa impose à l'accord de prévoir les conséquences d'une « amélioration de la situation économique » de l'entreprise sur la situation des salariés, dans deux cas :

- soit à l'issue de sa période d'application ;

- soit dans l'hypothèse d'une suspension de l'accord par référé du président du tribunal de grande instance, dans les conditions fixées au nouvel article L. 5125-5.

Enfin, le IV précise que l'accord doit déterminer le délai et les modalités de l'acceptation ou du refus par le salarié de l'application de ses stipulations à son contrat de travail.


• L'article L. 5125-2 mentionne l'articulation entre l'accord et les contrats de travail.

Le premier alinéa indique que les stipulations de l'accord sont applicables au contrat de travail, uniquement avec l'accord des salariés. Il est ensuite précisé que les clauses du contrat de travail contraires à l'accord sont suspendues pendant sa durée d'application.

Le deuxième alinéa dispose que si un ou plusieurs salariés refusent l'application de l'accord à leur contrat de travail, leur licenciement ne peut reposer que sur un motif économique. Il est alors prononcé selon les modalités d'un licenciement individuel pour motif économique et ouvre droit aux mesures d'accompagnement que doit prévoir l'accord.

Enfin, le dernier alinéa précise la portée de la clause pénale que doit comporter l'accord de maintien de l'emploi. Suite à l'examen de l'avant-projet de loi au Conseil d'Etat, il est désormais explicitement fait référence à l'article 1226 du code civil, qui définit la clause pénale, entendue comme une clause « par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution ». Il est fait application de cette clause lorsque l'employeur n'a pas respecté ses engagements de maintien de l'emploi. Elle donne alors lieu au versement de dommages-intérêts aux salariés lésés, dont le montant et les modalités d'exécution sont fixés dans l'accord. Le juge peut toutefois aller au-delà de l'indemnisation prévue par la clause pénale. En effet, l'article 1152 du code civil prévoit que le « juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle manifestement excessive ou dérisoire . »


• L'article L. 5125-3 indique que les organes d'administration et de surveillance de l'entreprise sont informés du contenu de l'accord lors de leur première réunion suivant sa conclusion.


• L'article L. 5125-4 traite des conditions d'élaboration et de validité de l'accord.

Son I indique que la validité de l'accord est conditionnée à la signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations représentatives et ce, quel que soit le nombre de votants, à l'occasion du premier tour des dernières élections :

- des titulaires au comité d'entreprise (ou de la délégation unique du personnel) ;

- ou, à défaut, des délégués du personnel.

Il s'agit donc d'une dérogation explicite aux règles de validité des accords mentionnées à l'article L. 2232-12 du code du travail, qui retient le seuil de 30 % des suffrages exprimés.

Son II ouvre la possibilité sous conditions de conclure un accord avec des salariés mandatés et subordonne sa validité au vote des salariés .

Le premier alinéa indique que l'accord peut être conclu par un ou plusieurs représentants élus du personnel expressément mandatés, à condition que l'entreprise soit dépourvue de délégué syndical. Le mandatement peut être donné :

- par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l'entreprise ;

- ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Le deuxième alinéa précise qu'à défaut de représentants élus du personnel, l'accord peut être conclu avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés à cet effet :

- par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l'entreprise ;

- ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel, dans le respect de l'article L. 2232-26 (les salariés qui, en raison des pouvoirs qu'ils détiennent, peuvent être assimilés à l'employeur, ainsi que les salariés apparentés à l'employeur ne peuvent être mandatés).

Enfin, le dernier alinéa oblige l'accord signé par un représentant élu du personnel mandaté ou par un salarié mandaté à être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, dans les conditions déterminées par cet accord et dans le respect des principes généraux du droit électoral.

Le III dispose que le temps passé par les représentants élus mandatés n'est pas imputable sur leurs heures de délégation. Autrement dit, ces négociations n'entament pas les crédits d'heures prévus aux articles L. 2315-1 (entre dix et quinze heures par mois pour les délégués du personnel selon la taille de l'entreprise) et L. 2325-6 (vingt heures pour les membres titulaires du comité d'entreprise notamment).

Le second alinéa prévoit que les représentants élus du personnel mandatés et les salariés mandatés disposent du temps nécessaire à l'exercice de leurs fonctions dans les conditions prévues à l'article L. 2232-25.

Pour mémoire, cet article leur alloue, sauf circonstances exceptionnelles, un crédit de dix heures par mois. Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. L'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire.

Le IV de l'article L. 5125-4 indique que le représentant élu du personnel mandaté ou le salarié mandaté bénéficie de la protection contre le licenciement comme les délégués syndicaux.


• L'article L. 5125-5 est relatif à la procédure de référé à l'encontre d'un accord de maintien de l'emploi.

L'accord peut être suspendu par décision du président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, à la demande de l'un de ses signataires.

Afin d'éviter tout malentendu, il convient de remarquer que le président du TGI sera saisi dans la forme d'un référé mais statuera l'affaire au fond, sa décision ayant l'autorité de la chose jugée, comme l'ont indiqué à votre rapporteur les magistrats de la chambre sociale de la Cour de cassation lors de leur audition.

La suspension ne peut être prononcée que dans deux cas :

- les engagements souscrits, notamment en matière de maintien de l'emploi, ne sont pas appliqués de manière « loyale et sérieuse » ;

- la « situation économique de l'entreprise » a évolué de manière significative.

Pour information, les décisions rendues en la forme des référés sont susceptibles d'appel en application de l'article 490 du code de procédure pénal.

Le second alinéa dispose que lorsque le juge décide cette suspension, il doit également fixer un délai de réexamen de son référé. A l'issue de ce délai, deux cas de figure sont à distinguer :

- soit il autorise, selon la même procédure, la poursuite de l'accord ;

- soit il en suspend définitivement les effets.

Cet alinéa précise que cette « clause de revoyure » intervient également à la demande des parties et au vu des éléments transmis relatifs à l'application loyale de l'accord ou à l'évolution de la situation économique de l'entreprise.


• Enfin, l'article L. 5125-6 précise qu'en cas de rupture du contrat de travail, consécutive notamment à la décision du juge de suspendre les effets de l'accord, le calcul des indemnités légales de préavis et de licenciement ainsi que de l'allocation d'assurance (allocation de retour à l'emploi ou ARE) doit être favorable au salarié. En effet, ce calcul s'opère sur la base de la rémunération au moment de la rupture ou, si elle est supérieure, sur la base de la rémunération antérieure à la conclusion de l'accord.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale


• Les principaux amendements adoptés en commission ont visé à :

- préciser que seules de graves difficultés « économiques » conjoncturelles justifiaient la conclusion d'accords de maintien de l'emploi ;

- indiquer que les accords de maintien de l'emploi ne peuvent pas déroger non plus aux articles L. 3121-10 à L. 3121-25 (durée légale du travail, contingent annuel d'heures supplémentaires et dérogations, contrepartie aux heures supplémentaires) ;

- préciser que l'application des stipulations de l'accord ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération « horaire ou mensuelle » des salariés percevant 1,2 Smic par mois ;

- imposer aux dirigeants salariés, mandataires sociaux et actionnaires de « contribuer de manière proportionnée » aux efforts des salariés ;

- obliger l'accord à prévoir les modalités de l'organisation du suivi de l'évolution de la situation économique de l'entreprise et de la mise en oeuvre de l'accord, notamment auprès des organisations syndicales de salariés représentatives signataires et des institutions représentatives du personnel ;

- étendre le champ d'application de la clause pénale à tous les engagements de l'employeur compris dans l'accord, et pas seulement à ceux en lien avec le maintien de l'emploi ;

- obliger l'accord à prévoir les modalités d'information des salariés quant à son application et son suivi pendant toute sa durée ;

- indiquer que le réexamen de la décision de suspension de l'accord par le président du TGI nécessite seulement la demande de l'une des parties signataires, et non plus leur demande conjointe ;

- préciser que l'indemnité d'activité partielle peut être accordée aux entreprises couvertes par un accord de maintien de l'emploi ;

- demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport portant évaluation des accords de maintien de l'emploi.


• En séance, un amendement du rapporteur a précisé que les « efforts proportionnés » prévus dans l'accord s'imposaient aussi bien aux dirigeants salariés qu'aux mandataires sociaux et aux actionnaires.

Un autre amendement du rapporteur a précisé que si l'accord ne prévoit pas la modalité de notification au salarié de la modification de son contrat de travail, l'employeur doit suivre la procédure prévue à l'article L. 1222-6. Pour mémoire, cet article indique que, lorsque l'employeur envisage la modification d'un élément essentiel du contrat de travail pour un motif économique, il doit en faire la proposition au salarié par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification informe le salarié qu'il dispose d'un mois à compter de sa réception pour faire connaître son refus. A défaut de réponse dans le délai d'un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.

III - Le texte adopté par la commission

Votre rapporteur est favorable par principe à la recherche de compromis collectifs en cas de choc conjoncturel, qui sont préférables aux procédures de licenciement . L'ajustement « interne » supporté par l'ensemble des salariés permet en effet d'éviter des ajustements « externes » dont sont victimes une partie des salariés. Il s'agit, par ces accords de maintien de l'emploi, de mettre un terme à la « préférence française pour le licenciement ».

Il constate que les clauses imposées à la conclusion des accords de maintien de l'emploi sont davantage de nature à sécuriser les droits des salariés que les accords actuels dits de compétitivité, qui ne bénéficient pas d'un cadre homogène au niveau national . Faisant face à des difficultés conjoncturelles, certaines entreprises ont ces dernières années mis en place des accords d'entreprise visant à réduire temporairement la durée du travail et/ou à réduire les rémunérations. Toutefois, l'absence de cadre juridique préalable et homogène risque de léser les intérêts des salariés, et a entraîné l'échec de certains de ces accords par le passé.

A l'initiative de votre rapporteur, la commission a adopté des amendements rédactionnels et un amendement de clarification juridique.

La commission a adopté cet article dans la rédaction issue de ses travaux.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page