Article 25 quater (art. L. 4622-1-1, L. 4622-1-2, L. 4622-7-1, L. 4622-7-2, L. 4624-2 et L. 4644-1 nouveaux du code du travail) Organisation des services de santé au travail

Objet : Cet article, ajouté par l'Assemblée nationale, réforme l'organisation des services de santé au travail.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article issu d'un amendement du Gouvernement réforme l'organisation des services de santé en travail. Ces services, créés par la loi du 11 octobre 1946 relative à l'organisation des services médicaux du travail, ont pris leur nom actuel en 2002 en application de la loi de modernisation sociale 75 ( * ) . Ce changement de dénomination reflète la place croissante des professions non médicales dans la prévention des risques de santé au travail. En effet, si les professions paramédicales, au premier rang desquelles les infirmiers, jouent un rôle ancien auprès des médecins du travail, depuis les années 1970 de nombreuses autres professions ont également été sollicitées pour agir au sein des entreprises. Leur rôle en matière de prévention des risques professionnels a été consacré par la directive européenne du 12 juin 1989 76 ( * ) concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail. L'article L. 4622-4 du code du travail pose l'obligation de compléter les équipes de santé au travail internes aux entreprises par l'appel à des compétences extérieures et précise la modalité de la reconnaissance de ces dernières. En application d'un arrêté du ministre du travail en date du 24 décembre 2003 77 ( * ) , on parle de pluridisciplinarité pour décrire l'interaction entre les services de santé au travail et les intervenants extérieurs.

Ainsi, on doit distinguer aujourd'hui, en dehors des médecins du travail, trois types d'intervenants dans les services de santé au travail :

- les professionnels recrutés pour offrir une prestation en matière de prévention ou de santé au sens large mais ne menant pas d'actions au sein de l'entreprise. Les professions concernées peuvent être extrêmement diverses et dépendent des projets de chacun des services. Peuvent ainsi être recrutés pour exercer au sein d'un service de santé au travail un psychologue ou une assistante sociale ;

- les assistants des services de santé au travail qui ont une fonction de soutien aux activités des autres membres des services de santé au travail (secrétariat médical par exemple) ;

- les intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP) définis comme « une personne, physique ou morale, dotée de compétences techniques, organisationnelles ou médicales (hors médecine du travail), et dont la mission consiste à participer à la prévention des risques professionnels et à l'amélioration des conditions de travail, en complément de l'action conduite par le ou les médecins du travail » 78 ( * ) . Du fait de leur intervention dans l'entreprise, un régime de contrôle de leurs qualifications aboutissant à une habilitation a été mis en oeuvre. Les IPRP ne font pas partie des services de santé au travail internes aux entreprises mais sont intégrés aux services inter-entreprises.

L'article adopté par l'Assemblée nationale comprend trois parties.

La première partie insère six nouveaux articles dans le sixième livre, « Institutions et organismes de prévention », de la quatrième partie du code du travail relative à la santé et sécurité au travail. Elle est divisée en six points.

- le crée tout d'abord un nouvel article L. 4622-1-1 définissant les missions des services de santé au travail. En effet, ceux-ci ne disposent pas pour l'heure de missions propres, les seules missions existantes étant celles confiées depuis 1946 aux médecins du travail et désormais codifiées à l'article L. 4622-3 du code du travail. L'attribution de missions aux services de santé permet de définir un cadre d'intervention commun à l'ensemble des acteurs, sans modifier les missions spécifiques des médecins du travail.

Les missions des services de santé au travail sont définies comme exclusivement axées sur la prévention :

- prévention primaire puisque ces services doivent conduire des actions de santé au travail visant à préserver la santé physique et mentale des travailleurs, tout au long de leur parcours professionnel, et conseiller l'employeur, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d'éviter ou de diminuer les risques professionnels et d'améliorer les conditions de travail ;

- prévention des risques de désinsertion professionnelle ;

- prévention de l'altération de la santé des travailleurs par l'organisation d'un suivi médical et la participation à la traçabilité des expositions professionnelles en vue d'ouvrir, le cas échéant, une possibilité de suivi post-exposition ou post-professionnel pour les travailleurs concernés.

Un nouvel article L. 4622-1-2 est également inséré, qui précise les titulaires des missions définies à l'article L. 4622-1-1 au sein des services de santé internes aux entreprises. Il n'apporte pas de modification majeure par rapport au fonctionnement actuel des services. Les médecins du travail sont les premiers mentionnés, ce qui correspond à leur mission actuelle. Dans le cadre de la pluridisciplinarité, ils exerceront leurs compétences avec les salariés désignés par l'employeur dans les conditions définies par le texte proposé pour l'article L. 4644-1 (nouveau). Pratiquement, il s'agit des salariés employés dans les services de prévention qui existent dans les grandes entreprises. Les IPRP seront également chargés de la mise en oeuvre des missions des services de santé au travail. La mention des employeurs parmi les personnes chargées de mettre en oeuvre les missions des services de santé au travail correspond à l'obligation de résultat qui leur incombe en matière de sécurité et de santé de leurs salariés. Le travail des acteurs de la santé au travail doit donc être mené conjointement par l'ensemble des acteurs ;

- en conséquence, l'article L. 4622-2 du code du travail qui confie la charge des services de santé au travail aux seuls médecins est supprimé par le ;

- le insère deux nouveaux articles dans la section du code relative aux services de santé au travail inter-entreprises.

L'article L. 4622-7-1 nouveau concerne le fonctionnement des services de santé au travail inter-entreprises. Il est composé de deux alinéas.

Le premier définit la composition des services. Outre les médecins du travail, ces services comprennent des IPRP, salariés du service et non prestataires extérieurs, des infirmiers et, dans les services qui en disposent, des assistants des services de santé au travail. La liste des professions composant les services n'est pas limitative, celle-ci pouvant être complétée en fonction des projets et des besoins locaux.

Le second alinéa prévoit l'inclusion d'un service social du travail dans les services de santé au travail inter-entreprises. L'existence d'un tel organisme dont la mission, définie par l'article L. 4631-2 du code du travail, est de « suivre et faciliter la vie personnelle des travailleurs » n'est en effet obligatoire que dans les établissements de plus de deux cent cinquante salariés (article L. 4631-1), même si plusieurs entreprises peuvent mettre en place un service social du travail commun. En l'absence de mise en place d'un tel service au sein du service de santé inter-entreprise, les actions de ce dernier sont coordonnées avec les services sociaux existants. Cette disposition est le pendant de celle prévue à l'article L. 4631-2 qui prévoit déjà que le service social du travail « collabore étroitement avec les services de santé au travail » .

Le nouvel article L. 4622-7-2 met en place les modalités de déclinaison locale des missions des services de santé au travail. Les services concluront ainsi des contrats d'objectifs et de moyens tripartites avec l'autorité administrative et les caisses de sécurité sociale. Les partenaires sociaux, comme les agences régionales de santé (ARS), seront consultés sur ces contrats mais n'en seront pas signataires. Il s'agit donc bien de déclinaisons locales de politiques nationales de prévention, et non de négociations entre partenaires sociaux sur les priorités en matière de protection et de santé. Comme l'indique la consultation des ARS, c'est au niveau régional qu'aura lieu la définition des contrats d'objectifs et de moyens, sans doute au sein des commissions régionales du conseil d'orientation sur les conditions de travail (Coct). La déclinaison des objectifs nationaux de santé au niveau régional s'inscrit ainsi dans la logique de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires 79 ( * ) .

Il ressort par ailleurs des échanges entre le ministère du travail et votre rapporteur que les conventions d'objectifs et de moyens ne pourront faire obstacle à l'action des équipes des services de santé inter-entreprises sur des thématiques extérieures au champ de la convention. Ainsi, ces conventions doivent permettre la mobilisation des équipes sur des sujets dont l'importance fait l'objet d'un constat partagé mais ne pourront servir en aucune façon à restreindre l'action des services de santé au travail, qui resteront libres de prendre des initiatives sur les thématiques émergentes ainsi qu'en période de crise. Enfin, le terme « moyens » ne doit pas être pris au sens financier : les services de santé au travail restent financés exclusivement par les cotisations des employeurs, mais au sens de « moyens d'action », dans une optique d'adéquation des équipes à leurs objectifs ;

- le modifie en conséquence l'intitulé du chapitre IV du titre deuxième de la sixième partie du livre IV du code du travail qui devient : « Actions et moyens des membres des équipes de santé au travail » ;

- le renvoie à des décrets d'application pris en Conseil d'Etat, la définition des modalités d'action des personnels concourant aux services de santé au travail ainsi que les conditions d'application de l'article L. 4624-1 définissant les actions du médecin du travail ;

- le insère un chapitre nouveau relatif à la pluridisciplinarité dans le titre du code relatif aux « institutions concourant à l'organisation de la prévention ». Il se compose d'un article unique L. 4644-1. Celui-ci dispose que l'employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s'occuper des activités de protection et des préventions des risques professionnels. En l'absence de compétences internes, l'employeur s'adresse aux IPRP du service de santé inter-entreprise auquel il adhère ou aux IPRP indépendants. Il peut également solliciter les organismes de sécurité sociale ou professionnels définissant les actions de prévention des entreprises.

Ces dispositions reprennent les dispositions et les pratiques existantes. Il est en effet usuel pour les employeurs de recruter des salariés pour leurs services de prévention internes, plus particulièrement dans les grandes entreprises. De même l'appel aux compétences des IPRP est usuel. Cependant les dispositions de l'article L. 4622-4 actuel confient aux services de santé au travail, et non à l'employeur, l'appel aux compétences extérieures à l'entreprise.

Les garanties d'indépendance en matière de recrutement qui figurent également au sein de l'article sont reprises de l'article L. 4622-4 actuel.

Des dispositions réglementaires et la date d'entrée en vigueur des dispositions figurent à la fin du texte proposé pour l'article L. 4644-1.

La deuxième partie prévoit la transition entre le régime d'habilitation des IPRP actuellement et place le régime d'enregistrement prévu par l'article L. 4644-1.

La troisième partie fixe à dix-huit mois après la publication de la loi la date d'entrée des nouvelles dispositions en matière d'examens médicaux.

II - Le texte adopté par la commission

Votre commission a souhaité clarifier les missions des équipes de santé au travail et la répartition des compétences en leur sein. A cette fin elle a adopté dix amendements à cet article déposés par son rapporteur.

Ces amendements tendent à :

- confier comme mission aux services de santé d'éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ;

- lever toute ambiguïté dans la relation entre le médecin de travail et l'employeur dans les services de santé en entreprises en précisant que médecins et employeurs agissent « en coordination » ;

- préciser que, dans les services de santé au travail inter-entreprises, les médecins du travail animent l'action des équipes pluridisciplinaires ;

- garantir que les contrats d'objectifs et de moyens, prévus pour adapter les missions des services de santé aux réalités locales, n'auront pas pour objet de restreindre les missions des services de santé au travail ;

- renforcer, dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens, l'interaction entre les services de santé au travail et les organismes de prévention des caisses de sécurité sociale ;

- procéder à des simplifications et coordinations rédactionnelles.

La commission a adopté cet article additionnel ainsi rédigé.


* 75 Loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, art. 193.

* 76 Directive 89/391/CEE du Conseil.

* 77 Arrêté du 24 décembre 2003 relatif à la mise en oeuvre de l'obligation de pluridisciplinarité dans les services de santé au travail.

* 78 Circulaire Drt 2005/05 du 20 juin 2005 relative au dispositif d'habilitation des intervenants en prévention des risques professionnels et visant à favoriser la mise en oeuvre de la pluridisciplinarité.

* 79 Loi HPST n° 2009-879.

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