Article 6 (art. L. 351-1 et L. 351-8 du code de la sécurité sociale) Relèvement de l'âge d'annulation de la décote

Objet : Cet article tend à relever de deux années l'âge permettant de bénéficier d'une pension de retraite à taux plein quelle que soit la durée de cotisation atteinte.

I - Les dispositions initiales du projet de loi

1. La liquidation de la pension à soixante-cinq ans

D'après les informations transmises par la Cnav, en 2009, 22 % des femmes et 12,6 % des hommes ayant liquidé leur retraite du régime général, étaient âgés de soixante-cinq ans. Parmi ces personnes, 13 % ont obtenu le taux plein au titre de leur durée d'assurance ; 87 % ont bénéficié du taux plein en raison de leur âge.

Répartition par âge au moment de la liquidation de la retraite des 642 000 prestataires entrés dans le dispositif de retraite en 2009

Source : Cnav, flux exhaustif de nouveaux prestataires de 2009.

Près de 15,3 % de l'ensemble des nouveaux retraités de 2009 ont liquidé leur pension à soixante-cinq ans au titre de l'âge (9,6 % des hommes et 20,3 % des femmes).

Répartition des nouveaux retraités du régime général de 2009 ayant liquidé leur pension à soixante-cinq ans selon le motif de liquidation et le genre

Au titre de l'âge

Au titre de la durée de cotisation

Homme

75,8 %

24,2 %

Femme

92,6 %

7,4 %

Ensemble

87 %

13 %

Au sein de l'ensemble des liquidants à soixante-cinq ans, ceux qui liquident au titre de l'âge se distinguent nettement de ceux qui liquident à taux plein au titre de la durée. Les assurés qui attendent soixante-cinq ans pour prendre leur retraite et qui ont une durée d'assurance inférieure au taux plein reçoivent des pensions plus faibles, relativement aux autres retraités, et bénéficient fréquemment du minimum contributif. Les femmes représentent les deux tiers de ces assurés.

Nombre de trimestres validés

(tous régimes)

Montant moyen de la pension du régime général

(mensuel en euros 2009)

% des bénéficiaires du minimum contributif

HOMMES

Retraités partis à 65 ans en 2009

Liquidation au titre de l'âge

115

388

63 %

Liquidation avec la durée taux plein

175

678

29 %

Ensemble

129

459

38 %

Ensemble du flux 2009

Ensemble

153

695

31 %

FEMMES

Retraités partis à 65 ans en 2009

Liquidation au titre de l'âge

96

344

87 %

Liquidation avec la durée taux plein

176

677

48 %

Ensemble

102

369

75 %

Ensemble du flux 2009

Ensemble

146

548

56 %

HOMMES + FEMMES

Retraités partis à 65 ans en 2009

Liquidation au titre de l'âge

102

357

80 %

Liquidation avec la durée taux plein

175

677

37 %

Ensemble

111

399

63 %

Ensemble du flux

Ensemble

150

621

44 %

Source : Cnav, flux exhaustif 2009 (SNSP)

Le tableau suivant retrace de manière précise les caractéristiques des liquidants à soixante-cinq ans au titre de l'âge.

Caractéristiques des liquidants à soixante-cinq de l'âge

Liquidants à 65 ans au titre de l'âge

Ensemble des nouveaux prestataires

Hommes

Femmes

Ensemble

Hommes

Femmes

Ensemble

29,1%

70,9%

100

46,6%

53,4%

100

Statut de pensionné

Monopensionnés

35,5%

60,9%

53,5%

44,3%

58,5%

51,9%

Polypensionnés

64,5%

39,1%

46,5%

55,7%

41,5%

48,1%

Ensemble

100

100

100

100

100

100

Pays de naissance

Nés en France

38,6%

77,9%

66,4%

75,2%

84,9%

80,3%

Nés à l'étranger 52 ( * )

61,4%

22,1%

33,6%

24,8%

15,1%

19,7%

Ensemble

100

100

100

100

100

100

Situation d'emploi avant la liquidation

Sans emploi

77,3%

87,6%

84,6%

51,1%

62,1%

57,0%

En emploi

22,7%

12,4%

15,4%

48,9%

37,9%

43,0%

Ensemble

100

100

100

100

100

100

Durée moyenne sans emploi avant la retraite (en années)

11,5

20,5

18,1

7,8

13,3

11

Durée moyenne tous régimes (trimestres)

115

96,1

101,6

156,2

146,2

150,9

Montant moyen annuel de droit propre (en euros 2009 - Régime de base uniquement)

4653

4119

4275

8357

6448

7338

Sources : Cnav, flux exhaustif de nouveaux prestataires de 2009

Ainsi, la situation face à l'emploi des soixante-cinq ans ayant liquidé au titre de l'âge se distingue assez nettement de celle de l'ensemble des liquidants tant sur le fait d'occuper un emploi au moment de liquider la retraite que sur la durée moyenne passée sans emploi avant la liquidation.

Alors que 57 % de l'ensemble des nouveaux prestataires de 2009 étaient sans emploi avant de liquider, ils étaient 84,6 % dans cette situation parmi l'ensemble des liquidants à soixante-cinq ans au titre de l'âge.

Alors que la durée moyenne sans emploi avant la retraite est de onze ans pour l'ensemble des nouveaux prestataires de 2009, elle est de 18,5 ans pour les liquidants à soixante-cinq ans au titre de l'âge et même de 20,5 ans pour les femmes.

*

Compte tenu de la répartition actuelle des liquidants au titre de l'âge à soixante-cinq ans, il est légitime de s'interroger sur les conséquences du report de l'âge d'obtention d'une pension à taux plein pour les femmes. Ne seront-elles pas particulièrement pénalisées du fait d'une durée d'assurance inférieure à celle des hommes ?

En 2008, le Cor a consacré, dans son sixième rapport relatif aux droits familiaux et conjugaux d'importants développements aux écarts de durée d'assurance entre les hommes et les femmes.

Les écarts de durée entre les hommes et les femmes

Extrait du sixième rapport du Cor

Les écarts de durée observés sur les retraités actuels

Les anciennes salariées du secteur privé partant en retraite aujourd'hui ont en moyenne des durées d'assurance nettement plus faibles que les hommes : la durée d'assurance tous régimes moyenne validée à la liquidation par les femmes parties en retraite en 2004 était de 137 trimestres, dont dix-sept trimestres de MDA, contre 157 trimestres pour les hommes 53 ( * ) , soit un écart de vingt trimestres.

Cet écart s'est toutefois réduit au fil des générations sous l'effet de plusieurs facteurs : augmentation de la durée des études et insertion plus lente sur le marché du travail, pour les hommes comme pour les femmes, participation accrue des femmes au marché du travail, évolution du taux de chômage et des carrières...

En conséquence, alors qu'en 2004, seules 44 % des femmes retraitées avaient eu une carrière complète 54 ( * ) contre 86 % des hommes, cette proportion a crû de façon continue au fil des générations : elle passe d'un tiers pour celles âgées de quatre-vingt-cinq ans ou plus à 45 % pour celles âgées de soixante-cinq à soixante-neuf ans 55 ( * ) .

Les écarts de durée observés sur les cotisants

L'écart observé en 2001 entre la durée moyenne validée (hors MDA) 56 ( * ) par les hommes et les femmes était de vingt-huit trimestres pour la génération 1942 (cinquante-neuf ans en 2001), de quinze trimestres pour la génération 1950 (quarante et un ans en 2001) et de moins d'un trimestre pour la génération 1970 (trente et un ans en 2001).

Durées validées (hors MDA) au 31 décembre 2001 par les hommes et les femmes

Source : Drees, échantillon interrégimes de cotisants 2003.

La durée moyenne validée (hors MDA) à trente ans, après avoir nettement augmenté pour les femmes entre les générations 1942 et 1950, tend ensuite à décroître à partir de la génération 1950 pour les hommes et, dans une moindre mesure, pour les femmes. L'écart de durée validée (hors MDA) à trente ans entre les hommes et les femmes s'annule ainsi quasiment pour la génération 1970.

A quarante ans et à cinquante ans, les évolutions sont similaires : l'écart entre la durée moyenne (hors MDA) validée à cinquante ans par les hommes et par les femmes se réduit de vingt-trois à quatorze trimestres entre les générations 1942 et 1950.

Durées moyennes validées hors MDA, par génération et à âge donné (en trimestres)

Source : Drees, échantillon interrégimes de cotisants 2003.

Les écarts de durée validée en projection

Selon les projections de la Cnav 57 ( * ) , au fil des générations, l'écart entre les durées validées hors MDA par les hommes et les femmes se réduirait à tous les âges.

L'écart à l'âge de soixante ans passerait de dix-huit trimestres pour la génération 1950 à dix trimestres pour la génération 1980. Sa réduction au fil des générations proviendrait d'une baisse de la durée moyenne validée par les hommes et d'une stagnation de la durée moyenne validée par les femmes. Ces évolutions renverraient en particulier à une diminution de la proportion des assurés validant de très longues durées ainsi que de ceux ayant de très courtes durées.

Compte tenu d'un nombre moyen de trimestres validés par les femmes au titre de la MDA de l'ordre de quinze-seize trimestres selon les générations, dès la génération 1954, les femmes pourraient avoir une durée validée, y compris MDA, supérieure à celle des hommes. Pour la génération 1980, l'écart en leur faveur serait de l'ordre de cinq trimestres. Ces estimations doivent néanmoins être interprétées avec prudence, du fait des limites inhérentes aux projections. Elles fournissent avant tout un ordre de grandeur des écarts de durées d'assurance (qui tiennent compte de la MDA et de l'AVPF) entre les hommes et les femmes pour les générations futures et suggèrent simplement que ceux-ci pourraient s'annuler, voire s'inverser. Les résultats de projections réalisées à partir du modèle Destinie de l'Insee vont d'ailleurs dans le même sens, avec un écart de durée d'assurance entre les hommes et les femmes du même ordre de grandeur pour les générations les plus jeunes 58 ( * ) .

Ecarts de durées validées, y compris MDA, en trimestres entre les hommes et les femmes à soixante ans, générations 1950 à 1980

Source : Cnav, modèle Prisme.

Il apparaît donc que, dans quelques années, la durée d'assurance obtenue par les femmes devrait rejoindre et même dépasser celle des hommes, compte tenu des majorations de durée d'assurance liées aux enfants. Toutefois, des incertitudes demeurent sur le moment où cette égalisation des durées d'assurance se réalisera. Surtout, cette évolution ne remettra pas en cause à elle seule les différences de montants de pension entre hommes et femmes résultant des écarts de salaires constatés au cours de la carrière.

2. Le dispositif proposé

Le paragraphe I tend à modifier l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, par coordination avec l'insertion dans ce code d'un nouvel article L. 161-17-2 posant le principe selon lequel l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite est fixé à soixante-deux ans.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 351-1 dispose notamment que « l'assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l'assuré qui en demande la liquidation à partir d'un âge déterminé » . Cette référence à un « âge déterminé » jusqu'à présent fixé par décret, est remplacée par un renvoi à l'article L. 161-17-2.

Le paragraphe II est de portée plus significative. L'article L. 351-8 du même code énumère la liste des personnes bénéficiant du taux plein même si elles ne justifient pas de la durée requise d'assurance ou de périodes équivalentes dans le régime général et un ou plusieurs autres régimes obligatoires. La première catégorie mentionnée est celle des assurés qui atteignent « un âge déterminé », actuellement fixé par décret à soixante-cinq ans.

L'article 6 tend à remplacer cette référence à « un âge déterminé » par la mention de l'âge prévu à l'article L. 161-17-2 augmenté de cinq années . Dans ces conditions, l'âge d'obtention du taux plein sera progressivement reporté pour passer de soixante-cinq à soixante-sept ans selon le calendrier récapitulé dans le tableau suivant :

Assurés nés à compter de

Age du taux plein

Date d'effet à compter de

Juillet 1951

65 ans et 4 mois

Novembre 2016

Janvier 1952

65 ans et 8 mois

Septembre 2017

Janvier 1953

66 ans

Janvier 2019

Janvier 1954

66 ans et 4 mois

Mai 2020

Janvier 1955

66 ans et 8 mois

Septembre 2021

Janvier 1956

67 ans

Janvier 2023

Il convient de noter qu'en faisant référence à l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2 augmenté de cinq ans, plutôt qu'à l'âge de soixante-sept ans, le projet de loi pose le principe de la pertinence d'un écart de cinq années entre l'âge d'ouverture des droits et l'âge d'annulation de la décote.

A l'avenir, si l'âge d'ouverture des droits était porté à soixante-trois ou soixante-quatre ans, l'âge du taux plein augmenterait mécaniquement à soixante-huit ou soixante-neuf ans, sans qu'il soit nécessaire de modifier l'article L. 351-8.

II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté deux amendements rédactionnels.

III - Le texte adopté par la commission

Dès lors que l'âge d'ouverture des droits à la retraite est relevé, il est légitime que l'âge d'annulation de la décote puisse l'être également, faute de quoi la logique de la durée d'assurance nécessaire pour obtenir le taux plein se trouverait remise en cause.

Le relèvement de l'âge légal de départ constituera un effort significatif de la part des salariés débutant le plus tôt dans la vie active, même si le dispositif carrières longues en atténuera les effets. Le relèvement de l'âge d'obtention du taux plein doit éviter que ceux qui entrent le plus tard dans la vie active ne participent pas à l'effort général demandé aux assurés.

Plus encore que pour l'âge légal de départ, il conviendra, compte tenu des caractéristiques des personnes liquidant aujourd'hui leur retraite à soixante-cinq ans, d'être particulièrement attentif aux effets de la réforme en matière d'emploi. Il faut cependant garder à l'esprit que l'âge du taux plein n'atteindra pour la première fois soixante-sept ans qu'en 2023 pour les assurés nés en 1956.

La commission a adopté cet article sans modification.


* 52 Il s'agit ici uniquement du lieu de naissance. Cette variable est indicative et ne présage donc pas de la nationalité de l'assuré.

* 53 Source : Cnav. Les durées médianes (avec MDA) sont de 139 trimestres pour les femmes et 159 trimestres pour les hommes.

* 54 Une carrière est considérée comme complète si la durée d'assurance tous régimes est supérieure à celle nécessaire pour l'obtention du taux plein (pour les régimes général, alignés et des professions libérales) ou du taux maximum (pour la fonction publique et les régimes spéciaux).

* 55 Burricand C. et Deloffre A. (2007), « Les pensions perçues par les retraités fin 2004 », Drees, Etudes et résultats, n° 538.

* 56 Egalement hors périodes de chômage non indemnisé et hors périodes militaires, non renseignées dans l'échantillon interrégimes de cotisants.

* 57 Ces projections ont été réalisées par la Cnav à l'aide du modèle Prisme. Pour les valeurs observées, les écarts entre les durées des hommes et des femmes sont légèrement plus élevés dans le modèle que dans l'EIC, en raison entre autres de différences de champ.

* 58 L'inversion de l'écart interviendrait toutefois plus tardivement, à partir des générations nées vers 1965.

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