B. LES TENANTS ET ABOUTISSANTS DE CETTE SURÉVALUATION

1. La part du contexte de marché, la part de l'insincérité budgétaire

Il convient de rappeler qu'en 2006 et 2007, le haut niveau précité des produits de cessions immobilières de l'Etat a résulté, pour une large part, de ventes d'ordre exceptionnel. Ainsi, en 2007, à elle seule, la cession du centre de conférences internationales situé avenue Kléber, à Paris, conclue pour 404 millions d'euros, a contribué pour près de la moitié aux produits enregistrés sur l'exercice.

De semblables opérations n'ont pu être réalisées en 2008 et 2009. Pour ce dernier exercice, les deux ventes les plus importantes ont été celle du fort d'Issy-les-Moulineaux, pour un prix de 60 millions d'euros, et celle de l'immeuble du siège du Laboratoire central des Ponts et Chaussées, boulevard Lefebvre dans le XV e arrondissement de la capitale, pour un prix de 37 millions d'euros. D'après les indications données à votre rapporteure spéciale, sur les 1.223 ventes conclues en 2009, le montant unitaire de seulement sept d'entre elles a excédé 5 millions d'euros, ces sept ventes totalisant 44 % des produits ; la très grande majorité (92 % du nombre, représentant moins de 17 % des produits) a été conclue pour un prix unitaire inférieur à 0,5 million.

Deux facteurs expliquent ce résultat. D'une part, les immeubles de prestige susceptibles d'être cédés par l'Etat se sont raréfiés , en 2008 et 2009, de nombreux biens disponibles dans cette catégorie ayant été vendus lors des exercices antérieurs. D'autre part, le contexte de marché s'est révélé peu favorable aux cessions profitables , le marché immobilier s'étant retourné du fait de la crise économique, de façon très sensible à partir de l'automne 2008. De fait, le RAP pour 2009 du compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », comme le RAP pour 2008, signale que, « dans un certain nombre de cas », l'Etat a renoncé à vendre , différant les cessions programmées, soit faute d'un nombre suffisant d'offres d'achat, soit en présence d'offres se situant en deçà de la valeur domaniale des biens mis en vente, afin de ne pas « brader » son patrimoine immobilier .

Bien sûr, chaque année, et tout particulièrement dans un contexte de crise économique, la réalisation des objectifs de cessions immobilières reste aléatoire ; elle est fonction, notamment, du dynamisme du marché. Néanmoins, votre rapporteure spéciale estime que les récentes surestimations de ces recettes en LFI auraient pu être évitées : par leur ampleur, elles mettent en cause la sincérité de la prévision budgétaire . En ce qui concerne l'exercice 2008, il convient d'observer que le marché immobilier ne s'est significativement dégradé que dans la dernière partie de l'année. Pour 2009, les prévisions ont été arrêtées par le Gouvernement alors que la crise était identifiée, rendant incertaines les perspectives de marché, mais les objectifs de cessions du ministère de la défense (représentant 70 % des cessions de l'Etat prévues pour l'exercice) ont été définis à partir des arbitrages associés à la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, sans prendre en considération le nouveau contexte économique. Votre rapporteure spéciale, du reste, s'interroge sur la pertinence de cette liaison entre la loi de programmation militaire et la loi de finances .

Sauf importante amélioration du marché, il est à craindre que cette situation se répète en 2010 . En effet, comme votre rapporteure spéciale l'a établi lors de l'examen du dernier PLF 332 ( * ) , la prévision de recettes immobilières de l'Etat inscrite dans la LFI de cette année, soit 900 millions d'euros, dont 700 millions attendus des cessions du ministère de la défense, n'a pas été fondée sur une véritable programmation. De fait, au 15 juin dernier, selon les informations reçues, seuls 175,8 millions d'euros avaient été encaissés sur le compte « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », soit 19,5 % de l'objectif pour l'année. Les prévisions officielles, en la matière, relèvent de l'« affichage » politique y compris dans leur louable dimension volontariste , davantage que d'une rigoureuse planification gestionnaire.


* 332 Rapport n° 101 (2009-2010), tome III, annexe 14.

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