3. La compétence et le fonctionnement de l'organisme français de contrôle ferroviaire ne répondent pas aux normes communautaires
a) Une absence d'indépendance
L'article 30 de la directive 2001/14/CE modifiée impose aux Etats membres de créer un organisme de contrôle ferroviaire. Celui-ci doit être en mesure de statuer dans les meilleurs délais sur les mesures propres à remédier aux développements négatifs qui surviendraient sur le marché des services ferroviaires.
La Commission rappelle que suivant les textes 25 ( * ) , « cet organisme est indépendant des gestionnaires de l'infrastructure, des organismes de tarification, des organismes de répartition et des candidats (à l'obtention de sillons) , sur le plan organisationnel, juridique, décisionnel et pour ce qui est des décisions en matière financière » . Il est également prévu 26 ( * ) que, en vue d'effectuer un contrôle efficace sur les marchés des services ferroviaires, l'organisme de contrôle soit en situation de prendre ses décisions de manière totalement indépendante.
Or, la mise en demeure de la Commission fait observer que, dans le cas français, les obligations d'indépendance de l'organisme de contrôle ferroviaire vis-à-vis de l'opérateur historique ne sont pas respectées . En effet, l'organisme de contrôle français, la MCAF, est placé sous l'autorité administrative directe du ministre chargé des Transports, ce dernier étant lui-même l'autorité de tutelle de la SNCF, entreprise dans laquelle l'Etat possède des intérêts substantiels, puisqu'il en est actionnaire à hauteur de 100 %.
b) Des missions trop limitées
Aux yeux de Bruxelles, non seulement la MCAF ne satisfait pas aux critères d'indépendance , mais de surcroît, elle n'est pas investie de toutes les compétences qui devraient être les siennes . Cette dernière insuffisance s'avère particulièrement sensible dans trois domaines :
- l'article 30 (3) de la directive 2001/14/CE dispose que « l'organisme de contrôle veille à ce que les redevances fixées par le gestionnaire de l'infrastructure soient conformes aux dispositions du chapitre II et non discriminatoires » . Or, en France, c'est le Conseil d'Etat -et non la MCAF- qui instruit les recours portant sur le système de tarification, et ce dans le cadre du recours contentieux de droit commun contre les actes administratifs ;
- l'article 30 (4) de la directive 2001/14/CE habilite l'organisme de contrôle à demander toute information utile au gestionnaire de l'infrastructure, aux entreprises ferroviaires et à toute autre partie intéressée dans l'Etat membre concerné. Or, le décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 ne donne pas à l'organisme de contrôle les moyens de contraindre les opérateurs à répondre à ses demandes, en cas de silence de leur part. Il semblerait que l'organisme de contrôle ne puisse pas non plus en référer à un tribunal pour obliger les opérateurs à fournir les informations nécessaires. Or, il devrait être possible de conférer une plus grande force juridique aux demandes d'information formulées par cet organisme. On peut imaginer, par exemple, d'user de sanctions, qui pourraient prendre la forme d'amendes. En effet, la formulation de la directive (« l'organisme de contrôle est habilité » ) implique que l'organisme de contrôle dispose des moyens effectifs de contraindre les opérateurs à se conformer à leurs obligations d'information ;
- l'article 30(5) de la directive 2001/14/CE fait obligation à l'organisme de contrôle de se prononcer sur toute plainte qui serait portée devant lui, et d'adopter les mesures nécessaires afin de remédier à la situation en cause dans un délai maximum de deux mois. La formulation de la directive (« adopte les mesures nécessaires afin de remédier à la situation » ) implique qu'il devrait être possible de s'assurer de la bonne exécution des décisions de l'organisme de contrôle, par exemple au moyen de sanctions appropriées, qui pourraient là encore prendre la forme d'amendes. Or, la MCAF ne dispose pas, sur la base du décret n° 2003-194 précité, du pouvoir d'imposer de telles sanctions.
C'est d'ailleurs essentiellement pour répondre aux griefs relatifs à l'autorité de contrôle ferroviaire -aussi appelée autorité de régulation- que le projet de loi n° 501 a été déposé sur le bureau du Sénat le 10 septembre 2008, soit moins de dix semaines après la publication de la mise en demeure adressée par la Commission à la France.
Toutefois, la création d'une véritable autorité de régulation indépendante ne constitue pas le seul objet du texte soumis à votre examen.
* 25 Article 30 (1) de la directive 2001/14.
* 26 Annexe 7 de la Communication de la Commission sur la mise en oeuvre du « premier paquet » ferroviaire du 3 mai 2006 (COM(2006) 189).