D. UNE INCONNUE MAJEURE : L'ISSUE DU DOSSIER DE LA PENIBILITE
1. Une négociation lancée en 2003, aujourd'hui dans l'impasse
L'article 12 de la loi de 2003 invitait les partenaires sociaux à engager, dans un délai de trois ans, « une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité ». Un cycle de discussion a été lancé en février 2005, mais faute d'accord, les négociations ont été interrompues le 30 mars 2006. Pour sortir de cette situation, un groupe de travail - piloté par l'Inspection générale des affaires sociales - a été chargé début 2007 de traiter le sujet de la pénibilité sous divers angles : définition, prévention, compensation et réparation. Ayant repris en avril 2007, les négociations ont quelque peu progressé sur la définition des critères de la pénibilité (contraintes physiques et psychiques marquées, environnement difficile, rythme de travail intensif), la prévention et l'amélioration des conditions de travail, mais n'ont pas réussi à aboutir sur la question de la réparation.
A l'heure actuelle, le dossier est à nouveau dans l'impasse (échec des négociations interprofessionnelles menées en juillet 2008). Chaque partie semble, en effet, s'arc-bouter sur sa position. D'un côté, les syndicats souhaitent tirer profit du dossier de la pénibilité pour faire valoir un certain nombre de revendications (contreparties salariales, amélioration des conditions de travail, effort de prévention, etc.). De l'autre, nombre d'employeurs craignent que les négociations sur le sujet n'aboutissent à donner de trop nombreux gages aux salariés, en termes de compensations.
Ces blocages illustrent surtout la difficulté qu'ont les partenaires sociaux à traiter d'une notion qui ne fait l'objet d'aucune définition précise et objective.
2. La pénibilité au travail : une notion au coeur de la réflexion sur l'allongement de la durée d'activité, mais aux contours incertains
La problématique de la pénibilité au travail est une composante majeure de la réflexion sur l'allongement de la durée d'activité. Les inégalités d'exposition aux risques professionnels sont fortes. Une étude de l'Insee 16 ( * ) indique, en effet, que les différences de mortalité entre catégories socioprofessionnelles résultent du cumul de plusieurs types de facteurs, dont les conditions de travail. Les inégalités d'espérance de vie après soixante ans reflètent ainsi en partie les inégalités d'exposition aux risques professionnels. Ces dernières soulèvent donc la question de l'équité d'une démarche de prolongation de l'activité qui ne tiendrait plus compte de la spécificité de certains métiers et de leur degré respectif de pénibilité.
S'il est aujourd'hui largement admis que la question de la pénibilité fait partie des réflexions sur le système de retraite, force est de constater que définir cette notion est toujours un exercice délicat. Son champ est incertain, voire sans limite. Il correspond à première vue à une détérioration de l'état de santé d'un individu. Mais, au-delà de ce constat, isoler des critères précis est difficile. Faut-il apprécier la pénibilité au regard de l'environnement et de l'intensité du travail fourni ? Faut-il prendre en compte toutes les contraintes susceptibles de nuire à la santé d'une personne, à savoir les tâches répétitives, la pression liée aux résultats, les charges lourdes, le travail de nuit ou à la chaîne ?
D'autres questions se posent également, quant au « diagnostic » et à la « traçabilité » de la pénibilité. Qui sera chargé de définir que tel assuré est soumis à un travail pénible ? Est-ce le médecin du travail, qui devra assurer un suivi individuel et régulier des travailleurs au fil de leur carrière ? Si oui, comment et avec quels moyens ?
* 16 Christian Monteil et Isabelle Robert-Bobée (2005), « Les différences sociales de mortalité : en augmentation chez les hommes, stables chez les femmes », Insee Première n°1025.