2. L'après loi Bataille : un exemple en matière de suivi
a) Quinze ans d'évaluation continue
Cette évaluation s'est appuyée à la fois sur une commission d'experts et sur le Parlement.
La loi de 1991 a créé une commission nationale d'évaluation ( CNE ) des résultats obtenus pour les axes de recherches sur la gestion des déchets radioactifs de haute activité et à vie longue.
Un élément important de la loi a été de prévoir explicitement le suivi par le CNE de la situation des pays étrangers, confrontés aux mêmes défis que la France en matière de gestion des déchets radioactifs à vie longue.
Elle a aussi posé le principe de l'indépendance des membres de la commission, y compris vis-à-vis du Gouvernement, et détermine sa composition, à savoir :
- six membres nommés par le Parlement sur proposition de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) ;
- six membres nommés par le Gouvernement dont quatre sur proposition de l'Académie des sciences et deux sur proposition du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaire (CSSIN).
La CNE établit chaque année un rapport de ses travaux d'évaluation qui est transmis par le Gouvernement à l'OPECST.
L'implication du Parlement ne se limite pas à la réception du rapport annuel de la CNE.
D'une part, la publication de ce dernier est précédée d'une audition de la CNE devant l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.
D'autre part, les parlementaires de l'Office se sont mobilisés sans discontinuer autour du débat sur les choix de gestion des matières radioactives. Les nombreux rapports rédigés depuis 1991 ont été consacrés soit à l'évaluation des recherches menées 22 ( * ) , soit plus généralement à la gestion des déchets radioactifs 23 ( * ) .
Dans tous les cas, ils ont participé très directement à l'avancement de la réflexion et plusieurs de leurs recommandations et propositions figurent parmi les dispositions du projet de loi qui vous est soumis, à commencer par l'instauration d'un plan national de gestion des déchets radioactifs.
S'est ainsi instauré un véritable dialogue quadripartite entre le Parlement, le pouvoir exécutif représenté par les ministères et l'ANDRA, ainsi que les experts de la CNE et les exploitants nucléaires à la fois producteurs des déchets et financeurs de l'essentiel du dispositif.
b) Une volonté d'information du grand public
La concertation locale
La loi de 1991 a prévu, auprès du ou des laboratoires souterrains, la création d'un comité local d'information et de suivi (CLIS). Celui-ci est semblable aux commissions locales d'information (CLI) 24 ( * ) placées auprès des installations nucléaires de base et en particulier des centrales nucléaires.
Bien que le laboratoire de Bure ne présente aucun risque pour l'environnement et les populations, il existe ainsi un lieu d'échange entre l'ANDRA, la population, les associations de protection de l'environnement ainsi que les élus de proximité du laboratoire 25 ( * ) .
Depuis sa première réunion le 8 février 2000 26 ( * ) , le Comité s'est investi dans des actions d'information et a mis en oeuvre les prérogatives que la loi lui donne en matière de contre-expertises.
Les évolutions récentes du CLIS conduisent toutefois à rappeler que son équilibre repose sur la pluralité des points de vue qui s'y expriment, et la possibilité de débats dans un climat de sérénité. Tel est l'exemple donné par les commissions locales d'information (CLI), évoquées plus haut, qui a fait ses preuves depuis près de vingt-cinq ans et dont il convient de s'inspirer, sans doute en rapportant le statut du CLIS de celui des CLI.
Le débat ne peut se réduire d'ailleurs au niveau local, dans la mesure où les déchets sont créés par l'industrie nucléaire dont toute la nation bénéficie.
Le débat public national sur les déchets radioactifs
Le Gouvernement a volontairement saisi la Commission nationale du débat public (CNDP) sur la question de la gestion des déchets radioactifs, qui n'est pourtant pas directement un grand projet d'infrastructure pour lequel cette saisine est obligatoire, afin de permettre à tous les points de vue de s'exprimer à l'issue de la période de recherches et d'évaluations de quinze ans fixée par loi de 1991.
La Commission particulière du débat public (CPDP), présidée par M. Georges Mercadal, a organisé et animé les séances publiques pendant quatre mois avec une réelle confrontation des positions, dans le cadre d'un débat reconnu comme d'une grande richesse, tant par son ouverture que par son contenu.
Le débat public s'est ainsi déroulé entre le 12 septembre 2005 et le 13 janvier 2006 et a donné lieu à 13 séances publiques, auxquelles ont participé plus de 3.000 personnes représentant surtout le grand public averti, les associations d'élus et les associations de défense de l'environnement nationales. Le dossier préparatoire, ainsi que tous les comptes rendus des débats et les contributions spontanées, dites « cahiers d'acteurs », ont été rendus publics sur le site Internet de la CNDP en temps réel.
Les principales conclusions du débat 27 ( * ) ont porté sur :
- le fait que la nécessité d'une politique nationale ne se limitait pas aux déchets mais à l'ensemble des substances radioactives (tels que les combustibles usés qui ne sont pas des déchets car ils sont valorisables) ;
- le renforcement de la participation active des citoyens, ces derniers « voulant être assurés et non rassurés » et souhaitant un réel partage de connaissance au-delà des seules démarches d'information ;
- la volonté de débattre davantage de l'opportunité des conditions techniques, sociales et éthiques d'un éventuel stockage des déchets de haute activité et à vie longue.
Au-delà de tout l'intérêt de ce débat, le rapporteur de votre commission des affaires économiques souhaiterait saluer la très grande qualité des documents produits à cet effet, tant s'agissant des documents de synthèses que des contributions des principaux participants.
Par leur densité et leur accessibilité, ils constituent de solides points de repères permettant d'aborder dans les meilleures conditions les enjeux forts de l'année 2006.
* 22 Rapport n° 299 (1996-1997) de M. Christian Bataille, député, sur l'évolution de la recherche sur la gestion des déchets nucléaires - tome I : les déchets civils.
Rapport n° 179 (1997-1998) de M. Christian Bataille, député, sur l'évolution de la recherche sur les déchets nucléaires - tome II : les déchets militaires.
Rapport n° 250 (2004-2005) de MM. Christian Bataille et Claude Birraux, députés, sur l'état d'avancement et les perspectives des recherches sur les déchets radioactifs.
* 23 Rapport n° 309 (1991-1992) de M. Jean-Yves Le Déaut, député, sur la gestion des déchets très faiblement radioactifs.
Rapport n° 347 (2000-2001) de M. Christian Bataille, député, sur les possibilités d'entreposage à long terme de combustibles nucléaires irradiés.
Rapport n° 612 (2002-2003) de MM. Christian Bataille et Robert Galley, députés, sur l'aval du cycle nucléaire.
* 24 La différence essentielle entre le CLIS créé par la loi de 1991 et les CLI est le fait que le premier est présidé par le préfet alors que la quasi-totalité des secondes sont présidées par le président du conseil général ou une personne nommée par lui.
* 25 La loi prévoit que le CLIS est composé pour moitié au moins d'élus des collectivités territoriales consultées lors de l'enquête publique, c'est-à-dire situées dans un périmètre de 10 kilomètres autour de l'accès au laboratoire.
* 26 C'est-à-dire peu après les débuts des travaux du laboratoire.
* 27 L'intégralité étant disponible sur le site www.debatpublic-dechets-radioactifs-org.