Article 4 bis - Conditionnement obligatoire des déchets
Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'article 4 bis , introduit dans le texte à l'initiative de M. Claude Birraux, rapporteur, dispose que les déchets de moyenne activité à vie longue produits avant 2015 devront être conditionnés par leurs propriétaires au plus tard avant 2030, alors que ni le droit actuel, ni le projet de loi du Gouvernement n'imposaient de délai limite pour cette obligation.
Observations de votre commission
Votre commission ne s'oppose pas à ce qu'un tel objectif soit fixé par la loi, en particulier pour les déchets de moyenne activité dont l'ANDRA relève que seuls 36 % étaient conditionnés au début de l'année 2005 52 ( * ) , ce qui, d'une part, n'est pas satisfaisant en termes de sécurité et, d'autre part, manque de cohérence avec la perspective de l'ouverture éventuelle d'un centre de stockage pour les déchets à vie longue à l'horizon 2025.
En effet, il serait regrettable qu'une solution de stockage mise en place ne puisse être complètement utilisée en raison de retards dans le conditionnement des déchets 53 ( * ) .
Votre commission vous demande donc d'adopter cet article sans modification. |
Article 5 (Articles
L. 542-2 et L. 542-2-1 et 542-2-2 [nouveaux] du code de
l'environnement)
Interdiction du stockage en France de déchets
radioactifs étrangers et encadrement de l'introduction sur notre sol de
déchets radioactifs et de combustibles usés
Le droit en vigueur
L'article L. 542-2 du code de l'environnement, résultant de l'article 3 de la loi du 30 décembre 1991 précitée, dispose que le stockage en France de déchets radioactifs importés est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement, et ce même dans le cas où leur retraitement a été effectué sur le territoire national.
Il convient de préciser que la Cogema 54 ( * ) a fait figurer dans les contrats signés avec les électriciens étrangers une clause de réexpédition des déchets traités conditionnés à l'usine de La Hague dès 1977, c'est-à-dire sans attendre d'y être obligée par la loi.
Le traitement des combustibles usés étrangers à La Hague Démarrée en 1966, la première usine de traitement de La Hague, dite UP2, a traité environ 5.000 tonnes de combustible de la seule filière française de première génération (réacteurs des centrales de Chinon, Saint-Laurent des Eaux, Bugey), à l'instar de l'usine dite UP1 de Marcoule (démarrée en 1957). Au début des années 1970, la France a décidé de se doter d'un parc électronucléaire de deuxième génération (réacteurs à eau légère et au combustible à uranium enrichi). L'usine UP2 s'est adaptée à cette évolution et sa capacité a permis de proposer des prestations de traitement à des clients étrangers, avec lesquels des contrats ont été signés à partir de 1971. Avec la mise en service des nouvelles usines UP3 (1990) et UP2-800 (1994), ce sont 20.500 tonnes de combustibles usés de type eau légère qui ont été traitées à La Hague à fin 2004, dont : - environ 50 % pour EDF ; - 25 % pour des clients allemands ; - 15 % pour des clients japonais ; - et 10 % pour des clients belges, suisses et néerlandais. |
Le texte du projet de loi initial
L'article 5 du projet de loi comprend deux paragraphes.
Le paragraphe I propose une nouvelle rédaction pour l'article L. 542-2 du code de l'environnement.
Il précise la portée de l'interdiction de stockage en indiquant qu'elle s'applique aux déchets radioactifs et aux combustibles usés, ainsi qu'aux déchets radioactifs provenant de l'étranger et résultant eux-mêmes d'un traitement (par exemple, les produits de fission), ce qui exclut les matières radioactives telles que définies à l'article 3.
Le paragraphe II insère deux nouveaux articles (L. 542-2-1 et L. 542-2-2) dans le code de l'environnement.
L'article L. 542-2-1 dispose que l'entrée sur le territoire national de combustibles usés et de déchets radioactifs en provenance de l'étranger n'est possible qu'à des fins de traitement ou de recherche.
Par ailleurs, il prévoit que l'introduction en France de ces substances à des fins de traitement ne peut être autorisée que dans le cadre d'accords internationaux 55 ( * ) et qu'à la condition que ces substances, jusqu'au terme de leur traitement, ainsi que les déchets qui sont issus de ces traitements, ne soient maintenus sur le territoire que pendant une durée limitée fixée par ces accords.
Le même article L. 542-2-1 prévoit, en outre, que ces accords indiquent, s'il y a lieu, les perspectives d'utilisation ultérieure des substances radioactives valorisables séparées lors du traitement, c'est-à-dire des matières radioactives au sens de l'article 3 du projet de loi.
Quant à l'article L. 542-2-2 , il détermine les contrôles et sanctions relatifs à l'entrée sur le territoire des combustibles usés ou des déchets radioactifs.
Le premier paragraphe de cet article codifié pose pour les exploitants l'obligation de tenir à la disposition de l'autorité administrative des informations actualisées relatives à leurs opérations portant sur des combustibles usés ou déchets radioactifs provenant de l'étranger. Il leur impose aussi la remise au ministre chargé de l'énergie d'un rapport annuel comprenant un inventaire de ces substances et des indications sur les prévisions d'opérations relatives aux combustibles usés et déchets étrangers.
Au deuxième paragraphe de cet article L. 542-2-2, il est ainsi prévu que les infractions aux articles L. 542-2 et L. 542-2-1 sont constatées dans les conditions prévues par l'article L. 541-45 du code de l'environnement, qui confère notamment un droit d'accès aux installations et aux moyens de transport mentionnés à l'article L. 541-44 du même code. Il est en outre précisé que, sur le fondement du 8° de l'article L. 541-46 dudit code, ces infractions peuvent donner lieu aux sanctions pénales applicables à la récupération ou à l'élimination de déchets non conformes aux prescriptions administratives, soit deux ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende.
Ces sanctions pénales peuvent être complétées de sanctions administratives, prévues par le paragraphe III de l'article L. 542-2-2, qui se décompose en quatre alinéas.
Le premier alinéa de ce paragraphe permet à l'autorité administrative de sanctionner les infractions aux dispositions des articles L. 542-2 et L. 542-2-1 d'une sanction pécuniaire d'un montant maximal de 10 millions d'euros dans la limite de 20 % du produit financier des opérations réalisées irrégulièrement.
Son deuxième alinéa punit les manquements aux obligations d'information de l'autorité administrative établies par le I de l'article L. 542-2-2 d'une sanction pécuniaire d'un montant maximal de 15.000 euros.
Enfin, ses troisième et quatrième alinéas précisent le régime juridique de ces sanctions en indiquant, d'une part, que les sommes correspondantes sont recouvrées comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine et, d'autre part, que les sanctions peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction 56 ( * ) .
Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Au paragraphe I de l'article 5, l'Assemblée nationale a apporté des améliorations rédactionnelles permettant de lever toute ambiguïté sur le fait que les substances visées sont les combustibles usés et les déchets provenant de l'étranger.
Au paragraphe II , elle a apporté deux modifications substantielles. D'une part, elle a ajouté la mention d'un cas supplémentaire dans lequel l'entrée sur le territoire de combustibles usés ou déchets est autorisée : il s'agit du transfert réalisé entre États étrangers, pour lesquels la France n'est donc qu'un territoire de passage de destination des substances. D'autre part, dans un souci de transparence, elle a prévu que les accords intergouvernementaux prévus à l'article L. 542-2-1 seront publiés au Journal officiel .
Au paragraphe III , la seule modification de fond introduite par les députés consiste en un décuplement de la sanction pécuniaire imposée par l'autorité administrative, qui passe ainsi de 15.000 à 150.000 euros.
Propositions de votre commission
Au paragraphe I de l'article 5, votre commission approuve la nouvelle rédaction de l'article L. 542-2 telle qu'amendée par l'Assemblée nationale. Est ainsi créé un cadre juridique clair propre à encadrer et à rendre plus transparente l'activité de traitement des substances nucléaires radioactives étrangères, qui est un des domaines d'excellence des entreprises françaises, en particulier au travers de l'usine de La Hague.
Il convient de bien noter que le régime spécifique posé à l'article L. 542-2 vise l'ensemble des substances radioactives à l'exception de celles définies comme des matières radioactives sur la base de l'article 3 du projet de loi, c'est-à-dire celles pour lesquelles une utilisation ultérieure est prévue ou envisagée. Qu'elles arrivent directement de l'étranger ou qu'elles soient issues du traitement de combustibles usés étrangers, ces matières ne voient pas leur durée de maintien en France limitée par la loi.
Cette situation est tout à fait cohérente dans chacune des deux hypothèses évoquées. Dans le premier cas, l'importation de substances étrangères à l'état de matières radioactives relève essentiellement du marché des matières premières énergétiques (il peut s'agir par exemple d'importation d'uranium nécessaire aux activités nucléaires françaises). Dans le second cas, il s'agit de matières issues du traitement de substances étrangères qui ne sauraient nullement être traitées comme des déchets s'agissant de leurs conditions de maintien en France, puisqu'il s'agit de substances valorisables.
En ce qui concerne enfin les matières qui seraient adressées en France pour y être directement stockées 57 ( * ) , il ressort de la lecture combinée des articles 3 et 5 du projet de loi qu'elle est par définition impossible puisqu'une substance pour laquelle aucune utilisation ultérieure n'est envisagée ne saurait en aucun cas être regardée comme une matière. Elle constitue un déchet ou un combustible usé dont les conditions de séjour en France relèvent du cadre posé par l'article 5.
Au paragraphe II , votre commission approuve l'obligation, introduite par l'Assemblée nationale, de publication au Journal officiel des accords intergouvernementaux autorisant l'introduction de déchets et de combustibles usés étrangers. Au-delà de l'acquis démocratique conforme à l'ensemble de la démarche initiée par la loi de 1991, cette publication constitue un élément de transparence propre à ramener sur une base rationnelle et proportionnée les débats sur le traitement des combustibles nucléaires étrangers. Il s'agit d'une réelle innovation puisque la signature des accords intergouvernementaux formalisés ne constitue pas encore une pratique systématique en la matière. En effet, une simple lettre étant parfois signée entre les autorités, ces dernières laissant au contrat commercial entre les entreprises concernées le souci de fixer les détails de l'introduction de substances radioactives en France.
Par ailleurs, votre commission s'interroge sur le positionnement choisi, au I de l'article L. 542-2-2 du code de l'environnement, pour les dispositions relatives aux obligations d'information des exploitants sur les opérations relatives aux combustibles usés et déchets étrangers. En termes formels, il serait plus opportun de transférer ces dispositions à l'article L. 542-2-1, permettant ainsi de clarifier la portée de l'article L. 542-2-2, réservé aux seules sanctions des obligations des exploitants. Deux amendements de mise en forme vous sont donc proposés en ce sens.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié. |
* 52 Inventaire national des déchets radioactifs et des matières valorisables, édition 2006.
* 53 A ce titre, il convient de rappeler que le délai de refroidissement séparant la production des déchets de leur stockage en couche géologique profonde est de l'ordre de plusieurs dizaines d'années.
* 54 Aujourd'hui partie intégrante du groupe Areva.
* 55 Ces accords ne doivent pas être confondus avec les contrats commerciaux conclus entre le producteur de déchets et le responsable du traitement pour prévoir l'ensemble des conditions techniques, économiques et juridiques des opérations.
* 56 Il s'agit de dispositions traditionnellement prévues pour les sanctions pécuniaires administratives.
* 57 Selon la méthode du stockage du combustible usé pratiquée dans certains pays tels que l'Allemagne.