C. DES CONTOURS INCERTAINS
Les fondements de la sécurité civile, posés par la loi du 22 juillet 1987 ont vieilli. Ses missions sont aujourd'hui mal définies. Les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires qui sont chargés à titre principal de les mettre en oeuvre éprouvent le sentiment de ne pas être suffisamment considérés. Il convient de mobiliser de nouveaux acteurs pour que la sécurité civile devienne l'affaire de tous.
1. Des missions mal définies
Aux termes de l'article premier de la loi du 22 juillet 1987, la sécurité civile a pour missions « la prévention des risques de toute nature ainsi que la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes ». Selon, le Conseil constitutionnel, la protection de la sécurité des personnes et des biens constitue un principe à valeur constitutionnelle 1 ( * ) .
Cette énumération inclut implicitement les secours d'urgence, le soutien aux victimes d'une catastrophe et la prévention des risques de toute nature. En revanche, elle ne prend malheureusement pas en compte l'information et l'alerte des populations, alors qu'elles font partie intégrante des dispositifs de secours.
La sécurité civile se distingue par ailleurs, même si elle entretient des liens étroits avec elles :
- de la protection civile , terme autrefois préféré à celui de sécurité civile, qui désigne désormais les mécanismes de collaboration entre Etats européens face à une crise majeure,
- de la défense civile , qui concerne la défense non militaire du pays,
- de la sécurité intérieure , qui a notamment la responsabilité de la lutte contre le terrorisme.
La définition des missions de la sécurité civile mérite ainsi d'être actualisée.
2. Des sapeurs-pompiers en quête de reconnaissance
Les sapeurs-pompiers sont au coeur de l'organisation des secours .
Au nombre de 240.000 environ, répartis en 30.000 professionnels , régis par le statut de la fonction publique territoriale et 210.000 volontaires , ils sont regroupés dans des centres de secours, placés sous l'autorité du préfet et du maire pour la conduite des interventions et du service départemental d'incendie et de secours ou de la commune, le cas échéant d'un établissement public de coopération intercommunale, pour leur gestion.
Pour des raisons historiques, les sapeurs-pompiers des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, regroupés au sein de la brigade des sapeurs- pompiers de Paris , et ceux de Marseille, qui composent le bataillon de marins-pompiers de Marseille , sont des militaires .
Les sapeurs-pompiers effectuent trois millions d'interventions par an , soit une toutes les neuf secondes. Initialement concentrées sur la lutte contre les incendies, ces interventions se diversifient de plus en plus face à l'évolution des risques Ainsi, la lutte contre l'incendie ne représente plus que 10 % des interventions, alors que plus de 60 % d'entre elles concernent le secours aux victimes.
Les contraintes et les dangers qu'implique l'exercice de leurs missions doivent être mieux pris en compte .
Les sapeurs-pompiers sont ainsi soumis à un régime de gardes et d'astreintes afin d'être disponibles en permanence. Pour être viable, ce régime suppose des effectifs conséquents. Il risque d'être fragilisé par la mise en oeuvre de la loi sur la réduction et de l'aménagement du temps de travail et du développement du droit communautaire.
Les conséquences de l'application de
l'aménagement
et de la réduction du temps de travail
sur la
disponibilité des sapeurs-pompiers professionnels
• Avant la réforme, le nombre de garde de
24 heures était en moyenne annuelle de 135. Sans dispositif
dérogatoire, ce nombre serait passé immédiatement à
67.
• En 2002, ce nombre s'est établi
à 101 périodes de gardes annuelles et devrait être de
l'ordre de 95 par an en 2005 (équivalence de 1504 heures par an).
La dangerosité du métier de sapeur-pompier est incontestable . 25 d'entre eux sont décédés en 2002, 13 en 2003, 5 en 2004. En 2002, près de 16.000 accidents en service ont été recensés, qui ont entraîné environ 500.000 jours d'arrêt de travail et 250.000 jours d'arrêt maladie pour les sapeurs-pompiers professionnels et 60.000 jours d'arrêt pour les sapeurs-pompiers volontaires.
Reconnaissant la « dangerosité » des missions des sapeurs-pompiers, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, et son successeur, M. Dominique de Villepin, ont lancé une réflexion globale sur le droit et les procédures en vigueur afin d'améliorer la sécurité des personnels.
Les mesures prises pour conforter le volontariat ont connu un échec relatif .
La stabilité du nombre de sapeurs-pompiers volontaires au cours de ces vingt dernières années s'est accompagnée d'une diminution de la durée des engagements. Cette dernière s'élève en moyenne à 8 ans mais un tiers des volontaires a moins de 5 ans d'ancienneté.
Dans un contexte d'augmentation du nombre d'interventions et de mutations socio-culturelles profondes (obligations professionnelles et familiales plus importantes, réduction de la disponibilité en journée liée à l'éloignement du centre de secours, développement de l'individualisme...), le risque d'une crise du volontariat fragilisant le maillage territorial de la sécurité civile et le fonctionnement des services d'incendie et de secours est réel.
Pour y répondre, une mission, présidée par M. Jean-Paul Fournier, maire de Nîmes, a été mise en place en 2002 par M. Nicolas Sarkozy afin de formuler des propositions tendant à raffermir le volontariat. Ses conclusions, rendues en mars 2003, tendent à valoriser l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires. A la suite de cette réflexion établie en concertation étroite avec les élus locaux et les représentants des sapeurs-pompiers, plusieurs dispositions destinées à fidéliser le volontariat sapeur-pompier ont été mises en oeuvre par un décret du 28 novembre 2003.
Les mesures prises par le décret
n° 2003-1141 du 28 novembre 2003
pour
« fidéliser » le volontariat
sapeur-pompier
L'âge de recrutement a été abaissé de 18 à 16 ans et la prolongation de la durée d'engagement est autorisée jusqu'à 55 ans par la suppression de tout âge butoir (60 ans pour les médecins des sapeurs-pompiers).
Les conditions d'aptitude physique et médicale ont été révisées pour tenir compte des missions effectivement confiées aux sapeurs-pompiers volontaires.
Les sapeurs-pompiers volontaires ont désormais « vocation à participer à l'encadrement des services de secours ».
Les modalités de mutation géographique des volontaires ont été assouplies. Les conditions d'attribution de l'allocation de vétérance, prévue par la loi du 3 mars 1996, ont également été améliorées.
Ces mesures doivent être confortées par une reconnaissance du service accompli par les sapeurs-pompiers volontaires.
* 1 Décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980.