ARTICLE 14 bis (nouveau)
Extension des possibilités de prise en
compte des biens ruraux et des parts de groupements fonciers agricoles comme
biens professionnels exonérés au titre de
l'ISF
Commentaire : le présent article élargit
d'une part
le « cercle familial » au sein duquel l'exonération
d'impôt de solidarité sur la fortune des biens ruraux
donnés à bail à long terme et des parts de groupements
fonciers agricoles peut être accordée. Il étend d'autre
part le périmètre d'exonération aux biens ruraux
loués ou mis à la disposition d'une société dans le
cadre d'un bail à long terme lorsque cette société est
contrôlée par le « cercle familial » du
bailleur.
I. LE DROIT EXISTANT
Les dispositions du code général des impôts relatives
à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) devraient, en
principe, exonérer de cet impôt, compte tenu de leur
rentabilité peu élevée, les biens nécessaires
à l'activité agricole. Cette position de principe est
compliquée par la spécificité des structures
capitalistisques du monde agricole, les conditions d'exploitation des biens
ruraux et les problématiques particulières qui s'appliquent aux
transmissions de patrimoine.
L'article 885 N du code général des impôts exonère
d'ISF les biens nécessaires à l'exercice, à titre
principal, d'une profession agricole par leur propriétaire ou par son
conjoint.
Outre cette exonération strictement conforme au régime habituel
des biens professionnels au regard de l'ISF, deux autres dispositions
permettent une exonération. La première concerne les biens
immobiliers agricoles. La seconde concerne les parts de groupements fonciers
agricoles.
Enfin, les biens ruraux donnés à bail à long terme et les
parts de groupements fonciers agricoles qui n'entrent pas dans le cadre de ces
dispositions peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d'une
exonération partielle à concurrence des trois quarts ou de la
moitié de leur valeur.
A. UNE EXONÉRATION DES BIENS AGRICOLES DONNÉS À BAIL
À LONG TERME À L'INTÉRIEUR DU « CERCLE
FAMILIAL »
L'article 885 P du code général des impôts considère
comme biens professionnels exonérés au titre de l'ISF les biens
ruraux donnés à long terme dans les conditions suivantes :
- la durée du bail doit être au minimum de dix-huit ans ;
- le bail doit être consenti à certains membres de la famille du
bailleur limitativement énumérés (conjoint, ascendants,
descendants, frères et soeurs) ;
- le bénéficiaire du bail doit utiliser le bien rural dans
l'exercice de sa profession principale.
La disposition est identique, à l'article 885 Q, pour les parts
représentatives de biens détenus dans le cadre d'un groupement
foncier agricoles qui se trouvent totalement exonérées
119(
*
)
si les trois conditions
précédentes sont remplies.
Si ces conditions ne sont pas remplies, une exonération à
concurrence de 75 % de la valeur des biens loués est possible en
application de l'article 885 H du code général des
impôts lorsque la valeur des biens loués est inférieure
à 76.000 euros et que la durée du bail est supérieure
à dix-huit ans. Au-delà de 76.000 euros, l'exonération est
de 50 %.
B. L'ABSENCE DE PRISE EN COMPTE DES BIENS MIS À DISPOSITION OU
LOUÉS, DANS LE CADRE D'UN BAIL À LONG TERME, À UNE
SOCIÉTÉ CONTRÔLÉ PAR LE CERCLE FAMILIAL DU BAILLEUR
Le code général des impôts ne prévoit pas les cas,
au demeurant de plus en plus courants, où le bail à long terme
est conclu avec une
société
contrôlée en
partie ou en totalité par le « cercle familial »
(conjoint, ascendants, descendants, frères et soeurs) du bailleur ou mis
à la disposition d'une même société.
Seule la mise à disposition a fait l'objet d'une instruction
fiscale
120(
*
)
en début
d'année 2003. Il est désormais admis qu'un bien mis à
disposition d'une société contrôlée par le
« cercle familial » du bailleur est susceptible
d'être exonéré de l'ISF
121(
*
)
au titre des biens professionnels
lorsque :
- la ou les personnes contractant (conjoint, ascendants, descendants,
frères et soeurs du bailleur) le bail à long terme sont
associées de la société bénéficiaire de la
mise à disposition et que cette société est uniquement
constituée de personnes physiques ;
- la société au profit de laquelle le bien est mis à
disposition est une société à objet principalement
agricole dont au moins 50 % des titres sont détenus collectivement
en pleine propriété par le bailleur et les membres de son
« cercle familial » (conjoint, ascendants, descendants,
frères et soeurs du bailleur).
Ces conditions s'appliquent également aux groupements fonciers agricoles.
En revanche, l'instruction fiscale n'a pu régler le cas, dans le
principe identique, de la location par le bénéficiaire du bail
à long terme du bien à une société. Une
modification du code général des impôts est
nécessaire.
Tel est, notamment, l'objet du présent article.
II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, adopté à l'initiative de notre
collègue député Charles de Courson avec l'avis favorable
du gouvernement, a un double objet :
- élargir le périmètre du « cercle
familial » au sein duquel l'exonération d'impôt de
solidarité sur la fortune des bien ruraux donnés à bail
à long terme peut être accordée ;
- prévoir le cas des biens donnés à bail à long
terme, mis à disposition par le ou les détenteurs du bail ou
loués directement à une société composée des
mêmes personnes.
A. L'EXTENSION DU « CERCLE FAMILIAL » AU SEIN DUQUEL
L'EXONÉRATION AU TITRE DES BIENS PROFESSIONNELS EST MAINTENUE
Le présent article modifie les articles 885 P et 885 Q du code
général des impôts en prévoyant que le bail à
long terme peut bénéficier, non seulement au conjoint,
frères et soeurs, ascendants et descendants du bailleur, mais
désormais aussi aux conjoints de ces ascendants et descendants.
Ceci vaut donc tant pour les biens immobiliers agricoles détenus en
direct que pour ceux détenus en groupements fonciers agricoles.
B. LA PRISE EN COMPTE DE LA MISE À DISPOSITION OU D'UNE LOCATION
À UNE SOCIÉTÉ
Les articles 885 P et 885 Q du code général des impôts sont
complétés par deux alinéas additionnels qui
précisent que :
- les biens ruraux immobiliers
donnés à bail à une
société
contrôlée à plus de 50 % par
le « cercle familial » du bailleur sont
considérés comme des biens professionnels à concurrence de
la participation détenue dans la société par les membres
du « cercle familial » y exerçant leur
activité principale ;
- les biens ruraux
donnés à bail et mis à
disposition
d'une société sont considérés comme
des biens professionnels dans les mêmes conditions.
En conséquence de ces nouvelles dispositions, la fraction des parts de
société qui n'est pas qualifiée de biens professionnels,
parce qu'elle n'appartient pas au « cercle familial » qui
exerce son activité principale à l'intérieur de la
société, relève de l'article 855 H du code
général des impôts et donc d'une exonération
à concurrence de 75 % jusqu'à une valeur de
76.000 euros et de 50 % au-delà.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre commission des finances ne peut que se féliciter de constater que
les problèmes pratiques engendrés par le régime complexe
des biens professionnels exonérés au titre de l'ISF peuvent
trouver des commencements de réponse malgré les débats
passionnels que ne manque pas de susciter toute modification, même
limitée et technique, des articles du code général des
impôts consacrés à l'imposition sur la fortune.
Ces dispositions très utiles ne dispensent évidemment pas de
réformes plus structurelles dans le domaine de la fiscalité du
patrimoine : la lourdeur des barèmes et des taux engendre
mécaniquement une multitude de dispositifs dérogatoires qui,
s'ils permettent à certains d'échapper à une
fiscalité trop lourde, ne répondent pas aux défis
économiques et démographiques qui attendent la
société française dans les dix prochaines années.
Dans son rapport au nom de la commission spéciale du
Sénat
122(
*
)
, le
rapporteur du volet fiscal du projet de loi pour l'initiative
économique, notre collègue René Trégouët,
mentionnait les améliorations techniques susceptibles d'être
apportées au régime d'exonération des groupements fonciers
agricoles. Il proposait ainsi d'élargir l'exonération aux parts
de groupements fonciers agricoles représentatives d'apports en
numéraire afin de favoriser les investissements dans les exploitations
agricoles.
Jugeant cette amélioration au dispositif adopté par
l'Assemblée nationale utile et susceptible de permettre l'installation
de jeunes agriculteurs et à développer l'emploi agricole, votre
commission des finances vous propose
deux amendements
, l'un à
l'article 885 H du code général des impôts, l'autre
à l'article 885 P, incluant dans le champ de l'exonération
applicable aux groupements fonciers agricoles les apports en numéraire.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter cet article ainsi modifié.