Article 34 ter
(art. 35 septies nouveau de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945)
Assouplissement du régime de la gestion immobilière
des centres de rétention et des zones d'attente

Le présent article a pour objet de créer un article 35 septies dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 . Issu d'un amendement présenté par M. Thierry Mariani, sous-amendé par M. Rivière et adopté par l'Assemblée nationale, il vise à reprendre, afin de les codifier dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 plutôt que de les insérer à l'article 3 de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, les dispositions initialement prévues à l'article 44 du projet de loi et tendant à prévoir que pourraient désormais être passés des marchés uniques, avec une personne ou un groupe de personnes, de droit public ou privé, portant à la fois sur la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien, l'hôtellerie et la maintenance des centres de rétention et des zones d'attente .

I. Le développement des contrats globaux pour la gestion immobilière des biens de l'Etat, des collectivités territoriales et des hôpitaux

S'ils sont contraires à certains principes posés par la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée (dite « loi MOP), les contrats globaux ont déjà été autorisés par le législateur dans le domaine immobilier.

La loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire prévoyait déjà la passation de tels marchés uniques portant à la fois sur la conception, la construction et l'aménagement des établissements pénitentiaires. La gestion et l'exploitation de l'ensemble des services concourrant au fonctionnement des nouveaux établissements avaient également été confiées à des entreprises privées. Ces nouveaux contrats ont permis la construction de vingt-et-un établissements pénitentiaires dans le cadre du programme « 13.000 » (places) lancé par le Garde des Sceaux de l'époque, M. Albin Chalandon.

Le recours à ces marchés globaux a récemment fait l'objet d'un important développement en France. L'objectif est de faciliter et d'accélérer la réalisation et la gestion des constructions immobilières.

Afin de répondre aux besoins de la justice, de la police et de la gendarmerie nationales, des armées et des services du ministère de la défense, les lois n° 2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure et n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice ont permis que des marchés uniques soient passés pour la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien et la maintenance d'immeubles qui leur sont affectés.

Par la suite, la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a étendu cette possibilité de confier par un marché global la « mise en place de systèmes de communication et d'information répondant aux besoins des services du ministère de l'intérieur ».

Par ailleurs, conformément à l'article 6 de la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le gouvernement à simplifier le droit , il est prévu qu'une ou plusieurs ordonnances étendent le bénéfice de ces contrats à l'ensemble de l'Etat, aux collectivités territoriales et aux hôpitaux. Il y est prévu que ces contrats pourraient non seulement comprendre la conception, la réalisation la transformation, l'exploitation et la gestion d'équipements publics et de services, mais également leur financement. Ces nouveaux contrats participeront au développement des partenariats public-privé en France, dans la mesure où des financements privés seront autorisés pour les constructions immobilières affectées à des personnes publiques ou des personnes privées chargées d'une mission de service public.

Toutefois, cette ordonnance n'a pas encore été prise par le gouvernement qui dispose d'un an à compter de la date de publication de ladite loi d'habilitation.

II. L'extension nécessaire des marchés globaux aux centres de rétention et zones d'attente

Le présent article du projet de loi propose d'étendre le dispositif prévu à l'article 3 de la loi précitée du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure à la construction et à la gestion des centres de rétention et des zones d'attente.

Initialement, seul le cas des centres de rétention était mentionné, mais un amendement de M. Christian Estrosi adopté par l'Assemblée nationale en première lecture y a ajouté les zones d'attente.

Ces nouveaux contrats globaux permettraient à l'Etat de procéder plus facilement et rapidement aux aménagements et constructions nécessaires pour assurer des conditions de vie normales dans les centres de rétention et des zones d'attente dans le futur , y compris pour faire face à l'augmentation éventuelle des effectifs.

L'Etat dispose actuellement de vingt-trois centres de rétention administrative permettant de loger au total près de neuf cents retenus. Toutefois, nombre de ces centres ont une faible capacité d'accueil.

La situation actuelle est caractérisée par un taux d'occupation qui ne peut être dépassé dans la plupart des centres.

Or, le présent projet de loi devrait avoir pour effet d'augmenter le nombre de places nécessaires dans les centres de rétention, à effectif égal, en raison de l'allongement du délai maximal de rétention à 32 jours.

Par conséquent, une augmentation des capacités d'accueil des centres de rétention administrative parait indispensable .

Un décret n° 2001-236 du 19 mars 2001 relatif aux centres et locaux de rétention fixe les conditions dans lesquelles doivent être hébergés les retenus. Il est notamment prévu en son article 4 que « les centres de rétention administrative doivent disposer de locaux et d'espaces aménagés ainsi que d'équipements adaptés, de façon à assurer l'hébergement, la restauration et la détente des étrangers, à leur permettre de bénéficier des soins qui leurs sont nécessaires et à exercer effectivement leurs droits . ». L'article 18 du décret prévoit que la mise en conformité des centres et locaux de rétention devra être effectuée « dans un délai de trois ans suivant la publication du présent décret », c'est-à-dire en mars 2004 .

Un arrêté du 24 avril 2001 précise, en application de l'article 17 dudit décret, la liste des équipements nécessaires pour que l'hébergement des étrangers soit considéré comme assuré dans des conditions satisfaisantes dans les centres de rétention administrative. Ils doivent disposer de : chambres collectives, chambres pour les familles, locaux et matériel nécessaires à la restauration, équipements sanitaires en libre accès, téléphone en libre accès, une salle réservé au service médical, un local permettant de recevoir des visites dans le respect de la confidentialité des conversations, un local meublé et équipé d'un téléphone affecté à une association à caractère humanitaire, une salle de loisir et de détente, un espace de promenade, un local d'entrepôt des bagages et des locaux administratifs.

Ces nouvelles exigences en matière d'accueil et d'hébergement nécessiteront à n'en pas douter d'importants aménagements pour certains centres, dans un délai maintenant assez court.

Tous ces éléments justifient la nécessité d'étendre aux centres de rétention et aux zones d'attente le recours aux marchés uniques de conception, construction, aménagement, entretien, hôtellerie et maintenance.

Concernant les zones d'attente, elles sont actuellement au nombre de 122. La zone d'attente de Roissy, où s'est rendu votre rapporteur, est la plus importante et pourrait devoir s'étendre. En effet, elle emprunte actuellement une partie des locaux du centre de rétention du Mesnil-Amelot. Bien qu'aucune solution ne semble encore envisagée, un nouveau bâtiment dans la zone d'attente pourrait être construit dans un délai plus court avec le recours aux marchés uniques prévus par le présent projet de loi. Les missions de maintenance, de restauration et d'entretien de la zone d'attente sont d'ores et déjà externalisées. Cela concernerait notamment la sécurisation des véhicules servant au transport des étrangers retenus ou maintenus.

L'expérience acquise dans les établissements pénitentiaires a montré que le recours à des entreprises privées pour l'exécution de tâches telles que la restauration ou l'entretien des bâtiments est particulièrement efficace .

Tout en améliorant les services, une telle évolution pour les centres de rétention ou les zones d'attente permettrait également de décharger les fonctionnaires de police ou de gendarmerie de missions ne relevant pas de la sécurité. Comme il a déjà été mentionné, les missions d'entretien, de maintenance et d'entretien sont déjà externalisées dans certaines zones d'attente, et en particulier à Roissy. La qualité des prestations semble satisfaisante pour tous les intervenants sur ce site.

II. Le dispositif proposé par le présent projet de loi.

Le dispositif proposé par le présent article du projet de loi est identique à celui adopté au premier paragraphe de l'article 3 de la loi précitée du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Ces nouveaux marchés peuvent porter à la fois sur la conception, la construction, l'aménagement, l'entretien, l'hôtellerie et la maintenance des centres de rétention et des zones d'attente.

Il est précisé que l'enregistrement et la surveillance des personnes retenues seraient confiés à des agents de l'Etat . L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par M. Christiant Estrosi qui visait à supprimer des compétences relevant du seul domaine de l'Etat le transfert des personnes retenues, par coordination avec la création de la possibilité, à l'article 34 quater du projet de loi, de passer, à titre expérimental, des marchés relatifs au transport de ces personnes retenues en centre de rétention ou maintenues en zone d'attente avec des personnes de droit public ou de droit privé bénéficiant d'un agrément.

Les marchés globaux autorisés par cet article dérogent aux articles 7 et 18 de la « loi MOP ». En effet, la passation d'un marché unique concernant à la fois la conception et la réalisation d'une construction contrevient par principe à l'article 7 de la « loi MOP » qui pose le principe selon lequel la mission de maîtrise d'oeuvre doit être distincte de celle de l'entrepreneur. Quant à l'article 18 de la même loi, il autorise, tout en l'encadrant dans des conditions et des procédures très strictes, le recours à des marchés communs pour la conception et la réalisation de travaux 193( * ) . Or, précisément, le dispositif prévu au présent article propose un dispositif beaucoup plus souple et applicable à de nombreuses opérations. En effet, contrairement à ce qui est proposé à l'article 18 de la « loi MOP », les marchés globaux que propose le présent article du projet de loi :

- peuvent être passés non pas seulement avec des groupements de personnes de droit privé mais également avec des groupements de personnes de droit public ;

- n'ont pas un champ d'application limité aux cas dans lesquels des « motifs d'ordre technique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage ».

La passation du contrat devrait respecter les règles fixées par le code des marchés publics. Toutefois, il est prévu que « si le marché est alloti, les offres portant simultanément sur plusieurs lots peuvent faire l'objet d'un jugement global. » Il s'agit d'une dérogation au principe de l'allotissement, l'article 10 du code des marchés publics disposant que, pour un marché portant à la fois sur la construction et l'exploitation (ou la maintenance), chacune doit obligatoirement faire l'objet d'un lot séparé.

Enfin, les marchés globaux pouvant être passés en vertu du présent article ne peuvent concerner un immeuble dont le financement proviendrait d'une location avec option d'achat prévue à l'article L. 34-3-1 du code du domaine de l'Etat, par un recours au crédit bail ou par la passation de baux emphytéotiques avec des collectivités territoriales.

Déjà favorable à la création de tels marchés pour les constructions immobilières de la police et de la gendarmerie nationales lors de l'adoption de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, votre rapporteur considère qu'ils offriront également une meilleure gestion immobilière des centres de rétention et des zones d'attente .

Votre commission vous soumet un amendement de précision et vous propose d'adopter l'article 34 ter ainsi modifié .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page