Article 18
(art. 21 ter de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre
1945)
Responsabilité pénale des personnes
morales
Le
présent article complète l'article 21
ter
de l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945, relatif à la
responsabilité pénale des personnes morales condamnées
pour l'infraction définie à l'article 21 de la même
ordonnance, en précisant que cette responsabilité peut
également être engagée pour les délits
aggravés définis à l'article 21
bis
(article 17 du
projet de loi).
En cas de condamnation pour les infractions aggravées prévues
au I de l'article 21
bis
(bande organisée et mise en danger des
étrangers notamment), les personnes morales encourent, en plus des
peines existantes, une peine de confiscation de leurs biens, quelle qu'en soit
la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis. Une telle peine existe
déjà en matière de lutte contre le trafic de
stupéfiants.
Combiné avec les articles 16 et 17 du projet de loi, cet article 18
parfait l'adaptation des instruments répressifs à la lutte contre
les passeurs.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 18
sans modification.
Article 19
(art. 21 quater nouveau de l'ordonnance n° 45-2658 du
2 novembre 1945)
Création d'un délit spécifique de
mariage simulé
1. Le
droit en vigueur
Cet article tend à insérer un article 21
quater
nouveau après l'article 21
ter
de l'ordonnance
n° 45-2658 du 2 novembre 1945 afin de réprimer le
fait de contracter ou d'organiser un mariage dans le seul but d'obtenir ou de
faire obtenir un titre de séjour ou la nationalité
française.
Aujourd'hui, l'article 21 de l'ordonnance du
2 novembre 1945
précitée punit l'aide à
l'entrée et au séjour irrégulier, d'une peine
d'emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30.000 euros
. Il
prévoit également une
aggravation des sanctions si
l'infraction a été commise en bande organisée (peine de
dix ans d'emprisonnement et de 750.000 euros)
ainsi que des peines
complémentaires
114(
*
)
.
Toutefois, depuis la loi du 22 juillet 1996, complétée par la loi
RESEDA du 11 mai 1998,
les ascendants ou descendants, ainsi que les
frères et soeurs de l'étranger ou de son conjoint
bénéficient d'une immunité pénale au regard du
délit d'aide à l'entrée et au séjour
irrégulier
.
Il en va de même pour le conjoint de l'étranger ou de la
personne qui vit en situation maritale avec lui
115(
*
)
.
2. Le texte soumis au Sénat
Sans remettre en cause ces principes,
le présent article tend
à fixer des peines spécifiques en vue de réprimer les
mariages de complaisance
. Afin de lutter contre l'augmentation de ces
unions frauduleuses et
dissuader les filières
qui les exploitent,
le présent article prévoit un dispositif cohérent, qui
s'inspire de procédures existantes du code pénal.
a. Les sanctions prévues à l'encontre des personnes
physiques
Les infractions sanctionnées et les peines encourues à titre
principal
Le fait de contracter un mariage aux seules fins d'obtenir ou de faire
obtenir un titre de séjour serait désormais puni de cinq ans
d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende (paragraphe I).
Lors des débats de l'Assemblée nationale en première
lecture, outre trois amendements rédactionnels du rapporteur M. Thierry
Mariani, les députés ont adopté le principe de
l'extension des peines précitées à ceux qui contractent
un mariage aux seules fins d'acquérir ou de faire acquérir la
nationalité française
116(
*
)
.
Le détournement de l'institution matrimoniale concerne en effet
également la procédure d'acquisition de la nationalité
française
117(
*
)
par les
étrangers conjoints de Français.
Le fait d'organiser ou de tenter d'organiser un mariage aux mêmes fins
serait sanctionné des mêmes peines.
L'aggravation des peines pour les infractions commises en bande
organisée
L'organisation ou la tentative d'organisation d'un mariage aux seules fins de
faire obtenir un titre de séjour ou de faire acquérir la
nationalité française serait punie de
dix ans d'emprisonnement
et de 750.000 euros d'amende si l'infraction était commise en bande
organisée.
Celle-ci peut être définie comme «
tout groupement
formé ou toute entente établie en vue de la préparation,
caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou
plusieurs infractions
»
118(
*
)
.
L'aggravation des peines prévue au présent article a
été calquée sur les sanctions existant à l'heure
actuelle à l'encontre des passeurs. Le ministre de l'intérieur
l'a ainsi justifiée : «
Qu'est-ce que l'organisation
d'un mariage frauduleux ? C'est une façon d'utiliser l'institution
du mariage pour détourner le droit au séjour
»
(...)
119(
*
)
.
L'échelle des peines applicables serait donc la même pour ceux
qui détournent le droit au séjour en faisant entrer un
étranger en situation irrégulière sur le territoire
national et pour ceux qui détournent le droit au mariage pour obtenir un
droit au séjour.
Par ailleurs, le renforcement des sanctions à l'encontre des infractions
commises en bande organisée, s'inspire de nombreux dispositifs en
vigueur dans le code pénal
120(
*
)
.
Les peines complémentaires prévues pour les personnes
physiques coupables des infractions précitées (du
quatrième au huitième alinéa de l'article 21 quater
nouveau)
Les personnes physiques coupables de l'une des infractions
précitées pourraient, en premier lieu, être
condamnées à une
peine complémentaire d'interdiction de
séjour pour une durée de cinq ans au plus.
En second lieu, elles pourraient être
punies, en complément de
la peine principale, d'une interdiction du territoire français
, dans
les conditions prévues par les articles 131-30 à 131-30-2 du code
pénal
121(
*
)
,
pour une
durée de dix ans au plus ou à titre définitif.
Par ailleurs, les personnes physiques concernées pourraient, à
titre complémentaire, être aussi condamnées à une
interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale à
l'occasion de laquelle l'infraction a été commise pour une
durée de cinq ans au plus
et sous les réserves
mentionnées à l'article 131-27 du code
pénal
122(
*
)
.
Enfin, si la peine applicable à titre principal sanctionnait
l'organisation ou la tentative d'organisation d'un mariage de complaisance, les
personnes physiques en cause pourraient subir
une peine
complémentaire de confiscation de tout ou partie de leurs biens, quelle
qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis.
Cette peine complémentaire est déjà prévue dans le
code pénal pour réprimer d'autres infractions
123(
*
)
.
b. Les sanctions prévues à l'encontre des personnes
morales
124(
*
)
(du
neuvième au quatorzième alinéa de l'article 21 quater)
Les personnes morales pourraient désormais être
déclarées responsables pénalement des infractions
précitées et être condamnées en conséquence
à certaines peines spécifiques (II)
.
Tout d'abord, elles pourraient avoir à payer une
amende dont le taux
maximum applicable serait égal au quintuple de celui prévu par la
loi qui réprime l'infraction, pour les personnes physiques
,
conformément aux dispositions de l'article 131-38 du code
pénal. Ici, le montant maximal de l'amende infligée pourrait donc
s'élever à
150.000 euros
.
Ces personnes morales pourraient également être punies des peines
fixées aux 1, 2, 3, 4, 5 et 9 de l'article 131-39 du code
pénal :
-
la dissolution
, lorsque la personne morale a été
créée ou, lorsqu'il s'agit d'un crime ou d'un délit puni
en ce qui concerne les personnes physiques d'une peine d'emprisonnement
supérieure ou égale à trois ans détournée de
son objet pour commettre les faits incriminés ;
-
l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée
de cinq ans ou plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs
activités professionnelles ou sociales
. En la matière, cette
interdiction concernerait l'activité dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction aurait été
commise ;
- le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance
judiciaire ;
-
la fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au
plus
des établissements ou de l'un ou plusieurs des
établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits
incriminés ;
-
l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou
pour une durée de cinq ans au plus ;
- l'affichage de la décision prononcée ou la diffusion de
celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de
communication
audiovisuelle.
La violation par une personne physique des obligations issues de la
condamnation d'une personne morale est punie des peines prévues à
l'article 434-43 du code pénal
125(
*
)
.
3. La position de votre commission des Lois
Tout en approuvant le dispositif voté à l'Assemblée
nationale,
votre commission vous propose un amendement tendant à
préciser l'infraction sanctionnée et à fixer un montant
d'amende cohérent avec celui que fixe le code pénal pour
accompagner une peine de dix ans d'emprisonnement .
Le fait de contracter, d'organiser ou de tenter d'organiser un mariage dans un
but étranger à l'union matrimoniale
aux seules fins d'obtenir
ou de faire obtenir, un titre de séjour, ou aux seules fins
d'acquérir ou de faire acquérir la nationalité
française serait donc toujours punie de cinq ans d'emprisonnement et de
30. 000 euros d'amende.
Ces peines seraient cependant portées à dix ans
d'emprisonnement et à 150.000 euros d'amende en cas d'infraction commise
en bande organisée.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 19
ainsi
modifié.