Article 7
(art. 12 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre
1945)
Conditions de délivrance de plein droit d'une carte de
séjour temporaire
portant la mention « vie privée et
familiale »
L'article 7 du présent projet de loi vise à
modifier
et
compléter certaines des conditions nécessaires pour que les
étrangers obtiennent une carte de séjour temporaire portant la
mention « vie privée et familiale »
et qui sont
prévues à l'article 12
bis
de l'ordonnance du 2 novembre
1945.
La carte de séjour temporaire est délivrée à
certains étrangers, pour une durée maximale d'un an. Elle est
renouvelable.
En 2002, 298.057 cartes de séjour temporaire ont été
délivrées, parmi lesquelles 104.208 étaient des cartes de
séjour temporaire portant mention « vie privée et
familiale »
47(
*
)
.
La carte de séjour temporaire portant la mention « vie
privée et familiale » est délivrée lorsque les
étrangers ont des liens personnels et familiaux d'une
particulière intensité avec la France mais qu'ils ne remplissent
pas les conditions nécessaires pour être titulaire d'une carte de
résident valable pour dix ans.
1. La carte de séjour temporaire délivrée aux
étrangers au titre du regroupement familial
Le présent alinéa de l'article 7 modifie le 1° de l'article
12
bis
de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin de prévoir que
désormais une carte de séjour temporaire portant la mention
« vie privée et familiale » serait
délivrée de plein droit, d'une part aux enfants mineurs, ou se
trouvant dans l'année de leur dix-huitième anniversaire, et,
d'autre part, au conjoint d'un étranger titulaire d'une carte de
résident ou d'une carte de séjour temporaire, entrés
régulièrement sur le territoire français et
autorisés à y séjourner au titre du regroupement familial.
Actuellement, l'article 12
bis
de ladite ordonnance ne s'applique qu'aux
enfants et conjoints des étrangers bénéficiant d'une carte
de séjour temporaire, dans la mesure où l'article 29 de
l'ordonnance pose le principe selon lequel est délivré aux
membres d'une famille un titre de séjour de même nature que celui
de l'étranger qu'ils sont venus rejoindre.
En revanche, l'article 28
48(
*
)
du présent projet de loi
modifie la règle posée au III de l'article 29 de
l'ordonnance, en disposant
que dorénavant les membres de la famille
entrés régulièrement
sur le territoire français
au titre du regroupement familial
recevront de plein droit une carte de
séjour temporaire, quelle que soit la nature de celle détenue par
l'étranger qu'ils viennent rejoindre.
Le présent article tire
donc la conséquence de cette modification et
adapte les termes du
1° de l'article 12
bis
. De même, par coordination,
l'article 13 du projet de loi supprime des cas de délivrance de la carte
de résident de plein droit celle relative aux membres d'une famille
entrés en France dans le cadre du regroupement familial et rejoignant un
étranger qui en est titulaire
49(
*
)
.
Le nombre de cartes de séjour temporaire portant la mention
« vie privée et familiale » délivrées
dans le cadre du regroupement familial s'élevait à 3215 en 2002,
dont 1248 comme premiers titres de séjour.
Nombre
de cartes de séjour temporaire portant la mention
« vie
privée et familiale », délivrées au titre du
regroupement familial,
en vertu du premier alinéa de l'article 12
bis
de l'ordonnance du 2 novembre 1945
|
2002 |
2001 |
|
||
|
global |
dont 1 ers titres |
global |
dont 1 ers titres |
Evolution globale 2002/2001 |
Conjoints entrés en France au titre du regroupement familial |
2.129 |
875 |
1.785 |
737 |
+ 19,3 % |
Enfants entrés en France au titre du regroupement familial |
1.086 |
373 |
1.027 |
447 |
+ 5,7 % |
Total |
3.315 |
1.248 |
2.812 |
1.184 |
+ 14,33 % |
Source : chiffres du ministère de
l'intérieur
Parallèlement, ce sont 16.000 cartes de résident, dont 13.647
comme premiers titres de séjour, qui ont été
délivrées en 2002 au titre du regroupement familial, en vertu du
5° de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Par conséquent, en vertu de cet article 7 du projet de loi, le chiffre
des cartes de séjour temporaire octroyées au titre du
regroupement familial devrait être nettement plus élevé
qu'actuellement, dans la mesure où l'ensemble des étrangers
entrant sur le territoire français dans le cadre du regroupement
familial devraient désormais être obligatoirement titulaires de
cette carte, quelque soit celle détenue par l'étranger qu'ils
rejoignent.
Ainsi, si cette disposition ne constitue qu'une conséquence
nécessaire à la modification apportée au III de l'article
29 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, telle que modifiée par
l'article 28 du présent projet de loi, il convient de noter que, d'un
point de vue administratif, comme l'indique l'étude d'impact relative au
présent projet de loi, elle «
devrait être à
l'origine d'une augmentation significative des titres de séjour
temporaires qui seront désormais délivrés chaque
année pour ce motif par les services des étrangers,
entraînant par voie de conséquence des déplacements plus
fréquents en préfectures et une activité accrue des
guichets des préfectures et des services instructeurs
».
Cet article, de même que les articles 13, 14 et 28 du projet de
loi
50(
*
)
, participe à
l'évolution du droit relatif à la délivrance de titres de
séjour au titre du regroupement familial. Il s'agit désormais de
subordonner l'octroi d'un titre de séjour de long terme à une
condition d'intégration au sein de la société
française
51(
*
)
. Ainsi, les
étrangers, même entrés en France au titre du regroupement
familial, devraient dorénavant répondre à certains
critères d'intégration, cette dernière devant être
encouragée dans le cadre de la politique d'immigration de notre
pays
52(
*
)
.
Cette modification législative ne devrait porter atteinte, ni au droit
de mener une vie familiale normale, constitutionnellement garanti, ni au droit
de chacun au respect de sa vie privée et familiale posé à
l'article 8 de la Convention européenne des Droits de l'Homme
53(
*
)
, dans la mesure où les
étrangers séjournant en France au titre du regroupement familial,
s'ils ne pourraient plus être directement titulaire d'une carte de
résident, se verraient délivrer de plein droit une carte de
séjour temporaire. Le droit au séjour au titre du regroupement
familial ne serait donc pas remis en cause.
2.
Passage de dix à treize ans de l'âge retenu pour
qu'un étranger justifiant résider habituellement en France depuis
au moins cet âge puisse bénéficier de plein droit d'une
carte de séjour temporaire portant la mention « vie
privée et familiale »
Le 1°
bis
du présent article provient de
l'adoption par
l'Assemblée nationale de trois amendements
54(
*
)
ayant pour même objet de passer
de dix à treize ans l'âge prévu au 2° de l'article 12
bis
de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Le 2° de l'article 12
bis
de ladite ordonnance dispose actuellement
que la carte de séjour temporaire portant la mention « vie
privée et familiale » est délivrée de plein
droit «
à l'étranger, mineur ou dans l'année
qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tout moyen
avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint
l'âge de dix ans
».
Or, les articles 24 et 38 du projet de loi créent une protection absolue
contre les arrêtés d'expulsion et les peines d'interdiction du
territoire français pour certaines catégories d'étrangers,
parmi lesquels ceux qui justifient par tous moyens résider
habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize
ans.
Par conséquent,
par harmonisation
, les députés ont
adopté trois amendements identiques tendant à
aligner
l'âge prévu pour l'obtention des titres de séjour avec
celui permettant d'être protégé contre des mesures
d'éloignement
. Cette disposition parait d'autant plus
nécessaire que
le maintien de catégories différentes
pourrait conduire à la création de nouvelles situations dans
lesquelles les étrangers ne pourraient ni être
régularisés, ni être éloignés
.
3. Précision quant aux années pouvant être retenues afin
de justifier d'une résidence habituelle en France.
Le 1°
ter
du présent article du projet de loi est
issu d'un amendement
présenté par M. Thierry Mariani au
nom de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, tendant à
compléter le 4° de l'article 12
bis
de l'ordonnance du 2
novembre 1945.
L'article 12
bis
de l'ordonnance, en son cinquième alinéa
(4°), prévoit qu'une carte de séjour temporaire portant la
mention « vie privée et familiale » peut être
délivrée à l'étranger justifiant par tout moyen
avoir sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans, ou plus
de quinze ans s'il y était en tant qu'étudiant.
La justification de la résidence habituelle s'effectue de façon
assez libre d'après la circulaire NOR/INT/D/98/00108/C du 12 mai 1998
prise en application de la loi n° 98-349 du 11 mai 1998 relative à
l'entrée et au séjour des étrangers en France. En effet,
les preuves apportées pour justifier de sa présence en France
peuvent tout aussi bien être des documents administratifs ou
privés, des témoignages ou des attestations écrites. La
récente circulaire NOR/INT/D/03/00047/C du 7 mai 2003
précise que ces preuves représentent toutes «
un
intérêt et n'ont pas à être
écartées ; mais leur force n'est pas de même
valeur
». De plus, Elle indique que ces preuves
«
doivent être classées en fonction de leur
degré de crédibilité
».
Le présent alinéa de l'article 7 du projet de loi, issu d'un
amendement voté par les députés, vise à
poser le
principe selon lequel les années durant lesquelles l'étranger
s'est prévalu de documents falsifiés ou d'une identité
usurpée ne seront pas prises en compte afin de justifier de sa
résidence
habituelle en France pendant le temps nécessaire
pour obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention
« vie privée et familiale
».
Il est en effet fréquent que des étrangers se présentent
devant l'administration en justifiant leur séjour en France par de faux
documents d'identité ou sous une identité usurpée.
Il est à noter
que les services préfectoraux ont
déjà pour instruction de ne pas accepter ces documents
et, si
nécessaire, de saisir le Parquet, l'usage de faux documents
d'identité et l'usurpation d'identité étant des
infractions pénales. De plus, dans un arrêt du 4 février
2002, « Tantiviphavin », le Conseil d'Etat a indiqué
que le préfet de police avait légalement pu refuser de tenir
compte des années pendant lesquels l'étranger avait
séjourné en France sous une identité usurpée, son
séjour s'avérant «
vicié par la
fraude
».
Par conséquent, cette disposition de l'article 7 du projet de loi
confère valeur législative à une pratique
déjà existante et confirmée par la jurisprudence du
Conseil d'Etat.
4. Rétablissement de la condition de communauté de vie pour
les étrangers conjoints étrangers de ressortissants
français
a) Le droit en :vigueur
Aujourd'hui, on estime à 45.000 le nombre d'étrangers conjoints
de Français. Le cinquième alinéa de
l'article 12
bis
de l'ordonnance n° 45-2658 du
2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de
séjour en France des étrangers permet la délivrance de
plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention
«
vie privée et familiale
» à
l'étranger, marié
55(
*
)
avec un ressortissant de
nationalité française, dont la présence ne constitue pas
une menace à l'ordre public et respectant certaines conditions.
La
liberté du mariage
«
Plus vieux procédé connu d'union
entre
les hommes
»
56(
*
)
,
le mariage, entendu comme l'acte juridique solennel par lequel un homme et une
femme établissent une union réglementée entièrement
par la loi
57(
*
)
, a des
conséquences juridiques importantes : étant
généralement l'acte constitutif de la famille, il unit les
époux et leurs biens et donne le statut d'enfants légitimes
à leur progéniture.
Le principe de liberté matrimoniale est aujourd'hui garanti par
l'article 12 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'Homme et des libertés fondamentales qui pose
qu'«
à partir de l'âge nubile, l'homme et la femme
ont le droit de se marier et de fonder une famille selon les lois nationales
régissant l'exercice de ce droit
», tandis que
l'article 8 du même texte prévoit que «
toute
personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale
»
58(
*
)
.
Le Conseil constitutionnel a défini la liberté du mariage comme
une liberté fondamentale de valeur constitutionnelle composante de la
liberté individuelle dans sa décision du
13 août 1993
59(
*
)
, censurant à ce titre la
possibilité laissée au procureur de la République de
surseoir à la célébration du mariage pendant une
durée de trois mois, sans possibilité de recours des futurs
époux.
Le juge constitutionnel a confirmé cette décision en 1997 et
1999
60(
*
)
.
L'étranger concerné ne doit pas vivre en état de
polygamie
: en effet, la polygamie n'est pas admise en France.
Par ailleurs,
son entrée sur le territoire français doit avoir
été régulière et son conjoint doit avoir
conservé la nationalité française.
Enfin, lorsque le
mariage a été célébré à
l'étranger, il doit avoir été
transcrit
préalablement sur les registres de l'état civil
français
.
L'article 170 du code civil rappelle que le mariage contracté en
pays étranger entre Français ou entre un Français et un
étranger est valable s'il a été
célébré dans les formes usitées dans le pays,
pourvu qu'il ait été précédé de la
publication des bans, prévue à l'article 63 du même
code. Des possibilités de vérification des actes d'état
civil suspects existent et seraient étendues par le présent
projet de loi
61(
*
)
.
Jusqu'en 1998
, une durée d'un an de mariage et l'existence d'une
communauté de vie entre les conjoints étaient également
exigées pour l'obtention de la carte de séjour temporaire.
Dans sa
décision du 22 avril 1997
, le Conseil
constitutionnel avait estimé que, «
compte tenu des
objectifs d'intérêt public qu'il s'est assigné, le
législateur a pu, sans méconnaître la liberté du
mariage ni porter une atteinte excessive au droit à une vie familiale
normale, soumettre la délivrance de plein droit d'une carte de
séjour temporaire au conjoint d'un ressortissant français
à la condition que le mariage ait été contracté
depuis au moins un an et que la communauté de vie n'ait pas
cessé...
».
Mais l'article 5 de la
loi n° 98-349 du
11 mai 1998
relative à l'entrée et au séjour
des étrangers en France et au droit d'asile
a supprimé ces
conditions.
En conséquence, le juge administratif a constaté
l'illégalité des refus de séjour par les préfets,
pris sur le fondement de l'article 12
bis
au titre de
l'absence de communauté de vie, alors même que cette
dernière avait cessé entre le ressortissant étranger et
son époux français au moment de la délivrance du titre.
Le Conseil d'Etat a rappelé que la communauté de vie
n'était pas une condition de première délivrance d'un
titre de séjour temporaire
62(
*
)
. En revanche, le renouvellement de la
carte de séjour temporaire
63(
*
)
et la délivrance de la carte de
résident
64(
*
)
sont
subordonnés au fait que la communauté de vie n'ait pas
cessé (dernier alinéa de l'article 12
bis
de l'ordonnance
précitée).
Enfin, il convient de rappeler que les conjoints étrangers de
ressortissants français bénéficiaires d'une carte de
séjour peuvent obtenir une carte de résident après un an
de mariage
65(
*
)
. Cette
durée de mariage serait portée à deux ans par
l'article 11 du projet de loi.
b) Le texte soumis au Sénat
Le dispositif proposé rétablirait l'exigence de la
communauté de vie afin d'autoriser la délivrance d'une carte de
séjour portant mention «
vie privée et
familiale
» à un étranger marié avec un
ressortissant français
66(
*
)
.
Depuis l'instauration des modifications introduites par la loi du
11 mai 1998, le nombre de cartes de séjour temporaires
délivrées aux ressortissants étrangers conjoints de
Français a été
multiplié par plus de quatre en
cinq ans,
s'élevant à
20.337 titres
délivrés en 2002 contre 4.346 en 1997.
L'exigence de la communauté de vie tend à permettre de
lutter
plus efficacement contre la fraude au mariage
et les réseaux qui
l'organisent en autorisant l'accroissement des contrôles dans le temps
sur la réalité du mariage.
Selon le droit en vigueur, la communauté de vie est un devoir du
mariage énoncé positivement dans l'article 215 du code
civil
qui rappelle que les époux s'obligent mutuellement à
une communauté de vie, et que l'on retrouve de façon
négative en matière de divorce pour rupture de la vie commune, ou
lorsque le comportement de l'un des époux rend la vie commune
intolérable dans le divorce pour faute.
La communauté de vie se distingue de la simple cohabitation
. Le
mari et la femme peuvent avoir un domicile distinct sans qu'il soit pour autant
porté atteinte aux règles relatives à la communauté
de vie
67(
*
)
.
«
La communauté de résidence n'est que le signe
extérieur d'une communauté matérielle et affective et
sous-entend notamment communauté de lit et communauté de
ménage. Elle inclut également une certaine communauté
intellectuelle, une volonté de vivre à deux, une affection et un
amour réciproques...
»
68(
*
)
.
5. L'attribution de la carte de séjour temporaire aux
étrangers parents d'enfants français contribuant à leur
entretien et leur éducation
Selon le droit en vigueur
69(
*
)
issu de la loi du 11 mai 1998
, sauf si sa présence
constitue une menace pour l'ordre public,
la carte de séjour
temporaire est délivrée de plein droit à l'étranger
ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère
d'un enfant français mineur
,
résidant en France
à la condition qu'il
exerce, même partiellement,
l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il
subvienne effectivement à ses besoins
. Avant 1998, seul le fait de
subvenir aux besoins de l'enfant permettait de bénéficier de la
carte de séjour temporaire.
Toutefois, lorsque la qualité de père ou de mère d'un
enfant français résulte d'une reconnaissance de l'enfant
postérieure à la naissance, la carte de séjour temporaire
n'est délivrée à l'étranger que s'il subvient
à ses besoins depuis sa naissance ou depuis au moins un an
70(
*
)
.
La loi du 4 mars 2002 a défini l'autorité
parentale
comme «
un ensemble de droits et de devoirs ayant
pour finalité l'intérêt de l'enfant
»,
précisant «
qu'elle appartient aux père et
mère jusqu'à la majorité ou l'inscription de l'enfant pour
le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa
moralité, pour assurer son éducation et permettre son
développement, dans le respect dû à sa
personne
»
71(
*
)
.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel avait précisé en
1997
72(
*
)
que «
doit
être regardé comme subvenant effectivement aux besoins de l'enfant
le père ou la mère qui a pris les mesures nécessaires,
compte tenu de ses ressources, pour assurer l'entretien de
celui-ci
». Il avait ajouté que toute autre
interprétation aurait méconnu le droit des
intéressés à mener une vie familiale normale.
En première lecture, les députés
ont introduit un
nouvel alinéa (3) dans l'article 7 afin de modifier les
critères de délivrance d'une carte de séjour temporaire
portant la mention «
vie privée et
familiale
» aux étrangers parents d'enfants
français : désormais, ceux-ci devraient établir
qu'ils «
contribuent effectivement à l'entretien et
à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues
à l'article 371-2 du code civil
», la condition
d'absence de polygamie étant maintenue.
Cette modification de l'Assemblée nationale tend à renforcer
la lutte contre les reconnaissances en paternité de complaisance
sans remettre en cause le droit de toute personne au respect de sa vie
privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales (CEDH).
Les services préfectoraux ont en effet constaté qu'un certain
nombre d'étrangers invoquent la naissance d'un enfant français
dans le seul but d'obtenir une carte de séjour temporaire puis une carte
de résident, sans assurer la prise en charge de leur enfant.
Cette réforme serait complétée par le nouveau dispositif
de l'article 10 autorisant la délivrance d'une carte de
résident à l'étranger, père ou mère d'un
enfant français, résidant en France depuis deux ans et titulaire
depuis deux ans de la carte de séjour temporaire.
De plus, le système retenu par les députés
harmoniserait le droit en vigueur avec les nouvelles dispositions du code civil
issues de la loi du 4 mars 2002 et prendrait en considération
l'intérêt de l'enfant.
Les parents précités
devraient en effet contribuer effectivement à son entretien et à
son éducation, formulation tenant compte de la disparité des
situations familiales et du niveau de vie du père et de la mère.
L'article 371-2 du code civil impose ainsi que «
chacun des
parents contribue à l'entretien et à l'éducation des
enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent,
ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit
lorsque l'enfant est majeur
».
6. Le rétablissement du caractère exceptionnel de la
délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de
l'article 12
bis
-11 de l'ordonnance du 2 novembre 1945
L'article 12
bis
actuel de l'ordonnance du 2 novembre 1945, dans son
douzième alinéa (11) tel que modifié par la loi du 11 mai
1998, dispose qu'une carte de séjour temporaire portant la mention
«
vie privée et familiale
» est
délivrée de plein droit à «
l'étranger
résidant habituellement en France dont l'état de santé
nécessite une prise en charge médicale dont le défaut
pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle
gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement
bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il
est originaire
».
L'étranger qui invoque son état de santé pour obtenir
la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour
dépose une demande à la préfecture de son domicile.
Le préfet ou, à Paris, le préfet de police, remet au
demandeur la liste des pièces à fournir et l'invite à
s'adresser au médecin ou au praticien hospitalier en charge de son
dossier. Sur justification par l'étranger de sa résidence
habituelle en France, le préfet délivre un
récépissé de demande de titre de séjour d'une
durée de validité de trois mois.
Le médecin ou le praticien hospitalier établit un rapport
médical
(pathologies en cours, traitement en cours, durée
prévisible du traitement, possibilité ou non de prise en charge
médicale dans le pays d'origine), qui est adressé sous pli
confidentiel
au médecin inspecteur de santé publique de la
direction départementale des affaires sanitaires et sociales du
domicile de l'intéressé ou, à Paris, au médecin
chef du service
médical de la préfecture de police.
Dès réception du rapport, le secrétariat du médecin
compétent informe la préfecture.
Garant du respect de la
régularité de la procédure et des droits de la personne
malade
, le médecin s'assure que le rapport médical a
été établi par un praticien hospitalier ou un
médecin agréé figurant sur une liste établie par le
préfet et qu'il répond avec précision aux questions
posées.
Le médecin inspecteur de santé publique ou, à Paris, le
médecin chef, émet son avis, qui est transmis au
préfet.
Si ce dernier constate alors que l'étranger malade
répond aux conditions fixées par l'article 12
bis
(11) de
l'ordonnance précitée, une carte de séjour temporaire
portant la mention
« vie privée et
familiale
» est délivrée à
l'intéressé, sous réserve que la présence de ce
dernier ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
Lorsque l'état de santé de l'intéressé ne justifie
pas l'obtention d'une carte de séjour temporaire mais nécessite
impérativement la poursuite momentanée du traitement, une
autorisation provisoire de séjour (APS) de six mois peut lui
être délivrée.
Conçu à l'origine pour le cas spécifique des maladies les
plus graves (en particulier le SIDA), le système en vigueur a fait
l'objet de
dérives manifestes dans certains départements
.
En effet, des médecins inspecteurs de la DDASS, par manque de temps, de
compétence ou de moyens, acceptent presque systématiquement de
donner un avis favorable sur la simple présentation de certificats
médicaux, estimant souvent qu'ils ne sont pas en possession de
l'ensemble des informations nécessaires pour évaluer si les
étrangers concernés peuvent bénéficier d'un
« traitement approprié » dans leur pays d'origine.
M. Thierry Mariani a estimé lors des débats à
l'Assemblée nationale que l'article 12
bis
(11) était
devenu « l'
ultima ratio
des sans
papiers
».
Toujours selon ce rapport, «
la multiplication des certificats
médicaux et la fragilité douteuse de nombre d'entre eux montrent
que le 12 bis (11) est perçu par beaucoup d'étrangers comme un
artifice de plus pour tenter une régularisation
hasardeuse
».
Certains certificats médicaux font même état de simples
maux de tête voire de troubles psychologiques attribués à
l'état de clandestin lui-même : la notion
« d'exceptionnelle gravité » semble parfois
ignorée.
Par ailleurs, le dispositif actuel semble détourné au profit de
personnes ne résidant pas habituellement en France, mais qui viennent
seulement pour bénéficier d'un traitement médical et
obtenir ensuite leur régularisation.
Selon le rapport précité, «
A la préfecture
de police de Paris, la situation est véritablement dramatique. Le rythme
actuel de dossiers présentés mensuellement au titre de cet
article est supérieur à mille par mois(...).
73(
*
)
Certains dossiers sont ouvertement
douteux alors même que les certificats émanent de médecins
agréés ou assermentés
».
Face à ces détournements de procédure, les
députés ont introduit un quatrième alinéa à
l'article 7 du projet de loi tendant à compléter le 11 de
l'article 12
bis
de l'ordonnance précitée
:
il
serait explicitement prévu dans ce texte
que la décision de
délivrer éventuellement la carte de séjour par le
préfet n'intervient qu'après avis du médecin inspecteur de
santé publique. De même, à Paris, la décision du
préfet de police n'interviendrait qu'après avoir
été éclairée par l'avis du médecin, chef du
service médical de la préfecture de police.
De plus,
le médecin inspecteur ou le médecin chef pourrait
dorénavant convoquer le demandeur pour consultation médicale
devant une commission médicale régionale dont la composition
serait fixée par décret en Conseil d'Etat.
Cette « contre-expertise » ne reviendrait pas sur l'accueil
et le traitement des étrangers malades en France. En revanche, le
système retenu rétablirait le caractère exceptionnel de la
délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre de
l'article 12
bis
(11) et renforcerait l'efficacité de la
lutte contre la fraude.
La commission médicale régionale devrait présenter
«
toutes les garanties d'indépendance et de
compétence
» selon le ministre de
l'intérieur
74(
*
)
.
Par ailleurs, la répression des abus constatés dans la
délivrance de certificats médicaux par un nombre limité de
médecins est prévue la
circulaire du ministre de
l'intérieur du 19 décembre 2002
, qui incite les
préfets à saisir le Conseil de l'Ordre des médecins et le
parquet en cas de fraude avérée.
Favorable aux dispositions du présent article, votre commission vous
propose en un amendement tendant à le compléter en vue
d'assouplir les règles de maintien ou de renouvellement des cartes de
séjour temporaire au profit des conjoints étrangers victimes de
violences conjugales en cas de rupture de la vie commune.
La nécessité d'une communauté de vie entre les
époux serait désormais nécessaire pour l'obtention et le
renouvellement d'une carte de séjour temporaire par le conjoint
étranger.
Il convient cependant de répondre à la situation douloureuse
d'une ressortissante étrangère ayant épousé un
Français et bénéficiaire à ce titre d'une carte de
séjour temporaire, qui quitte le domicile conjugal et provoque une
rupture de la vie commune
75(
*
)
car elle est victime de violences physiques et, le cas échéant,
retenue contre son gré au foyer.
Selon le droit en vigueur, le représentant de l'Etat doit alors refuser
de renouveler le titre de séjour, accentuant la précarité
et la détresse de ces conjoints étrangers qui peuvent être
ultérieurement l'objet d'un arrêté préfectoral de
reconduite à la frontière.
L'avis rendu le 22 août 1996 par le Conseil d'Etat et la circulaire du
ministre de l'intérieur en date du 19 décembre 2002
précitée reconnaissent déjà un pouvoir
d'appréciation exceptionnel du préfet pour répondre de
manière ponctuelle à des situations individuelles mal prises en
compte par les textes en vigueur.
Mais, dans ce cas particulier, un signal clair du législateur
apparaît nécessaire pour favoriser l'autonomie des femmes issues
de l'immigration,
conformément aux recommandations du Haut conseil
à l'intégration
76(
*
)
.
Votre commission vous propose donc par amendement de prévoir que
lorsque la communauté de vie a été rompue à
l'initiative de l'étranger, à raison des violences de nature
physique qu'il a subies de la part de son conjoint, le représentant de
l'Etat peut accorder le renouvellement du titre de séjour.
Votre commission vous propose dans le même esprit un amendement
étendant ces dispositions aux conjoints membres de famille titulaires
d'un titre de séjour au titre du regroupement familial (article 28 du
projet de loi ; article 29 de l'ordonnance précitée).
Votre commission vous propose d'adopter l'article 7
ainsi modifié
.