B. LA NÉGOCIATION DU NOUVEAU "PAQUET" DE DIRECTIVES SUR LA LIBÉRALISATION DES MARCHÉS DE L'ÉLECTRICITÉ ET DU GAZ NATUREL

Le 13 mars 2001, la Commission européenne a présenté deux textes tendant à modifier les directives de 1996 et de 1998 :

- la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE concernant les règles communes pour les marchés intérieurs de l'électricité et du gaz naturel ;

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité.

Le contenu de ces documents s'est trouvé modifié au fil des négociations qui se sont déroulées depuis lors.

1. Contenu de la proposition de modification initiale

Comme l'indiquait, en janvier 2002, notre collègue Aymeri de Montesquiou, dans son rapport précité, la Commission de Bruxelles a exercé une forte pression pour que les Etats membres parviennent à un accord avant la fin de la présidence espagnole , le Président Romano Prodi menaçant même, à l'époque, de recourir à l'article 86 du Traité, en vertu duquel la Commission peut édicter une directive de sa propre initiative.

En matière d'ouverture du marché, la rédaction initiale de la proposition de modification des directives de 1996 et 1998 prévoit de reconnaître :

- le libre choix du fournisseur d'électricité pour les consommateurs du secteur non résidentiel le 1 er janvier 2003 ;

- le libre choix du fournisseur de gaz pour les consommateurs du secteur non résidentiel au 1 er janvier 2004 ;

- l'ouverture totale du marché le 1 er janvier 2005.

S'agissant de la création de nouvelles capacités de productio n, le projet prévoit le recours au système d'autorisation afin de laisser aux opérateurs le soin de construire de nouvelles unités, les Etats ne pouvant plus recourir au système d'appel d'offres que pour garantir la sécurité d'approvisionnement.

En ce qui concerne les stockages gaziers, la commission propose d'instaurer un droit d'accès des tiers aux stockages de gaz naturel .

Pour ce qui concerne la rémunération de l'accès au réseau , il est proposé de généraliser le système de l' accès réglementé , en vertu duquel l'utilisation du réseau s'effectue sur la base d'un tarif publié et approuvé par les autorités de régulation.

La séparation juridique des gestionnaires de transport par rapport aux fonctions de production constitue également une innovation de la proposition de directive qui va nettement plus loin que les directives de 1996 et 1998, lesquelles prévoyaient seulement que les activités de transport seraient séparées au plan de la gestion et que les entreprises intéressées s'abstiendraient de toute discrimination entre les utilisateurs de réseau.

S'agissant du statut des régulateurs nationaux , la Commission recommande qu'un régulateur indépendant soit désigné dans chaque Etat membre et qu'il exerce certaines compétences minimales telles que :

- la fixation ou l'approbation des conditions de connexion et d'accès aux réseaux internationaux ;

- la détermination ou l'approbation des tarifs au niveau national pour tenir compte des coûts et recettes résultant du transport transfrontalier d'électricité ;

- la fixation des règles concernant la gestion des congestions et l'attribution de capacités d'interconnexion pour le gaz et l'électricité ;

- la détermination de mesures propres à remédier à l'encombrement des réseaux nationaux d'électricité ou de gaz ;

- la garantie du respect d'exigences telles que le service universel, la protection des consommateurs, la cohésion économique et sociale, le respect de l'environnement et la sécurité d'approvisionnement.

Au cours du récent conseil des ministres de l'énergie du 4 octobre 2002, les bases d'un accord ont été envisagées. Elles pourraient consister en :

- une ouverture totale du marché à un terme qui reste à déterminer ;

- la définition des obligations de service public susceptibles d'être édictées pour protéger les ménages, lesquelles comprendraient notamment la péréquation tarifaire.

2. Les conclusions du sommet de Barcelone et leur mise en oeuvre

A l'issue de la réunion qui s'est déroulée à Barcelone les 15 et 16 mars 2002, le Conseil Européen a engagé le Conseil et le Parlement Européen à adopter, « dès 2002, les propositions en instance concernant la phase finale de l'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz ». Ceci comporte notamment :

- le libre choix du fournisseur pour tous les consommateurs européens autres que les ménages à partir de 2004 pour l'électricité et le gaz, ce qui représentera au moins 60 % de la totalité du marché ;

- à la lumière de l'expérience acquise et avant le Conseil européen du printemps 2003, une décision sur d'autres mesures qui tiennent compte de la définition des obligations de service public, de la sécurité d'approvisionnement et, en particulier, de la protection des régions reculées et des groupes les plus vulnérables de la population ;

- la dissociation entre le transport et la distribution , d'une part, et la production et l'approvisionnement ;

- l' accès non discriminatoire au réseau pour les consommateurs et les producteurs, sur la base de tarifs transparents et publiés ;

- la création dans chaque Etat membre et dans le cadre réglementaire adéquat, d'un organisme régulateur en vue d'assurer, en particulier, le contrôle effectif des conditions de fixation des tarifs.

Le Conseil a en outre invité la Commission et le Conseil à analyser, lors du Conseil européen du printemps 2006, les progrès globaux réalisés sur le marché intérieur de l'énergie , notamment le degré de transposition du cadre réglementaire et ses effets en ce qui concerne la protection des consommateurs, les investissements en infrastructures, l'intégration effective des marchés, l'interconnexion, la concurrence et l'environnement.

De son côté, le Gouvernement français a, par la voix de Mme Nicole Fontaine, ministre de l'Industrie 2 ( * ) , rappelé l'accord des chefs d'Etat et de gouvernement réunis à Barcelone se donnant jusqu'au printemps 2003 pour prendre les décisions relatives à l'ouverture du marché du gaz et de l'électricité aux ménages et les éventuelles mesures qui les concerneraient. Il a également repoussé l'éventualité d'un accord politique sur cette question lors du Conseil du 4 octobre 2002 et déclaré que, dans cette hypothèse, il ne pourrait que s'y opposer au nom de la France. Mme Fontaine a en outre déclaré que la France participerait, dans un esprit constructif, mais sans précipitation, à l'élaboration d'un compromis acceptable pour tous et prenant notamment en compte les exigences nécessaires à l'exercice d'un service public de qualité.

C'est précisément un tel compromis que la Commission des Affaires économiques appelle de ses voeux.

* 2 Communiqué de presse du 12 septembre 2002.

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