C. LES « IMPASSES BUDGÉTAIRES »
1. Le protocole hospitalier de mars 2000
Le
gouvernement a, en mars 2000, signé avec les organisations syndicales du
monde hospitalier un protocole important se traduisant par un surcoût, en
année pleine, de 305 millions d'euros, soit 2 milliards de francs.
Cet effort a été financé, en 2000, par une inscription en
collectif budgétaire.
Pour 2001, le gouvernement s'est engagé à ouvrir ces
crédits «
en gestion
». En effet, le projet
de loi de finances rectificative pour 2001 prévoit une ouverture de
crédits de 2 milliards de francs à ce titre.
Pour 2002, le projet de loi de finances est muet.
Les conséquences de cette absence d'inscription en projet de loi de
finances initiale pour 2001 et 2002 sont doubles :
• soit l'État minore sciemment des dépenses ; soit il
veut les faire porter par l'assurance maladie malgré ses
engagements ;
• les crédits 2001 inscrits en collectif 2001 ne seront ouverts que
dans les derniers jours de décembre, délégués aux
directeurs d'ARH pendant la période complémentaire et, en
réalité, mis à la disposition des établissements
hospitaliers en cours d'année 2002 pour le protocole 2001 ; cela
signifie que les établissements hospitaliers consentent, là
aussi, une avance de trésorerie à l'État.
En tout état de cause, votre rapporteur spécial condamne
fermement cette politique qui revient à minorer des dépenses,
à revenir sur ses engagements, à faire supporter par d'autres les
charges qui reviennent à l'État. Il espère que des
explications seront apportées à la représentation
nationale sur ce point lors des débats budgétaires.
Par ailleurs, et sur le fond, votre rapporteur spécial ne peut que faire
sienne l'appréciation de la Cour des comptes dans son rapport sur le
sécurité sociale de 2001 : «
si l'on ajoute
l'effet de cette enveloppe de 2 milliards de francs, quel qu'en soit le
financeur, les dépenses de fonctionnement des hôpitaux
progresseraient de 4,42 % (France entière) en 2001 après une
évolution de 3,84 % en 2000. Le desserrement des taux d'évolution
des dotations hospitalières depuis quelques années consacre
l'échec relatif de la politique de maîtrise des dépenses de
ce secteur. Faute d'avoir mis en oeuvre les réformes structurelles
nécessaires, la contrainte budgétaire s'est
révélée impossible à respecter. Les protocoles de
mars 2000 en sont une illustration
».
2. La « prime de Noël »
Mme
Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a
annoncé l'octroi d'une « prime de Noël » aux
bénéficiaires du RMI. Dans un entretien au quotidien
La
Croix
, le 29 novembre dernier, elle a ainsi affirmé :
«
la prime de Noël sera renouvelée cette
année
» pour les personnes défavorisées.
L'année dernière, comme l'année précédente,
cette prime exceptionnelle de fin d'année avait pris la forme d'une
allocation forfaitaire de 1.000 francs pour les bénéficiaires de
l'allocation de solidarité spécifique et de l'allocation
d'insertion, de 1.440 francs pour les bénéficiaires de
l'allocation de solidarité spécifique à taux
majoré, et d'une allocation modulée pour les
bénéficiaires de RMI selon le nombre de personnes par
ménage : une personne seule a touché 1.000 francs, deux
personnes 1.500 francs, trois personnes 1.800 francs, six personnes 3.000
francs et 400 francs supplémentaires par personne au-delà de six.
Le coût total de l'opération avait été
évalué à 2 milliards de francs, soit 305 millions
d'euros.
Votre rapporteur spécial n'abordera la question ni du principe de la
prime, ni de son montant. Il souhaite cependant formuler des remarques sur la
transparence de cette annonce du point de vue des droits du Parlement.
En effet, une telle prime au coût important - elle représente
l'équivalent de 90 % de la hausse totale des moyens du ministère
en 2002, ou encore le coût annuel du protocole hospitalier de mars 2000,
ou encore le coût de la création de 12.000 postes de policiers -
devra bien être financée. La régularité
budgétaire voudrait qu'elle soit imputée sur 2001, mais le projet
de loi de finances rectificative pour 2001 ne prévoit pas les
crédits correspondants.
A fortiori
, le projet de loi de finances
pour 2002 est muet sur ce point. Interrogé, le ministère n'a pas
souhaité informer votre rapporteur spécial.
Cela n'est pas
normal. Si les crédits supplémentaires devaient être
ajoutés par la voie d'amendements au cours de la discussion de l'un ou
l'autre de ces textes, il serait normal d'en prévenir le Parlement
quelques jours à l'avance. Surtout, si aucun amendement n'était
déposé, cela signifierait que le gouvernement compte financer
cette annonce en gestion
, c'est-à-dire en « poussant
devant lui la dépenses », ce qui aurait pour
conséquence soit de charger la barque d'une exécution
budgétaire 2002 déjà largement hypothéquée,
soit de révéler au Parlement que la dotation demandé au
titre du RMI pour 2002 n'est pas sincère. Votre rapporteur
spécial considère cette situation comme inacceptable,
désinvolte vis-à-vis du Parlement comme des plus démunis
qui, s'ils sont dans la détresse, n'en restent pas moins des citoyens
français représentés par leurs élus.
3. Les dépenses obligatoires du ministère
Le
ministère de la santé et de la solidarité, de par la
structure de ses dépenses très contrainte par le poids des
minima
sociaux, mais aussi de par le caractère obligatoire de la
plupart de ses dépenses, possède quelques « impasses
budgétaires ». L'exercice consiste à minorer les
crédits de loi de finances initiale par rapport aux besoins
réels, en escomptant : soit des reports importants de
l'année précédente, soit des ouvertures de crédits
en cours d'année (décrets d'avance ou loi de finances
rectificative), soit la constitution d'une dette dont le volume, un jour,
pourra justifier une mesure spéciale dans un collectif
budgétaire.
Cette technique a souvent été utilisée pour les
crédits des
minima
sociaux, les dépenses prévues
dans la loi de finances initiale étant sous-estimées, car ne
prenant pas en compte l'octroi de primes éventuelles ou mal les flux
nets de bénéficiaires. Cela a pour conséquence que les
sommes inscrites dans le projet de loi de finances s'éloignent de la
réalité. Les reports et les ouvertures de crédits en cours
d'année viennent ainsi abonder les chapitres. Il est cependant toujours
délicat d'affirmer que cette technique a été
utilisée, notamment parce que certaines erreurs se font de bonne foi (si
la prime n'est pas prévue ou bien si la croissance économique se
retourne).
Le ministère possède en tout état de cause des dettes
importantes, sur plusieurs chapitres :
• dette au titre de l'aide médicale (de l'ordre de 80 millions
d'euros) ;
• dette envers les établissements de santé sur le chapitre
66-11 ;
• dette envers l'assurance maladie au titre du remboursement des
dépenses d'interruption volontaire de grossesse
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)
;
• dette d'un mois de versement de l'API envers l'ACOSS ;
• dette sur les dépenses de tutelle et de curatelle.
Parallèlement, les dépenses pour frais de justice et de
réparations et pour les dépenses de tutelle et de curatelle se
révèlent systématiquement supérieures à
celles prévues dans le projet de loi de finances.
De plus, le projet de loi de finances pour 2002 ne prend pas en compte des
dépenses pourtant certaines, comme la revalorisation de la base
mensuelle des allocations familiales et son effet sur les prestations sociales
du ministère, ou comme le coût du passage aux 35 heures dans le
secteur social et médico-social.
Enfin, le chapitre destiné à rembourser les mises à
disposition demeure en deçà des besoins en la matière,
estimés à environ 15,2 millions d'euros alors que 8 millions
seulement sont prévus.