V. PRINCIPALES OBSERVATIONS
A. LE POIDS DES MINIMA SOCIAUX
1. La hausse persistante des dépenses de minima sociaux en 2002
En 2002,
à la différence des années précédentes, la
hausse des crédits du budget de la santé et de la
solidarité ne résultera pas majoritairement de la croissance non
maîtrisée de dépenses sociales obligatoires. Ainsi, la part
relative des
minima
sociaux dans le budget de la santé et de la
solidarité diminuera en 2002 par rapport à 2001.
Cependant, le total des crédits consacrés en 2002 à la
CMU, à l'API, à l'AAH et au RMI s'élèvera à
10,43 milliards d'euros contre 10,3 milliards d'euros en 2001 et 10 milliards
d'euros en 2000.
Montant et évolution des prestations sociales
dans le
budget de la santé et de la solidarité
(en milliards d'euros)
|
LFI 2000 |
Part du budget |
LFI 2001 |
Part du budget |
PLF 2002 |
Part du budget |
Évolution 2000/20002 |
RMI |
4,38 |
31,6 % |
4,52 |
31,7 % |
4,48 |
30,3 % |
+ 2 % |
AAH |
3,9 |
28,1 % |
4,05 |
28,4 % |
4,28 |
28,9 % |
+ 9,74 % |
API |
0,66 |
4,8 % |
0,71 |
5 % |
0,74 |
5 % |
+ 12,1 % |
CMU |
1,07 |
7,7 % |
1,01 |
7 % |
0,93 |
6,3 % |
- 13 % |
Total |
10,01 |
72,2 % |
10,29 |
72,2 % |
10,43 |
70,5 % |
+ 4,2 % |
Le
rythme d'évolution de ces dépenses ne se dément pas
puisqu'elles auront augmenté de 4,2 % de 2000 à 2002, alors
même que la croissance économique vive qu'a connu notre pays, et
la décrue du chômage auraient dû se traduire par une forte
décélération de ces dépenses, au moins s'agissant
du RMI et de l'API. Bien au contraire, ces deux dernières prestations
ont continué à croître.
Votre rapporteur spécial considère comme particulièrement
préoccupante cette évolution des
minima
sociaux.
Le premier problème qui se pose est celui des déterminants de la
progression des dépenses. Plusieurs éléments interviennent
en effet sur le rythme d'évolution : le nombre d'entrées des
bénéficiaires dans le dispositif, le taux de revalorisation de la
prestation et le mode de calcul de celle-ci. Le gouvernement, quant à
lui, est complètement responsable des deux dernières variables,
et n'a de prise sur le nombre de bénéficiaires que par les
conditions d'accès qu'il détermine et par la croissance
économique. Or, dans les années qui viennent de s'écouler
- années de forte croissance économique et de recul du
chômage - le gouvernement a systématiquement pris des
décisions tendant à augmenter les crédits des
minima
sociaux (assouplissement des conditions d'accès, primes diverses,
taux de revalorisation élevé, maintien des droits pour la CMU),
voir à en créer de nouveaux (la CMU), alors même que la
croissance économique ne faisait que de façon très
ténue sentir ses effets sur les flux nets d'entrées et de sorties
des bénéficiaires.
Les conséquences de cette politique dispendieuse risquent de se faire
sentir dès 2002, et ce malgré les prévisions du
gouvernement. Le retournement de la croissance économique et
l'arrêt de la baisse du chômage ne pourront en aucune
manière faire diminuer le nombre d'allocataires du RMI, de l'API ou de
la CMU. Bien au contraire. Le gouvernement a donc dilapidé les fruits de
la croissance. On en arrive à un paradoxe qui veut que les
dépenses de
minima
sociaux augmentent toujours plus, que
l'économie aille bien ou qu'elle aille moins bien. C'est là le
deuxième problème.
Le troisième problème réside dans l'existence de tendances
lourdes qui poussent à la progression des dépenses. Ceci est
surtout valable pour l'AAH et la CMU.
Pour l'AAH, le nombre des bénéficiaires continue d'augmenter par
un effet de génération. En effet, les bénéficiaires
de l'allocation en 1975 sont encore dans le dispositif, tandis que chaque
année voit arriver son lot de nouveaux handicapés. Il faudra
attendre l'âge de la retraite des allocataires de 1975 pour voir se
stabiliser le flux net.
Pour la CMU, outre les problèmes relevés par la Cour des comptes
dans son rapport 2001 sur la sécurité sociale, les
évolutions des trois premières années ne sont pas
significatives en raison de la difficulté qu'il y a eu à calibrer
les premiers besoins, de la lente montée en charge du dispositif, et de
l'existence de reports de crédits élevés. Cependant, cette
prestation paraît se rapprocher de son rythme de
croisière
36(
*
)
et tout
indique qu'il sera supérieur aux prévisions en raison de la
sous-estimation initiale de la consommation médicale moyenne par
bénéficiaire. Le dispositif avait été conçu
sur une base d'une consommation de 1.500 francs par assuré. Or les
gestionnaires de la prestation notent tous que ce forfait de 1.500 francs se
révèle insuffisant, en grande partie à cause des frais de
gestion induits par le dispositif. Enfin, l'annonce des reports successifs de
l'examen exact de la situation des revenus des premiers
bénéficiaires viole l'esprit de la loi, crée des
inégalités
37(
*
)
et suscite des coûts supplémentaires pour le budget de État
Votre rapporteur spécial s'inquiète de la multiplication de
mécanismes à guichets ouverts ne permettant aucun contrôle
des dépenses et soumis à fortes variations. Il remarque ainsi le
nombre toujours croissant des « handicapés »
touchant l'AAH et des « parents isolés » touchant
l'API. Il déplore les inégalités flagrantes entourant la
CMU. Il constate, à la lecture du nombre de bénéficiaires
des
minima
sociaux, que la croissance ne profite pas à tous.
2. La hausse des minima sociaux absorbe toutes les marges de manoeuvre du budget de la santé et de la solidarité depuis 1998
Sur
l'ensemble de la législature, les dépenses liées aux
minima
sociaux auront progressé de 3,01 milliards d'euros, alors
que les crédits du ministère auront, quant à eux,
augmenté de 3,64 milliards d'euros. Cela signifie que près de 83
% des hausses de crédits consenties sur cinq ans auront servi à
faire face aux dépenses de
minima
sociaux. Comme cette
période fut aussi, pour la France, un moment de
prospérité, votre rapporteur spécial déduit de ce
constat :
• d'une part que la croissance n'a pas permis de maîtriser les
dépenses sociales ;
• d'autre part les marges de manoeuvre dégagées pour le
ministère n'ont été que d'une manière
résiduelle orientée vers les priorités de la santé
publique et de l'offre de soins.
Évolution comparée des dépenses de minima sociaux et du budget de la santé et de la solidarité sur la législature
(en milliards d'euros)