B. L'ÉVOLUTION DE L'EMPLOI
1. Des créations d'emploi en très net ralentissement
L'évolution des effectifs de la recherche publique au
sein
des établissements scientifiques et technologiques a été
l'objet, jusqu'en 1993, d'un accroissement en termes de créations -et
requalifications- d'emplois (1992 : +456, dont 239 chercheurs ;
1993 : +247, dont 139 chercheurs), sous l'effet conjugué des
orientations exprimées par
la loi n° 82-610 d'orientation
et de programmation du 15 juillet 1982, dont votre rapporteur pour
avis avait l'honneur d'être rapporteur,
et de l'application du
relevé de conclusions de juillet 1989 dit " accords de la rue
Descartes " (mesures statutaires de pyramidage de l'emploi scientifique).
Après l'année 1994, que l'on peut qualifier de transition
(stabilisation des emplois ; solde net : -4), les exercices 1995,
1996 et plus spécifiquement 1997 se sont caractérisés par
une stabilisation, voire une légère décrue des emplois, la
suppression d'emplois d'ITA (1995 : -192 ; 1996 : -257 ;
1997 : -511) ne conduisant plus, contrairement aux années
précédentes, à des transformations d'emplois
destinées à rééquilibrer la pyramide par
requalification interne. Au cours de ces années, et plus
particulièrement en 1996, ont été prises d'importantes
mesures qui continuent de produire leur effet,
en vue de rajeunir la
pyramide des âges des chercheurs
.
La forte relance des créations d'emplois
en 1998 (+400
chercheurs, +200 ITA) et 1999 (+250 chercheurs, +50 ITA) ne
s'est malheureusement pas accompagnée -votre commission pour avis
l'avait regretté en son temps-, d'une
aussi forte relance de la
mobilité des personnels, point faible de la politique de l'emploi public
dans le domaine de la recherche
.
Le budget 2000 est en nette rupture avec la tendance observée ces
deux dernières années, puisqu'il ne prévoit la
création que de 18 emplois d'ITA
4(
*
)
, environ 1000 transformations
d'emplois permettant parallèlement de requalifier les personnels et
d'améliorer leurs perspectives de carrière, notamment par
intégration des personnels administratifs dans les corps techniques de
la recherche.
2. Des orientations du Comité interministériel de la recherche en matière d'emploi qu'il reste à traduire dans les faits
Le
comité interministériel de la recherche scientifique et
technologique, tenu à l'été dernier, a fixé les
objectifs suivants pour la politique de l'emploi dans les établissements
publics de recherche :
-
un objectif de rajeunissement
: pour cela, les mesures,
déjà à l'oeuvre, visant à augmenter les
départs à la retraite des chercheurs devront continuer en 2000,
notamment par l'incitation au départ à la retraite
anticipée ;
- des mesures
d'incitation à la mobilité externe
aux
organismes de recherche seront mises en place, à la fois pour permettre
de relancer le recrutement, avant que les départs à la retraite
ne prennent la relève, et comme outil de décloisonnement vers
l'enseignement supérieur
et vers le
secteur des
entreprises
grâce notamment aux mesures inscrites dans la loi
n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la
recherche ;
- un
aménagement du statut des personnels de recherche et
d'enseignement supérieur
permettra notamment la désignation
de chercheurs ou d'enseignants-chercheurs étrangers dans les instances
de recrutement des personnels ;
les critères d'évaluation
et de promotion devront prendre en compte l'implication des personnels dans la
recherche technologique, le transfert, la valorisation ou l'expertise
;
- une
programmation pluriannuelle des recrutements de chercheurs
,
transparente pour tous, sera entreprise ;
- des dispositifs permettront aux jeunes chercheurs
" confirmés " d'accéder rapidement à
l'autonomie scientifique
;
- dans chaque organisme, un système
d'accueil des
post-doctorants revenant de l'étranger
sera mis en place.
Votre commission pour avis souscrit totalement à l'ensemble de ces
objectifs et souhaite qu'ils se concrétisent rapidement par des mesures
opérationnelles. Il existe en effet une forte attente en la
matière depuis la parution, il y a près de deux ans, du rapport
de M. Henri Guillaume.
L'application de ces dispositions établissement par établissement
devrait passer par la conclusion, annoncée l'an passé
déjà, d'un contrat pluriannuel 2000-2003 avec l'Etat.
3. Le maintien des instruments de rajeunissement de la pyramide des âges mis en place en 1996
a) Les perspectives démographiques
Comme
l'indiquent de récentes publications
5(
*
)
et notamment le rapport de mission de
nos collègues députés MM. Le Déaut et Cohen sur la
recherche française
6(
*
)
,
la population de la recherche
scientifique française a vieilli
:
près de la
moitié des effectifs a un âge supérieur à
48 ans
. Les recrutements effectués depuis quinze ans ne
compensent pas les impressionnants départs à la retraite que le
CNRS, l'INSERM ou les autres organismes de recherche vont connaître d'ici
une dizaine d'années. Dans la population totale des professeurs et des
chercheurs, environ
3.000 agents sont âgés de 48 ou
49 ans alors qu'ils sont à peine 1.500 à être
âgés de 32 à 34 ans.
De plus, l'âge du recrutement s'est très sensiblement
décalé au-delà de 30 ans, alors que jusqu'en 1996,
1.500 universitaires et chercheurs étaient âgés de 29
ou 30 ans. Le recrutement qui s'effectuait à 24 ou 25 ans il y
a quelques années, est aujourd'hui retardé à 30 ans
ou plus.
Que ce soit du point de vue des disciplines ou des institutions, la
situation démographique dressée par le rapport
précité -qui inclut, soulignons-le, chercheurs et
enseignants-chercheurs-, n'est donc pas satisfaisante.
Ce rapport constate aujourd'hui, toute disciplines confondues, un effectif par
âge très irrégulier mais vieillissant. Cette situation
résulte de l'irrégularité des volumes annuels de
recrutement au cours des trente dernières années. Il faut noter
en outre une évolution différenciée des effectifs selon
les institutions, l'enseignement supérieur ayant connu au cours des 15
dernières années, une croissance plus forte et continue de ses
effectifs que le CNRS ou la plupart des autres EPST, dont les effectifs sont
restés pratiquement stables depuis 1993.
En 1996,
l'âge moyen des chercheurs des EPST est de 46 ans
contre 47 ans pour les enseignants-chercheurs
. Les âges
moyens par disciplines vont de 43 ans en sciences pour l'ingénieur
à près de 50 ans en médecine. Cette dispersion des
âges moyens est liée à celle des âges moyens de
recrutement, mais aussi, et pour l'essentiel, aux différentiels des taux
de recrutement des années 1980 et 1990, les effectifs des disciplines
nouvelles en croissance ayant tendance à être nettement plus
jeunes.
Les pyramides des âges en 1997 des personnels chercheurs et
enseignants-chercheurs font apparaître une structure à
" bosses ", où
deux populations se détachent par
leur nombre :
- les classes d'âges de 30 à 40 ans (en
général en plateau ou en " petite bosse "),
- les classes d'âges de 50 et 60 ans (en général
" grande bosse " :
35 % des effectifs au CNRS
,
30 % à l'INSERM).
Inversement,
la tranche d'âge 40-47 ans est une classe creuse
.
Cette structure se retrouve dans la majorité des disciplines
(15 disciplines sur 25) et des institutions (CNRS, INSERM, INRA, IRD,
INRETS), avec des disparités. Dans certains cas, les 30-40 ans
constituent les classes d'âges les plus nombreuses, comme à l'INRA
qui a étalé ses recrutements ou à l'INRIA qui est un
organisme plus récent.
Compte tenu du faible nombre de mobilités dans les organismes de
recherche, le nombre des départs des prochaines années est
prévisible. Il correspond d'une part au taux annuel de
" départs spontanés ", qui est relativement stable
autour de 1,5 % par an, et d'autre part au taux de départs en
retraite.
Au vu des pyramides des âges, il y aura relativement peu de
départs en retraites à très court terme, puis un flux
moyen de 2002 à 2005 (3 % par an), suivi d'un accroissement
significatif des départs à la retraite à compter de 2005,
et ce jusqu'en 2012, avec un maximum de 2008 (5% de départs en retraite
dans l'année).
Enfin, à plus long terme, les classes creuses qui correspondent aux
faibles recrutements effectués il y a une dizaine d'années
arriveront à leur tour à l'âge de la retraite et
redonneront une situation de faibles taux de départs.
Votre commission pour avis aimerait connaître les intentions du
Gouvernement pour faire face à cette situation qui peut
représenter, si elle est bien préparée, une chance
historique de renouvellement de notre recherche, mais qui est également
un facteur de risque pour l'excellence scientifique de notre pays.
b) Le maintien des mécanismes de rajeunissement de la pyramide des âges
Afin de
favoriser le rajeunissement de la pyramide des âges, les décrets
n° 96-1242, 1243 et 1244 du 26 décembre 1996 ont
créé une
indemnité de départ à la
retraite anticipée
des chercheurs du CNRS, de l'INSERM et de l'INRA
âgés de 60 à 64 ans.
Une indemnité de départ volontaire (IDV) existait
déjà pour les chargés de recherche du CNRS, de l'INRA et
de l'INSERM démissionnant de l'organisme, égale à une
année de traitement brut. Elle avait d'ailleurs été
étendue en 1992 à l'INRETS et à l'IFREMER.
Les décrets intervenus en décembre 1996 ont étendu
cette indemnité aux chercheurs demandant à faire valoir leurs
droits à la retraite avant 64 ans : son montant, qui varie
entre huit mois et deux mois de traitement brut, est d'autant plus
élevé que le chercheur prend sa retraite tôt.
Ce dispositif confirme son efficacité
(71 départs au
CNRS en 1997, 114 départs en 1998) manifestée par la
poursuite du rajeunissement de l'âge moyen du départ à la
retraite des chercheurs (63,5 ans au CNRS).
En outre, la prorogation des mesures adoptées, à titre
expérimental, pour le seul CNRS en 1997 -versement du complément
indemnitaire de départ volontaire en retraite institué par le
décret n° 88-211 du 3 mars 1998 pour les personnels
ITA d'unités en restructuration, retour partiel sur option de validation
des services accomplis avant la titularisation- ont été
reconduites jusqu'au 31 décembre 1999.
Formule de préretraite de portée générale dans la
fonction publique,
le congé de fin d'activité (CFA)
continue de n'intéresser que marginalement les chercheurs, en raison de
leur entrée tardive dans l'activité salariée ; pour
les ITA, la part relative des bénéficiaires du CFA en relais
d'une cessation progressive d'activité a tendance -dans des proportions
qui demeurent modestes- à s'élever (CNRS : 22 personnes
concernées en 1998).
Enfin, conformément à l'article 89 de la loi
n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à
l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre
statutaire,
le maintien en activité en surnombre jusqu'à
68 ans
des directeurs de recherche des EPST et des professeurs
d'enseignement supérieur sur leur demande a été totalement
résorbé au 30 juin 1998.