C. UN REDÉPLOIEMENT CONTESTÉ DES EFFECTIFS DE LA POLICE ET DE LA GENDARMERIE
En
application de l'article 8 de la loi d'orientation n° 95-73 du
21 janvier 1995, le décret n° 96-827 du
19 décembre 1996 avait posé le principe de
l'étatisation de la police des communes dont la population est
supérieure à 20.000 habitants et dont les caractéristiques
de la délinquance sont celles d'une zone urbaine, les chefs-lieux de
départements restant en tout état de cause sous régime
d'Etat.
La mise en oeuvre de ces dispositions supposait une nouvelle répartition
des zones placées sous la responsabilité respective de la police
et de la gendarmerie, la police étant compétente dans les zones
de police d'Etat et la gendarmerie dans les autres zones.
La mission conduite par nos collègues MM. Roland Carraz et Jean-Jacques
Hyest a posé, sur cette base, le principe d'un redéploiement
territorial des forces de police et de gendarmerie permettant de donner
priorité aux zones urbaines particulièrement touchées par
la délinquance de voie publique, à savoir la grande couronne
parisienne, les grandes agglomérations urbaines et le pourtour
méditerranéen. Ce principe doit donc permettre :
- le redéploiement de policiers dans ces zones sensibles à
la suite de transferts de compétences entre police et la gendarmerie ;
- le renforcement des effectifs de la gendarmerie dans les secteurs
péri-urbains relevant déjà de sa compétence ou qui
lui auront été nouvellement transférés, grâce
à un redéploiement interne de 1200 gendarmes. Dans le cadre du
plan " Gendarmerie 2 000 ", la gendarmerie a en effet
décidé de supprimer 153 unités territoriales
situées en zone de compétence de police et de ne garder en
principe qu'une seule brigade par canton dans les zones rurales.
Après validation de ces principes par le conseil de
sécurité intérieure du 27 avril 1997, les préfets
ont été saisis, dans le courant du mois d'août, de
propositions tendant à la fermeture de 94 commissariats et au transfert
de la responsabilité de la sécurité de 38 communes de la
gendarmerie vers la police.
Les transferts de compétence de la police à la gendarmerie
de
94
circonscriptions de sécurité publique
concernent 193 communes et correspondent à une population de 1,4
millions d'habitants et à un effectif de 3 000 fonctionnaires
susceptibles d'être redéployés.
Les transferts de compétence de la gendarmerie à la police
nationale
de
38
communes devant être rattachées
à des circonscriptions de sécurité publique existantes
correspondent à une population de 355 000 habitants et
supposent un renforcement en effectifs des circonscriptions de rattachement
estimé à 787 policiers.
Ce programme, qui ne concerne que la métropole, se traduirait par un
solde positif de 2460 policiers
susceptibles d'être
redéployés dans les zones sensibles.
Les décisions définitives devaient être prises en
décembre. Mais devant l'opposition des personnels comme des élus
qui se sont constitués en collectif, la mise en oeuvre du projet a
été suspendue et M. Guy Fougier, conseiller d'Etat, ancien
préfet de police a été chargé de mener des
consultations complémentaires.
Il semble en effet que la
concertation sur ce projet ait été
insuffisante
, nombre d'élus s'étant plaints d'avoir appris un
projet de fermeture de leur commissariat par les médias.
En tout état de cause, il faut veiller à ce que la
sécurité de communes aujourd'hui suffisamment dotées en
forces de sécurité ne soit pas compromise par la fermeture d'un
commissariat ou d'une brigade de gendarmerie.
Il est exact que, comme le font ressortir MM. Carraz et Hyest dans leur
rapport, la répartition des forces de sécurité sur le
territoire n'épouse pas la géographie de la criminalité.
Les ratios de policiers ou gendarmes par habitants des 25 départements
les plus touchés par la délinquance de voie publique sont
légèrement supérieurs à ceux des 25
départements les moins criminogènes (respectivement 2,17 et 2,09
policiers ou gendarmes pour 1000 habitants) pour un taux de
délinquance de voie publique par habitant qui varie dans un rapport de 1
à 3.
Il n'en demeure pas moins que les ratios de policiers par habitants dans les
zones les plus criminogènes ne sont pas inférieurs à ceux
rencontrés dans les zones moins criminogènes. Dans la mesure ou
il ne faut pas négliger
l'aspect préventif de l'action des
forces de sécurité
, les implantations de celles-ci ne doivent
pas tenir compte uniquement de la délinquance constatée mais
également de la population et de l'étendue du territoire à
protéger.
Plutôt que de supprimer des effectifs dans les zones
les moins criminogènes, il serait donc préférable, au nom
du droit à la sécurité de tous les citoyens, sur
l'ensemble du territoire, de les renforcer dans les zones où la
délinquance est la plus élevée.
La comparaison des ratios français de forces de l'ordre par habitant
avec ceux des pays européens voisins est souvent avancée pour
refuser des augmentations globales d'effectifs. Or, ces ratios (1 policier ou
gendarme pour 252 habitants en France, 283 habitants en Italie, 296 habitants
en Allemagne et 380 habitants au Royaume-Uni) ne tiennent pas compte de la plus
grande dispersion de l'habitat en France qui nécessite de
protéger l'ensemble du territoire
.