PJL loi de finances pour 1999
COURTOIS (Jean-Patrick)
AVIS 71 (98-99), Tome II - COMMISSION DES LOIS
Table des matières
-
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
I. L'ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ FAIT APPARAÎTRE DES
RÉSULTATS CONTRASTÉS
- A. LA BAISSE DES STATISTIQUES GLOBALES DE LA CRIMINALITÉ S'EST POURSUIVIE EN 1997.
- B. MAIS LE SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DE NOS CONCITOYENS NE DIMINUE PAS
- C. LA DÉLINQUANCE DES MINEURS CONTINUE DE S'ACCROÎTRE DE MANIÈRE PRÉOCCUPANTE
- D. LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE DÉTERMINÉE DE LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE
- E. UNE MOBILISATION PERSISTANTE CONTRE LE TERRORISME
- F. UNE LUTTE PERTURBÉE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE.
- II. UNE PRIORITÉ DONNÉE A LA POLITIQUE DE PROXIMITÉ
- III. UN BUDGET QUI NE RÉPOND PAS AUX ATTENTES
- IV. L'ABANDON DE CERTAINS OBJECTIFS DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION RELATIVE À LA SÉCURITÉ
- V. UN SUIVI INSUFFISANT DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE EUROPÉENNE
-
I. L'ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ FAIT APPARAÎTRE DES
RÉSULTATS CONTRASTÉS
N° 71
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME II
INTÉRIEUR :
POLICE ET SÉCURITÉ
Par M. Jean-Patrick COURTOIS,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Mme Dinah
Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour,
vice-présidents
; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck,
Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest,
secrétaires
;
Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José
Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye,
Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec,
Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier,
Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques
Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex
Türk, Maurice Ulrich.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1078
,
1111
à
1116
et T.A.
193
.
Sénat
:
65
et
66
(annexe n°
30
)
(1998-1999).
Lois de finances.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le 18 novembre 1998, sous la présidence
de M.
Jacques Larché, président, la commission des lois a
procédé, sur le rapport de M. Jean-Patrick Courtois,
à l'examen pour avis des crédits de la police inscrits dans le
projet de loi de finances pour 1999, dont la commission des finances est saisie
au fond.
La commission a constaté que l'amélioration des statistiques
globales de la criminalité enregistrée depuis trois ans ne
semblait pas se poursuivre en 1998 et que le sentiment
d'insécurité de nos concitoyens persistait, alimenté par
la recrudescence de la violence urbaine de proximité et de la
délinquance des mineurs.
Au plan budgétaire, elle a regretté que la priorité
affichée par le Gouvernement pour la politique de sécurité
ne trouve pas sa pleine traduction dans le budget de la police pour 1999, dont
la croissance, certes légèrement plus favorable que l'ensemble du
budget, se révèle être en grande part, dans une
administration qui gère 133 000 agents, la traduction mécanique
de l'accord salarial de la fonction publique de février 1998.
Elle a notamment relevé l'insuffisance des crédits de formation,
et d'équipement, et constaté l'abandon sur plusieurs points des
objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation du
21 janvier 1995.
Tout en souscrivant à l'objectif d'amélioration de la
sécurité de proximité poursuivi par le Gouvernement, elle
s'est interrogée sur la validité d'une politique reposant, pour
l'essentiel, sur des emplois-jeunes, dont le recrutement semble
problématique et l'avenir incertain, ainsi que sur un difficile
redéploiement territorial des forces de police et gendarmerie.
Sur ce dernier point, elle a regretté l'insuffisance de concertation
préalable et elle a souhaité que les redéploiements ne
s'opèrent pas au détriment de la sécurité des
communes qui se verraient privées d'un commissariat ou d'une brigade de
gendarmerie.
Ces observations ont conduit la commission des lois à ne pas souscrire
au budget proposé pour la section police-sécurité du
projet de loi de finances pour 1999 et à s'en remettre à
l'appréciation de la commission des finances.
Mesdames, Messieurs,
Avant d'examiner les crédits de la police pour 1999, votre rapporteur
rappelle qu'il a le redoutable honneur de succéder à M. Paul
Masson qui a, avec la compétence que chacun lui reconnaît, rempli
cette mission au sein de la commission des Lois pendant douze ans.
L'amélioration des statistiques globales de la criminalité
constatée depuis trois ans ne semble pas se poursuivre en 1998. En tout
état de cause, elle n'avait pas transparu dans la vie quotidienne des
Français, dont le sentiment d'insécurité a
persisté, alimenté par la recrudescence de la violence urbaine,
du trafic de drogue et de la délinquance des mineurs.
Au colloque de Villepinte, le 25 octobre 1997, le Premier ministre avait
rappelé que tout citoyen a droit à la sécurité,
socle nécessaire à l'exercice des libertés. On ne peut que
se féliciter de voir le Gouvernement adhérer à une
perception de la sécurité directement issue de notre
déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et source d'inspiration
de la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995,
présentée par M. Charles Pasqua, alors ministre de
l'intérieur.
Les grandes orientations du Gouvernement en matière de politique de
sécurité sont désormais arrêtées par le
Conseil de sécurité intérieure, qui s'est réuni
quatre fois depuis sa création officielle par décret du 18
novembre 1997.
La police doit faire face à des défis multiples tant sur le front
de la délinquance de proximité que sur celui des trafics
internationaux qui exigent une coopération internationale active.
Depuis 1995, elle a connu une profonde réorganisation initiée par
la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995.
En 1997, elle a constaté, avec la gendarmerie nationale,
3,5 millions d'infractions et procédé à près
de 10 000 mesures de reconduite à la frontière.
Le budget de la police pour 1999 qui s'élève à
29,11 milliards de francs, soit 2,9 % de plus que l'année
précédente, augmente légèrement plus que l'ensemble
du budget. Malgré cela, le montant des crédits conduit à
mettre en doute la sincérité de la priorité
affichée pour la politique de sécurité. Leur croissance
est insuffisante pour atteindre les objectifs fixés par la loi
d'orientation et de programmation en matière de personnel comme
d'équipement.
Si on ne peut que souscrire à la priorité donnée par le
Gouvernement à la politique de sécurité de
proximité, on peut s'interroger sur la validité de sa mise en
oeuvre reposant, pour l'essentiel, sur des emplois-jeunes dont le recrutement
semble problématique et l'avenir incertain. 7600 adjoints des
sécurité devraient être ainsi recrutés en 1999,
s'ajoutant aux 8250 inscrits au budget de 1998. Il faut espérer que les
500 contrats locaux de sécurité, signés ou sur le point de
l'être, mobiliseront efficacement au niveau local l'ensemble des
intervenants publics et privés en matière de prévention et
de répression de la délinquance.
On peut également s'interroger sur le redéploiement territorial
des forces de police et de gendarmerie décidé par le Conseil de
sécurité intérieure dans la ligne des conclusions du
rapport de nos collègues parlementaires en mission, M. Roland
Carraz, député, et M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. Ce
projet, qui a jusqu'à présent fait l'objet d'une concertation
insuffisante avec les élus, ne doit pas être mis en oeuvre au
détriment de la sécurité de communes qui se verrait
privées d'un commissariat ou d'une brigade de gendarmerie.
Après avoir souligné les conditions souvent très
périlleuses dans lesquelles les policiers se dévouent au service
de la sécurité de notre pays ainsi que le caractère
psychologiquement de plus en plus éprouvant de l'exercice de leur
métier, votre rapporteur tient à rendre hommage aux
25 policiers décédés ou blessés au cours de
l'année lors d'opérations de police.
I. L'ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ FAIT APPARAÎTRE DES RÉSULTATS CONTRASTÉS
Comme
les trois années précédentes, l'année 1997 a
enregistré une amélioration des statistiques globales de la
délinquance et de la criminalité.
Mais cette évolution, qui ne semble d'ailleurs pas se poursuivre en
1998, n'a guère été perçue dans la vie quotidienne
des Français chez qui le sentiment d'insécurité
n'a
pas diminué, alimenté par une délinquance de
proximité de plus en plus violente mettant en cause un nombre croissant
de mineurs alors que les conditions d'une mobilisation efficace contre le
trafic de drogue, le terrorisme et l'immigration irrégulière
n'étaient pas toujours réunies.
A. LA BAISSE DES STATISTIQUES GLOBALES DE LA CRIMINALITÉ S'EST POURSUIVIE EN 1997.
En 1997,
les services de police et de gendarmerie ont constaté
3.493.442 crimes ou délits
, soit environ 66.000 de moins que
l'année précédente.
La criminalité globale se caractérise donc par une
diminution
de 1,86 %
par rapport à l'année
précédente, la criminalité moyenne pour
1.000 habitants s'établissant à
59,97
contre 61,35 en
1996.
Alors que l'on avait assisté à une augmentation ininterrompue de
la criminalité depuis 1989,
l'évolution favorable depuis
1995
a conduit depuis cette date à une baisse de
10,86 %,
les
chiffres revenant en valeur absolue à un niveau comparable à
celui enregistré en 1990.
ÉVOLUTION DÉCENNALE DE LA CRIMINALITÉ EN FRANCE
Années |
Nombre d'infractions |
Evolution
|
Taux pour 1000 habitants |
1988 |
3.132.694 |
- 1,21 |
56 |
1989 |
3.266.442 |
+ 4,27 |
58 |
1990 |
3.492.712 |
+ 6,93 |
62 |
1991 |
3.744.112 |
+ 7,20 |
66 |
1992 |
3.830.996 |
+ 2,32 |
67 |
1993 |
3.881.894 |
+ 1,33 |
67 |
1994 |
3.919.008 |
+ 0,96 |
67 |
1995 |
3.665.320 |
- 6,47 |
63 |
1996 |
3.559.617 |
- 2,88 |
61 |
1997 |
3.493.442 |
- 1,86 |
60 |
La
diminution de la criminalité en 1997 résulte principalement de
celle des vols (-3,72%) et en particulier des
vols liés à
l'automobile
et aux
deux roues
à moteur
(
-
5,6 %).
Cette amélioration est vraisemblablement en grande partie la
conséquence des efforts consacrés aux systèmes anti-vols.
Les chiffres du
premier semestre 1998
semblent cependant orientés
à la hausse, la criminalité globale augmentant de 2,32% sur
l'ensemble du territoire et de 5% à Paris. Cette augmentation pourrait
être en partie liée au déroulement de la coupe du monde de
football sur notre territoire.
Sur longue période, on constate que les chiffres de la
criminalité ont été
multipliés par 6 depuis
1950
, la croissance ayant été constante depuis cette date,
à des rythmes plus ou moins élevés, avec néanmoins
un premier retournement de tendance de 1984 à 1988.
B. MAIS LE SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DE NOS CONCITOYENS NE DIMINUE PAS
Comme votre commission l'a déjà souligné l'année dernière, il existe un décalage entre l'amélioration des statistiques globales et la perception de leur sécurité par les citoyens. Ceci s'explique par plusieurs facteurs objectifs.
1. La forte croissance de la violence de proximité
La
violence affecte de plus en plus les Français dans leur vie quotidienne.
Depuis 10 ans, parmi les infractions dites de masse, qui sont les plus
courantes, les
dégradations
et
les coups et blessures
volontaires
ont doublé. En 1997, les
coups et blessures
volontaires
ont continué à croître de
8,60 %
et les
vols avec violence
de
3,10 %
ainsi qu'il ressort
du tableau ci-dessous.
ÉVOLUTION DÉCÉNNALE DES INFRACTIONS DE MASSE
INFRACTIONS |
1988 |
1992 |
1996 |
1997 |
Évolution
|
Évolution
|
Coups et blessures volontaires |
42 512 |
55 613 |
75 425 |
81 910 |
8,60 % |
92,68 % |
Cambriolages |
375 851 |
462 497 |
436 414 |
407 385 |
-6,65 % |
8,39 % |
Vols avec violence |
43 409 |
60 324 |
70 031 |
72 203 |
3,10 % |
66,33 % |
Vols à l'étalage |
63 355 |
70 856 |
59 627 |
57 055 |
-4,31 % |
-9,94 % |
Vols à la tire |
99 305 |
102 990 |
80 984 |
79 747 |
-1,53 % |
-19,69 % |
Vols de véhicules |
360 509 |
504 939 |
443 767 |
417 360 |
-5,95 % |
15,77 % |
Vols Roulotte |
675 032 |
886 011 |
704 955 |
672 101 |
-4,66 % |
-0,43 % |
Recels |
26 963 |
34 089 |
34 324 |
35 381 |
3,08 % |
31,22 % |
Falsifications |
173 891 |
180 721 |
163 698 |
154 675 |
-5,51 % |
-11,05 % |
Dégradations |
204 218 |
374 569 |
447 376 |
454 180 |
1,52 % |
122,40 % |
Total Infractions de masse |
2 065 045 |
2 732 609 |
2 516 601 |
2 431 997 |
-3,36 % |
17,77 % |
Total de la criminalité |
3 132 694 |
3 830 996 |
3 559 617 |
3 493 442 |
-1,86 % |
11,52 % |
% de la criminalité totale |
65,92 % |
71,33 % |
70,70 % |
69,62 % |
|
|
Cette année, la recrudescence de la violence dans les transports en commun a particulièrement affecté les usagers comme les personnels. Ces derniers n'acceptent plus, à juste titre, d'être quotidiennement mis en danger dans l'exercice de leurs fonctions. S'il convient de prendre les mesures préventives nécessaires, il convient également de renforcer les sanctions des infractions commises à l'encontre de personnels qui restent souvent les seuls représentants du service public dans des banlieues désertées.
2. Une réponse répressive insuffisante
La
non élucidation
des infractions de
proximité est fréquente. Alors que le taux d'élucidation
des crimes et délits contre les personnes dépasse les 75 %
et qu'il est en moyenne de 29,47 % pour l'ensemble des infractions (contre
30,20% en 1996), il s'établit à 13 % pour les vols et à
moins de
10% pour l'ensemble de la délinquance de voie publique
.
La faiblesse de la réponse pénale aggrave encore ce
phénomène puisque, en moyenne,
80 % des affaires
élucidées en ces matières sont classées sans
suite
par les parquets faute de moyens pour les traiter. Votre commission a
fréquemment déploré cette rupture de la chaîne
répressive estimant que classement sans suite ne devait pas être
une solution pour pallier l'encombrement des tribunaux.
Il s'ensuit un sentiment d'impunité qui encourage la
délinquance, démotive profondément la police et dissuade
les citoyens eux-mêmes de porter plainte.
On observe, en outre, l'apparition, à côté d'une
réelle délinquance, de comportements provocants, dits
"
incivils
", qui, même s'ils ne sont pas toujours
susceptibles d'être réprimés pénalement, sont
durement ressentis par les populations concernées.
Pour ces raisons, les statistiques de la délinquance de
proximité sont certainement minimisées
et ne rendent compte
qu'imparfaitement de la situation réelle.
3. Une répartition géographique inégale
L'ensemble de ces phénomènes de
délinquance
urbaine se concentre principalement dans les banlieues et les quartiers
défavorisés dont les habitants ont le sentiment d'être
à l'écart des services de l'Etat en devenant de fait des citoyens
de deuxième rang, condamnés à vivre dans des
zones de
non-droit
en contact quotidien avec la violence urbaine et la
multiplication des trafics.
Le ministère de l'intérieur a déterminé
673 quartiers sensibles
en proie à la violence urbaine.
Parmi ceux-ci,
132
, dont 55 en région Ile-de-France, sont
régulièrement le siège de
violences
anti-policières
.
Vingt-six
départements ont été
déterminés comme
très sensibles
et
vingt et
un
comme
sensibles
.
Quatre régions, Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d'azur,
Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais, concentrent à elles seules plus
de la moitié (54,58%) des crimes et délits constatés en
France métropolitaine pour 43% de la population.
Par ailleurs, la baisse globale de la criminalité observée en
1997 n'est pas uniforme sur l'ensemble du territoire.
Parmi les 22
régions
françaises,
7 ont
enregistré une hausse
de la criminalité en 1997 :
Nord-Pas-de-Calais (1,66%), Champagne-Ardennes (1,48%), Limousin (1,20%),
Lorraine (1,11%), Bourgogne (1,05%), Basse-Normandie (0,94%) et
Midi-Pyrenées (0,44%). Il en est ainsi de trente-sept
départements.
Sur les 11 circonscriptions de sécurité publique de plus de
250 000 habitants, trois ont enregistré une hausse de la
criminalité, à savoir Lille (5,23%), Lyon (4,49%) et Bordeaux
(2,70%).
C. LA DÉLINQUANCE DES MINEURS CONTINUE DE S'ACCROÎTRE DE MANIÈRE PRÉOCCUPANTE
En 1997,
le nombre de mineurs âgés de 13 à 18 ans impliqués
dans des crimes ou des délits s'est
accru de 7,38 %,
atteignant 154 437.
Leur part dans le total des personnes mises en cause a continué de
progresser. Elle s'établit à
19,37 %
contre 17,87% en
1996 et 11,96% en 1988. Sur le premier semestre 1998, la part des mineurs a
dépassé
22%.
Il faut noter que la
part des filles
tend à augmenter dans la
population des mineurs mis en cause (10,47% de femmes en 1997 pour 9,32% en
1996), mais qu'elle reste inférieure à celle des femmes adultes
dans le total des mis en cause majeurs (14,81%).
Le caractère de plus en plus
précoce
de la
délinquance devient un véritable sujet de préoccupation
pour les services de police qui sont souvent confrontés à des
enfants de moins de 13 ans, voire même, de moins de 10 ans.
La participation des mineurs est particulièrement importante en
matière de vols. Ils représentent ainsi 59 % des mis en cause
pour des vols de deux roues à moteur et 32,12 % sur l'ensemble des vols.
Mais
l'augmentation des actes de violences impliquant des mineurs
se
poursuit également de manière particulièrement alarmante.
43,4 % des vols avec violence
constatés en 1997 ont
donné lieu à la mise en cause d'un mineur, contre 40 %
l'année précédente. La part des mineurs
s'élève à 14,6% dans les coups et blessures volontaires et
à 17,19% dans les viols.
Cette situation reflète la
faillite des modes de régulation
habituels
, l'approche éducative classique n'ayant pas de prise sur
les jeunes délinquants et l'emprisonnement (possible à partir de
13 ans selon des règles spécifiques) ne conduisant qu'à
fabriquer des récidivistes en puissance.
Les conclusions du rapport de la mission interministérielle
confiée à nos collègues députés,
Mme Christine Lazergue et M. Jean-Pierre Balduyck, ont
été examinées par le conseil de sécurité
intérieure du 8 juin dernier qui a arrêté les grandes
orientations
d'un plan gouvernemental de lutte contre la délinquance
des mineurs
. Ce dernier, qui s'inscrit dans une logique de programmation
sur la période 1999-2001, a été précisé par
la circulaire du 6 novembre du Premier ministre et par la circulaire
interministérielle du même jour.
S'il ne
remet pas en cause l'approche éducative de l'ordonnance de
1945
, ce plan affiche néanmoins la volonté de trouver un
équilibre entre prévention et sanction et d'apporter une
réponse systématique adaptée à chaque acte de
délinquance
. Une circulaire adressée le 15 juillet par le
garde des sceaux aux parquets met à cet égard l'accent sur le
développement des mesures de médiation-réparation. Il est
prévu de renforcer et d'adapter les dispositifs d'hébergement des
mineurs de manière à offrir aux magistrats des solutions
diversifiées, y compris l'éloignement des jeunes. Les conditions
d'incarcération des mineurs seront améliorées. Les parents
seront responsabilisés. Automatiquement convoqués à chaque
stade des procédures concernant leurs enfants, ils pourront de plus voir
prononcer à leur encontre les mesures existantes de suspension ou de
mise sous tutelle des prestations familiales.
Ce plan prévoit la mobilisation de l'ensemble des intervenants, police,
justice, éducation nationale, collectivités locales et
associations, dans un cadre territorialisé donnant priorité, pour
l'affectation de moyens nouveaux, aux 26 départements jugés
les plus sensibles. Tous participeront, dans le cadre fixé par la
circulaire interministérielle du 2 octobre 1998, à la mise
en oeuvre du
plan gouvernemental de lutte contre la violence à
l'école
annoncé le 5 novembre 1997.
Les policiers, quant à eux, recevront une formation spécifique au
traitement de la délinquance des mineurs. Chaque département
très sensible sera doté au minimum d'une brigade des mineurs dont
la compétence sera étendue aux violences en milieu scolaire
.
Dans chaque circonscription de sécurité publique sera
désigné un correspondant police-jeune.
Votre commission estime que la lutte contre la délinquance des
mineurs doit être commencée à la base par un
véritable apprentissage de la citoyenneté. Il ne faut pas laisser
sans réponse les petites infractions au risque d'accréditer
l'idée que leurs auteurs ne sont pas soumis à la loi commune. Il
faut impliquer davantage les parents et ne pas hésiter à punir
les meneurs et à les éloigner de leur milieu d'origine pour
tenter de soustraire leurs camarades à leur influence.
D. LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE DÉTERMINÉE DE LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE
Votre
commission a eu maintes fois l'occasion de rappeler l'importance qu'elle
attachait à la lutte contre le fléau que représente la
drogue.
En 1997, l'augmentation de
9,22 %
du nombre d'infractions a
porté principalement sur le trafic et la consommation.
Infractions à la législation sur les
stupéfiants
Type d'infractions |
Année 1996 |
Année 1997 |
Variation 97/96 |
TOTAL |
79.617 |
86.961 |
+ 9.22 % |
- dont trafic |
5.158 |
8.300 |
+60,92 % |
- usage-revente |
12.424 |
12.115 |
- 2,49 % |
- consommation |
57.981 |
63.003 |
+ 8,66 % |
Les
services répressifs ont enregistré 228 décès
liés à l'usage de drogue en 1997, soit une diminution de
près de 42 % par rapport à l'année
précédente s'inscrivant dans la continuité des trois
dernières années. Ce mouvement doit être mis en relation
avec la
désaffection constatée pour l'usage de
l'héroïne
, lié à la peur de l'injection, à
la diffusion des protocoles de substitution mais aussi à
l'apparition
de nouvelles drogues
de synthèse
comme le crack ou l'ecstasy
dont la consommation s'accroît de manière alarmante.
Sur le
plan international
, votre commission a
régulièrement eu l'occasion d'attirer l'attention sur l'ampleur
des trafics en provenance des
Pays-Bas
et plus globalement sur les
difficultés que suscite la politique hollandaise de la drogue. Un accord
de coopération a été signé le 20 avril dernier dans
le domaine de la police et de la sécurité laissant espérer
que les relations avec ce pays sont en voie d'amélioration.
Votre rapporteur tient à rappeler que la lutte contre la drogue passe,
tant en ce qui concerne l'action interne que la coopération
internationale, par une
mobilisation permanente de tous les moyens
. Ceci
implique que l'action préventive et répressive des pouvoirs
publics entreprise sous l'égide de la mission interministérielle
de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), sévèrement
critiquée par la Cour des comptes dans un rapport rendu public en
juillet dernier, puisse être mieux coordonnée et plus efficace.
Mais ceci exige avant tout que la politique du Gouvernement en la
matière soit ferme et sans ambiguïté
. L'indulgence
montrée envers l'appel de 111 personnalités prônant la
dépénalisation de l'usage du cannabis ou les déclarations
de membres du Gouvernement allant en ce sens, ne peuvent que
générer une
démobilisation des services chargés
de la répression
.
La lutte contre la drogue ne doit en aucun cas
être mise sur le même plan que celle contre le tabac et
l'alcool
, comme pourrait conduire à le penser la déclaration
sur la réduction des risques en matière de toxicomanie,
effectuée au Sénat le 16 juin dernier par le secrétaire
d'Etat à la santé qui a fait ressortir, sur la base du rapport du
professeur Bernard Roques, les dangers de l'alcool, du tabac et des
médicaments psychotropes...
E. UNE MOBILISATION PERSISTANTE CONTRE LE TERRORISME
Les
services régionaux de police judiciaire et la division nationale
anti-terroriste sont restés très mobilisés par la lutte
contre le terrorisme durant les douze derniers mois.
En un an, les investigations de la brigade nationale anti-terroriste ont
donné lieu à 383 mesures de garde à vue et à la
mise sous écrou de 85 personnes.
Le début de l'année 1998 a été marqué par
l'assassinat, le 6 février 1998, du
Préfet de la
région corse
, M. Claude Erignac. Les investigations
menées actuellement sont axées sur la recherche des auteurs du
meurtre et leurs commanditaires. Elles ont mis en évidence de nombreuses
pratiques mafieuses et ont conduit à l'interpellation de 152 personnes,
dont 21 ont été écrouées, durant le premier
semestre 1998.
La persistance de la menace d'une nouvelle vague d'attentats des
groupes
armés islamiques
(GIA) sur le territoire national à
l'approche de la coupe du monde de football a conduit les services
anti-terroristes à diligenter, en liaison avec d'autres pays
européens, une opération qui a abouti à la neutralisation
d'un réseau terroriste qui avait notamment projeté d'assassiner
le recteur de la grande mosquée de Paris.
Des opérations ont également permis l'arrestation de dix
activistes de
l'ETA-Militaire
basque et le démantèlement
d'une filière d'approvisionnement de cette organisation en explosifs en
provenance de Bosnie-Herzégovine ainsi que le
démantèlement des réseaux de soutien d'organisations
terroristes turco-kurdes.
F. UNE LUTTE PERTURBÉE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE.
L'année 1997 a été marquée par
l'émergence forte et soutenue d'une
immigration irakienne
irrégulière d'origine kurde
(5 385 non-admissions), qui
s'est concentrée pour une grande part à la
frontière
italienne,
où il a été constaté
une
hausse de 35% de la pression migratoire irrégulière. Des mesures
de riposte exceptionnelles ont été prises à la suite de la
réunion de Rome, le 8 janvier 1998, des directeurs
généraux de la police des pays européens.
Le paysage de l'immigration irrégulière s'est trouvé
modifié du fait de l'application de
l'accord de Schengen
,
le
1er avril 1998
, à la frontière franco-italienne. Une
stratégie intégrant la notion de frontière zone filtrante
et de contrôles policiers mobiles concertés avec les forces de
sécurité italiennes a dû être mise en place, les
difficultés de coopération rencontrées au départ
semblant maintenant en voie de résolution.
Globalement, en 1997, le nombre de mesures de
non-admission
aux
frontières enregistrées par la direction centrale du
contrôle de l'immigration irrégulière et de la lutte contre
l'emploi des clandestins (DICCILEC) s'est élevé à
46
366
contre 43 775 en 1996, soit une augmentation de
5,92 %.
L'office central pour la répression de l'immigration
irrégulière et de l'emploi des étrangers sans titre
(OCRIEST), créé en 1996 et chargé tout
particulièrement de lutter contre les
filières d'immigration
de type mafieux
à ramifications internationales, a permis le
démantèlement de 10 filières internationales
d'immigration irrégulière et de 16 ateliers clandestins en
1997.
L'immigration irrégulière est en effet passée de
l'entreprise individuelle à
l'organisation de filières
structurées.
Malgré un accroissement de la pression migratoire, le
nombre de
personnes effectivement éloignées du territoire
s'est
élevé à
9 947
contre 12 571 en 1996.
Cette
importante diminution,
qui semble s'amplifier en 1998, est en
partie due à la situation politique troublée de certains pays
africains ayant rendu difficile les reconduites vers ceux-ci. Mais elle
résulte principalement des
instructions données aux
préfectures,
pendant une grande partie de l'opération de
régularisation des " sans papiers " (jusqu'au 24 avril 1998),
de ne pas procéder à des mesures d'éloignement.
En application de la circulaire du 24 juin 1997, et
avant l'entrée en
vigueur de la loi du 11 mai 1998
qui a modifié une nouvelle fois les
dispositions de l'ordonnance de 1945 sur l'entrée et le séjour
des étrangers, a en effet été engagée une vaste
opération de régularisation des étrangers
vivant
en situation irrégulière
sur le territoire
français. L'examen par les préfectures des
145 898
dossiers
jugés recevables est à peu près
achevé. Au 31 octobre 1998, l'opération avait donné
lieu à
78 705 régularisations contre
63 710 rejets,
environ 9 000 recours gracieux auprès
des préfectures et 13 000 recours hiérarchiques
auprès du ministre étant encore en cours de traitement. Les
circulaires des 10 et 19 août ont, pour l'examen de ces recours, assoupli
les conditions préalablement exigées par la circulaire initiale.
Le ministère de l'intérieur envisage la fin de l'opération
pour la fin de l'année 1998.
Ainsi que l'avait prévu M. José Balarello dans son rapport
au nom de la commission d'enquête du Sénat sur les
régularisations, présidée par M. Paul Masson
1(
*
)
, il semble que
cette opération, dont les
conséquences ont été mal évaluées au
départ, doive aboutir à une impasse
concernant les quelque
50 000 à 60 000 personnes qui auront au bout du compte
essuyé un refus de régularisation. La commission d'enquête
avait en effet critiqué l'institution par cette procédure de
" clandestins officiels
", personnes en situation
irrégulière, désormais connues des services de police,
mais ne pouvant faire, ne serait ce que du fait de leur nombre trop
élevé, l'objet d'une reconduite effective à la
frontière.
Les dispositifs d'aide au retour dans le pays d'origine n'ont pas
rencontré le succès escompté et il y a fort à
craindre que cette situation perdure en dépit des nouvelles mesures
annoncées au Conseil des ministres du 4 novembre dernier.
Alors que les manifestations de soutien aux sans papiers non
régularisés se multiplient,
votre commission
regrette
cette situation inextricable due aux faux espoirs suscités par le
Gouvernenment mais rappelle que tout nouvel assouplissement des critères
de régularisation ne pourrait que créer un appel d'air à
l'immigration irrégulière et démobiliser fortement les
services de l'Etat compétents en la matière
.
II. UNE PRIORITÉ DONNÉE A LA POLITIQUE DE PROXIMITÉ
Pour lutter contre l'insécurité au quotidien, le Gouvernement a souhaité relancer une politique de proximité en rapprochant les forces de police des citoyens et en adoptant une démarche globale qui suppose la mobilisation de tous les acteurs sur le terrain.
A. LES CONTRATS LOCAUX DE SÉCURITÉ
Mis en
place par la circulaire interministérielle du 28 octobre 1997, les
contrats locaux de sécurité ont pour objet de mobiliser tous les
partenaires publics et tous les acteurs sociaux dans la mise en oeuvre au
niveau local d'un véritable dispositif préventif et
répressif de lutte contre l'insécurité.
Ils sont cosignés par le préfet, le procureur de la
République et le ou les maires concernés et associent, outre les
services de l'Etat, des partenaires privés tels les bailleurs sociaux,
les sociétés de transports en commun et les associations.
Ces contrats déterminent les objectifs à atteindre et les actions
à engager sur la base d'un
diagnostic local de
sécurité
.
Les emplois-jeunes de proximité sont affectés prioritairement
à la réalisation des objectifs fixés par ces contrats dans
les zones très sensibles.
Au 20 août,
120 contrats
avaient été signés
et
397
étaient en cours d'élaboration.
La plupart des contrats sont conclus dans le cadre des communes. Peu le sont au
niveau des agglomérations. Certains ont un aspect thématique
(transports en commun).
Moins de la moitié des contrats (40,5%) interviennent dans les 26
départements les plus sensibles. La taille des communes
concernées est très variable (11 villes de plus de 200 000
habitants pour 23 communes de moins de 5 000 habitants et un village
alsacien de 631 habitants...).
Le
contrat local de sécurité de Paris
est en cours
d'élaboration. Il comprendra un contrat proprement dit et une
série d'annexes thématiques (toxicomanie, délinquance des
mineurs, sécurité dans les transports) ou territoriales
(principalement par arrondissements). La signature devrait intervenir à
la fin de l'année 1998, en présence des maires d'arrondissement
qui seront appelés à valider les annexes concernant leur
arrondissement.
Une mission interministérielle d'évaluation des contrats
2(
*
)
a souligné, au mois d'octobre, le
caractère souvent trop sommaire des diagnostics locaux de
sécurité, constatant que l'urgence de la signature du contrat
avait été parfois jugée plus importante que le diagnostic
et le contrat lui même. Elle a regretté par ailleurs la
réticence des maires à signer des contrats d'agglomération
ainsi qu'une insuffisante concertation entre les différents services de
l'Etat et avec les conseils généraux.
La mise en place d'une cellule nationale d'animation et d'évaluation des
contrats a été décidée lors du Conseil de
sécurité du 12 octobre dernier.
B. LES EMPLOIS DE PROXIMITÉ
Le Gouvernement prévoit le déploiement jusqu'en l'an 2000 de 35.000 emplois de proximité sur le terrain dont 20.000 adjoints de sécurité et 15.000 agents locaux de médiation , recrutés dans le cadre des dispositions de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. Les conditions de mise en place de ces emplois suscitent de nombreuses inquiétudes.
1. Les adjoints de sécurité
Les
adjoints de sécurité sont des " emplois-jeunes " dont
le statut a été précisé par un décret du 30
octobre 1997. Agés de 18 à 25 ans, ils sont engagés pour
cinq ans
sur la base d'un
contrat de droit public
. Ils doivent
permettre de faire face à des besoins non satisfaits en matière
de prévention, d'assistance et de soutien, particulièrement dans
les quartiers les plus sensibles.
Ils sont placés sous l'autorité des fonctionnaires des services
actifs de la police nationale. Leurs
missions
prévues par les
textes sont assez
variées
. Elles devraient permettre notamment de
renforcer l'îlotage, d'améliorer l'accueil et l'information du
public dans les commissariats, de soutenir les victimes en les aidant dans
leurs démarches administratives, de contribuer à des actions
d'intégration des étrangers, de participer à la
surveillance de la sortie des écoles et d'apporter une aide au public
sur la voie publique.
Ils ne peuvent pas participer à des missions de police judiciaire ou de
maintien de l'ordre, mais ils portent une
arme
quand leurs missions le
justifient.
Les candidats sont recrutés dans le
cadre départemental
sur la base d'une sélection reposant sur des
tests psychologiques
et un entretien.
Aucun diplôme
n'est exigé.
Les adjoints bénéficient d'une
formation initiale d'une
durée de deux mois
comprenant une partie technique en école
de six semaines et un stage de deux semaines dans un service.
Ils sont rémunérés au
SMIC
sur la base de 169
heures de travail mensuelles.
Leur prise en charge financière est répartie entre le budget du
ministère de l'intérieur qui assure 20 % des
rémunérations, charges sociales comprises, et la totalité
des frais de fonctionnement, et celui du ministère de l'emploi qui
assure les 80 % restant des rémunérations.
8250 emplois d'adjoints de sécurité étaient inscrits dans
le budget de 1998. Au 1er septembre 1998,
6067
avaient été
recrutés, dont 5119 étaient en poste dans les services,
principalement à la direction de la sécurité publique, 701
étant en formation et 247 ayant quitté le dispositif (58, pour
inaptitude ou indiscipline, et 57 à la suite de la réussite d'un
concours dans la police nationale).
Leur affectation se situe principalement dans les 26 départements
classés très sensibles (79%) et les 21 départements
classés sensibles (13%).
Dans les faits, les adjoints de sécurité ont été
affectés majoritairement à des tâches d'îlotage et
d'accueil dans les commissariats et
sont le plus souvent dotés d'une
arme
.
Des
difficultés de recrutement
sont apparues. La
présentation des tests psychologiques s'est révélée
trop sélective pour les jeunes issus de quartiers sensibles ou de
communautés étrangères. Un
déficit de
candidatures a de plus été constaté en région
parisienne,
contrairement au reste de la France. De ce fait, les candidats
recrutés dans cette région ont un niveau scolaire moindre que
celui atteint dans le reste de la France, 60% ayant un niveau inférieur
au bac, contre 30% sur le reste du territoire.
Une mission d'inspection commune de l'inspection générale de
l'administration et de l'inspection générale de la police
nationale a relevé que les adjoints de sécurité ne
bénéficiaient pas toujours d'un
encadrement suffisant
, le
problème étant plus aigu en région Ile-de-France où
sont affectés beaucoup de gardiens de la paix stagiaires. La mission a
relevé que les tuteurs des adjoints ne recevaient pas toujours la
formation spécifique nécessaire et que la
formation
sur le
terrain des adjoints eux-mêmes avant leur entrée en fonctions
était souvent déficiente.
Pour 1999, il est prévu de recruter
7 600 adjoints de
sécurité supplémentaires
ce
qui porterait leur
nombre à 15 850 à la fin de l'année, l'objectif de
20 000 devant être atteint au cours de l'année 2000.
275,77 millions de francs
ont été inscrits au budget
de l'intérieur pour les rémunérations des adjoints de
sécurité (chapitre 31-96) et
221,75 millions
pour les
frais de fonctionnement correspondants (chapitre 34-41, article 80).
Compte tenu du grand nombre de départs à la retraite et des
recrutements attendus dans le corps de maîtrise et d'application dans les
années à venir (environ 25 000 en cinq ans), les jeunes
embauchés auront toute facilité pour passer les concours de
recrutement et être à terme intégrés dans la police.
Il est envisagé de leur réserver
40% des postes ouverts aux
concours
de recrutement de gardiens de la paix.
Votre commission rappelle que les adjoints de sécurité ne
doivent pas être considérés comme des supplétifs
à moindre coût de la police nationale.
Elle insiste pour qu'un soin particulier soit apporté à la
sélection des candidats
, d'autant plus qu'ils auront
vocation
à rentrer en nombre par concours spéciaux dans la police
. Or,
il semble que les recrutements massifs actuellement opérés soient
peu propices à assurer la qualité des personnels
concernés, principalement en région parisienne, du fait du
déficit de candidatures constaté.
Elle estime indispensable que soit assurée la qualité de la
formation et de l'encadrement
de ces jeunes peu expérimentés,
à qui sont confiées des
missions parfois dangereuses
et
qui sont
le plus souvent dotés d'une arme
. Or, cet encadrement
est rendu problématique en raison du manque d'effectifs dans le corps de
maîtrise et d'application. Il ne faut pas oublier que les
20 000 adjoints de sécurité représenteront plus
du cinquième de l'effectif total du corps de maîtrise et
d'application.
2. Les agents locaux de médiation sociale
Les
agents locaux de médiation sociale sont recrutés dans le cadre de
l'article premier de la loi sur l'emploi des jeunes, pour 5 ans et sur la base
de contrats de droit privé, pour remplir des tâches de
prévention, périphériques de la sécurité
publique au sens strict.
Ils sont mis en place dans le cadre des contrats locaux de
sécurité. Le coût de leur rémunération est
supporté pour 20 % par l'employeur et 80 % par le ministre de
l'emploi.
Au cours du premier semestre 1998,
1126 jeunes
avaient ainsi
été recrutés.
Ils sont principalement employés par des communes mais également
par d'autres personnes morales de droit public ou privé, telles des
sociétés de HLM ou des entreprises de transports publics.
Les missions effectivement confiées aux agents de médiation sont
très variées : service de nuit dans les logements sociaux,
surveillance dans les transports en commun, aux abords des
établissements scolaires ou des espaces verts, aide aux jeunes en
difficulté, accueil des victimes, médiation sociale,
prévention de la toxicomanie, développement de solidarités
de voisinage, action d'intégration des publics les plus fragiles.
Des difficultés sont apparues en matière d'encadrement et de
formation de ces jeunes, les collectivités employeurs étant
souvent démunies de cadres pour assurer l'un et l'autre.
C. UN REDÉPLOIEMENT CONTESTÉ DES EFFECTIFS DE LA POLICE ET DE LA GENDARMERIE
En
application de l'article 8 de la loi d'orientation n° 95-73 du
21 janvier 1995, le décret n° 96-827 du
19 décembre 1996 avait posé le principe de
l'étatisation de la police des communes dont la population est
supérieure à 20.000 habitants et dont les caractéristiques
de la délinquance sont celles d'une zone urbaine, les chefs-lieux de
départements restant en tout état de cause sous régime
d'Etat.
La mise en oeuvre de ces dispositions supposait une nouvelle répartition
des zones placées sous la responsabilité respective de la police
et de la gendarmerie, la police étant compétente dans les zones
de police d'Etat et la gendarmerie dans les autres zones.
La mission conduite par nos collègues MM. Roland Carraz et Jean-Jacques
Hyest a posé, sur cette base, le principe d'un redéploiement
territorial des forces de police et de gendarmerie permettant de donner
priorité aux zones urbaines particulièrement touchées par
la délinquance de voie publique, à savoir la grande couronne
parisienne, les grandes agglomérations urbaines et le pourtour
méditerranéen. Ce principe doit donc permettre :
- le redéploiement de policiers dans ces zones sensibles à
la suite de transferts de compétences entre police et la gendarmerie ;
- le renforcement des effectifs de la gendarmerie dans les secteurs
péri-urbains relevant déjà de sa compétence ou qui
lui auront été nouvellement transférés, grâce
à un redéploiement interne de 1200 gendarmes. Dans le cadre du
plan " Gendarmerie 2 000 ", la gendarmerie a en effet
décidé de supprimer 153 unités territoriales
situées en zone de compétence de police et de ne garder en
principe qu'une seule brigade par canton dans les zones rurales.
Après validation de ces principes par le conseil de
sécurité intérieure du 27 avril 1997, les préfets
ont été saisis, dans le courant du mois d'août, de
propositions tendant à la fermeture de 94 commissariats et au transfert
de la responsabilité de la sécurité de 38 communes de la
gendarmerie vers la police.
Les transferts de compétence de la police à la gendarmerie
de
94
circonscriptions de sécurité publique
concernent 193 communes et correspondent à une population de 1,4
millions d'habitants et à un effectif de 3 000 fonctionnaires
susceptibles d'être redéployés.
Les transferts de compétence de la gendarmerie à la police
nationale
de
38
communes devant être rattachées
à des circonscriptions de sécurité publique existantes
correspondent à une population de 355 000 habitants et
supposent un renforcement en effectifs des circonscriptions de rattachement
estimé à 787 policiers.
Ce programme, qui ne concerne que la métropole, se traduirait par un
solde positif de 2460 policiers
susceptibles d'être
redéployés dans les zones sensibles.
Les décisions définitives devaient être prises en
décembre. Mais devant l'opposition des personnels comme des élus
qui se sont constitués en collectif, la mise en oeuvre du projet a
été suspendue et M. Guy Fougier, conseiller d'Etat, ancien
préfet de police a été chargé de mener des
consultations complémentaires.
Il semble en effet que la
concertation sur ce projet ait été
insuffisante
, nombre d'élus s'étant plaints d'avoir appris un
projet de fermeture de leur commissariat par les médias.
En tout état de cause, il faut veiller à ce que la
sécurité de communes aujourd'hui suffisamment dotées en
forces de sécurité ne soit pas compromise par la fermeture d'un
commissariat ou d'une brigade de gendarmerie.
Il est exact que, comme le font ressortir MM. Carraz et Hyest dans leur
rapport, la répartition des forces de sécurité sur le
territoire n'épouse pas la géographie de la criminalité.
Les ratios de policiers ou gendarmes par habitants des 25 départements
les plus touchés par la délinquance de voie publique sont
légèrement supérieurs à ceux des 25
départements les moins criminogènes (respectivement 2,17 et 2,09
policiers ou gendarmes pour 1000 habitants) pour un taux de
délinquance de voie publique par habitant qui varie dans un rapport de 1
à 3.
Il n'en demeure pas moins que les ratios de policiers par habitants dans les
zones les plus criminogènes ne sont pas inférieurs à ceux
rencontrés dans les zones moins criminogènes. Dans la mesure ou
il ne faut pas négliger
l'aspect préventif de l'action des
forces de sécurité
, les implantations de celles-ci ne doivent
pas tenir compte uniquement de la délinquance constatée mais
également de la population et de l'étendue du territoire à
protéger.
Plutôt que de supprimer des effectifs dans les zones
les moins criminogènes, il serait donc préférable, au nom
du droit à la sécurité de tous les citoyens, sur
l'ensemble du territoire, de les renforcer dans les zones où la
délinquance est la plus élevée.
La comparaison des ratios français de forces de l'ordre par habitant
avec ceux des pays européens voisins est souvent avancée pour
refuser des augmentations globales d'effectifs. Or, ces ratios (1 policier ou
gendarme pour 252 habitants en France, 283 habitants en Italie, 296 habitants
en Allemagne et 380 habitants au Royaume-Uni) ne tiennent pas compte de la plus
grande dispersion de l'habitat en France qui nécessite de
protéger l'ensemble du territoire
.
D. LA RÉFORME DE LA PRÉFECTURE DE POLICE DE PARIS
Cette
réforme, dont les principes ont été arrêtés
au printemps 1998, tend à développer à Paris une
véritable police de proximité en introduisant deux innovations :
- Création au niveau de
chaque arrondissement
d'une
circonscription unique de police urbaine de proximité
qui
regroupera, sous l'autorité d'un commissaire central d'arrondissement,
les moyens actuels des commissariats de sécurité publique et des
commissariats de quartiers chargés de la police judiciaire. Ce
regroupement a pour but de donner plus de cohérence et
d'efficacité dans l'action de la police et de simplifier les relations
avec le public ;
- Création, au niveau de l'administration centrale, de trois
directions correspondant chacune à une filière distincte : la
filière de l'ordre public et de la circulation, la filière de la
police urbaine de proximité et la filière de la police
judiciaire. Cette distinction permettra de consacrer l'importance des missions
dévolues à la police de proximité tout en clarifiant
l'affectation des moyens aux différentes missions exercées.
Au niveau intermédiaire, il est prévu de réduire de six
à trois les actuels districts de sécurité publique et les
divisions de police judiciaire et d'instituer six secteurs de police urbaine de
proximité couvrant chacun plusieurs arrondissements.
Le ministère de l'intérieur envisage une entrée en vigueur
de cette réforme à la fin du premier trimestre ou au début
du deuxième trimestre 1999.
Le budget de 1999 ne prévoit aucun moyen nouveau pour cette
réforme.
E. LES POLICES MUNICIPALES
Les polices municipales peuvent être un atout important d'une politique de proximité. Le projet de loi sur les polices municipales, adopté par le Sénat en première lecture le 3 juin dernier, est en instance d'examen en deuxième lecture par l'Assemblée nationale. Le Sénat a souhaité promouvoir la complémentarité des polices municipales et de la police nationale dans un cadre partenarial respectant l'autonomie des communes . Il serait souhaitable que la loi puisse enfin voir le jour, la question du statut des polices municipales étant pendante devant le Parlement depuis 1987.
III. UN BUDGET QUI NE RÉPOND PAS AUX ATTENTES
Le
projet de budget de la police pour 1999 s'élève à
29,11 milliards de francs
, ce qui correspond à une
progression en francs courants de
2,93 %
, légèrement
supérieure à celle de l'ensemble du budget qui est en
augmentation de 2,3%.
Sa part dans le budget de l'Etat
s'élève à
1,79%
et est comparable à celles des dernières
années. Sa part dans le Produit intérieur brut (0,33%) est en
diminution depuis 1996.
Le budget de la police est
avant tout conditionné par les
dépenses de personnel
qui représentent
83,25% des
crédits
,
laissant peu de marge de manoeuvre
budgétaire
. La part des dépenses de fonctionnement
s'élève à 13,41% et celle des dépenses en capital
à 3,34%.
Les dépenses de personnel s'élèvent à
24,2 milliards de francs et sont en augmentation de 2,6%. Les
crédits de fonctionnement courant des services atteindront
3,82 milliard de francs, soit une augmentation de 2,4%, alors que les
crédits d'équipements s'élèveront à 1,26
milliards de francs en autorisations de programme (+10,3%) et à
971 millions en crédits de paiement (+14,4%).
A. LES PERSONNELS
1. Les effectifs budgétaires
Les
effectifs budgétaires de la police s'élèveront en 1999
à 127 731 agents, dont
113 088 personnels actifs
.
En incluant
4 150 policiers auxiliaires
et
15 850
adjoints de sécurité
,
on dénombre
147 731
agents.
Depuis la loi d'orientation, les personnels actifs se répartissent en
trois corps :
- le corps de conception et de direction (commissaires de police) :
2 000 personnes ;
- le corps de commandement et d'encadrement (lieutenants, capitaines et
commandants) : 17 000 personnes ;
- le corps de maîtrise et d'application (gardiens, brigadiers et
brigadiers-majors) : 94 000 personnes.
La réforme des corps et des carrières, concrétisée
dans le règlement général d'emploi publié le 4
septembre 1996, s'accompagne d'une
modification de la répartition des
effectifs entre les trois corps
de manière à aboutir à
une augmentation du nombre des agents de maîtrise et d'application.
Ce changement de structure s'échelonne sur plusieurs années. En
2010, l'effectif des commissaires serait ainsi réduit à
1 600 et celui des officiers à 13 000 tandis que celui des
gardiens et gradés s'élèverait à 98 000. A
l'heure actuelle, les officiers sont, à titre transitoire, trop nombreux
pour exercer un réel emploi d'encadrement.
Le budget pour 1999 prévoit ainsi la transformation de 24 emplois de
commissaires et de 424 emplois d'officiers en 448 emplois des corps de
maîtrise et d'application.
Les autres variations d'effectifs concernent :
- la création de
7 600 emplois d'adjoints de
sécurité
qui viendront s'ajouter aux 8 250 postes
créés en 1998 ;
- la suppression de
4 175 emplois de policiers auxiliaires
dans le cadre de la suppression du service national obligatoire ;
- la transformation de 53 emplois d'officiers en 50 emplois
d'attachés de police ;
- la création d'un emploi de directeur et de deux emplois de
sous-directeur pour la
future direction de la formation
de la police,
gagée sur la suppression de sept emplois de d'officiers ;
- la suppression de 128 emplois administratifs de catégorie
C.
2. Les crédits
Les
dépenses de personnel
(
24,2 milliards de francs)
connaissent un accroissement de 2,61 % (+577,3 MF) sous l'influence
des
rémunérations d'activité.
Cette augmentation est imputable pour
plus de 80%
à
l'accroissement des rémunérations dû à l'accord
salarial de la fonction publique de février 1998
(+476,6 MF).
Elle résulte en second lieu du recrutement de
7600 adjoints de
sécurité
supplémentaires (+158,6 MF) ;
Le budget prévoit néanmoins
quelques mesures
catégorielles
nouvelles :
- la création d'une
prime d'encadrement des adjoints de
sécurité
qui serait versée à 5 000
fonctionnaires pour un montant mensuel de 120 F (+7,5 MF). Votre
rapporteur s'interroge à cet égard sur
l'intérêt
de multiplier des primes de faible montant
dont les critères de
répartition ne sont pas toujours clairement établis ;
- la création pour un montant global de 0,9 MF, d'une
prime de
qualification, dite " OPJ 16 ",
au bénéfice des
1 000 agents du corps de maîtrise et d'application qui se verraient
attribuer la qualification d'officier de police judiciaire en application de la
loi n° 98-1035 du 18 novembre 1998. Cette prime serait d'un montant
de 230 F mensuel, identique à celui versé aux gendarmes, sachant
cependant que le gain réel ne sera que de 90 F mensuel, les agents
concernés perdant le bénéfice de la prime d'agent de
police judiciaire, dite " APJ 20 ". Il est envisagé dans les
années à venir de porter le nombre de ces nouveaux officiers de
police judiciaire à 8 000 pour combler le déficit en OPJ
résultant de la réforme des corps et carrières et
augmenter globalement leurs effectifs dans un souci de meilleure
efficacité de la police de proximité. A cet égard, votre
rapporteur souhaite que ces agents, dont les
services d'affectation ne
sont pas encore déterminés,
ne soient pas cantonnés
dans des unités spécialisées dans l'investigation.
Il
se demande par ailleurs
si un montant supplémentaire mensuel de 90 F
de prime présente
une incitation suffisante
à
l'accomplissement d'une formation difficile et à la prise en charge
d'importantes responsabilités ;
- l'augmentation du nombre de bénéficiaires de
l'échelon exceptionnel de gardien de la paix (5,6 MF) ;
- La revalorisation de
la prime de commandement
au profit des
lieutenants (5 MF). Cette revalorisation
ne semble pas suffisante pour
satisfaire les officiers
, notamment ceux des services centraux, pour qui la
mise en place, en février 1998, de la prime de commandement
unifiée pour l'ensemble du corps s'est soldée par une perte de
revenu par rapport à la situation antérieure ;
- La création d'une prime de sujétion pour les
personnels
techniques
de laboratoire affectés aux services d'identité
judiciaire (+2 MF) ;
- La revalorisation du régime indemnitaire des secrétaires
administratifs de police et agents des services techniques du matériel
(+1,8 MF);
3. Une insuffisante gestion prévisionnelle des effectifs
Du fait
de la pyramide des âge des corps actifs de policiers, un grand nombre de
départs à la retraite
doivent intervenir dans les
prochaines années dans les trois corps actifs de la police nationale.
D'ici 2003 sont ainsi attendus 28 000 départs, dont 547 chez les
commissaires, 4 800 chez les officiers et plus de 22 000 chez les
gardiens et gradés, soit
plus d'un quart de l'effectif en 1998 de
chaque corps
.
La situation sera encore plus tendue pour les gardiens et gradés qui
doivent voir leurs effectifs augmenter du fait du repyramidage des corps
actifs. Plus de 25 000 recrutements devraient intervenir sur cinq ans dans
ce corps. Compte tenu de la durée de formation, il existe un
décalage d'un an entre le recrutement d'un agent et sa prise de poste.
Pour éviter une désorganisation totale des services,
il est
impératif de prévoir des recrutements de personnels par
anticipation
, sous peine de manquer cruellement d'effectifs, ne serait-ce
que pour encadrer les adjoints de sécurité.
Une politique de proximité, exige en effet la présence d'un
maximum de personnels sur le terrain. Les
effectifs globaux de la police ont
diminué
d'un millier de personnes, dont
144 personnels
actifs
, depuis 1995.
On ne peut prendre le risque, du fait des
départs à la retraite, de faire reposer la sécurité
des Français sur des emplois-jeune inexpérimentés, peu
formés et recrutés dans des conditions telles que la
qualité de leur action n'est pas assurée.
M. Jean-Pierre Chevènement avait annoncé son souhait
d'opérer des recrutements par anticipation en 1998. Il semblerait que
1200 à 1400 policiers puissent prochainement être recrutés
en surnombre. Une telle mesure semble néanmoins insuffisante et l'effort
doit être régulièrement poursuivi dans les années
à venir.
4. Des crédits de formation insuffisants
La
formation des personnels
est annoncée à juste titre comme
un objectif prioritaire avec la création d'une
direction de la
formation
au sein de la direction générale de la police
nationale et la tenue d'assises nationales de la formation au mois de
février 1999.
Il est donc
paradoxal de constater une baisse de 9 millions de francs (soit
4,7%) des crédits de formation inscrits au titre des écoles
au chapitre 34-41 au moment où l'école de Nîmes, ouverte en
1998, doit monter en puissance et où les actions à engager
prioritairement se multiplient du fait :
- de l'organisation très lourde des formations des adjoints de
sécurité et de la nécessité de former leurs
tuteurs ;
- de la formation des agents du corps de maîtrise et d'application
à la fonction d'officier de police judiciaire. 8 000 agents
seraient concernés à terme. Cette formation durerait
55 jours étalés sur 2 ans, celle des titulaires d'un DEUG ou
des anciens enquêteurs étant réduite à 28 jours sur
un an ;
- de la formation des agents à la délinquance des mineurs
et à la délinquance urbaine, prévue par le plan
gouvernemental contre la délinquance des mineurs.
Votre commission ne s'explique pas ce fossé entre les
déclarations ministérielles en faveur de la formation et la
diminution constatée des crédits qui lui sont
consacrés.
B. LE FONCTIONNEMENT ET L'ÉQUIPEMENT
Les programmes informatiques et de transmission bénéficient de dotations qui permettent leur poursuite dans de bonnes conditions. En revanche, la situation des équipements des services et des investissements immobiliers est très préoccupante.
1. La poursuite satisfaisante des programmes d'informatique et de transmissions
a) Les programmes informatiques
Les
crédits de
fonctionnement informatique
s'élèvent
à 259,4 millions de francs. L'augmentation de 6,1 % sera
principalement consacrée au
système d'information
Schengen
.
Trois grands projets sont actuellement en cours de développement.
Le système de traitement automatisé de l'information
criminelle (STIC)
est un chantier essentiel. Il regroupe
l'intégralité des fichiers judiciaires de la police nationale. Il
est scindé en deux sous-systèmes : d'une part le logiciel de
rédaction de procédures (LRP) et, d'autre part, une base de
données nationale permettant la saisie et la recherche d'informations.
La base nationale permet d'alimenter le système d'information Schengen
et de reprendre les images du système CANONGE. En 1999, l'accent sera
mis notamment sur la numérisation des pièces de procédure
non saisies dans le cadre du logiciel et sur l'extraction automatique, à
partir des procès verbaux, des données destinées à
alimenter la base nationale.
12,3 MF
seront consacrés à ce système en 1999 sur
un total de 98,6 MF depuis 1992.
Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED)
est un
important outil d'identification des personnes mises en cause dans le cadre des
procédures judiciaires. Au 31 décembre 1997, la base centrale
contenait 890 000 références, trois sites en permettaient la
mise à jour et elle était interrogeable à partir de 11
sites. Ce fichier a fait la preuve de son utilité en permettant
d'accroître notablement le nombre d'affaires résolues. En l'an
2000 l'ensemble des sites régionaux d'identité judiciaire
devraient pouvoir l'utiliser.
16 millions de francs
devraient être consacrés à ce
programme en 1999 sur un total estimé à 84 millions de francs
depuis 1996.
Le système d'information Schengen (SIS)
résulte des
accords de Schengen. Il vise à la mise en commun de données
policières relatives à des personnes recherchées et
à des véhicules ou objets (armes à feu, documents
d'identité, billets de banque). Il comporte un système central
situé à Strasbourg dont la France assure la gestion pour
l'ensemble de ses partenaires (C.SIS) et, dans chaque pays, une partie
nationale (N.SIS) assurant la consultation de la copie nationale du fichier
Schengen ainsi qu'une unité de support (SIRENE) répondant aux
besoins d'informations complémentaires pour mener une procédure.
Après un début difficile, la base, devenue opérationnelle
en 1995, est désormais alimentée par les dix pays participant
à l'accord et fonctionne de manière satisfaisante. Elle comprend
près de 8 millions de références, la France,
l'Allemagne et l'Italie en ayant chacune intégrées plus de 2
millions. En 1997, la France a découvert sur son territoire 9 029
signalements intégrés au SIS par nos partenaires, tandis que
3 143 signalements français étaient découverts par
eux.
A court terme, le SIS soit subir
d'importantes adaptations
pour assurer
le passage du système à l'an 2 000 et intégrer les
cinq états nordiques. A l'échéance de 2005, est
envisagé le passage à une
nouvelle
génération
du système (SIS II). Mais ces changements
techniques sont appelés à se développer dans des
structures juridiques en évolution
, puisque le traité
d'Amsterdam prévoit, dès son entrée en vigueur,
l'intégration de Schengen dans l'Union européenne
. Les
modalités de financement du SIS ou le rôle de la France pourrait
donc être remis en question concernant le système SIS II.
Pour 1999, le total de la dotation consacrée à ce programme
s'établirait à
41 MF
, ce montant résultant, pour la
part concernant le système central, d'une
quote-part
décidée au niveau européen
. l'ensemble des
dépenses consacrées au système depuis 1991
s'établirait ainsi à 216 MF.
Le ministère de l'intérieur a également
décidé d'accélérer la mise en oeuvre du
système DIALOG de gestion du personnel et de poursuivre le programme
CHEOPS permettant la refonte des architectures informatiques utilisées
dans le domaine policier.
b) Le programme ACROPOL
Le
programme ACROPOL
, réseau de communications cryptées
numérique destiné à assurer à 100 % la
confidentialité des transmissions de la police, sera poursuivi à
un rythme permettant son achèvement pour 2007 (une hypothèse de
développement plus rapide aurait permis l'achèvement du
réseau en 2004). Couvrant actuellement le Rhône, l'Isère,
la Loire et la Picardie, le réseau a commencé à être
déployé en région parisienne. Il a permis d'assurer dans
de bonnes conditions l'intégralité des radiocommunications des
services de police et des autorités préfectorales sur trois des
dix sites de la coupe du monde de football (Lyon, Saint-Etienne et
Saint-Denis). En 1999, il est prévu d'achever la couverture du
secrétariat général pour l'administration de la police de
Paris et d'installer le système en Corse. La dotation correspondante
s'élève à
422 MF en autorisation de programme
et
à
318 millions en crédits
de paiement
.
Votre commission insiste pour que soit assurée
l'interopérabilité du système ACROPOL et du système
de communication RUBIS mis en place par la gendarmerie nationale
.
2. Des retards importants dans l'équipement matériel et immobilier
La
situation du
parc automobile
est très inquiétante. Les
services évaluent à
592,7 millions de francs les besoins
théoriques en renouvellement de véhicules résultant des
retards accumulés ces dernières années.
Les dotations consacrées au renouvellement du parc automobile sont en
effet
des variables d'ajustement
de crédits de fonctionnement
globalisés qui ont été fortement mis à contribution
pour le fonctionnement du plan vigipirate ou du dispositif mis en place pour la
coupe du monde de football.
Les dotations consacrées à
l'équipement lourd des
services
régressent par rapport aux années
précédentes en autorisations de programme comme en crédits
de paiement. Cette diminution est d'autant plus préoccupante que les
services ont enregistré un retard cumulé sur plusieurs
années évalué à
202 millions de francs
.
Le retard dans les
équipements immobiliers
conduit le
Gouvernement à souhaiter la participation des collectivités
locales pour l'aménagement des locaux de police, dans le cadre de
l'opération " sécurité 2002 ".
Concernant le logement des policiers, les dotations (130 MF en autorisations de
programme et 111 MF en crédits de paiement) sont en diminution par
rapport à 1998. L'accent sera mis sur la constitution d'un patrimoine
propre plutôt que sur la réservation des logements sociaux. Une
prise de participation dans une société d'HLM pourrait intervenir
par le biais de la fondation Jean Moulin.
Les laboratoires de
police scientifique
doivent remplacer leurs
matériels obsolètes acquis entre 1985 et 1990. Il y va de leur
efficacité. De même votre commission souligne l'importance de la
mise en oeuvre rapide du fichier des
empreintes génétiques
prévu par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 sur les infractions
sexuelles, un décret pris avis de la CNIL devant bientôt
intervenir.
Votre commission constate donc que, sans un effort supplémentaire
important en matière de fonctionnement et d'équipement des
services, la police ne sera plus en état d'accomplir normalement ses
missions.
IV. L'ABANDON DE CERTAINS OBJECTIFS DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION RELATIVE À LA SÉCURITÉ
A. AU PLAN FINANCIER
Sur le
plan des engagements financiers, on constate un abandon total des objectifs
fixés par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995
qui arrive, en 1999, dans sa dernière année d'exécution.
La loi d'orientation prévoyait de consacrer 1,6 milliards de francs pour
l'équipement de la police
, ce qui aurait correspondu à 7
milliards de mesures nouvelles sur cinq ans. Or, les dépenses de
fonctionnement ont enregistré un recul global de 21,113 MF pendant que
les dépenses en capital n'augmentaient que de 109,32 MF.
Concernant les investissements immobiliers, il était prévu de
livrer ou de réhabiliter 608 000 mètres carrés de
surface de locaux de police. Moins de la moitié de l'objectif aura
été réalisé.
Le nombre de
logements
prévu (4 000 en cinq ans) a cependant
pu être mis à la disposition des policiers, non pas par
l'acquisition de logements, mais par le biais de réservations de
logements sociaux et de la conclusion de baux à tarif
préférentiel moyennant la garantie de paiement du loyer.
La loi prévoyait le recrutement de 5 000
personnels
administratifs
qui permettrait aux policiers de se concentrer sur les
tâches de sécurité. Au total, après des
créations de postes les premières années,
918 emplois
administratifs ont été au contraire supprimés
sur la
période.
B. AU PLAN RÉGLEMENTAIRE
La plus
grande partie des mesures réglementaires concernant le statut des
personnels et l'organisation de la police sont intervenues et sont en cours
d'application.
Plus de 300 dispositions
ont été prises
à cet effet.
En revanche, certaines mesures relatives à "
la
prévention de l'insécurité
" tardent à
recevoir application, principalement pour des questions de financement.
Devrait bientôt intervenir le décret prévu à
l'article 11 sur les
études de sécurité
préalables
à certains projets d'aménagement et
équipements de construction.
Ne sont toujours pas intervenus et ne semblent pas en voie de l'être :
- le décret prévu à l'article 12 concernant le
gardiennage des locaux d'habitation
.
- le décret prévu à l'article 14 relatif à
l'implantation sur le réseau routier et autoroutier de dispositifs
techniques
devant faciliter le contrôle du respect du code la route
;
- le décret prévu à l'article 15 sur le
marquage
électronique des véhicules
.
V. UN SUIVI INSUFFISANT DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE EUROPÉENNE
Votre
commission a eu maintes fois l'occasion de souligner l'importance essentielle
de la coopération policière internationale, et notamment
européenne, comme instrument de lutte contre une criminalité qui,
depuis longtemps, sait tirer le meilleur parti de toutes les
opportunités qu'offre la libre circulation des personnes et des capitaux.
Le traité d'Amsterdam apportera de profondes modifications dans le
déroulement du processus européen de coopération
policière. La commission des Lois s'est inquiétée de la
capacité de la France à répondre à ce nouvel enjeu
et à rester une force de proposition et de contrôle, face à
la commission européenne qui, dès l'entrée en vigueur du
traité, disposera de nouveaux pouvoirs.
Dans son rapport établi en juin dernier au nom de la mission de la
commission des Lois, présidée par M. Paul Masson, sur le suivi,
par les ministères intéressés, du processus
européen de coopération policière, M. Alex Türk
a fait ressortir la nécessité d'une prise en charge directe par
le ministère de l'intérieur de la responsabilité de la
politique de sécurité dans le cadre européen
3(
*
)
.
Cette prise en charge impliquerait notamment que ce ministère
représente la France dans les instances de décision
européennes, principalement au Comité exécutif de Schengen
et au comité K4 de l'Union européenne, à la place
respectivement du ministre des Affaires européennes et du préfet
coordonnateur du Secrétariat général du comité
interministériel pour les questions de coopération
économique européenne (SGCI). Mais il serait également
essentiel que le ministère de l'intérieur favorise
l'émergence en son sein d'une véritable culture
européenne, en promouvant la formation du personnel aux questions
européennes et aux langues étrangères, et qu'il se dote
d'une structure administrative d'impulsion adaptée.
Sur ce dernier point, lors de son audition par votre commission des Lois, le 5
novembre 1997, le ministre de l'intérieur avait annoncé la
création au sein du ministère d'une
délégation
aux
affaires internationales
. Votre rapporteur regrette que cette
délégation, qui a été créée de fait
en décembre 1997,
n'ait toujours pas été
officialisée dans le décret d'organisation du ministère
n° 85-1057 du 2 octobre 1985
. Il rappelle la
nécessité, à terme, de la création d'une
véritable direction des affaires internationales au ministère
de l'intérieur
.
La coopération policière européenne a été
marquée en 1998 par l'entrée en vigueur, au 1er avril, de la
convention d'application de la convention d'application de l'accord de Schengen
avec l'Italie et l'Autriche.
Les projets de loi de ratification de l'adhésion à la convention
d'application de l'accord de Schengen des trois pays nordiques, Danemark,
Finlande et Suède, et de l'association de l'Islande et de la
Norvège, ont, quand à eux, été
déposés devant le Sénat.
Plusieurs conventions de coopération policière et
douanière transfrontalières ont été conclues avec
nos partenaires européens en application de la convention de Schengen
(conventions du 3 octobre 1997 avec l'Italie, du 9 octobre 1997 avec
l'Allemagne et du 7 juillet 1998 avec l'Espagne).
Votre rapporteur, constatant que
les projets de loi de ratification
n'ont toujours pas été déposés devant le
Parlement,
insiste sur la nécessité de ratifier au plus vite
ces conventions,
de manière à ne pas laisser perdurer des
situations intermédiaires, préjudiciables à l'instauration
d'une coopération efficace entre les services aux frontières des
différents pays concernés.
Votre rapporteur regrette enfin que la convention
Europol,
entrée
en vigueur le 1er octobre 1998 sans qu'un accord ait pu encore être
trouvé concernant la mise en place de l'autorité de
contrôle, ne puisse encore être véritablement
appliquée, sept pays, dont la
France
, n'ayant pas ratifié
le
protocole sur les privilèges et immunités des
fonctionnaires
.
*
* *
La
priorité annoncée par le Gouvernement pour la politique de
sécurité ne trouve pas sa pleine traduction dans le budget de la
police pour 1999 qui augmente à peine plus que l'ensemble du budget de
l'Etat.
L'augmentation constatée est en effet en grande partie, dans une
administration qui gère 133 000 agents, le résultat
mécanique de l'accord salarial de la fonction publique du mois de
février dernier.
Plusieurs objectifs définis par la loi du 21 janvier 1995 ont
été abandonnés.
Sans un effort important de formation du personnel et d'équipement des
services, et faute de recrutements anticipés pour pallier le grand
nombre de départs à la retraite à venir, la police est en
passe de ne plus pouvoir remplir correctement ses missions.
La politique suivie repose pour l'essentiel sur des emplois-jeunes dont
l'avenir est incertain et sur un projet de redéploiement territorial des
forces de police et de gendarmerie dont la mise en oeuvre est contestée.
Ces observations conduisent la commission des Lois à ne pas souscrire
aux crédits figurant dans la section police-sécurité du
projet de loi de finances pour 1999 et à s'en remettre sur ce plan
à l'appréciation de la commission des finances.
1 De la non régularisation au non éloignement, un risque majeur pour l'intégration et la cohésion sociale : les "clandestins officiels ".- Rapport n° 470 (1997-1998)
2 Mission coordonnée par M. Jean-Claude Karsenty, inspecteur général de l'administration, associant les ministères de l'intérieur, de la défense, de la justice, de l'éducation nationale et de la solidarité.
3 Quand les policiers succèdent aux diplomates.- Assurer la présence de la France dans la coopération policière européenne.- Rapport n° 523 (1997-1998)