PJL loi de finances pour 1999

COURTOIS (Jean-Patrick)

AVIS 71 (98-99), Tome II - COMMISSION DES LOIS

Table des matières




N° 71

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1998.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME II

INTÉRIEUR :

POLICE ET SÉCURITÉ


Par M. Jean-Patrick COURTOIS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, François Marc, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 et 66 (annexe n° 30 ) (1998-1999).

Lois de finances.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le 18 novembre 1998, sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des lois a procédé, sur le rapport de M. Jean-Patrick Courtois, à l'examen pour avis des crédits de la police inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999, dont la commission des finances est saisie au fond.

La commission a constaté que l'amélioration des statistiques globales de la criminalité enregistrée depuis trois ans ne semblait pas se poursuivre en 1998 et que le sentiment d'insécurité de nos concitoyens persistait, alimenté par la recrudescence de la violence urbaine de proximité et de la délinquance des mineurs.

Au plan budgétaire, elle a regretté que la priorité affichée par le Gouvernement pour la politique de sécurité ne trouve pas sa pleine traduction dans le budget de la police pour 1999, dont la croissance, certes légèrement plus favorable que l'ensemble du budget, se révèle être en grande part, dans une administration qui gère 133 000 agents, la traduction mécanique de l'accord salarial de la fonction publique de février 1998.

Elle a notamment relevé l'insuffisance des crédits de formation, et d'équipement, et constaté l'abandon sur plusieurs points des objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995.

Tout en souscrivant à l'objectif d'amélioration de la sécurité de proximité poursuivi par le Gouvernement, elle s'est interrogée sur la validité d'une politique reposant, pour l'essentiel, sur des emplois-jeunes, dont le recrutement semble problématique et l'avenir incertain, ainsi que sur un difficile redéploiement territorial des forces de police et gendarmerie.

Sur ce dernier point, elle a regretté l'insuffisance de concertation préalable et elle a souhaité que les redéploiements ne s'opèrent pas au détriment de la sécurité des communes qui se verraient privées d'un commissariat ou d'une brigade de gendarmerie.

Ces observations ont conduit la commission des lois à ne pas souscrire au budget proposé pour la section police-sécurité du projet de loi de finances pour 1999 et à s'en remettre à l'appréciation de la commission des finances.

Mesdames, Messieurs,

Avant d'examiner les crédits de la police pour 1999, votre rapporteur rappelle qu'il a le redoutable honneur de succéder à M. Paul Masson qui a, avec la compétence que chacun lui reconnaît, rempli cette mission au sein de la commission des Lois pendant douze ans.

L'amélioration des statistiques globales de la criminalité constatée depuis trois ans ne semble pas se poursuivre en 1998. En tout état de cause, elle n'avait pas transparu dans la vie quotidienne des Français, dont le sentiment d'insécurité a persisté, alimenté par la recrudescence de la violence urbaine, du trafic de drogue et de la délinquance des mineurs.

Au colloque de Villepinte, le 25 octobre 1997, le Premier ministre avait rappelé que tout citoyen a droit à la sécurité, socle nécessaire à l'exercice des libertés. On ne peut que se féliciter de voir le Gouvernement adhérer à une perception de la sécurité directement issue de notre déclaration des droits de l'Homme et du citoyen et source d'inspiration de la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995, présentée par M. Charles Pasqua, alors ministre de l'intérieur.

Les grandes orientations du Gouvernement en matière de politique de sécurité sont désormais arrêtées par le Conseil de sécurité intérieure, qui s'est réuni quatre fois depuis sa création officielle par décret du 18 novembre 1997.

La police doit faire face à des défis multiples tant sur le front de la délinquance de proximité que sur celui des trafics internationaux qui exigent une coopération internationale active.

Depuis 1995, elle a connu une profonde réorganisation initiée par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995.

En 1997, elle a constaté, avec la gendarmerie nationale, 3,5 millions d'infractions et procédé à près de 10 000 mesures de reconduite à la frontière.

Le budget de la police pour 1999 qui s'élève à 29,11 milliards de francs, soit 2,9 % de plus que l'année précédente, augmente légèrement plus que l'ensemble du budget. Malgré cela, le montant des crédits conduit à mettre en doute la sincérité de la priorité affichée pour la politique de sécurité. Leur croissance est insuffisante pour atteindre les objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation en matière de personnel comme d'équipement.

Si on ne peut que souscrire à la priorité donnée par le Gouvernement à la politique de sécurité de proximité, on peut s'interroger sur la validité de sa mise en oeuvre reposant, pour l'essentiel, sur des emplois-jeunes dont le recrutement semble problématique et l'avenir incertain. 7600 adjoints des sécurité devraient être ainsi recrutés en 1999, s'ajoutant aux 8250 inscrits au budget de 1998. Il faut espérer que les 500 contrats locaux de sécurité, signés ou sur le point de l'être, mobiliseront efficacement au niveau local l'ensemble des intervenants publics et privés en matière de prévention et de répression de la délinquance.

On peut également s'interroger sur le redéploiement territorial des forces de police et de gendarmerie décidé par le Conseil de sécurité intérieure dans la ligne des conclusions du rapport de nos collègues parlementaires en mission, M. Roland Carraz, député, et M. Jean-Jacques Hyest, sénateur. Ce projet, qui a jusqu'à présent fait l'objet d'une concertation insuffisante avec les élus, ne doit pas être mis en oeuvre au détriment de la sécurité de communes qui se verrait privées d'un commissariat ou d'une brigade de gendarmerie.

Après avoir souligné les conditions souvent très périlleuses dans lesquelles les policiers se dévouent au service de la sécurité de notre pays ainsi que le caractère psychologiquement de plus en plus éprouvant de l'exercice de leur métier, votre rapporteur tient à rendre hommage aux 25 policiers décédés ou blessés au cours de l'année lors d'opérations de police.

I. L'ÉVOLUTION DE LA CRIMINALITÉ FAIT APPARAÎTRE DES RÉSULTATS CONTRASTÉS

Comme les trois années précédentes, l'année 1997 a enregistré une amélioration des statistiques globales de la délinquance et de la criminalité.

Mais cette évolution, qui ne semble d'ailleurs pas se poursuivre en 1998, n'a guère été perçue dans la vie quotidienne des Français chez qui le sentiment d'insécurité n'a pas diminué, alimenté par une délinquance de proximité de plus en plus violente mettant en cause un nombre croissant de mineurs alors que les conditions d'une mobilisation efficace contre le trafic de drogue, le terrorisme et l'immigration irrégulière n'étaient pas toujours réunies.

A. LA BAISSE DES STATISTIQUES GLOBALES DE LA CRIMINALITÉ S'EST POURSUIVIE EN 1997.

En 1997, les services de police et de gendarmerie ont constaté 3.493.442 crimes ou délits , soit environ 66.000 de moins que l'année précédente.

La criminalité globale se caractérise donc par une diminution de 1,86 % par rapport à l'année précédente, la criminalité moyenne pour 1.000 habitants s'établissant à 59,97 contre 61,35 en 1996.

Alors que l'on avait assisté à une augmentation ininterrompue de la criminalité depuis 1989, l'évolution favorable depuis 1995 a conduit depuis cette date à une baisse de 10,86 %, les chiffres revenant en valeur absolue à un niveau comparable à celui enregistré en 1990.

ÉVOLUTION DÉCENNALE DE LA CRIMINALITÉ EN FRANCE

Années

Nombre d'infractions

Evolution
en %

Taux pour 1000 habitants

1988

3.132.694

- 1,21

56

1989

3.266.442

+ 4,27

58

1990

3.492.712

+ 6,93

62

1991

3.744.112

+ 7,20

66

1992

3.830.996

+ 2,32

67

1993

3.881.894

+ 1,33

67

1994

3.919.008

+ 0,96

67

1995

3.665.320

- 6,47

63

1996

3.559.617

- 2,88

61

1997

3.493.442

- 1,86

60

La diminution de la criminalité en 1997 résulte principalement de celle des vols (-3,72%) et en particulier des vols liés à l'automobile et aux deux roues à moteur ( - 5,6 %). Cette amélioration est vraisemblablement en grande partie la conséquence des efforts consacrés aux systèmes anti-vols.

Les chiffres du premier semestre 1998 semblent cependant orientés à la hausse, la criminalité globale augmentant de 2,32% sur l'ensemble du territoire et de 5% à Paris. Cette augmentation pourrait être en partie liée au déroulement de la coupe du monde de football sur notre territoire.

Sur longue période, on constate que les chiffres de la criminalité ont été multipliés par 6 depuis 1950 , la croissance ayant été constante depuis cette date, à des rythmes plus ou moins élevés, avec néanmoins un premier retournement de tendance de 1984 à 1988.

B. MAIS LE SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DE NOS CONCITOYENS NE DIMINUE PAS

Comme votre commission l'a déjà souligné l'année dernière, il existe un décalage entre l'amélioration des statistiques globales et la perception de leur sécurité par les citoyens. Ceci s'explique par plusieurs facteurs objectifs.

1.  La forte croissance de la violence de proximité

La violence affecte de plus en plus les Français dans leur vie quotidienne.

Depuis 10 ans, parmi les infractions dites de masse, qui sont les plus courantes, les dégradations et les coups et blessures volontaires ont doublé. En 1997, les coups et blessures volontaires ont continué à croître de 8,60 % et les vols avec violence de 3,10  % ainsi qu'il ressort du tableau ci-dessous.

ÉVOLUTION DÉCÉNNALE DES INFRACTIONS DE MASSE

INFRACTIONS

1988

1992

1996

1997

Évolution
1997/1996

Évolution
1997/1988

Coups et blessures volontaires

42 512

55 613

75 425

81 910

8,60 %

92,68 %

Cambriolages

375 851

462 497

436 414

407 385

-6,65 %

8,39 %

Vols avec violence

43 409

60 324

70 031

72 203

3,10 %

66,33 %

Vols à l'étalage

63 355

70 856

59 627

57 055

-4,31 %

-9,94 %

Vols à la tire

99 305

102 990

80 984

79 747

-1,53 %

-19,69 %

Vols de véhicules

360 509

504 939

443 767

417 360

-5,95 %

15,77 %

Vols Roulotte

675 032

886 011

704 955

672 101

-4,66 %

-0,43 %

Recels

26 963

34 089

34 324

35 381

3,08 %

31,22 %

Falsifications

173 891

180 721

163 698

154 675

-5,51 %

-11,05 %

Dégradations

204 218

374 569

447 376

454 180

1,52 %

122,40 %

Total Infractions de masse

2 065 045

2 732 609

2 516 601

2 431 997

-3,36 %

17,77 %

Total de la criminalité

3 132 694

3 830 996

3 559 617

3 493 442

-1,86 %

11,52 %

% de la criminalité totale

65,92 %

71,33 %

70,70 %

69,62 %

 
 

Cette année, la recrudescence de la violence dans les transports en commun a particulièrement affecté les usagers comme les personnels. Ces derniers n'acceptent plus, à juste titre, d'être quotidiennement mis en danger dans l'exercice de leurs fonctions. S'il convient de prendre les mesures préventives nécessaires, il convient également de renforcer les sanctions des infractions commises à l'encontre de personnels qui restent souvent les seuls représentants du service public dans des banlieues désertées.

2. Une réponse répressive insuffisante

La non élucidation des infractions de proximité est fréquente. Alors que le taux d'élucidation des crimes et délits contre les personnes dépasse les 75 % et qu'il est en moyenne de 29,47 % pour l'ensemble des infractions (contre 30,20% en 1996), il s'établit à 13 % pour les vols et à moins de 10% pour l'ensemble de la délinquance de voie publique .

La faiblesse de la réponse pénale aggrave encore ce phénomène puisque, en moyenne, 80 % des affaires élucidées en ces matières sont classées sans suite par les parquets faute de moyens pour les traiter. Votre commission a fréquemment déploré cette rupture de la chaîne répressive estimant que classement sans suite ne devait pas être une solution pour pallier l'encombrement des tribunaux.

Il s'ensuit un sentiment d'impunité qui encourage la délinquance, démotive profondément la police et dissuade les citoyens eux-mêmes de porter plainte.

On observe, en outre, l'apparition, à côté d'une réelle délinquance, de comportements provocants, dits " incivils ", qui, même s'ils ne sont pas toujours susceptibles d'être réprimés pénalement, sont durement ressentis par les populations concernées.

Pour ces raisons, les statistiques de la délinquance de proximité sont certainement minimisées et ne rendent compte qu'imparfaitement de la situation réelle.

3. Une répartition géographique inégale

L'ensemble de ces phénomènes de délinquance urbaine se concentre principalement dans les banlieues et les quartiers défavorisés dont les habitants ont le sentiment d'être à l'écart des services de l'Etat en devenant de fait des citoyens de deuxième rang, condamnés à vivre dans des zones de non-droit en contact quotidien avec la violence urbaine et la multiplication des trafics.

Le ministère de l'intérieur a déterminé 673 quartiers sensibles en proie à la violence urbaine. Parmi ceux-ci, 132 , dont 55 en région Ile-de-France, sont régulièrement le siège de violences anti-policières .

Vingt-six départements ont été déterminés comme très sensibles et vingt et un comme sensibles .

Quatre régions, Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d'azur, Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais, concentrent à elles seules plus de la moitié (54,58%) des crimes et délits constatés en France métropolitaine pour 43% de la population.

Par ailleurs, la baisse globale de la criminalité observée en 1997 n'est pas uniforme sur l'ensemble du territoire.

Parmi les 22 régions françaises, 7 ont enregistré une hausse de la criminalité en 1997 : Nord-Pas-de-Calais (1,66%), Champagne-Ardennes (1,48%), Limousin (1,20%), Lorraine (1,11%), Bourgogne (1,05%), Basse-Normandie (0,94%) et Midi-Pyrenées (0,44%). Il en est ainsi de trente-sept départements.

Sur les 11 circonscriptions de sécurité publique de plus de 250 000 habitants, trois ont enregistré une hausse de la criminalité, à savoir Lille (5,23%), Lyon (4,49%) et Bordeaux (2,70%).

C. LA DÉLINQUANCE DES MINEURS CONTINUE DE S'ACCROÎTRE DE MANIÈRE PRÉOCCUPANTE

En 1997, le nombre de mineurs âgés de 13 à 18 ans impliqués dans des crimes ou des délits s'est accru de 7,38 %, atteignant 154 437.

Leur part dans le total des personnes mises en cause a continué de progresser. Elle s'établit à 19,37 % contre 17,87% en 1996 et 11,96% en 1988. Sur le premier semestre 1998, la part des mineurs a dépassé 22%.

Il faut noter que la part des filles tend à augmenter dans la population des mineurs mis en cause (10,47% de femmes en 1997 pour 9,32% en 1996), mais qu'elle reste inférieure à celle des femmes adultes dans le total des mis en cause majeurs (14,81%).

Le caractère de plus en plus précoce de la délinquance devient un véritable sujet de préoccupation pour les services de police qui sont souvent confrontés à des enfants de moins de 13 ans, voire même, de moins de 10 ans.

La participation des mineurs est particulièrement importante en matière de vols. Ils représentent ainsi 59 % des mis en cause pour des vols de deux roues à moteur et 32,12 % sur l'ensemble des vols.

Mais l'augmentation des actes de violences impliquant des mineurs se poursuit également de manière particulièrement alarmante. 43,4 % des vols avec violence constatés en 1997 ont donné lieu à la mise en cause d'un mineur, contre 40 % l'année précédente. La part des mineurs s'élève à 14,6% dans les coups et blessures volontaires et à 17,19% dans les viols.

Cette situation reflète la faillite des modes de régulation habituels , l'approche éducative classique n'ayant pas de prise sur les jeunes délinquants et l'emprisonnement (possible à partir de 13 ans selon des règles spécifiques) ne conduisant qu'à fabriquer des récidivistes en puissance.

Les conclusions du rapport de la mission interministérielle confiée à nos collègues députés, Mme Christine Lazergue et M.  Jean-Pierre Balduyck, ont été examinées par le conseil de sécurité intérieure du 8 juin dernier qui a arrêté les grandes orientations d'un plan gouvernemental de lutte contre la délinquance des mineurs . Ce dernier, qui s'inscrit dans une logique de programmation sur la période 1999-2001, a été précisé par la circulaire du 6 novembre du Premier ministre et par la circulaire interministérielle du même jour.

S'il ne remet pas en cause l'approche éducative de l'ordonnance de 1945 , ce plan affiche néanmoins la volonté de trouver un équilibre entre prévention et sanction et d'apporter une réponse systématique adaptée à chaque acte de délinquance . Une circulaire adressée le 15 juillet par le garde des sceaux aux parquets met à cet égard l'accent sur le développement des mesures de médiation-réparation. Il est prévu de renforcer et d'adapter les dispositifs d'hébergement des mineurs de manière à offrir aux magistrats des solutions diversifiées, y compris l'éloignement des jeunes. Les conditions d'incarcération des mineurs seront améliorées. Les parents seront responsabilisés. Automatiquement convoqués à chaque stade des procédures concernant leurs enfants, ils pourront de plus voir prononcer à leur encontre les mesures existantes de suspension ou de mise sous tutelle des prestations familiales.

Ce plan prévoit la mobilisation de l'ensemble des intervenants, police, justice, éducation nationale, collectivités locales et associations, dans un cadre territorialisé donnant priorité, pour l'affectation de moyens nouveaux, aux 26 départements jugés les plus sensibles. Tous participeront, dans le cadre fixé par la circulaire interministérielle du 2 octobre 1998, à la mise en oeuvre du plan gouvernemental de lutte contre la violence à l'école annoncé le 5 novembre 1997.

Les policiers, quant à eux, recevront une formation spécifique au traitement de la délinquance des mineurs. Chaque département très sensible sera doté au minimum d'une brigade des mineurs dont la compétence sera étendue aux violences en milieu scolaire . Dans chaque circonscription de sécurité publique sera désigné un correspondant police-jeune.

Votre commission estime que la lutte contre la délinquance des mineurs doit être commencée à la base par un véritable apprentissage de la citoyenneté. Il ne faut pas laisser sans réponse les petites infractions au risque d'accréditer l'idée que leurs auteurs ne sont pas soumis à la loi commune. Il faut impliquer davantage les parents et ne pas hésiter à punir les meneurs et à les éloigner de leur milieu d'origine pour tenter de soustraire leurs camarades à leur influence.

D. LA NÉCESSITÉ D'UNE POLITIQUE DÉTERMINÉE DE LUTTE CONTRE LA TOXICOMANIE

Votre commission a eu maintes fois l'occasion de rappeler l'importance qu'elle attachait à la lutte contre le fléau que représente la drogue.

En 1997, l'augmentation de 9,22 % du nombre d'infractions a porté principalement sur le trafic et la consommation.

Infractions à la législation sur les stupéfiants

Type d'infractions

Année 1996

Année 1997

Variation 97/96

TOTAL

79.617

86.961

+ 9.22 %

- dont trafic

5.158

8.300

+60,92 %

- usage-revente

12.424

12.115

- 2,49 %

- consommation

57.981

63.003

+ 8,66 %

Les services répressifs ont enregistré 228 décès liés à l'usage de drogue en 1997, soit une diminution de près de 42 % par rapport à l'année précédente s'inscrivant dans la continuité des trois dernières années. Ce mouvement doit être mis en relation avec la désaffection constatée pour l'usage de l'héroïne , lié à la peur de l'injection, à la diffusion des protocoles de substitution mais aussi à l'apparition de nouvelles drogues de synthèse comme le crack ou l'ecstasy dont la consommation s'accroît de manière alarmante.

Sur le plan international , votre commission a régulièrement eu l'occasion d'attirer l'attention sur l'ampleur des trafics en provenance des Pays-Bas et plus globalement sur les difficultés que suscite la politique hollandaise de la drogue. Un accord de coopération a été signé le 20 avril dernier dans le domaine de la police et de la sécurité laissant espérer que les relations avec ce pays sont en voie d'amélioration.

Votre rapporteur tient à rappeler que la lutte contre la drogue passe, tant en ce qui concerne l'action interne que la coopération internationale, par une mobilisation permanente de tous les moyens . Ceci implique que l'action préventive et répressive des pouvoirs publics entreprise sous l'égide de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), sévèrement critiquée par la Cour des comptes dans un rapport rendu public en juillet dernier, puisse être mieux coordonnée et plus efficace.

Mais ceci exige avant tout que la politique du Gouvernement en la matière soit ferme et sans ambiguïté . L'indulgence montrée envers l'appel de 111 personnalités prônant la dépénalisation de l'usage du cannabis ou les déclarations de membres du Gouvernement allant en ce sens, ne peuvent que générer une démobilisation des services chargés de la répression . La lutte contre la drogue ne doit en aucun cas être mise sur le même plan que celle contre le tabac et l'alcool , comme pourrait conduire à le penser la déclaration sur la réduction des risques en matière de toxicomanie, effectuée au Sénat le 16 juin dernier par le secrétaire d'Etat à la santé qui a fait ressortir, sur la base du rapport du professeur Bernard Roques, les dangers de l'alcool, du tabac et des médicaments psychotropes...

E. UNE MOBILISATION PERSISTANTE CONTRE LE TERRORISME

Les services régionaux de police judiciaire et la division nationale anti-terroriste sont restés très mobilisés par la lutte contre le terrorisme durant les douze derniers mois.

En un an, les investigations de la brigade nationale anti-terroriste ont donné lieu à 383 mesures de garde à vue et à la mise sous écrou de 85 personnes.

Le début de l'année 1998 a été marqué par l'assassinat, le 6 février 1998, du Préfet de la région corse , M. Claude Erignac. Les investigations menées actuellement sont axées sur la recherche des auteurs du meurtre et leurs commanditaires. Elles ont mis en évidence de nombreuses pratiques mafieuses et ont conduit à l'interpellation de 152 personnes, dont 21 ont été écrouées, durant le premier semestre 1998.

La persistance de la menace d'une nouvelle vague d'attentats des groupes armés islamiques (GIA) sur le territoire national à l'approche de la coupe du monde de football a conduit les services anti-terroristes à diligenter, en liaison avec d'autres pays européens, une opération qui a abouti à la neutralisation d'un réseau terroriste qui avait notamment projeté d'assassiner le recteur de la grande mosquée de Paris.

Des opérations ont également permis l'arrestation de dix activistes de l'ETA-Militaire basque et le démantèlement d'une filière d'approvisionnement de cette organisation en explosifs en provenance de Bosnie-Herzégovine ainsi que le démantèlement des réseaux de soutien d'organisations terroristes turco-kurdes.

F. UNE LUTTE PERTURBÉE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE.

L'année 1997 a été marquée par l'émergence forte et soutenue d'une immigration irakienne irrégulière d'origine kurde (5 385 non-admissions), qui s'est concentrée pour une grande part à la frontière italienne, où il a été constaté une hausse de 35% de la pression migratoire irrégulière. Des mesures de riposte exceptionnelles ont été prises à la suite de la réunion de Rome, le 8 janvier 1998, des directeurs généraux de la police des pays européens.

Le paysage de l'immigration irrégulière s'est trouvé modifié du fait de l'application de l'accord de Schengen , le 1er avril 1998 , à la frontière franco-italienne. Une stratégie intégrant la notion de frontière zone filtrante et de contrôles policiers mobiles concertés avec les forces de sécurité italiennes a dû être mise en place, les difficultés de coopération rencontrées au départ semblant maintenant en voie de résolution.

Globalement, en 1997, le nombre de mesures de non-admission aux frontières enregistrées par la direction centrale du contrôle de l'immigration irrégulière et de la lutte contre l'emploi des clandestins (DICCILEC) s'est élevé à 46 366 contre 43 775 en 1996, soit une augmentation de 5,92 %.

L'office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi des étrangers sans titre (OCRIEST), créé en 1996 et chargé tout particulièrement de lutter contre les filières d'immigration de type mafieux à ramifications internationales, a permis le démantèlement de 10 filières internationales d'immigration irrégulière et de 16 ateliers clandestins en 1997.

L'immigration irrégulière est en effet passée de l'entreprise individuelle à l'organisation de filières structurées.

Malgré un accroissement de la pression migratoire, le nombre de personnes effectivement éloignées du territoire s'est élevé à 9 947 contre 12 571 en 1996. Cette importante diminution, qui semble s'amplifier en 1998, est en partie due à la situation politique troublée de certains pays africains ayant rendu difficile les reconduites vers ceux-ci. Mais elle résulte principalement des instructions données aux préfectures, pendant une grande partie de l'opération de régularisation des " sans papiers " (jusqu'au 24 avril 1998), de ne pas procéder à des mesures d'éloignement.

En application de la circulaire du 24 juin 1997, et avant l'entrée en vigueur de la loi du 11 mai 1998 qui a modifié une nouvelle fois les dispositions de l'ordonnance de 1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers, a en effet été engagée une vaste opération de régularisation des étrangers vivant en situation irrégulière sur le territoire français. L'examen par les préfectures des 145 898 dossiers jugés recevables est à peu près achevé. Au 31 octobre 1998, l'opération avait donné lieu à 78 705 régularisations contre 63 710 rejets, environ 9 000 recours gracieux auprès des préfectures et 13 000 recours hiérarchiques auprès du ministre étant encore en cours de traitement. Les circulaires des 10 et 19 août ont, pour l'examen de ces recours, assoupli les conditions préalablement exigées par la circulaire initiale. Le ministère de l'intérieur envisage la fin de l'opération pour la fin de l'année 1998.

Ainsi que l'avait prévu M. José Balarello dans son rapport au nom de la commission d'enquête du Sénat sur les régularisations, présidée par M. Paul Masson 1( * ) , il semble que cette opération, dont les conséquences ont été mal évaluées au départ, doive aboutir à une impasse concernant les quelque 50 000 à 60 000 personnes qui auront au bout du compte essuyé un refus de régularisation. La commission d'enquête avait en effet critiqué l'institution par cette procédure de " clandestins officiels ", personnes en situation irrégulière, désormais connues des services de police, mais ne pouvant faire, ne serait ce que du fait de leur nombre trop élevé, l'objet d'une reconduite effective à la frontière.

Les dispositifs d'aide au retour dans le pays d'origine n'ont pas rencontré le succès escompté et il y a fort à craindre que cette situation perdure en dépit des nouvelles mesures annoncées au Conseil des ministres du 4 novembre dernier.

Alors que les manifestations de soutien aux sans papiers non régularisés se multiplient, votre commission regrette cette situation inextricable due aux faux espoirs suscités par le Gouvernenment mais rappelle que tout nouvel assouplissement des critères de régularisation ne pourrait que créer un appel d'air à l'immigration irrégulière et démobiliser fortement les services de l'Etat compétents en la matière .

II. UNE PRIORITÉ DONNÉE A LA POLITIQUE DE PROXIMITÉ

Pour lutter contre l'insécurité au quotidien, le Gouvernement a souhaité relancer une politique de proximité en rapprochant les forces de police des citoyens et en adoptant une démarche globale qui suppose la mobilisation de tous les acteurs sur le terrain.

A. LES CONTRATS LOCAUX DE SÉCURITÉ

Mis en place par la circulaire interministérielle du 28 octobre 1997, les contrats locaux de sécurité ont pour objet de mobiliser tous les partenaires publics et tous les acteurs sociaux dans la mise en oeuvre au niveau local d'un véritable dispositif préventif et répressif de lutte contre l'insécurité.

Ils sont cosignés par le préfet, le procureur de la République et le ou les maires concernés et associent, outre les services de l'Etat, des partenaires privés tels les bailleurs sociaux, les sociétés de transports en commun et les associations.

Ces contrats déterminent les objectifs à atteindre et les actions à engager sur la base d'un diagnostic local de sécurité .

Les emplois-jeunes de proximité sont affectés prioritairement à la réalisation des objectifs fixés par ces contrats dans les zones très sensibles.

Au 20 août, 120 contrats avaient été signés et 397 étaient en cours d'élaboration.

La plupart des contrats sont conclus dans le cadre des communes. Peu le sont au niveau des agglomérations. Certains ont un aspect thématique (transports en commun).

Moins de la moitié des contrats (40,5%) interviennent dans les 26 départements les plus sensibles. La taille des communes concernées est très variable (11 villes de plus de 200 000 habitants pour 23 communes de moins de 5 000 habitants et un village alsacien de 631 habitants...).

Le contrat local de sécurité de Paris est en cours d'élaboration. Il comprendra un contrat proprement dit et une série d'annexes thématiques (toxicomanie, délinquance des mineurs, sécurité dans les transports) ou territoriales (principalement par arrondissements). La signature devrait intervenir à la fin de l'année 1998, en présence des maires d'arrondissement qui seront appelés à valider les annexes concernant leur arrondissement.

Une mission interministérielle d'évaluation des contrats 2( * ) a souligné, au mois d'octobre, le caractère souvent trop sommaire des diagnostics locaux de sécurité, constatant que l'urgence de la signature du contrat avait été parfois jugée plus importante que le diagnostic et le contrat lui même. Elle a regretté par ailleurs la réticence des maires à signer des contrats d'agglomération ainsi qu'une insuffisante concertation entre les différents services de l'Etat et avec les conseils généraux.

La mise en place d'une cellule nationale d'animation et d'évaluation des contrats a été décidée lors du Conseil de sécurité du 12 octobre dernier.

B. LES EMPLOIS DE PROXIMITÉ

Le Gouvernement prévoit le déploiement jusqu'en l'an 2000 de 35.000 emplois de proximité sur le terrain dont 20.000 adjoints de sécurité et 15.000 agents locaux de médiation , recrutés dans le cadre des dispositions de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes. Les conditions de mise en place de ces emplois suscitent de nombreuses inquiétudes.

1. Les adjoints de sécurité

Les adjoints de sécurité sont des " emplois-jeunes " dont le statut a été précisé par un décret du 30 octobre 1997. Agés de 18 à 25 ans, ils sont engagés pour cinq ans sur la base d'un contrat de droit public . Ils doivent permettre de faire face à des besoins non satisfaits en matière de prévention, d'assistance et de soutien, particulièrement dans les quartiers les plus sensibles.

Ils sont placés sous l'autorité des fonctionnaires des services actifs de la police nationale. Leurs missions prévues par les textes sont assez variées . Elles devraient permettre notamment de renforcer l'îlotage, d'améliorer l'accueil et l'information du public dans les commissariats, de soutenir les victimes en les aidant dans leurs démarches administratives, de contribuer à des actions d'intégration des étrangers, de participer à la surveillance de la sortie des écoles et d'apporter une aide au public sur la voie publique.

Ils ne peuvent pas participer à des missions de police judiciaire ou de maintien de l'ordre, mais ils portent une arme quand leurs missions le justifient.

Les candidats sont recrutés dans le cadre départemental sur la base d'une sélection reposant sur des tests psychologiques et un entretien. Aucun diplôme n'est exigé.

Les adjoints bénéficient d'une formation initiale d'une durée de deux mois comprenant une partie technique en école de six semaines et un stage de deux semaines dans un service.

Ils sont rémunérés au SMIC sur la base de 169 heures de travail mensuelles.

Leur prise en charge financière est répartie entre le budget du ministère de l'intérieur qui assure 20 % des rémunérations, charges sociales comprises, et la totalité des frais de fonctionnement, et celui du ministère de l'emploi qui assure les 80 % restant des rémunérations.

8250 emplois d'adjoints de sécurité étaient inscrits dans le budget de 1998. Au 1er septembre 1998, 6067 avaient été recrutés, dont 5119 étaient en poste dans les services, principalement à la direction de la sécurité publique, 701 étant en formation et 247 ayant quitté le dispositif (58, pour inaptitude ou indiscipline, et 57 à la suite de la réussite d'un concours dans la police nationale).

Leur affectation se situe principalement dans les 26 départements classés très sensibles (79%) et les 21 départements classés sensibles (13%).

Dans les faits, les adjoints de sécurité ont été affectés majoritairement à des tâches d'îlotage et d'accueil dans les commissariats et sont le plus souvent dotés d'une arme .

Des difficultés de recrutement sont apparues. La présentation des tests psychologiques s'est révélée trop sélective pour les jeunes issus de quartiers sensibles ou de communautés étrangères. Un déficit de candidatures a de plus été constaté en région parisienne, contrairement au reste de la France. De ce fait, les candidats recrutés dans cette région ont un niveau scolaire moindre que celui atteint dans le reste de la France, 60% ayant un niveau inférieur au bac, contre 30% sur le reste du territoire.

Une mission d'inspection commune de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale de la police nationale a relevé que les adjoints de sécurité ne bénéficiaient pas toujours d'un encadrement suffisant , le problème étant plus aigu en région Ile-de-France où sont affectés beaucoup de gardiens de la paix stagiaires. La mission a relevé que les tuteurs des adjoints ne recevaient pas toujours la formation spécifique nécessaire et que la formation sur le terrain des adjoints eux-mêmes avant leur entrée en fonctions était souvent déficiente.

Pour 1999, il est prévu de recruter 7 600 adjoints de sécurité supplémentaires ce qui porterait leur nombre à 15 850 à la fin de l'année, l'objectif de 20 000 devant être atteint au cours de l'année 2000.

275,77 millions de francs ont été inscrits au budget de l'intérieur pour les rémunérations des adjoints de sécurité (chapitre 31-96) et 221,75 millions pour les frais de fonctionnement correspondants (chapitre 34-41, article 80).

Compte tenu du grand nombre de départs à la retraite et des recrutements attendus dans le corps de maîtrise et d'application dans les années à venir (environ 25 000 en cinq ans), les jeunes embauchés auront toute facilité pour passer les concours de recrutement et être à terme intégrés dans la police. Il est envisagé de leur réserver 40% des postes ouverts aux concours de recrutement de gardiens de la paix.

Votre commission rappelle que les adjoints de sécurité ne doivent pas être considérés comme des supplétifs à moindre coût de la police nationale.

Elle insiste pour qu'un soin particulier soit apporté à la sélection des candidats
, d'autant plus qu'ils auront vocation à rentrer en nombre par concours spéciaux dans la police . Or, il semble que les recrutements massifs actuellement opérés soient peu propices à assurer la qualité des personnels concernés, principalement en région parisienne, du fait du déficit de candidatures constaté.

Elle estime indispensable que soit assurée la qualité de la formation et de l'encadrement de ces jeunes peu expérimentés, à qui sont confiées des missions parfois dangereuses et qui sont le plus souvent dotés d'une arme . Or, cet encadrement est rendu problématique en raison du manque d'effectifs dans le corps de maîtrise et d'application. Il ne faut pas oublier que les 20 000 adjoints de sécurité représenteront plus du cinquième de l'effectif total du corps de maîtrise et d'application.

2. Les agents locaux de médiation sociale

Les agents locaux de médiation sociale sont recrutés dans le cadre de l'article premier de la loi sur l'emploi des jeunes, pour 5 ans et sur la base de contrats de droit privé, pour remplir des tâches de prévention, périphériques de la sécurité publique au sens strict.

Ils sont mis en place dans le cadre des contrats locaux de sécurité. Le coût de leur rémunération est supporté pour 20 % par l'employeur et 80 % par le ministre de l'emploi.

Au cours du premier semestre 1998, 1126 jeunes avaient ainsi été recrutés.

Ils sont principalement employés par des communes mais également par d'autres personnes morales de droit public ou privé, telles des sociétés de HLM ou des entreprises de transports publics.

Les missions effectivement confiées aux agents de médiation sont très variées : service de nuit dans les logements sociaux, surveillance dans les transports en commun, aux abords des établissements scolaires ou des espaces verts, aide aux jeunes en difficulté, accueil des victimes, médiation sociale, prévention de la toxicomanie, développement de solidarités de voisinage, action d'intégration des publics les plus fragiles.

Des difficultés sont apparues en matière d'encadrement et de formation de ces jeunes, les collectivités employeurs étant souvent démunies de cadres pour assurer l'un et l'autre.

C. UN REDÉPLOIEMENT CONTESTÉ DES EFFECTIFS DE LA POLICE ET DE LA GENDARMERIE

En application de l'article 8 de la loi d'orientation n° 95-73 du 21 janvier 1995, le décret n° 96-827 du 19 décembre 1996 avait posé le principe de l'étatisation de la police des communes dont la population est supérieure à 20.000 habitants et dont les caractéristiques de la délinquance sont celles d'une zone urbaine, les chefs-lieux de départements restant en tout état de cause sous régime d'Etat.

La mise en oeuvre de ces dispositions supposait une nouvelle répartition des zones placées sous la responsabilité respective de la police et de la gendarmerie, la police étant compétente dans les zones de police d'Etat et la gendarmerie dans les autres zones.

La mission conduite par nos collègues MM. Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest a posé, sur cette base, le principe d'un redéploiement territorial des forces de police et de gendarmerie permettant de donner priorité aux zones urbaines particulièrement touchées par la délinquance de voie publique, à savoir la grande couronne parisienne, les grandes agglomérations urbaines et le pourtour méditerranéen. Ce principe doit donc permettre :

- le redéploiement de policiers dans ces zones sensibles à la suite de transferts de compétences entre police et la gendarmerie ;

- le renforcement des effectifs de la gendarmerie dans les secteurs péri-urbains relevant déjà de sa compétence ou qui lui auront été nouvellement transférés, grâce à un redéploiement interne de 1200 gendarmes. Dans le cadre du plan " Gendarmerie 2 000 ", la gendarmerie a en effet décidé de supprimer 153 unités territoriales situées en zone de compétence de police et de ne garder en principe qu'une seule brigade par canton dans les zones rurales.

Après validation de ces principes par le conseil de sécurité intérieure du 27 avril 1997, les préfets ont été saisis, dans le courant du mois d'août, de propositions tendant à la fermeture de 94 commissariats et au transfert de la responsabilité de la sécurité de 38 communes de la gendarmerie vers la police.

Les transferts de compétence de la police à la gendarmerie de 94 circonscriptions de sécurité publique concernent 193 communes et correspondent à une population de 1,4 millions d'habitants et à un effectif de 3 000 fonctionnaires susceptibles d'être redéployés.

Les transferts de compétence de la gendarmerie à la police nationale de 38 communes devant être rattachées à des circonscriptions de sécurité publique existantes correspondent à une population de 355 000 habitants et supposent un renforcement en effectifs des circonscriptions de rattachement estimé à 787 policiers.

Ce programme, qui ne concerne que la métropole, se traduirait par un solde positif de 2460 policiers susceptibles d'être redéployés dans les zones sensibles.

Les décisions définitives devaient être prises en décembre. Mais devant l'opposition des personnels comme des élus qui se sont constitués en collectif, la mise en oeuvre du projet a été suspendue et M. Guy Fougier, conseiller d'Etat, ancien préfet de police a été chargé de mener des consultations complémentaires.

Il semble en effet que la concertation sur ce projet ait été insuffisante , nombre d'élus s'étant plaints d'avoir appris un projet de fermeture de leur commissariat par les médias.

En tout état de cause, il faut veiller à ce que la sécurité de communes aujourd'hui suffisamment dotées en forces de sécurité ne soit pas compromise par la fermeture d'un commissariat ou d'une brigade de gendarmerie.

Il est exact que, comme le font ressortir MM. Carraz et Hyest dans leur rapport, la répartition des forces de sécurité sur le territoire n'épouse pas la géographie de la criminalité. Les ratios de policiers ou gendarmes par habitants des 25 départements les plus touchés par la délinquance de voie publique sont légèrement supérieurs à ceux des 25 départements les moins criminogènes (respectivement 2,17 et 2,09 policiers ou gendarmes pour 1000 habitants) pour un taux de délinquance de voie publique par habitant qui varie dans un rapport de 1 à 3.

Il n'en demeure pas moins que les ratios de policiers par habitants dans les zones les plus criminogènes ne sont pas inférieurs à ceux rencontrés dans les zones moins criminogènes. Dans la mesure ou il ne faut pas négliger l'aspect préventif de l'action des forces de sécurité , les implantations de celles-ci ne doivent pas tenir compte uniquement de la délinquance constatée mais également de la population et de l'étendue du territoire à protéger. Plutôt que de supprimer des effectifs dans les zones les moins criminogènes, il serait donc préférable, au nom du droit à la sécurité de tous les citoyens, sur l'ensemble du territoire, de les renforcer dans les zones où la délinquance est la plus élevée.

La comparaison des ratios français de forces de l'ordre par habitant avec ceux des pays européens voisins est souvent avancée pour refuser des augmentations globales d'effectifs. Or, ces ratios (1 policier ou gendarme pour 252 habitants en France, 283 habitants en Italie, 296 habitants en Allemagne et 380 habitants au Royaume-Uni) ne tiennent pas compte de la plus grande dispersion de l'habitat en France qui nécessite de protéger l'ensemble du territoire .

D. LA RÉFORME DE LA PRÉFECTURE DE POLICE DE PARIS

Cette réforme, dont les principes ont été arrêtés au printemps 1998, tend à développer à Paris une véritable police de proximité en introduisant deux innovations :

- Création au niveau de chaque arrondissement d'une circonscription unique de police urbaine de proximité qui regroupera, sous l'autorité d'un commissaire central d'arrondissement, les moyens actuels des commissariats de sécurité publique et des commissariats de quartiers chargés de la police judiciaire. Ce regroupement a pour but de donner plus de cohérence et d'efficacité dans l'action de la police et de simplifier les relations avec le public ;

-  Création, au niveau de l'administration centrale, de trois directions correspondant chacune à une filière distincte : la filière de l'ordre public et de la circulation, la filière de la police urbaine de proximité et la filière de la police judiciaire. Cette distinction permettra de consacrer l'importance des missions dévolues à la police de proximité tout en clarifiant l'affectation des moyens aux différentes missions exercées.

Au niveau intermédiaire, il est prévu de réduire de six à trois les actuels districts de sécurité publique et les divisions de police judiciaire et d'instituer six secteurs de police urbaine de proximité couvrant chacun plusieurs arrondissements.

Le ministère de l'intérieur envisage une entrée en vigueur de cette réforme à la fin du premier trimestre ou au début du deuxième trimestre 1999.

Le budget de 1999 ne prévoit aucun moyen nouveau pour cette réforme.

E. LES POLICES MUNICIPALES

Les polices municipales peuvent être un atout important d'une politique de proximité. Le projet de loi sur les polices municipales, adopté par le Sénat en première lecture le 3 juin dernier, est en instance d'examen en deuxième lecture par l'Assemblée nationale. Le Sénat a souhaité promouvoir la complémentarité des polices municipales et de la police nationale dans un cadre partenarial respectant l'autonomie des communes . Il serait souhaitable que la loi puisse enfin voir le jour, la question du statut des polices municipales étant pendante devant le Parlement depuis 1987.

III. UN BUDGET QUI NE RÉPOND PAS AUX ATTENTES

Le projet de budget de la police pour 1999 s'élève à 29,11 milliards de francs , ce qui correspond à une progression en francs courants de 2,93 % , légèrement supérieure à celle de l'ensemble du budget qui est en augmentation de 2,3%.

Sa part dans le budget de l'Etat s'élève à 1,79% et est comparable à celles des dernières années. Sa part dans le Produit intérieur brut (0,33%) est en diminution depuis 1996.

Le budget de la police est avant tout conditionné par les dépenses de personnel qui représentent 83,25% des crédits , laissant peu de marge de manoeuvre budgétaire . La part des dépenses de fonctionnement s'élève à 13,41% et celle des dépenses en capital à 3,34%.

Les dépenses de personnel s'élèvent à 24,2 milliards de francs et sont en augmentation de 2,6%. Les crédits de fonctionnement courant des services atteindront 3,82 milliard de francs, soit une augmentation de 2,4%, alors que les crédits d'équipements s'élèveront à 1,26 milliards de francs en autorisations de programme (+10,3%) et à 971 millions en crédits de paiement (+14,4%).

A. LES PERSONNELS

1. Les effectifs budgétaires

Les effectifs budgétaires de la police s'élèveront en 1999 à 127 731 agents, dont 113 088 personnels actifs . En incluant 4 150 policiers auxiliaires et 15 850 adjoints de sécurité , on dénombre 147 731 agents.

Depuis la loi d'orientation, les personnels actifs se répartissent en trois corps :

- le corps de conception et de direction (commissaires de police) : 2 000 personnes ;

- le corps de commandement et d'encadrement (lieutenants, capitaines et commandants) : 17 000 personnes ;

- le corps de maîtrise et d'application (gardiens, brigadiers et brigadiers-majors) : 94 000 personnes.

La réforme des corps et des carrières, concrétisée dans le règlement général d'emploi publié le 4 septembre 1996, s'accompagne d'une modification de la répartition des effectifs entre les trois corps de manière à aboutir à une augmentation du nombre des agents de maîtrise et d'application.

Ce changement de structure s'échelonne sur plusieurs années. En 2010, l'effectif des commissaires serait ainsi réduit à 1 600 et celui des officiers à 13 000 tandis que celui des gardiens et gradés s'élèverait à 98 000. A l'heure actuelle, les officiers sont, à titre transitoire, trop nombreux pour exercer un réel emploi d'encadrement.

Le budget pour 1999 prévoit ainsi la transformation de 24 emplois de commissaires et de 424 emplois d'officiers en 448 emplois des corps de maîtrise et d'application.

Les autres variations d'effectifs concernent :

- la création de 7 600 emplois d'adjoints de sécurité qui viendront s'ajouter aux 8 250 postes créés en 1998 ;

- la suppression de 4 175 emplois de policiers auxiliaires dans le cadre de la suppression du service national obligatoire ;

- la transformation de 53 emplois d'officiers en 50 emplois d'attachés de police ;

- la création d'un emploi de directeur et de deux emplois de sous-directeur pour la future direction de la formation de la police, gagée sur la suppression de sept emplois de d'officiers ;

- la suppression de 128 emplois administratifs de catégorie C.

2. Les crédits

Les dépenses de personnel ( 24,2 milliards de francs) connaissent un accroissement de 2,61 % (+577,3 MF) sous l'influence des rémunérations d'activité.

Cette augmentation est imputable pour plus de 80% à l'accroissement des rémunérations dû à l'accord salarial de la fonction publique de février 1998 (+476,6 MF).

Elle résulte en second lieu du recrutement de 7600 adjoints de sécurité supplémentaires (+158,6 MF) ;

Le budget prévoit néanmoins quelques mesures catégorielles nouvelles :

- la création d'une prime d'encadrement des adjoints de sécurité qui serait versée à 5 000 fonctionnaires pour un montant mensuel de 120 F (+7,5 MF). Votre rapporteur s'interroge à cet égard sur l'intérêt de multiplier des primes de faible montant dont les critères de répartition ne sont pas toujours clairement établis ;

- la création pour un montant global de 0,9 MF, d'une prime de qualification, dite " OPJ 16 ", au bénéfice des 1 000 agents du corps de maîtrise et d'application qui se verraient attribuer la qualification d'officier de police judiciaire en application de la loi n° 98-1035 du 18 novembre 1998. Cette prime serait d'un montant de 230 F mensuel, identique à celui versé aux gendarmes, sachant cependant que le gain réel ne sera que de 90 F mensuel, les agents concernés perdant le bénéfice de la prime d'agent de police judiciaire, dite " APJ 20 ". Il est envisagé dans les années à venir de porter le nombre de ces nouveaux officiers de police judiciaire à 8 000 pour combler le déficit en OPJ résultant de la réforme des corps et carrières et augmenter globalement leurs effectifs dans un souci de meilleure efficacité de la police de proximité. A cet égard, votre rapporteur souhaite que ces agents, dont les services d'affectation ne sont pas encore déterminés, ne soient pas cantonnés dans des unités spécialisées dans l'investigation. Il se demande par ailleurs si un montant supplémentaire mensuel de 90 F de prime présente une incitation suffisante à l'accomplissement d'une formation difficile et à la prise en charge d'importantes responsabilités ;

- l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'échelon exceptionnel de gardien de la paix (5,6 MF) ;

- La revalorisation de la prime de commandement au profit des lieutenants (5 MF). Cette revalorisation ne semble pas suffisante pour satisfaire les officiers , notamment ceux des services centraux, pour qui la mise en place, en février 1998, de la prime de commandement unifiée pour l'ensemble du corps s'est soldée par une perte de revenu par rapport à la situation antérieure ;

- La création d'une prime de sujétion pour les personnels techniques de laboratoire affectés aux services d'identité judiciaire (+2 MF) ;

- La revalorisation du régime indemnitaire des secrétaires administratifs de police et agents des services techniques du matériel (+1,8 MF);

3. Une insuffisante gestion prévisionnelle des effectifs

Du fait de la pyramide des âge des corps actifs de policiers, un grand nombre de départs à la retraite doivent intervenir dans les prochaines années dans les trois corps actifs de la police nationale. D'ici 2003 sont ainsi attendus 28 000 départs, dont 547 chez les commissaires, 4 800 chez les officiers et plus de 22 000 chez les gardiens et gradés, soit plus d'un quart de l'effectif en 1998 de chaque corps .

La situation sera encore plus tendue pour les gardiens et gradés qui doivent voir leurs effectifs augmenter du fait du repyramidage des corps actifs. Plus de 25 000 recrutements devraient intervenir sur cinq ans dans ce corps. Compte tenu de la durée de formation, il existe un décalage d'un an entre le recrutement d'un agent et sa prise de poste. Pour éviter une désorganisation totale des services, il est impératif de prévoir des recrutements de personnels par anticipation , sous peine de manquer cruellement d'effectifs, ne serait-ce que pour encadrer les adjoints de sécurité.

Une politique de proximité, exige en effet la présence d'un maximum de personnels sur le terrain. Les effectifs globaux de la police ont diminué d'un millier de personnes, dont 144 personnels actifs , depuis 1995. On ne peut prendre le risque, du fait des départs à la retraite, de faire reposer la sécurité des Français sur des emplois-jeune inexpérimentés, peu formés et recrutés dans des conditions telles que la qualité de leur action n'est pas assurée.

M. Jean-Pierre Chevènement avait annoncé son souhait d'opérer des recrutements par anticipation en 1998. Il semblerait que 1200 à 1400 policiers puissent prochainement être recrutés en surnombre. Une telle mesure semble néanmoins insuffisante et l'effort doit être régulièrement poursuivi dans les années à venir.

4. Des crédits de formation insuffisants

La formation des personnels est annoncée à juste titre comme un objectif prioritaire avec la création d'une direction de la formation au sein de la direction générale de la police nationale et la tenue d'assises nationales de la formation au mois de février 1999.

Il est donc paradoxal de constater une baisse de 9 millions de francs (soit 4,7%) des crédits de formation inscrits au titre des écoles au chapitre 34-41 au moment où l'école de Nîmes, ouverte en 1998, doit monter en puissance et où les actions à engager prioritairement se multiplient du fait :

- de l'organisation très lourde des formations des adjoints de sécurité et de la nécessité de former leurs tuteurs ;

- de la formation des agents du corps de maîtrise et d'application à la fonction d'officier de police judiciaire. 8 000 agents seraient concernés à terme. Cette formation durerait 55 jours étalés sur 2 ans, celle des titulaires d'un DEUG ou des anciens enquêteurs étant réduite à 28 jours sur un an ;

- de la formation des agents à la délinquance des mineurs et à la délinquance urbaine, prévue par le plan gouvernemental contre la délinquance des mineurs.

Votre commission ne s'explique pas ce fossé entre les déclarations ministérielles en faveur de la formation et la diminution constatée des crédits qui lui sont consacrés.

B. LE FONCTIONNEMENT ET L'ÉQUIPEMENT

Les programmes informatiques et de transmission bénéficient de dotations qui permettent leur poursuite dans de bonnes conditions. En revanche, la situation des équipements des services et des investissements immobiliers est très préoccupante.

1. La poursuite satisfaisante des programmes d'informatique et de transmissions

a) Les programmes informatiques

Les crédits de fonctionnement informatique s'élèvent à 259,4 millions de francs. L'augmentation de 6,1 % sera principalement consacrée au système d'information Schengen .

Trois grands projets sont actuellement en cours de développement.

Le système de traitement automatisé de l'information criminelle (STIC) est un chantier essentiel. Il regroupe l'intégralité des fichiers judiciaires de la police nationale. Il est scindé en deux sous-systèmes : d'une part le logiciel de rédaction de procédures (LRP) et, d'autre part, une base de données nationale permettant la saisie et la recherche d'informations. La base nationale permet d'alimenter le système d'information Schengen et de reprendre les images du système CANONGE. En 1999, l'accent sera mis notamment sur la numérisation des pièces de procédure non saisies dans le cadre du logiciel et sur l'extraction automatique, à partir des procès verbaux, des données destinées à alimenter la base nationale.

12,3 MF seront consacrés à ce système en 1999 sur un total de 98,6 MF depuis 1992.

Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) est un important outil d'identification des personnes mises en cause dans le cadre des procédures judiciaires. Au 31 décembre 1997, la base centrale contenait 890 000 références, trois sites en permettaient la mise à jour et elle était interrogeable à partir de 11 sites. Ce fichier a fait la preuve de son utilité en permettant d'accroître notablement le nombre d'affaires résolues. En l'an 2000 l'ensemble des sites régionaux d'identité judiciaire devraient pouvoir l'utiliser.

16 millions de francs devraient être consacrés à ce programme en 1999 sur un total estimé à 84 millions de francs depuis 1996.

Le système d'information Schengen (SIS) résulte des accords de Schengen. Il vise à la mise en commun de données policières relatives à des personnes recherchées et à des véhicules ou objets (armes à feu, documents d'identité, billets de banque). Il comporte un système central situé à Strasbourg dont la France assure la gestion pour l'ensemble de ses partenaires (C.SIS) et, dans chaque pays, une partie nationale (N.SIS) assurant la consultation de la copie nationale du fichier Schengen ainsi qu'une unité de support (SIRENE) répondant aux besoins d'informations complémentaires pour mener une procédure.

Après un début difficile, la base, devenue opérationnelle en 1995, est désormais alimentée par les dix pays participant à l'accord et fonctionne de manière satisfaisante. Elle comprend près de 8 millions de références, la France, l'Allemagne et l'Italie en ayant chacune intégrées plus de 2 millions. En 1997, la France a découvert sur son territoire 9 029 signalements intégrés au SIS par nos partenaires, tandis que 3 143 signalements français étaient découverts par eux.

A court terme, le SIS soit subir d'importantes adaptations pour assurer le passage du système à l'an 2 000 et intégrer les cinq états nordiques. A l'échéance de 2005, est envisagé le passage à une nouvelle génération du système (SIS II). Mais ces changements techniques sont appelés à se développer dans des structures juridiques en évolution , puisque le traité d'Amsterdam prévoit, dès son entrée en vigueur, l'intégration de Schengen dans l'Union européenne . Les modalités de financement du SIS ou le rôle de la France pourrait donc être remis en question concernant le système SIS II.

Pour 1999, le total de la dotation consacrée à ce programme s'établirait à 41 MF , ce montant résultant, pour la part concernant le système central, d'une quote-part décidée au niveau européen . l'ensemble des dépenses consacrées au système depuis 1991 s'établirait ainsi à 216 MF.

Le ministère de l'intérieur a également décidé d'accélérer la mise en oeuvre du système DIALOG de gestion du personnel et de poursuivre le programme CHEOPS permettant la refonte des architectures informatiques utilisées dans le domaine policier.

b) Le programme ACROPOL

Le programme ACROPOL , réseau de communications cryptées numérique destiné à assurer à 100 % la confidentialité des transmissions de la police, sera poursuivi à un rythme permettant son achèvement pour 2007 (une hypothèse de développement plus rapide aurait permis l'achèvement du réseau en 2004). Couvrant actuellement le Rhône, l'Isère, la Loire et la Picardie, le réseau a commencé à être déployé en région parisienne. Il a permis d'assurer dans de bonnes conditions l'intégralité des radiocommunications des services de police et des autorités préfectorales sur trois des dix sites de la coupe du monde de football (Lyon, Saint-Etienne et Saint-Denis). En 1999, il est prévu d'achever la couverture du secrétariat général pour l'administration de la police de Paris et d'installer le système en Corse. La dotation correspondante s'élève à 422 MF en autorisation de programme et à 318 millions en crédits de paiement .

Votre commission insiste pour que soit assurée l'interopérabilité du système ACROPOL et du système de communication RUBIS mis en place par la gendarmerie nationale .

2. Des retards importants dans l'équipement matériel et immobilier

La situation du parc automobile est très inquiétante. Les services évaluent à 592,7 millions de francs les besoins théoriques en renouvellement de véhicules résultant des retards accumulés ces dernières années.

Les dotations consacrées au renouvellement du parc automobile sont en effet des variables d'ajustement de crédits de fonctionnement globalisés qui ont été fortement mis à contribution pour le fonctionnement du plan vigipirate ou du dispositif mis en place pour la coupe du monde de football.

Les dotations consacrées à l'équipement lourd des services régressent par rapport aux années précédentes en autorisations de programme comme en crédits de paiement. Cette diminution est d'autant plus préoccupante que les services ont enregistré un retard cumulé sur plusieurs années évalué à 202 millions de francs .

Le retard dans les équipements immobiliers conduit le Gouvernement à souhaiter la participation des collectivités locales pour l'aménagement des locaux de police, dans le cadre de l'opération " sécurité 2002 ".

Concernant le logement des policiers, les dotations (130 MF en autorisations de programme et 111 MF en crédits de paiement) sont en diminution par rapport à 1998. L'accent sera mis sur la constitution d'un patrimoine propre plutôt que sur la réservation des logements sociaux. Une prise de participation dans une société d'HLM pourrait intervenir par le biais de la fondation Jean Moulin.

Les laboratoires de police scientifique doivent remplacer leurs matériels obsolètes acquis entre 1985 et 1990. Il y va de leur efficacité. De même votre commission souligne l'importance de la mise en oeuvre rapide du fichier des empreintes génétiques prévu par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 sur les infractions sexuelles, un décret pris avis de la CNIL devant bientôt intervenir.

Votre commission constate donc que, sans un effort supplémentaire important en matière de fonctionnement et d'équipement des services, la police ne sera plus en état d'accomplir normalement ses missions.

IV. L'ABANDON DE CERTAINS OBJECTIFS DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION RELATIVE À LA SÉCURITÉ

A. AU PLAN FINANCIER

Sur le plan des engagements financiers, on constate un abandon total des objectifs fixés par la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995 qui arrive, en 1999, dans sa dernière année d'exécution.

La loi d'orientation prévoyait de consacrer 1,6 milliards de francs pour l'équipement de la police , ce qui aurait correspondu à 7 milliards de mesures nouvelles sur cinq ans. Or, les dépenses de fonctionnement ont enregistré un recul global de 21,113 MF pendant que les dépenses en capital n'augmentaient que de 109,32 MF.

Concernant les investissements immobiliers, il était prévu de livrer ou de réhabiliter 608 000 mètres carrés de surface de locaux de police. Moins de la moitié de l'objectif aura été réalisé.

Le nombre de logements prévu (4 000 en cinq ans) a cependant pu être mis à la disposition des policiers, non pas par l'acquisition de logements, mais par le biais de réservations de logements sociaux et de la conclusion de baux à tarif préférentiel moyennant la garantie de paiement du loyer.

La loi prévoyait le recrutement de 5 000 personnels administratifs qui permettrait aux policiers de se concentrer sur les tâches de sécurité. Au total, après des créations de postes les premières années, 918 emplois administratifs ont été au contraire supprimés sur la période.

B. AU PLAN RÉGLEMENTAIRE

La plus grande partie des mesures réglementaires concernant le statut des personnels et l'organisation de la police sont intervenues et sont en cours d'application. Plus de 300 dispositions ont été prises à cet effet.

En revanche, certaines mesures relatives à " la prévention de l'insécurité " tardent à recevoir application, principalement pour des questions de financement.

Devrait bientôt intervenir le décret prévu à l'article 11 sur les études de sécurité préalables à certains projets d'aménagement et équipements de construction.

Ne sont toujours pas intervenus et ne semblent pas en voie de l'être :

- le décret prévu à l'article 12 concernant le gardiennage des locaux d'habitation .

- le décret prévu à l'article 14 relatif à l'implantation sur le réseau routier et autoroutier de dispositifs techniques devant faciliter le contrôle du respect du code la route ;

- le décret prévu à l'article 15 sur le marquage électronique des véhicules .

V. UN SUIVI INSUFFISANT DE LA COOPÉRATION POLICIÈRE EUROPÉENNE

Votre commission a eu maintes fois l'occasion de souligner l'importance essentielle de la coopération policière internationale, et notamment européenne, comme instrument de lutte contre une criminalité qui, depuis longtemps, sait tirer le meilleur parti de toutes les opportunités qu'offre la libre circulation des personnes et des capitaux.

Le traité d'Amsterdam apportera de profondes modifications dans le déroulement du processus européen de coopération policière. La commission des Lois s'est inquiétée de la capacité de la France à répondre à ce nouvel enjeu et à rester une force de proposition et de contrôle, face à la commission européenne qui, dès l'entrée en vigueur du traité, disposera de nouveaux pouvoirs.

Dans son rapport établi en juin dernier au nom de la mission de la commission des Lois, présidée par M. Paul Masson, sur le suivi, par les ministères intéressés, du processus européen de coopération policière, M. Alex Türk a fait ressortir la nécessité d'une prise en charge directe par le ministère de l'intérieur de la responsabilité de la politique de sécurité dans le cadre européen 3( * ) .

Cette prise en charge impliquerait notamment que ce ministère représente la France dans les instances de décision européennes, principalement au Comité exécutif de Schengen et au comité K4 de l'Union européenne, à la place respectivement du ministre des Affaires européennes et du préfet coordonnateur du Secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI). Mais il serait également essentiel que le ministère de l'intérieur favorise l'émergence en son sein d'une véritable culture européenne, en promouvant la formation du personnel aux questions européennes et aux langues étrangères, et qu'il se dote d'une structure administrative d'impulsion adaptée.

Sur ce dernier point, lors de son audition par votre commission des Lois, le 5 novembre 1997, le ministre de l'intérieur avait annoncé la création au sein du ministère d'une délégation aux affaires internationales . Votre rapporteur regrette que cette délégation, qui a été créée de fait en décembre 1997, n'ait toujours pas été officialisée dans le décret d'organisation du ministère n° 85-1057 du 2 octobre 1985 . Il rappelle la nécessité, à terme, de la création d'une véritable direction des affaires internationales au ministère de l'intérieur .

La coopération policière européenne a été marquée en 1998 par l'entrée en vigueur, au 1er avril, de la convention d'application de la convention d'application de l'accord de Schengen avec l'Italie et l'Autriche.

Les projets de loi de ratification de l'adhésion à la convention d'application de l'accord de Schengen des trois pays nordiques, Danemark, Finlande et Suède, et de l'association de l'Islande et de la Norvège, ont, quand à eux, été déposés devant le Sénat.

Plusieurs conventions de coopération policière et douanière transfrontalières ont été conclues avec nos partenaires européens en application de la convention de Schengen (conventions du 3 octobre 1997 avec l'Italie, du 9 octobre 1997 avec l'Allemagne et du 7 juillet 1998 avec l'Espagne).

Votre rapporteur, constatant que les projets de loi de ratification n'ont toujours pas été déposés devant le Parlement, insiste sur la nécessité de ratifier au plus vite ces conventions, de manière à ne pas laisser perdurer des situations intermédiaires, préjudiciables à l'instauration d'une coopération efficace entre les services aux frontières des différents pays concernés.

Votre rapporteur regrette enfin que la convention Europol, entrée en vigueur le 1er octobre 1998 sans qu'un accord ait pu encore être trouvé concernant la mise en place de l'autorité de contrôle, ne puisse encore être véritablement appliquée, sept pays, dont la France , n'ayant pas ratifié le protocole sur les privilèges et immunités des fonctionnaires .

*

* *

La priorité annoncée par le Gouvernement pour la politique de sécurité ne trouve pas sa pleine traduction dans le budget de la police pour 1999 qui augmente à peine plus que l'ensemble du budget de l'Etat.

L'augmentation constatée est en effet en grande partie, dans une administration qui gère 133 000 agents, le résultat mécanique de l'accord salarial de la fonction publique du mois de février dernier.

Plusieurs objectifs définis par la loi du 21 janvier 1995 ont été abandonnés.

Sans un effort important de formation du personnel et d'équipement des services, et faute de recrutements anticipés pour pallier le grand nombre de départs à la retraite à venir, la police est en passe de ne plus pouvoir remplir correctement ses missions.

La politique suivie repose pour l'essentiel sur des emplois-jeunes dont l'avenir est incertain et sur un projet de redéploiement territorial des forces de police et de gendarmerie dont la mise en oeuvre est contestée.

Ces observations conduisent la commission des Lois à ne pas souscrire aux crédits figurant dans la section police-sécurité du projet de loi de finances pour 1999 et à s'en remettre sur ce plan à l'appréciation de la commission des finances.


1 De la non régularisation au non éloignement, un risque majeur pour l'intégration et la cohésion sociale : les "clandestins officiels ".- Rapport n° 470 (1997-1998)

2 Mission coordonnée par M. Jean-Claude Karsenty, inspecteur général de l'administration, associant les ministères de l'intérieur, de la défense, de la justice, de l'éducation nationale et de la solidarité.

3 Quand les policiers succèdent aux diplomates.- Assurer la présence de la France dans la coopération policière européenne.- Rapport n° 523 (1997-1998)



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