E. UNE MOBILISATION PERSISTANTE CONTRE LE TERRORISME
Les
services régionaux de police judiciaire et la division nationale
anti-terroriste sont restés très mobilisés par la lutte
contre le terrorisme durant les douze derniers mois.
En un an, les investigations de la brigade nationale anti-terroriste ont
donné lieu à 383 mesures de garde à vue et à la
mise sous écrou de 85 personnes.
Le début de l'année 1998 a été marqué par
l'assassinat, le 6 février 1998, du
Préfet de la
région corse
, M. Claude Erignac. Les investigations
menées actuellement sont axées sur la recherche des auteurs du
meurtre et leurs commanditaires. Elles ont mis en évidence de nombreuses
pratiques mafieuses et ont conduit à l'interpellation de 152 personnes,
dont 21 ont été écrouées, durant le premier
semestre 1998.
La persistance de la menace d'une nouvelle vague d'attentats des
groupes
armés islamiques
(GIA) sur le territoire national à
l'approche de la coupe du monde de football a conduit les services
anti-terroristes à diligenter, en liaison avec d'autres pays
européens, une opération qui a abouti à la neutralisation
d'un réseau terroriste qui avait notamment projeté d'assassiner
le recteur de la grande mosquée de Paris.
Des opérations ont également permis l'arrestation de dix
activistes de
l'ETA-Militaire
basque et le démantèlement
d'une filière d'approvisionnement de cette organisation en explosifs en
provenance de Bosnie-Herzégovine ainsi que le
démantèlement des réseaux de soutien d'organisations
terroristes turco-kurdes.
F. UNE LUTTE PERTURBÉE CONTRE L'IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE.
L'année 1997 a été marquée par
l'émergence forte et soutenue d'une
immigration irakienne
irrégulière d'origine kurde
(5 385 non-admissions), qui
s'est concentrée pour une grande part à la
frontière
italienne,
où il a été constaté
une
hausse de 35% de la pression migratoire irrégulière. Des mesures
de riposte exceptionnelles ont été prises à la suite de la
réunion de Rome, le 8 janvier 1998, des directeurs
généraux de la police des pays européens.
Le paysage de l'immigration irrégulière s'est trouvé
modifié du fait de l'application de
l'accord de Schengen
,
le
1er avril 1998
, à la frontière franco-italienne. Une
stratégie intégrant la notion de frontière zone filtrante
et de contrôles policiers mobiles concertés avec les forces de
sécurité italiennes a dû être mise en place, les
difficultés de coopération rencontrées au départ
semblant maintenant en voie de résolution.
Globalement, en 1997, le nombre de mesures de
non-admission
aux
frontières enregistrées par la direction centrale du
contrôle de l'immigration irrégulière et de la lutte contre
l'emploi des clandestins (DICCILEC) s'est élevé à
46
366
contre 43 775 en 1996, soit une augmentation de
5,92 %.
L'office central pour la répression de l'immigration
irrégulière et de l'emploi des étrangers sans titre
(OCRIEST), créé en 1996 et chargé tout
particulièrement de lutter contre les
filières d'immigration
de type mafieux
à ramifications internationales, a permis le
démantèlement de 10 filières internationales
d'immigration irrégulière et de 16 ateliers clandestins en
1997.
L'immigration irrégulière est en effet passée de
l'entreprise individuelle à
l'organisation de filières
structurées.
Malgré un accroissement de la pression migratoire, le
nombre de
personnes effectivement éloignées du territoire
s'est
élevé à
9 947
contre 12 571 en 1996.
Cette
importante diminution,
qui semble s'amplifier en 1998, est en
partie due à la situation politique troublée de certains pays
africains ayant rendu difficile les reconduites vers ceux-ci. Mais elle
résulte principalement des
instructions données aux
préfectures,
pendant une grande partie de l'opération de
régularisation des " sans papiers " (jusqu'au 24 avril 1998),
de ne pas procéder à des mesures d'éloignement.
En application de la circulaire du 24 juin 1997, et
avant l'entrée en
vigueur de la loi du 11 mai 1998
qui a modifié une nouvelle fois les
dispositions de l'ordonnance de 1945 sur l'entrée et le séjour
des étrangers, a en effet été engagée une vaste
opération de régularisation des étrangers
vivant
en situation irrégulière
sur le territoire
français. L'examen par les préfectures des
145 898
dossiers
jugés recevables est à peu près
achevé. Au 31 octobre 1998, l'opération avait donné
lieu à
78 705 régularisations contre
63 710 rejets,
environ 9 000 recours gracieux auprès
des préfectures et 13 000 recours hiérarchiques
auprès du ministre étant encore en cours de traitement. Les
circulaires des 10 et 19 août ont, pour l'examen de ces recours, assoupli
les conditions préalablement exigées par la circulaire initiale.
Le ministère de l'intérieur envisage la fin de l'opération
pour la fin de l'année 1998.
Ainsi que l'avait prévu M. José Balarello dans son rapport
au nom de la commission d'enquête du Sénat sur les
régularisations, présidée par M. Paul Masson
1(
*
)
, il semble que
cette
opération, dont les conséquences ont été mal
évaluées au départ, doive aboutir à une impasse
concernant les quelque 50 000 à 60 000 personnes qui auront au
bout du compte essuyé un refus de régularisation. La commission
d'enquête avait en effet critiqué l'institution par cette
procédure de
" clandestins officiels
", personnes en
situation irrégulière, désormais connues des services de
police, mais ne pouvant faire, ne serait ce que du fait de leur nombre trop
élevé, l'objet d'une reconduite effective à la
frontière.
Les dispositifs d'aide au retour dans le pays d'origine n'ont pas
rencontré le succès escompté et il y a fort à
craindre que cette situation perdure en dépit des nouvelles mesures
annoncées au Conseil des ministres du 4 novembre dernier.
Alors que les manifestations de soutien aux sans papiers non
régularisés se multiplient,
votre commission
regrette
cette situation inextricable due aux faux espoirs suscités par le
Gouvernenment mais rappelle que tout nouvel assouplissement des critères
de régularisation ne pourrait que créer un appel d'air à
l'immigration irrégulière et démobiliser fortement les
services de l'Etat compétents en la matière
.