B. MAIS LE SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DE NOS CONCITOYENS NE DIMINUE PAS
Comme votre commission l'a déjà souligné l'année dernière, il existe un décalage entre l'amélioration des statistiques globales et la perception de leur sécurité par les citoyens. Ceci s'explique par plusieurs facteurs objectifs.
1. La forte croissance de la violence de proximité
La
violence affecte de plus en plus les Français dans leur vie quotidienne.
Depuis 10 ans, parmi les infractions dites de masse, qui sont les plus
courantes, les
dégradations
et
les coups et blessures
volontaires
ont doublé. En 1997, les
coups et blessures
volontaires
ont continué à croître de
8,60 %
et les
vols avec violence
de
3,10 %
ainsi qu'il ressort
du tableau ci-dessous.
ÉVOLUTION DÉCÉNNALE DES INFRACTIONS DE MASSE
INFRACTIONS |
1988 |
1992 |
1996 |
1997 |
Évolution
|
Évolution
|
Coups et blessures volontaires |
42 512 |
55 613 |
75 425 |
81 910 |
8,60 % |
92,68 % |
Cambriolages |
375 851 |
462 497 |
436 414 |
407 385 |
-6,65 % |
8,39 % |
Vols avec violence |
43 409 |
60 324 |
70 031 |
72 203 |
3,10 % |
66,33 % |
Vols à l'étalage |
63 355 |
70 856 |
59 627 |
57 055 |
-4,31 % |
-9,94 % |
Vols à la tire |
99 305 |
102 990 |
80 984 |
79 747 |
-1,53 % |
-19,69 % |
Vols de véhicules |
360 509 |
504 939 |
443 767 |
417 360 |
-5,95 % |
15,77 % |
Vols Roulotte |
675 032 |
886 011 |
704 955 |
672 101 |
-4,66 % |
-0,43 % |
Recels |
26 963 |
34 089 |
34 324 |
35 381 |
3,08 % |
31,22 % |
Falsifications |
173 891 |
180 721 |
163 698 |
154 675 |
-5,51 % |
-11,05 % |
Dégradations |
204 218 |
374 569 |
447 376 |
454 180 |
1,52 % |
122,40 % |
Total Infractions de masse |
2 065 045 |
2 732 609 |
2 516 601 |
2 431 997 |
-3,36 % |
17,77 % |
Total de la criminalité |
3 132 694 |
3 830 996 |
3 559 617 |
3 493 442 |
-1,86 % |
11,52 % |
% de la criminalité totale |
65,92 % |
71,33 % |
70,70 % |
69,62 % |
|
|
Cette année, la recrudescence de la violence dans les transports en commun a particulièrement affecté les usagers comme les personnels. Ces derniers n'acceptent plus, à juste titre, d'être quotidiennement mis en danger dans l'exercice de leurs fonctions. S'il convient de prendre les mesures préventives nécessaires, il convient également de renforcer les sanctions des infractions commises à l'encontre de personnels qui restent souvent les seuls représentants du service public dans des banlieues désertées.
2. Une réponse répressive insuffisante
La
non élucidation
des infractions de
proximité est fréquente. Alors que le taux d'élucidation
des crimes et délits contre les personnes dépasse les 75 %
et qu'il est en moyenne de 29,47 % pour l'ensemble des infractions (contre
30,20% en 1996), il s'établit à 13 % pour les vols et à
moins de
10% pour l'ensemble de la délinquance de voie publique
.
La faiblesse de la réponse pénale aggrave encore ce
phénomène puisque, en moyenne,
80 % des affaires
élucidées en ces matières sont classées sans
suite
par les parquets faute de moyens pour les traiter. Votre commission a
fréquemment déploré cette rupture de la chaîne
répressive estimant que classement sans suite ne devait pas être
une solution pour pallier l'encombrement des tribunaux.
Il s'ensuit un sentiment d'impunité qui encourage la
délinquance, démotive profondément la police et dissuade
les citoyens eux-mêmes de porter plainte.
On observe, en outre, l'apparition, à côté d'une
réelle délinquance, de comportements provocants, dits
"
incivils
", qui, même s'ils ne sont pas toujours
susceptibles d'être réprimés pénalement, sont
durement ressentis par les populations concernées.
Pour ces raisons, les statistiques de la délinquance de
proximité sont certainement minimisées
et ne rendent compte
qu'imparfaitement de la situation réelle.
3. Une répartition géographique inégale
L'ensemble de ces phénomènes de
délinquance
urbaine se concentre principalement dans les banlieues et les quartiers
défavorisés dont les habitants ont le sentiment d'être
à l'écart des services de l'Etat en devenant de fait des citoyens
de deuxième rang, condamnés à vivre dans des
zones de
non-droit
en contact quotidien avec la violence urbaine et la
multiplication des trafics.
Le ministère de l'intérieur a déterminé
673 quartiers sensibles
en proie à la violence urbaine.
Parmi ceux-ci,
132
, dont 55 en région Ile-de-France, sont
régulièrement le siège de
violences
anti-policières
.
Vingt-six
départements ont été
déterminés comme
très sensibles
et
vingt et
un
comme
sensibles
.
Quatre régions, Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d'azur,
Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais, concentrent à elles seules plus
de la moitié (54,58%) des crimes et délits constatés en
France métropolitaine pour 43% de la population.
Par ailleurs, la baisse globale de la criminalité observée en
1997 n'est pas uniforme sur l'ensemble du territoire.
Parmi les 22
régions
françaises,
7 ont
enregistré une hausse
de la criminalité en 1997 :
Nord-Pas-de-Calais (1,66%), Champagne-Ardennes (1,48%), Limousin (1,20%),
Lorraine (1,11%), Bourgogne (1,05%), Basse-Normandie (0,94%) et
Midi-Pyrenées (0,44%). Il en est ainsi de trente-sept
départements.
Sur les 11 circonscriptions de sécurité publique de plus de
250 000 habitants, trois ont enregistré une hausse de la
criminalité, à savoir Lille (5,23%), Lyon (4,49%) et Bordeaux
(2,70%).