EXAMEN EN COMMISSION
Au cours
de sa réunion du Mardi 17 novembre 1998, la Commission des affaires
économiques a, procédé à l'audition de
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la
ville, sur le projet de loi de finances pour 1999.
A titre liminaire, M. Claude Bartolone, ministre délégué
à la ville, a souligné la nécessité de maintenir un
équilibre entre les territoires ruraux et les agglomérations,
avant de rappeler que les objectifs fixés par le comité
interministériel des villes (CIV) du 30 juin 1998
étaient l'emploi, la sécurité, l'éducation et
l'égalité devant le service public. Il a souhaité mener
une action globale, sur le long terme, avec pour principes la
déconcentration, la décentralisation et la démocratie.
Il a jugé que la déconcentration permettrait de démontrer
l'unité du point de vue stratégique de l'Etat, que la
décentralisation donnerait la parole aux maires, qui étaient les
plus proches du terrain, et que la démocratie locale permettrait
d'associer la population à la politique de la ville tout au long des
projets urbains.
Souhaitant parvenir à une contractualisation réussie entre
l'Etat, les communes, les départements et les régions, il a
rappelé l'importance de l'apport des fonds structurels européens.
Il a précisé que le total des concours publics pour 1999
s'élèverait à 31 milliards de francs en 1999, contre
22 milliards en 1998 rappelant que M. Jean-Pierre Sueur, dans son rapport
sur la ville présenté au Gouvernement fin 1997, avait
estimé nécessaire de mobiliser environ 35 milliards de
francs par an en faveur de cette politique.
Puis, il a indiqué que les crédits du ministère de la
ville croissaient de 32 %, atteignant un milliard de francs, auxquels
s'ajoutaient 485 millions de francs issus du fonds d'aménagement de
la région Ile-de-France (FARIF) et du fonds interministériel des
villes (FIV), ces crédits étant mis en oeuvre de façon
souple et pluriannuelle.
Evoquant les futurs contrats de ville (2000-2006), il a rappelé que
16 sites pilotes expérimentaux avaient été choisis et
que deux groupes de travail étaient créés, l'un sur la
démarche administrative et l'autre sur les procédures
financières relatives à ces contrats, qui auraient
désormais la même durée que les contrats de plan
Etat-Région.
Il a souhaité qu'à l'avenir, les associations perçoivent
des aides financières sans pâtir de retards administratifs et
comptables, avant d'indiquer les grandes priorités de son budget :
a) l'animation de la politique de la ville (+30 millions de francs),
notamment pour concourrir à la mise en oeuvre des contrats de ville et
au renforcement de la Délégation interministérielle
à la ville (DIV), chargée de tirer les conclusions des diverses
expérimentations ; au fonctionnement du Conseil national des
villes ; à la création d'un institut pour la ville
chargé de " capitaliser sur les savoirs et d'échanger sur
les pratiques " ;
b) le soutien des initiatives locales qui recevra l'essentiel des nouveaux
moyens (+191 millions de francs), dans le cadre des contrats de ville, des
grands projets urbains et de l'opération ville-vie-vacances ;
c) les services publics de proximité (+24 millions de francs). Sur
ce point, il a réaffirmé la volonté de soutenir les
initiatives des habitants ainsi que la gestion urbaine de proximité et
la coopération avec les réseaux de services publics, notamment la
Poste.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a
indiqué que les crédits des autres ministères
s'accroissaient de 3 milliards de francs, notamment grâce aux
montants destinés aux emplois-jeunes, que les dépenses fiscales
et sociales résultant d'exonérations s'élevaient à
2,6 milliards de francs, et que la dotation de solidarité urbaine
(DSU) croîtrait d'un milliard de francs.
Evoquant les opérations de construction-démolition, il a
souhaité que les collectivités locales y trouvent l'occasion de
repenser l'organisation urbaine, et la politique de mixité sociale,
plutôt que le moyen de se défausser sur certaines communes de
populations à problèmes. Il a précisé que la Caisse
des dépôts et consignations contribuerait, en outre, à ce
programme de renouvellement urbain, avec deux enveloppes de prêts de
10 milliards de francs et 300 millions de francs de crédits
sur fonds propres.
En conclusion, il a souligné que l'Etat souhaitait une mobilisation
générale en faveur de la ville afin de réussir
l'intégration dans les quartiers difficiles et de lutter contre la
fracture sociale, pour des villes équilibrées.
Après avoir remercié le ministre pour son exposé,
M. Jean François-Poncet, président, a observé
que les crédits de l'aménagement du territoire ne connaissaient
pas une croissance analogue et que l'on était, par conséquent,
très loin d'un équilibre entre les villes et l'espace rural, ce
qui rendait d'autant plus nécessaire un rattrapage dans l'avenir.
Affirmant que le Sénat représentait le territoire dans sa
diversité et dans sa globalité, sans opposer l'espace rural et
l'espace urbain, M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis, a
rappelé qu'il plaidait pour une " discrimination positive "
afin de compenser les handicaps de chacun de ces espaces. Il a observé
que le budget connaissait une croissance, dans le droit fil du pacte de relance
pour la ville, tout en notant que le chiffre de 31 milliards
annoncé comprenait des prêts souscrits par les
collectivités locales et le fonds de solidarité des communes
d'Ile-de-France, avant d'estimer qu'au total les crédits d'Etat et les
crédits européens s'élevaient à environ
21 milliards de francs, et que leur croissance procédait
essentiellement de la hausse des crédits d'animation, de ceux
destinés aux grands projets urbains (GPU) et de ceux affectés aux
emplois-jeunes.
En réponse, M. Claude Bartolone, ministre
délégué à la ville, a jugé éclairante
la présentation, dans un seul document de l'ensemble des crédits
d'Etat à côté de ceux des collectivités locales,
concours de la CDC et des fonds structurels européens.
Puis, le rapporteur pour avis, a rappelé que lors de l'examen du projet
de loi de finances pour 1998, le Sénat avait critiqué le fait que
seuls 10 % de ces emplois étaient réservés aux
quartiers en difficulté, avant de se réjouir que cette proportion
s'élève désormais à 20 %, prouvant que les
observations du Sénat étaient fondées.
Evoquant les contrats de ville, il a souligné que, depuis trois ans, la
Haute Assemblée prônait qu'ils soient négociés au
niveau des agglomérations et qu'ils coïncident dans le temps avec
les contrats de plan. Il a souhaité que le Gouvernement entame une
réflexion sur les dispositifs de sortie des zones franches urbaines
(ZFU) et des zones de redynamisation urbaine (ZRU).
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la
ville, a estimé, en réponse, que les zonages étaient
néfastes lorsqu'ils suscitaient des effets de seuil voire de
stigmatisation de certains quartiers, mais qu'il fallait conserver les zonages
qui correspondaient à des projets politiques de terrain.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis, a évoqué les
résultats positifs obtenus dans les ZFU, tels que la création de
14.000 emplois, et l'amorce d'un " cercle vertueux ", avant de
déplorer que le Gouvernement n'ait pas présenté le bilan
que le Parlement avait souhaité recevoir chaque année sur le
fonctionnement des ZFU. Il a rappelé que les habitants des ZFU
eux-mêmes ressentaient les effets positifs de ces zones, une buraliste de
Mantes 2 ayant, par exemple, observé lors d'une visite sur place, qu'au
Val Fourré, " on voyait de nouveau des gens en cravate ".
Indiquant, en outre, que le rapport Sueur était en décalage par
rapport aux conclusions du rapport Duport-Idrac de 1996, selon lequel les
zonages étaient utiles, il a demandé des précisions sur la
politique du Gouvernement en la matière.
Le ministre a dit son souhait de voir maintenu le régime des ZFU, afin
de traduire la continuité des engagements de l'Etat, précisant
qu'il avait demandé un rapport d'évaluation les concernant aux
inspections des finances, des affaires sociales et de l'administration. Il a
observé que, sur le terrain, le jugement porté à
l'encontre des zones franches était
" équilibré ", car si elles contribuaient à
changer la physionomie de certains quartiers et permettaient d'associer de
nouveaux partenaires tels que les chambres d'industrie et les chambres des
métiers, elles avaient suscité quelques problèmes de
concurrence déloyale et de délocalisations d'activités.
Soulignant la nécessité de rétablir la
sécurité, M. Gérard Larcher, rapporteur pour
avis, a indiqué que lors d'une visite effectuée dans la zone
franche de Mantes-la-Jolie, il avait constaté que sur 20 agents du
poste de police, 8 étaient des auxiliaires de sécurité.
Après avoir évoqué les graves problèmes qui
survenaient dans les transports collectifs, il a jugé que des policiers
aguerris étaient seuls capables d'assurer efficacement l'îlotage
et a déploré la réduction des crédits du
ministère de la justice.
Le ministre a affirmé, en réponse, que la sécurité
figurait au premier rang des conclusions du dernier CIV, au même titre
que les problèmes posés par le redéploiement des forces de
sécurité, les horaires et le degré de qualification que
nécessitaient les tâches des agents. Il a observé que
même si la France était l'un des Etats d'Europe dans lesquels le
nombre de policiers était l'un des plus élevés, la
réussite de la politique de sécurité constituait l'une des
conditions du succès de la politique de la ville. Il a estimé que
l'action de proximité des médiateurs sociaux, la présence
de policiers formés, la lutte contre le sentiment d'impunité
faisaient partie d'une seule et même politique.
Répondant à une question du rapporteur pour avis, qui
l'interrogeait sur l'activité de l'établissement public de
reconstruction et d'aménagement des espaces commerciaux et artisanaux
(EPARECA), le ministre a rappelé que cet établissement public,
doté de 130 millions de francs, tendait à favoriser le
redressement des copropriétés artisanales en difficulté.
Evoquant la démolition-reconstruction,
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis, a souhaité que
celle-ci s'accompagne du versement d'aides financières permettant aux
collectivités locales de faire face aux échéances des
prêts souscrits par les sociétés HLM qu'elles garantissent,
et que l'administration conduise ces opérations dans des délais
raisonnables.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la
ville, a rappelé, en réponse, que dans le département de
Seine-Saint-Denis, le taux de vacance de certains immeubles atteignait
30 %. Il a jugé que les délais excessifs pour la
réalisation des opérations de démolition-reconstruction
étaient inadmissibles, car ils désespéraient la population
et les élus.
A M. François Gerbaud, qui souhaitait une lutte systématique
contre le sentiment d'impunité, le ministre a répondu que tous
les actes de délinquance devaient impérativement faire l'objet de
sanctions et d'une réparation, comme le prévoyaient actuellement
les contrats locaux de sécurité.
M. Jean François-Poncet, président, a souligné que le
redéploiement des forces de sécurité suscitait, à
travers le pays, une émotion considérable, que l'on aurait pu
éviter en recrutant un nombre relativement modeste de fonctionnaires de
police ; puis Mme Janine Bardou a observé qu'urbaines ou rurales, les
zones en difficulté rencontraient des difficultés analogues en
termes de manque de services publics, et a déploré l'incidence du
redéploiement de la gendarmerie en milieu rural.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville,
leur a répondu que le redéploiement en question concernait
3.000 policiers et 1.200 gendarmes, en faisant valoir qu'il
était nécessaire de revoir la carte des zones d'intervention de
la police et de la gendarmerie nationales.
M. Jean François-Poncet, président, et Mme Janine Bardou ont
souligné que, sur le terrain, ce redéploiement s'était
traduit par des fermetures de gendarmeries opérées en fonction de
la population des départements, alors qu'il était
impératif de renforcer l'attractivité de l'espace rural et d'y
maintenir les services publics.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a
précisé que les réorganisations territoriales de la
gendarmerie n'étaient pas liées à la
nécessité d'une présence renforcée des forces de
sécurité dans les départements les plus urbains et qu'il
s'agissait de deux dossiers différents.
M. Jean-Pierre Plancade a estimé que les choix faits par le Gouvernement
étaient raisonnables, tout en soulignant que la réforme de la
carte des gendarmeries posait de délicats problèmes, car les
habitants des zones rurales craignaient une hausse de la criminalité.
Mme Anne Heinis a redouté que la réduction des forces de police
en zone rurale n'y entraîne une multiplication des délits.
Répondant à ces questions et à celles de M. Gérard
Larcher, rapporteur pour avis, -qui indiquait que le Pacte de relance de 1996
avait prévu la création de 4.000 postes
supplémentaires de policiers dans les secteurs en difficulté- le
ministre a observé que si le Gouvernement avait choisi de ne pas
procéder à des recrutements sur des postes budgétaires, il
avait néanmoins créé 8.600 postes d'adjoints de
sécurité et 15.000 postes d'agents locaux de
médiation sociale.
Interrogé par M. Jean François-Poncet, président, sur les
conséquences susceptibles d'être tirées, en France, de la
diminution de la criminalité dans les villes américaines,
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la
ville, a préconisé une lutte contre le sentiment d'abandon qui
renforce les actes d'incivilité, tout en émettant de fortes
réserves quant à la politique d'incarcération à
grande échelle menée aux Etats-Unis. Il a souligné,
à cette occasion, l'importance du dispositif de prévention
français.
Répondant à Mme Janine Bardou qui le questionnait sur le
rôle de la famille et notait que le comportement d'enfants de
12 ans, même délinquants, ne pouvait être
dissocié de celle-ci, il a souhaité mener une action innovante en
faveur des familles monoparentales, tout en recherchant des réponses
collectives à la délinquance des mineurs.
Après avoir évoqué la question des zones
d'éducation prioritaire, M. Gérard Larcher, rapporteur
pour avis, a rappelé que la politique américaine se fondait sur
trois piliers : la répression systématique de tout
délit ; la réparation rapide des équipements publics
dégradés ; le renforcement de la présence humaine. Il a
dit placer beaucoup d'espoir dans l'action des agents de médiation
sociale, tout en recommandant un renforcement de la qualification
professionnelle des policiers en zone urbaine sensible.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville, a
également souhaité une amélioration de la présence
policière, tout en jugeant qu'elle allait de pair avec le
développement du rôle des auxiliaires de sécurité.
M. Louis Moinard a considéré qu'une action coordonnée des
ministères de la ville et de l'aménagement du territoire en
faveur de l'emploi était indispensable, et estimé qu'en milieu
rural, les chômeurs jouissaient d'un environnement moins hostile qu'en
milieu urbain.
A la suite de l'audition du ministre, M. Gérard Larcher, rapporteur pour
avis, a présenté à la commission les conclusions de son
rapport pour avis et précisé que la commission des finances avait
proposé d'adopter les crédits, sous réserve d'une
réduction des crédits des titres III et V.
Puis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des
crédits, sous réserve du vote des amendements
décidés par la commission des finances, le groupe socialiste
s'abstenant sur le rapport et votant pour l'adoption des crédits tels
qu'inscrits au projet de loi de finances pour 1999.