LE CONTRAT DE PLAN DU 25 JUIN 1998 : DES RÉPONSES PARTIELLES
Le
" contrat d'objectifs et de progrès portant contrat de plan entre
l'État et La Poste " pour la période du 1er janvier 1998 au
31 décembre 2001 a été signé le 25 juin
dernier.
Au préalable, votre commission pour avis rappelle qu'elle avait
déploré l'an passé le retard pris dans la signature du
contrat de plan, ce dernier intervenant 6 mois après sa date
d'entrée en vigueur.
Plutôt que d'exposer fastidieusement le détail de ce document qui
précise les orientations stratégiques de l'établissement
public et de ses filiales et fixe le cadre de ses relations avec l'État
pour les trois ans à venir, votre rapporteur formulera quelques
remarques.
LE COURRIER ET LES COLIS : UN CERTAIN MANQUE DE SOUFFLE
Une adaptation partielle à l'irruption de la concurrence
Le
contrat de plan fixe à La Poste des objectifs en termes de modernisation
et d'adaptation de son offre en fonction des attentes de ses différents
clients. Il pose le principe d'une
baisse des tarifs en francs constants
pour les services réservés et d'une politique tarifaire de
"
prix abordable et de compétitivité
européenne
".
Ces évolutions sont cohérentes
avec l'ouverture accrue à la concurrence.
On peut toutefois regretter que la mission de veiller à "
la
fiabilité, à la régularité et à la
continuité du service public du courrier
" ne soit pas assortie
d'objectifs précis
.
De même, votre commission pour avis aurait souhaité que soit
envisagé l'assujettissement de La Poste à la TVA.
Un manque d'ambition pour la conclusion d'alliances internationales
Le
contrat de plan ne consacre que quatre lignes à la présence
internationale de La Poste (page 15, paragraphe 1-7, 1er alinéa), et
évoque très allusivement la "
mise en place de
partenariats avec des opérateurs étrangers
".
Votre
commission pour avis juge pourtant essentielle la constitution d'alliances pour
l'opérateur français.
Elle déplore le manque d'ambition du contrat de plan en la
matière.
Une avancée à relativiser pour l'aide de l'État au transport de la presse
Le
contrat de plan prévoit que la contribution annuelle de l'État au
titre de l'aide au transport de la presse, fixée à 1850 millions
de francs en 1998 et 1999, "
sera portée à 1900 millions
de francs en 2000 et 2001
".
Votre commission pour avis rappelle qu'il ne s'agit là que d'un simple
retour à la situation prévalant lors du précédent
contrat de plan. Elle avait déploré qu'en 1998,
libéré de cet engagement, l'État ne décide
unilatéralement de baisser cette contribution.
L'avancée supposée en la matière pour les années
2000 et 2001 doit donc être fortement relativisée. Rappelons par
ailleurs que le niveau prévu de l'aide ne permettra que
d'améliorer -lentement- un taux de couverture par l'État
d'un déficit qui restera majoritairement à la charge de La
Poste.
LES RETRAITES : UN DÉBUT DE SOLUTION À SALUER
Comme
cela a déjà été indiqué, l'évolution
de la charge des retraites de La Poste, en accroissement de 600 millions de
francs par an, conduisait à l'asphyxie financière de cette
dernière.
Sur la période du contrat de plan, la situation aurait été
la suivante :
CHARGES DE RETRAITE
PRÉVUES SUR LA PÉRIODE DU CONTRAT DE PLAN
(en millions de francs)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Charges de pensions |
13 630 |
14 296 |
14 936 |
15 629 |
16 321 |
Charges de compensation |
1 560 |
1 337 |
1 197 |
1 044 |
870 |
Retenue salariale |
- 2 387 |
- 2 371 |
- 2 373 |
- 2 379 |
- 2 384 |
Contribution employeur |
12 803 |
13 262 |
13 760 |
14 294 |
14 806 |
Évolution |
|
+ 3,6 % |
+ 3,8 % |
+ 3,8 % |
+ 3,6 % |
Le
contrat d'objectifs et de progrès portant contrat de plan pour la
période 1998 à 2001, comporte la disposition suivante, dans son
article 8 relatif aux engagements de l'État :
"
Parallèlement aux engagements de La Poste relatifs à
l'amélioration de ses performances, l'État accompagne
l'exploitant, (...)
en stabilisant en francs constants au niveau des charges
dues au titre de 1997, les charges de retraites
de La Poste dues au titre
des années du contrat d'objectifs et de progrès.
"
Compte tenu de cette disposition, la contribution de La Poste devrait
évoluer de la manière suivante (sur la base des prévisions
d'évolution des prix fournies par le Gouvernement) :
CHARGES DE RETRAITES A L'ISSUE DU CONTRAT DE PLAN
(en millions de francs)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Contribution employeur |
12 803 |
12 931 |
13 099 |
13 269 |
13 442 |
Évolution |
|
+ 1,0 % |
+ 1,3 % |
+ 1,3 % |
+ 1,3 % |
Cette disposition est, bien entendu, une avancée importante que votre commission pour avis salue, même si l'on peut s'interroger sur sa pérennité au-delà du contrat de plan, compte tenu du caractère fortement évolutif de cette charge.
LES SERVICES FINANCIERS : DES DÉVELOPPEMENTS " MESURÉS "
En
matière de services financiers, le contrat de plan demande à La
Poste de "
conforter son positionnement et consolider ses parts de
marché
".
Encore faut-il que les moyens lui en soient
laissés !
Un timide développement dans le domaine de l'assurance
En ce
qui concerne le domaine de l'assurance, faut-il rappeler que la loi
précitée du 2 juillet 1990 dispose dans son article 2
que "
La Poste a pour objet (...) d'offrir dans le respect des
règles de concurrence des prestations relatives (...)
à tous
produits d'assurance
", et que le cahier des charges de La Poste
précise dans son article 13 que : "
La Poste est
habilitée à offrir, pour son propre compte ou pour celui de ses
filiales créées et agréées à cet effet,
tous contrats d'assurance et de capitalisation
(...) La Poste seule ou
en partenariat, peut créer ou acquérir des filiales ou prendre
des participations dans des entreprises régies par le code des
assurances
" ?
Votre rapporteur ne s'étendra pas sur les raisons qui ont conduit le
Gouvernement, malgré les textes en vigueur, à refuser à
l'exploitant public d'intervenir sur le marché de l'assurance
dommages.
En ce qui concerne le contrat de plan, il offre, quant à lui, la
possibilité à La Poste de développer des activités
d'assurances de personnes
.
Ainsi, La Poste doit renforcer ses liens commerciaux et capitalistiques avec la
CNP (montée dans le capital, création d'une filiale commune
dédiée à l'assurance de personnes).
Est envisagé le développement, en partenariat, d'activités
d'assurance des risques liés aux personnes : décès,
invalidité, incapacité, santé, dépendance...
La Poste est invitée à proposer des offres
" innovantes ", certaines présentant un " fort
degré d'utilité sociale ", comme des assurances
complémentaires santé ou emploi. Il s'agit, on le voit, de
développer seulement les prestations que les acteurs traditionnels du
marché n'offrent pas à ce jour.
Est-ce suffisant ?
La centralisation des comptes chèques postaux (CCP)
Pour ce
qui est de la centralisation, jusqu'alors obligatoire, des fonds des comptes
chèques postaux (CCP) au Trésor, le contrat de plan innove en
prévoyant le
transfert progressif, au profit de La Poste
, sur
cinq ans à compter du 1er janvier 1999,
de la gestion des fonds
placés sur les CCP
. L'article 78 du projet de loi de finances
pour 1999 met en place cette mesure en modifiant l'article 16 de la loi du
2 juillet 1990 précitée. Le Gouvernement a indiqué
que la gestion de 30 milliards de francs devrait être ainsi
décentralisée à La Poste en 1999.
L'établissement public assurera donc progressivement la gestion de ces
avoirs, selon un échéancier établi sur 5 ans,
à compter du 1er janvier 1999. Si cette réforme
accroît l'autonomie de gestion de La Poste, elle rend son résultat
plus sensible à la fluctuation des taux d'intérêts.
La rémunération de la part résiduelle des CCP
centralisés auprès du Trésor sera fixée dans les
conditions suivantes : taux des BTF 13 semaines moins commission de
0,4 % en "
rémunération de la garantie
apportée par l'État aux dépôts sur les comptes
courants
". Cette rémunération ne peut toutefois
être inférieure à 4,75 %, ni supérieure
à 6,5 %.
La discussion récente, au Sénat, du projet de loi portant
règlement définitif du budget de 1995 a montré qu'il
convenait de rechercher, en la matière, une transparence accrue.
LA PRÉSENCE POSTALE SUR LE TERRITOIRE : UNE OCCASION MANQUÉE
Actuellement, le réseau de La Poste est
constitué de
17 000 points de contact. Ce réseau, auquel votre commission
est légitimement attachée, et qui est, bien souvent, dans les
zones les moins peuplées de notre pays, perçu comme l'une des
dernières expressions tangibles de l'attention que porte la
République à ces territoires, a toutefois
un coût
très lourd
pour l'opérateur.
Actuellement, entre 2 000 et 2 400 points de contact postaux ont
moins d'une heure d'activité par jour, 3 000 ont moins de
2 heures d'activité par jour, 4 000 moins de 3 heures
d'activité par jour et 5 000 moins de 4 heures
d'activité par jour.
Pouvait-on raisonnablement laisser perdurer une telle situation ?
Votre commission pour avis avait exprimé, l'an dernier, son souhait de
voir mis en place un dispositif concerté et satisfaisant, pour
l'opérateur comme pour les collectivités locales et les
populations concernées, de sortie du " moratoire " sur la
fermeture des services publics, reconduit depuis 1993.
En la matière, le contrat de plan a fixé les perspectives
suivantes :
-
un principe
:
l'adaptation du réseau aux besoins
et
aux évolutions démographiques, dans les zones rurales et les
zones urbaines sensibles en particulier, et l'amélioration de
l'équilibre financier de La Poste.
-
deux instruments privilégiés
: la
" concertation locale "
et la
" recherche de
partenariat ".
Les partenariats
La Poste est invitée à mettre en oeuvre des partenariats
"
dans un cadre intercommunal
" et "
avec les autres
services publics
".
Ils pourront prendre la forme :
- de maisons de services publics ;
- de points publics ;
- d'agences postales ;
- d'accords avec "
d'autres acteurs publics ou
privés
".
Lors de son audition devant votre commission, M. Christian Pierret a
semblé exclure a priori qu'il puisse s'agir de petits commerces.
Pourquoi ? Ne doit-on pas, en la matière, faire preuve de pragmatisme ?
Votre commission pour avis déplore que le cadre de ces partenariats ne
soit pas fixé avec davantage de précision.
En ce qui concerne
les problèmes juridiques liés au
statut des agences
postales
, elle regrette qu'il faille attendre la promulgation future du
projet de loi d'aménagement du territoire, au mieux dans six mois,
pour qu'un cadre réglementaire soit mis en place pour les agences
postales, et celle du texte de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs
relations avec l'administration pour les
maisons de services publics
.
Votre commission pour avis regrette que le texte du contrat de plan soit
muet sur l'encouragement - notamment financier - de l'État au
développement de ces partenariats.
La concertation
Le contrat de plan prévoit que La Poste instaure, y compris au plan
national, une
concertation avec les représentants des
collectivités territoriales,
afin de déterminer les
conditions d'évolution de son réseau de points de contact.
Il est proposé aux collectivités territoriales de constituer dans
chaque département une
commission départementale de la
présence postale territoriale
"
réunissant, sous la
présidence d'un membre du conseil général, des
représentants des élus départementaux et régionaux,
d'un représentant des maires du département et des
représentants de La Poste
".
D'après la circulaire du 3 septembre dernier adressée aux
Préfets, cette commission comprendrait trois représentants des
communes (communes de moins de 2 000 habitants, de plus de
2 000 habitants et groupements de communes) ; deux
représentants du Conseil général et deux du Conseil
régional ; trois représentants de La Poste et un
représentant de l'État.
La circulaire, contrairement au
contrat de plan, affirme que "
la commission élit son
président en son sein
".
La commission serait tenue informée
des projets d'évolution du
réseau des points de contact
. Dans ce cadre, La Poste s'engagerait,
sauf accord de l'élu local concerné ou de la commission,
à ne fermer aucun point de contact dans les six mois suivant
l'annonce de son projet
.
Dans un deuxième temps, en l'absence d'accord, la commission statuerait
dans un délai de six mois à compter de sa saisine, sur les
opérations particulières de restructuration du réseau des
points de contact "
qui n'auraient pu donner lieu à un accord
des collectivités locales directement
intéressées
". Elle procéderait
préalablement à l'audition des élus locaux directement
concernés.
"
Afin de respecter l'autonomie de gestion de La Poste et sa
responsabilité à l'égard des choix de présence
postale, la commission ne pourrait demander le maintien d'une implantation
inadaptée que dans la mesure où les partenaires associés
à cette demande auraient arrêté avec La Poste les
dispositions permettant d'en assurer l'équilibre financier pour
l'exploitant public
".
Enfin, la commission départementale pourrait également jouer un
rôle d'incitation en donnant un avis sur les regroupements de services
publics incluant La Poste. "
Ces projets pourraient dès lors
bénéficier de soutiens à l'investissement associant des
financements locaux, des financements de La Poste et de l'État, dans le
cadre de sa politique d'aménagement du territoire
".
Votre commission pour avis jugera ces instances à la seule aune de leur
fonctionnement, dès qu'elles auront été mises en place.
Elle regrettera seulement que l'association tardive des associations
d'élus et de la CSSPPT
9(
*
)
aux décisions
gouvernementales
10(
*
)
n'ait
conduit à des interprétations divergentes quant au rôle et
au fonctionnement de ces commissions.
Elle sera attentive à leurs activités, en particulier lorsqu'il
s'agira de passer de la concertation aux décisions.