II. L'ACTION CONDUITE PAR LES POUVOIRS PUBLICS EN 1997-1998
A. LA MISE EN OEUVRE DE LA LOI D'ORIENTATION
La loi
d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines a
été adoptée en novembre 1997, un an après son
premier examen par le Sénat. Ce texte a pour objet de donner aux
professionnels les moyens de surmonter les obstacles institutionnels qui
demeurent et d'accomplir la nécessaire mutation de la filière.
Préparée en étroite concertation avec les milieux
professionnels et étayée par plusieurs rapports (l'un portant sur
la filière de commercialisation, l'autre sur la situation des
pêcheurs en difficulté), cette loi vise cinq objectifs :
- mieux gérer la ressource,
- organiser la filière,
- moderniser le statut légal et fiscal des entreprises de
pêche,
- adapter les cultures marines,
- moderniser les relations sociales.
Un an après son adoption, votre rapporteur pour avis considère
nécessaire de mettre en oeuvre rapidement l'application de cette loi.
Composé de 55 articles, ce texte nécessite plus d'une
trentaine de décrets d'application.
Outre l'article 55 -qui concerne le régime de retraite
complémentaire COREVA qui ne traite pas du secteur de la
pêche- quatre décrets sont parus pour l'application des
articles 4, 14
2
, 16, 17, 19 et 27 VI de la loi.
Notons que le rapport sur les conclusions d'une étude relative à
la mise en oeuvre d'un régime d'indemnisation des marins pêcheurs
contre les risques de chômage, établi en application de
l'article 52, a été déposé l'été
dernier sur le Bureau du Parlement.
Le premier décret d'application de la loi d'orientation sur la
pêche maritime et les cultures marines, porte sur le financement en
capital de la pêche artisanale. Il a été publié au
Journal officiel du 4 mars dernier. La loi veut favoriser l'installation
en pêche artisanale, en permettant par des incitations fiscales, l'appel
à des capitaux extérieurs pour le financement des navires. Ce
décret concrétise l'intention du législateur en apportant
aux jeunes pêcheurs des solutions pour résoudre la question du
financement de leur outil de travail
5(
*
)
.
La loi prévoit que les personnes physiques ou les sociétés
souscrivant des parts de société de financement de navires de
pêche (Sofipêche), bénéficient d'avantages fiscaux
leur permettant :
pour les personnes physiques, de déduire de leur revenu net global le
montant des souscriptions effectuées dans la limite de
125.000 francs pour un célibataire et de 250.000 francs pour
un couple marié ; cette déduction ne peut excéder
25 % du revenu net global ;
pour les sociétés, de procéder, pour le calcul de
l'impôt sur les sociétés, à un amortissement
exceptionnel de 50 % du montant des parts souscrites, dans la limite de
25 % des bénéfices imposables de l'exercice.
Le bénéfice de ces avantages fiscaux ne concerne que les
sociétés qui ont pour activité le financement de la
pêche artisanale.
Le patron pêcheur exploitant doit satisfaire à certaines
conditions :
être âgé de moins de 40 ans au moment de
l'installation ;
s'installer à titre individuel ou en société de
pêche artisanale ;
détenir (qu'il s'agisse d'un artisan pêcheur ou d'une
société de pêche artisanale) avec un armement
coopératif ;
devenir totalement propriétaire du navire dans un délai maximum
de 10 ans.
La Sofipêche doit :
être une société anonyme agréée par le
ministre chargé du budget après avis du ministre chargé
des pêches ;
s'engager à conserver les parts de copropriété du navire
pendant au moins cinq ans, à compter de la mise en exploitation du
navire.
Le décret du 2 mars fixe les modalités d'application de la
loi :
le délai de cinq ans pendant lequel une même personne ne peut
détenir directement ou indirectement plus de 25 % du capital de la
société agréée est décompté à
partir de la date de souscription au capital initial de la
société ou, en cas d'apports ultérieurs, à partir
de la date de la dernière augmentation de capital ;
le délai de détention pendant cinq ans des parts de
copropriété des navires de pêche est décompté
à partir du jour de mise en service du navire, ou de la date de
constitution de la copropriété si celle-ci est postérieure.
Pour bénéficier de l'avantage fiscal prévu par la loi, le
souscripteur au capital agréé d'une société pour le
financement de la pêche artisanale doit joindre à sa
déclaration de revenus ou de résultats un relevé
délivré par cette société relatif à
l'identification de l'actionnaire, au capital de la société et
aux parts souscrites.
Les Sofipêche doivent joindre à leur déclaration annuelle
de résultat une attestation relative à l'exploitation directe et
continue des navires acquis par un artisan pêcheur ou une
société de pêche artisanale au titre de la première
installation.
Outre ce texte, des décrets relatifs aux conditions relatives à
la conservation des ressources, au délai d'immatriculation des
pêcheurs professionnels au registre du commerce et des
sociétés et à la fixation du taux de cotisation du salaire
forfaire sont parus.
Votre rapporteur constate avec satisfaction la signature, à la fin du
mois d'août, de la circulaire d'application des articles de la loi
d'orientation sur la pêche maritime relative à la captation des
quotas
. La publication de ce texte, qui a reçu l'approbation de la
Commission Européenne était très attendue par les
professionnels de la pêche. Elle devrait mettre un frein à la
pratique de la captation des quotas qui concerne actuellement une cinquantaine
de navires français. Cette pratique consiste, pour des
intérêts originaires d'un Etat membre de l'Union
européenne, à prélever des quotas d'un autre Etat membre,
en exploitant des navires de pêche battant le pavillon de ce dernier.
L'objectif des nouvelles dispositions est de préserver le
caractère national de nos quotas en évitant que des capitaux
étrangers en bénéficient sans générer de
retombées économiques ou sociales pour le littoral
français.
Désormais, pour accéder aux quotas attribués à la
France ou se voir délivrer des autorisations de pêche, un navire
devra avoir un " lien économique réel " avec le
territoire français. De plus, ce navire devra être dirigé
et contrôlé à partir d'un établissement stable,
situé sur le territoire français.
Le lien économique réel est établi lorsque :
- soit 50 % au moins des prises sont débarquées dans un
port français et une part substantielle de ces prises mises en vente
localement,
- soit 50 % au moins de l'équipage réside dans une zone
située en France à partir de laquelle s'exerce une
activité de pêche,
- soit la moitié au moins des expéditions de pêche
partent d'un port français,
- soit l'armateur présente d'autres éléments de
preuve d'un poids économique ou structurel équivalent, prouvant
l'existence d'un lien économique réel.
L'existence d'un établissement stable doit se traduire par une
représentation effective et continue de l'entreprise à terre
exerçant les fonctions administratives, techniques, d'armement et
d'exploitation du navire.
La circulaire précise ces conditions d'application et indique aux
directeurs départementaux des affaires maritimes la procédure de
mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions, qui entreront en vigueur le
1er janvier 1999.
Votre rapporteur pour avis estime indispensable d'accélérer
l'application de cette loi d'orientation, saluée par tous comme un texte
novateur et essentiel pour ce secteur, adoptée à
l'unanimité au Parlement. Tout retard dans sa mise en oeuvre en
atténue la portée et en compromet
l'efficacité.
B. LE BILAN DU PLAN DE RESTRUCTURATION DE LA PÊCHE ARTISANALE
A la
suite de la crise de la pêche, le Gouvernement avait décidé
à la fin de 1994 de procéder à un examen
détaillé du secteur de la pêche artisanale.
L'audit réalisé par l'inspection générale des
finances et l'inspection générale des affaires maritimes avait
détecté d'importantes difficultés pour 370 entreprises de
pêche parmi les 1600 exploitations de 12 à 25 mètres.
De plus, la viabilité économique de plus d'une centaine de ces
navires en difficulté était fortement compromise.
Pour maintenir l'existence d'une flotte artisanale disposant d'outils modernes
et performants, il était donc nécessaire de mettre en oeuvre des
mesures permettant d'assainir ce secteur.
1. Les différentes mesures du Plan de Restructuration de la Pêche Artisanale
Le plan
de restructuration de la pêche artisanale mis en place par le
Gouvernement en 1995 a prévu un examen au cas par cas des entreprises de
pêche en difficulté, en distinguant celles qui avaient un avenir
de celles qui n'apparaissaient que difficilement viables.
Pour les premières, des mesures d'allongement de prêt ou de
désendettement afin de prendre en charge les surcoûts
d'investissement de la période de 1988 à 1991 devaient être
mises en oeuvre.
Pour les secondes, les mesures préconisées étaient soit la
cession du navire, soit l'arrêt définitif avec, dans les deux cas,
un apurement du passif subsistant afin de préserver la résidence
principale du patron-pêcheur ou de ses cautions familiales.
A côté de l'Etat, les collectivités territoriales et les
banques, en particulier le Crédit Maritime, ont participé
financièrement, à parité, à ce plan de
restructuration.
2. Les décisions du C.I.R.P.A.
Le
Comité interministériel de Restructuration de la Pêche
Artisanale (CIRPA), crée par arrêté du Premier ministre en
date du 13 avril 1995, a eu pour mission de définir pour
chacune des exploitations de pêche en cause la ou les mesures les plus
adaptés à leur situation particulière.
Sous la double présidence d'un inspecteur général des
finances et d'un inspecteur général des affaires maritimes,
assistés de rapporteurs des services déconcentrés de la
région concernée (représentants des trésoreries
générales et des directions régionales des affaires
maritimes), le CIRPA a examiné 645 dossiers au cours de 26
réunions régionales.
407 dossiers ont été retenus par le C.I.R.P.A. ; 67
pêcheurs ont toutefois refusé les propositions faites par le
comité.
Au total, ce sont 340 décisions qui sont mises en oeuvre, dont 104 en
allongement de prêt, 100 en désendettement et 136 en apurement du
passif.
Le coût total des décisions prises s'élève à
225 MF dont 52 MF au titre du désendettement et 173 pour les mesures
d'apurement du passif.
3. L'exécution du plan au 1er septembre 1998
L'exécution du plan est en voie d'achèvement
puisque
100 % des décisions d'allongement de prêt ont
été notifiées aux partons concernés et 99 %
des décisions de désendettement ont été
exécutées et payées pour un montant de 51,9 MF.
Au 31 août 1998, 134 soit 98 % des dossiers d'apurement
du passif ont été réglés pour un montant total de
169,9 MF. La procédure devrait être définitivement
clôturée d'ici la fin du mois de septembre 1998.
Le plan de restructuration de la pêche artisanale, combiné,
à la remontée des cours, a contribué très largement
à l'assainissement de la flotte de pêche française et a
permis aux entreprises du secteur de retrouver une viabilité
économique et financière assurant leur pérennité.