II. TENDANCES
A. LE PLAN DE SOUTIEN À LA MODERNISATION
Mme
Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, a
présenté le 23 septembre dernier en Conseil des ministres une
communication détaillant le dispositif d'un plan de soutien à la
presse.
La situation de la presse appelle sans aucun doute ce type d'intervention, dont
les modalités restent encore vagues. Votre commission des affaires
culturelles ne peut donc que se féliciter de l'intention
manifestée tout en restant attentive aux moyens mis en oeuvre.
1. La nécessité d'un soutien public à la modernisation de la presse
L'enquête annuelle du service juridique et technique de
l'information et de la communication confirme d'une année à
l'autre la fragilité de la situation économique de la presse.
• Les résultats provisoires de 1997 font état d'une
progression de 1 % du chiffre d'affaires de la presse éditeur.
Ce résultat marque un ralentissement par rapport à l'année
précédente, où la croissance du chiffre d'affaires de la
presse éditeur avait été d'un peu plus de 3 %.
Les recettes de vente sont en quasi-stagnation avec une progression de
+0,1 %, tandis que les recettes de publicité s'accroissent de
+2,2 %.
Les évolutions des différentes catégories de presse sont
assez divergentes.
Trois catégories de presse connaissent une évolution positive de
leur chiffre d'affaires : la presse nationale d'information
générale et politique progresse de +5,4 %, la presse
gratuite de +2,3 % et la presse spécialisée grand public de
+1,4 %.
Le chiffre d'affaires de la presse locale d'information générale
et politique est, en revanche, en recul de -1,2 %, et celui de la presse
spécialisée technique et professionnelle est en recul de
-2,5 %.
• L'évolution des recettes de ventes de journaux et de magazines,
+0,1 %, est inférieure à l'augmentation des prix
estimée, à partir de l'indice INSEE, à +0,5 % pour
l'année 1997. La faible augmentation des ventes par abonnement
(+1,8 %) compense le léger recul des ventes au numéro
(-0,6 %) ; toutefois, cette compensation en valeur ne paraît
pas correspondre, en terme de volume, à un effet de transfert des ventes
au numéro vers les abonnements.
Seule la presse nationale d'information générale et politique
voit ses recettes de vente augmenter de +4,1 %, alors que des diminutions
sont observées dans les autres catégories, notamment dans la
presse locale (-1,3 %).
Ces résultats confirment la tendance au repli de la diffusion de la
presse locale, enclenchée depuis plusieurs années, qui ne laisse
pas d'inquiéter.
En revanche, la progression légère de la presse nationale est un
facteur tout à fait positif que confirment, pour la presse quotidienne
nationale, les résultats de l'étude EUROPQN pour la
période du deuxième semestre 1997 et du premier semestre 1998,
par rapport à la période de référence comparable de
1996 et 1997 : l'audience de la presse quotidienne nationale a
progressé de 0,8 % d'une période à l'autre.
19,2 % de la population française lisent un quotidien national
contre 19,1 % auparavant.
La lecture par numéro moyen
|
96/97 |
97/98 |
||
|
(000) |
% |
(000) |
% |
Population de 15 ans et plus, résident |
46 820 |
100,0 |
47 060 |
100,0 |
Rappel Ensemble PQN |
8 959 |
19,1 |
9 034 |
19,2 |
La Croix |
362 |
0,8 |
336 |
0,7 |
Les Échos |
732 |
1,6 |
732 |
1,6 |
L'Équipe |
2 371 |
5,1 |
2 592 |
5,5 |
Le Figaro |
1 569 |
3,4 |
1 492 |
3,2 |
France Soir |
791 |
1,7 |
687 |
1,5 |
L'Humanité |
433 |
0,9 |
384 |
0,8 |
Libération |
1 010 |
2,2 |
1 007 |
2,1 |
Le Monde |
2 183 |
4,7 |
2 105 |
4,5 |
Le Parisien |
1 559 |
3,3 |
1 703 |
3,6 |
Le Parisien Aujourd'hui |
1 898 |
4,1 |
2 038 |
4,3 |
La Tribune |
448 |
1,0 |
489 |
1,0 |
•
L'évolution des recettes publicitaires, +2,2 %, ne traduit pas une
véritable embellie, elle est, en 1997, le fait de la croissance
très forte des recettes de petites annonces, suscitée par
l'amélioration de la conjoncture économique sur les
marchés du travail et de l'immobilier.
Pour l'ensemble des recettes publicitaires, les évolutions
enregistrées sont très variables d'une catégorie de presse
à l'autre : la presse nationale d'information
générale et politique et la presse spécialisée
grand public connaissent les plus fortes progressions, avec respectivement
+7,2 % et +5,8 % ; les recettes publicitaires de la presse
gratuite augmentent plus modérément (+2,3 %) ; celles
de la presse locale d'information générale et politique et
surtout, celles de la presse spécialisée technique et
professionnelle reculent, respectivement, de -1,1 % et de -4,3 %.
Les comparaisons européennes établies sur la période
1993-1997 montrent la dégradation de la position de la presse
quotidienne française face à celle des quotidiens des autres
États membres, autre sujet de préoccupation avec l'ouverture
croissante des marchés nationaux.
EVOLUTION DES RECETTES PUBLICITAIRES 1993-1997
EVOLUTION
DES
RECETTES DE VENTES 1993-1997
En pourcentage, évolution en prix courant
Pays |
Publicité 1993-1997 |
Vente 1993-1997 |
Allemagne |
3,1 |
14,1 |
Royaume-Uni |
36,3 |
6,3 |
Espagne |
- 36,9 |
52,9 |
Grèce |
118,0 |
38,9 |
France |
- 0,6 |
3,8 |
Italie |
33,3 |
23,8 |
Belgique |
24,4 |
7,2 |
Irlande |
55,4 |
5,7 |
Suède |
18,7 |
6,2 |
Danemark |
35,3 |
5,5 |
Norvège |
61,9 |
7,0 |
Pays-Bas |
37,5 |
10,5 |
Source : FIEJ Fédération internationale des Éditeurs de
Journaux
C'est dans ce contexte durablement fragile que la presse quotidienne, nationale
et locale doit affronter les défis d'une modernisation que rend
incontournable la double nécessité de reconquérir les
lecteurs face au dynamisme croissant de la communication audiovisuelle, et de
porter son effort sur ce terrain même, en développant des
applications et des services nouveaux, sources de recettes futures, dans le
secteur des technologies de l'information.
L'idée d'un plan de soutien à la modernisation de la presse
apparaît donc particulièrement opportune.
2. Des orientations très imprécises
A
côté de la mise en place du fonds de modernisation de la presse
quotidienne, évoqué dans le première partie de ce rapport,
Mme Catherine Trautmann a identifié trois axes majeurs du soutien
à la modernisation.
•
L'adaptation du cadre juridique
Le projet de plan vise à adapter le cadre juridique applicable à
la " presse électronique ", tant en ce qui concerne les
règles de responsabilité éditoriale,
"
l'identification des services et de la nature des messages
diffusés
(rédactionnel, publicité...) ",
que le statut des journalistes dont il conviendra qu'il puisse être
reconnu au bénéfice des "
personnes exerçant leur
activité professionnelle dans des entreprises multimédia (...)
dès lors que leur travail présente un lien avec
l'actualité
". En outre, il convient de "
veiller
à valoriser les contenus éditoriaux sur les nouveaux
réseaux à diffusion mondiale
". "
Cela suppose
d'intégrer à la réflexion sur les droits d'auteur la
nécessité de conjuguer la protection efficace des droits de
propriété intellectuelle qui s'attachent aux publications de
presse, la possibilité, pour les éditeurs, de diffuser sur ces
nouveaux réseaux les contenus réalisés par les
rédactions des éditions imprimées, et la revendication
légitime des journalistes à être associés aux
développements multimédia
", a expliqué
Mme Trautmann avant d'ajouter que certaines de ces adaptations
"
feront l'objet de dispositions législatives
".
Dans le même esprit, le ministre a prôné des
aménagements de certaines dispositions de la loi du 1er août
1986, afin d'assurer "
un respect plus effectif des objectifs de
préservation du pluralisme, de l'indépendance et de la
transparence des entreprises de presse
". Parmi ces modifications,
elle a estimé souhaitable de "
restreindre l'application de
l'article 7 de la loi limitant à 20 % la part des investissements
étrangers directs dans la presse, aux seules publications d'information
politique et générale
" - "
la protection de la
presse française de l'influence étrangère (ne
s'avérant nécessaire) que pour ce type de presse
(...) "-, d'assurer "
une plus grande effectivité du
contrôle applicable au dispositif anti-concentration prévu pour
les publications quotidiennes d'information politique et
générale
", et de "
renforcer la transparence
financière
" en étendant aux mouvements portant sur le
capital des actionnaires des entreprises éditrices la règle
imposant que toute cession d'action soit soumise à l'agrément du
conseil d'administration afin de les protéger contre une prise de
contrôle indirecte.
Cependant, sans dispositions déontologiques, ces réformes ne
seraient pas pleinement satisfaisantes, a jugé le ministre. Le ministre
prévoit donc des mesures "
destinées à garantir le
respect des règles juridiques et déontologiques
"
jugées "
essentielles
" et "
garante d'une
éthique de l'information
".
•
Encourager une éthique de l'information
Outre la protection de la vie privée et le renforcement de la
présomption d'innocence contenus dans le projet de réforme de la
justice (cf. " CP " du 16 septembre), Mme Trautmann
prévoit de "
réserver les aides à la presse aux
publications qui respectent une certaine éthique
". De ce fait,
les publications dont le directeur aura subi une condamnation définitive
pour des faits de "
négationnisme ou d'incitation à la
haine raciale
" seront exclues du bénéfice des aides
à la presse ; la production d'une attestation sur l'honneur
d'absence de condamnation sera donc exigée pour toute demande d'aide.
Par ailleurs, l'intégration de la déontologie dans la formation
des journalistes sera favorisée. De surcroît, le ministre souhaite
organiser une table ronde des différents acteurs de la profession pour
rechercher " une référence commune " en matière
d'éthique professionnelle. Ces rencontres réuniraient
éditeurs et journalistes afin qu'ils rédigent une position
consensuelle qui définirait les " bases de principes communs "
qui deviendrait alors prédominante devant la multitude d'autres textes
existants déjà sur le sujet.
Enfin, considérant comme prioritaire une bonne connaissance de la
situation de tous les intervenants dans la fabrication d'un journal,
Mme Trautmann a préconisé dans sa communication une
meilleure prise en compte de la dimension sociale du secteur.
" Il apparaît clairement que le développement du
multimédia et, plus largement, la place croissante prise par le
numérique dans la chaîne de tracement de l'information, ne seront
pas sans conséquence sur l'organisation des métiers de ceux qui
font la presse ",
a remarqué Mme Catherine Trautmann avant
d'ajouter que cet état de fait ajouté aux conditions de
réduction du temps de travail rendent
" essentielles "
la préservation et l'amélioration
du
" maillage
des relations sociales au sein des entreprises de presse ".
Dans cette optique, une mission d'évaluation de la dimension sociale de
la presse, chargée d'étudier en particulier la situation des
personnels, la formation professionnelle et les conditions de délivrance
de la carte de journaliste, sera donc prochainement lancée.
Confiée au SJTI qui travaillera en relation avec les départements
ministériels concernés (Emploi et solidarité notamment),
cette mission
" s'attachera en particulier, au suivi des régimes
qui ont été progressivement mis en oeuvre afin de répondre
aux spécificités des différentes catégories de
personnel collaborant à la création de publications ".
Cette étude
" permettra d'évaluer la
conformité de la mise en oeuvre aux objectifs poursuivis, de mener une
expertise approfondie des propositions d'évolution qui sont
avancées et de vérifier leur cohérence avec le droit
positif ",
et sera élargie à l'ensemble des secteurs de
la chaîne de l'information (messageries, agences de presse,
diffuseurs...). Les conclusions du SJTI pourraient être rendues au
gouvernement au cours du premier semestre 1999 et les mesures qui s'imposent au
vu de ces résultats seront alors envisagées.