B. L'INTÉGRATION DU VOLET NUMÉRIQUE DES INFRACTIONS DOUANIÈRES

Le projet de loi entend, en deuxième lieu, moderniser les procédures d'enquête douanière pour mieux prendre en compte la cyber-délinquance (article 12) ainsi qu'élargir les prérogatives confiées aux enquêteurs en matière d'accès aux données informatiques en cas de retenue douanière ou de visite domiciliaire (articles 9 et 10).

Tout d'abord, constatant que les agents des douanes n'ont pas, en l'état du droit, la possibilité de prendre connaissance - et a fortiori de saisir - les pièces et documents informatiques se trouvant sur un support informatique ni lors des retenues douanières, pour les supports physiques dont la personne retenue est en possession (téléphones portables, ordinateurs...), ni, s'agissant des contenus informatiques hébergés à distance, lors des visites domiciliaires, le projet de loi prévoit :

- de permettre aux agents des douanes de prendre connaissance des objets et du contenu des documents, quel qu'en soit le support, qui se trouvent en la possession de la personne retenue, puis de les saisir s'ils se rapportent au flagrant délit ayant motivé le placement en retenue douanière (article 9), ce qui faciliterait tant la confirmation de l'implication de la personne retenue que l'identification d'éventuels co-auteurs ou commanditaires. Le texte vise, en outre, à permettre aux agents des douanes, et notamment à la DNRED, de faire une copie des supports informatiques physiques pour en exploiter le contenu à l'issue de la retenue, sur autorisation du procureur de la République et y compris si la personne concernée a été remise en liberté en l'absence de poursuites à son encontre ;

- d'autoriser, lors des visites domiciliaires douanières et fiscales, un « gel » des données informatiques accessibles depuis les lieux visités mais stockées sur des systèmes informatiques distants, par exemple sur un cloud ou sur certains serveurs de stockage en réseau (dits « NAS »), afin d'éviter leur altération, voire leur effacement par des complices ou des co-auteurs (article 10). Cette mesure pourrait, en particulier, empêcher une intervention extérieure sur les crypto-actifs détenus par les auteurs d' infractions. Les agents pourraient accéder « ultérieurement » au contenu gelé, dans des conditions analogues à celles prévues en cas de perquisition.

Outre ces évolutions, l'article 10 substitue à l'accompagnement par un officier de police judiciaire en cas de visite domiciliaire un accompagnement par un agent des douanes habilité en application de l'article 28-1 du code de procédure pénale. En effet, le code des douanes exige à ce jour la participation d'un officier de police judiciaire (OPJ) aux visites domiciliaires et confie à celui-ci une compétence exclusive pour la réalisation de certains actes de procédure (réquisition de témoins en cas d'absence de l'occupant des lieux ; signature des procès-verbaux, auxquels sont annexés un inventaire des objets saisis ; ouverture des portes par un tiers en cas de refus de l'occupant ou d'impossibilité d'accès...). L'officier de police judiciaire est, fréquemment, le seul intervenant à la procédure qui soit extérieur à l'administration des douanes, aucune information ou autorisation de l'autorité judiciaire n'étant requise lorsque la visite fait suite à un flagrant délit.

L'administration douanière indique que l'accompagnement par un OPJ pose des difficultés en pratique au vu du caractère peu prévisible des visites domiciliaires, qu'il n'est souvent pas possible de planifier en amont, et qu'une telle évolution est rendue nécessaire en vue de la suppression, programmée en 2025 ou 2026, du service de police nationale détaché (SNPD), spécialement dédié à cette mission. Elle estime, en outre, que cette réforme nécessiterait un abondement en effectifs d'agents habilités (évalué à 26 postes), ceux-ci devant pour des raisons fonctionnelles être distingués de leurs homologues exerçant des fonctions d'enquête et rattachés au SEJF.

Le projet de loi vise également à renforcer la lutte contre la criminalité en ligne. En effet, bien que la vente en ligne de marchandises prohibées à l'importation soit une réalité courante, aucun dispositif de lutte contre les contenus illicites en ligne n'est prévu à ce jour par le code des douanes.

Pour combler cette lacune, l'article 12 comporte un dispositif librement inspiré de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation précité et créant un système relativement complexe dans lequel certains agents des douanes pourraient, lorsqu'ils constatent qu'une infraction douanière grave est commise en ayant recours à un moyen de communication électronique, inviter les responsables de services en ligne concernés à retirer ou à rendre inaccessibles les contenus litigieux.

En cas d'échec de ce dispositif, les agents des douanes concernés pourraient soit demander aux opérateurs compétents de faire cesser le référencement du contenu, voire à supprimer le nom de domaine, soit demander au tribunal judiciaire de procéder à la suppression des noms de domaine.