V. LE VOLET LUTTE CONTRE L'ARTIFICIALISATION DES SOLS : INSUFFLER LA DIFFÉRENCIATION ET L'OPÉRATIONNALITÉ À UN TEXTE CENTRALISATEUR COMPORTANT D'IMPORTANTS ANGLES MORTS
A. UN TEXTE QUI ALLIE MESURES STRUCTURANTES ET MESURES ANECDOTIQUES
L'examen du chapitre III du titre « Se loger », relatif à la lutte contre l'artificialisation des sols, a été délégué au fond à la commission des affaires économiques, compétente en matière d'urbanisme. Initialement composé de 9 articles, il comporte, à l'issue des travaux de l'Assemblée nationale, 29 articles situés entre les articles 47 et 55 du projet de loi .
Le chapitre traduit, avec des adaptations notables, certaines des treize recommandations de la Convention citoyenne pour le Climat relatives à la lutte contre l'artificialisation des sols. Il intègre aussi certains objectifs ou mesures défendus par le Gouvernement depuis plusieurs années, au premier rang desquels l'objectif de « zéro artificialisation nette ».
Sensiblement réécrit et complété à l'Assemblée nationale , ce volet du texte allie désormais des mesures très structurantes et d'autres plus anecdotiques .
1. Une trajectoire ambitieuse de réduction de l'artificialisation, fixée au niveau régional, que les documents locaux devront intégrer au prix de nombreuses modifications
Le « coeur » du dispositif de lutte contre l'artificialisation est constitué des articles 47 à 49 du projet de loi.
Le texte prévoit d'introduire deux grands objectifs programmatiques, qui fixent une trajectoire générale de réduction du rythme de l'artificialisation en deux étapes : d'abord, une réduction par deux d'ici 2031 par rapport aux dix années précédentes ; puis d'ici 2050, une stabilisation, c'est-à-dire « l'absence d'artificialisation nette » (article 47).
Cette trajectoire est ensuite traduite en un nouvel objectif général du code de l'urbanisme (article 48), dont les différentes composantes sont précisées (maîtrise de l'étalement urbain, renouvellement urbain, protection des espaces naturels, forestiers et agricoles...). Surtout, le texte propose une définition des sols artificialisés , la notion d'artificialisation étant aujourd'hui absente du droit de l'urbanisme.
Enfin, ces objectifs devront être traduits de manière concrète au sein des documents d'urbanisme et de planification : les SRADDET, SCoT, PLU et cartes communales, selon la hiérarchie des normes (article 49). Les SRADDET - et leurs équivalents en Corse, en Ile-de-France et dans les collectivités d'outre-mer - fixeront ainsi une cible chiffrée et contraignante de réduction, qui ne pourra être inférieure à 50 %, ainsi qu'une trajectoire par tranches de dix ans jusqu'à l'atteinte de la zéro artificialisation nette en 2050. Ces objectifs et trajectoires s'appliqueront dans un rapport de compatibilité aux SCoT, PLU et cartes communales de leur périmètre (article 49).
Le Gouvernement convenant que cet objectif de - 50 % ne pourra pas être appliqué de façon parfaitement uniforme à l'échelle de chaque commune, il est prévu de confier à la région, via le SRADDET, un rôle de « répartiteur » de cette enveloppe de réduction de l'artificialisation, entre les communes et EPCI de son périmètre. Les modalités de cette « territorialisation régionale » sont largement renvoyées à un décret (article 49).
L'intégration de ces dispositions au sein des documents d'urbanisme et de planification est prévue selon un calendrier serré , les collectivités étant tenues de prescrire, puis d'approuver les documents modifiés ou révisés dans des délais allant d'un an à six ans (article 49), sous peine de « gel » des autorisations d'urbanisme.
2. Une interdiction de nouvelles surfaces commerciales de plus de 10 000 m² de surface de vente, un encadrement plus strict de celles sous ce seuil
Le projet de loi pose un principe général d'interdiction de délivrance d'autorisation d'exploitation commerciale pour les projets artificialisant des sols (article 52). Cette interdiction est absolue pour les projets de plus de 10 000 m² de surface de vente , tandis que des dérogations, essentiellement géographiques, sont prévues pour certains projets situés sous ce seuil. Parmi ces dernières figure notamment le fait que le projet s'insère dans une opération d'aménagement en zone déjà urbanisée, qu'il soit situé dans un secteur d'implantation périphérique identifié dans un SCoT, ou encore qu'il figure dans le secteur d'intervention d'une opération de revitalisation territoriale.
Les députés ont par ailleurs souhaité préciser que la Commission nationale d'aménagement commerciale (CNAC) sera l'autorité compétente pour examiner les demandes de dérogation à l'interdiction.
3. Des dispositions disparates, principalement relatives au contenu, aux outils et à l'évaluation des documents d'urbanisme
Une grande partie des autres mesures du volet relatif à l'artificialisation, dans leur grande majorité introduites à l'Assemblée nationale , sont relatives au contenu, aux outils et à l'évaluation des documents d'urbanisme. Elles ont pour objet :
• un renforcement de l'élaboration et de l'évaluation des documents d'urbanisme, avec l'élargissement du champ d'autosaisine de la CDPENAF (article 49 bis A), l'augmentation de la fréquence de l'évaluation du PLU (article 49 bis F), et l'insertion de nouvelles obligations redditionnelles pour les communes et EPCI (article 50) ;
• de nouvelles obligations relatives aux ouvertures à l'urbanisation, comme l'obligation d'adopter des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) comportant un calendrier prévisionnel, ou la réduction de la durée sous laquelle les PLU doivent être révisés pour ouvrir une zone à l'urbanisation (article 49 bis C) ;
• de nouveaux outils ou obligations pour mieux intégrer l'ambition environnementale , comme la définition de zones de renaturation dans les SCoT (article 49 bis B), l'insertion obligatoire d'OAP relatives aux continuités écologiques (article 49 bis D), la possibilité de réglementer les zones de transition entre ruralité et urbanité (article 49 bis D), la création d'observatoires de l'habitat et du foncier auprès des PLH (article 49 bis ), l'obligation de taux minimal de végétalisation ou de pleine terre en zone dense (article 49 bis E), des densités minimales au sein des grandes opérations d'urbanisme (article 51), l'inversion de la logique de dérogation au PLU (article 51 bis A), l'intégration des enjeux logistiques au sein du SCoT (article 52 bis ).
En réponse aux nombreux travaux gouvernementaux et parlementaires relatifs à la mobilisation des friches, le projet de loi comporte aussi deux articles visant à définir les friches (article 53 bis ) et à doter les collectivités de nouveaux outils pour la réhabilitation de ces terrains (article 53), en particulier au sein des zones d'activité économique.
Deux articles visent à articuler les compétences des collectivités territoriales et de l'État , en incluant les syndicats mixtes de SCoT aux conférences territoriales de l'action publique, et en créant de nouvelles « conventions de sobriété foncière ».
Enfin, de rares articles comprennent des dispositions relatives à l'urbanisme opérationnel, prévoyant notamment de nouvelles études préalables à la construction et à l'aménagement (articles 51 bis et 54), ou facilitant la mobilisation de foncier dans les zones pavillonnaires (article 53 bis A).