EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le 20 novembre 2019, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine le rapport pour avis de M. Philippe Mouiller sur le projet de loi de finances pour 2020 (mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »).
M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'élèveront en 2020 à 25,5 milliards d'euros. Par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2019, ils traduisent une augmentation de 6,7 %, que l'on doit toutefois ramener à 3,3 %, compte tenu de l'ouverture de crédits supplémentaires de 839 millions d'euros figurant au projet de loi de finances rectificative pour 2019. Pour rappel, ces crédits avaient bondi de 21,6 % entre 2018 et 2019, en raison, notamment, de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité décidée à la suite de la crise des « gilets jaunes ».
Près de 80 % des crédits de la mission servent à financer deux dispositifs : l'allocation aux adultes handicapés (AAH), à hauteur de 10,5 milliards d'euros, et la prime d'activité, à hauteur de 9,5 milliards d'euros. La mission « Solidarité » se distingue ainsi des autres missions du budget puisque le fait générateur de la dépense, étroitement lié au nombre de bénéficiaires potentiels des deux principales allocations de solidarité financées par l'État et à leur taux de recours, présente un caractère en grande partie non maîtrisable.
Le dynamisme budgétaire des crédits de solidarité se justifie par leur vocation à « redonner du pouvoir d'achat aux Français » et à « valoriser le travail », deux objectifs louables, mais qui n'ont jamais été cadrés par un pilotage précis. Il s'inscrit aussi dans un contexte d'augmentation de la pauvreté et des inégalités : le taux de pauvreté s'est établi à 14,7 % de la population française en 2018, en augmentation de 0,6 point, selon les estimations provisoires publiées par l'Insee, des estimations à nuancer, car elles ne tiennent pas compte de la baisse des loyers dans le parc social. En 2018, quelque 9,3 millions de personnes, contre 8,8 millions en 2017, vivaient ainsi en France sous le seuil de pauvreté. Dans le même temps, les inégalités, mesurées par l'indice de Gini, auraient augmenté.
Alors que le Gouvernement a engagé, dans le cadre de sa stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, une concertation en vue d'une réforme de l'ensemble du système de minima sociaux, il m'a semblé important d'examiner l'évolution et la pertinence des différentes allocations et aides financées par la mission.
Au sein du programme 157 relatif au handicap et à la dépendance, dont les crédits s'élèveront à 12,2 milliards d'euros en 2020, l'AAH a fait l'objet de revalorisations exceptionnelles en 2018 et 2019, tempérées par une modification de son mode de calcul défavorable à certains allocataires. En effet, le montant maximum de l'AAH a été revalorisé en deux temps : de 819 euros en mai 2018, il a été porté à 900 euros à compter du 1 er novembre 2019. Cet effort, qu'il faut saluer, est sans précédent depuis le plan de revalorisation pluriannuel 2008-2012. Mais, parallèlement, les règles de prise en compte de la situation familiale des bénéficiaires de l'AAH ont été durcies : le pourcentage de majoration pour calculer le plafond de ressources pour un allocataire en couple, égal à 100 % jusqu'au 31 octobre 2018, a été réduit à 81 % au 1 er novembre 2019. Couplée avec la revalorisation de l'allocation, cette mesure a entraîné une diminution de 9 euros du plafond de ressources pour un allocataire en couple. Il en résulte que, si 90 % des allocataires ont bénéficié à plein de la revalorisation, une frange des bénéficiaires de l'AAH n'en a effectivement tiré aucun bénéfice.
Bien qu'attaché à la prise en compte des revenus du conjoint dans la détermination du droit à cette allocation de nature solidariste, conformément à la position adoptée par la commission en octobre 2018, je considère que la baisse du plafond pour les allocataires en couple a été trop brutale, même si celui-ci reste élevé par rapport à celui qui est applicable à d'autres minima sociaux. La suppression du complément de ressources pour les nouveaux allocataires à compter du 1 er décembre 2019 contribue également à la perception mitigée de leur situation par les personnes concernées par l'AAH.
Je vous aurais proposé de revenir par amendement sur ces modifications des modalités d'attribution si celles-ci n'étaient pas de niveau réglementaire, ou soumises à l'article 40 de la Constitution.
Pour 2020, le projet de loi de finances prévoit une « augmentation maîtrisée » de l'AAH de 0,3 % au 1 er avril qui, avec une prévision d'inflation de 1 %, doit permettre de réaliser une économie de 100 millions d'euros. L'AAH a aujourd'hui rejoint un niveau inédit depuis plus de trente ans par rapport au seuil de pauvreté. Il convient de veiller à ce que cette sous-revalorisation proposée pour 2020 ne devienne pas la règle, amorçant un nouveau décrochage du pouvoir d'achat des allocataires dans le temps.
Par ailleurs, dans l'éventualité d'une intégration de l'AAH au sein du futur revenu universel d'activité, je tiens à souligner les spécificités d'une allocation qui ne saurait être réduite à un minimum social de droit commun. Il s'agit notamment des règles de prise en compte des revenus professionnels, s'agissant de personnes confrontées par construction aux plus grandes difficultés, voire à l'impossibilité de s'insérer ou de se maintenir dans l'emploi.
Je suis donc très réservé à l'égard d'une absorption de l'AAH dans une prestation universelle et, plus généralement, de la convergence vers le droit commun de prestations qui ont initialement été conçues pour répondre aux besoins de publics spécifiques. Toutefois, l'intégration de l'AAH dans la refonte des minima sociaux pourrait permettre de corriger certains défauts de l'allocation, qui n'apporte pas à ses bénéficiaires une aide suffisamment individualisée. En effet, le fait que le niveau du soutien additionnel apporté aux personnes de conditions de vie modestes lorsqu'elles sont en situation de handicap dépend largement de la situation familiale des intéressés, comme tendent à le montrer les calculs de France Stratégie, ne répond à aucune logique évidente. Il est par ailleurs possible de montrer que, sous l'effet des règles de cumul entre l'AAH et la prime d'activité, une personne handicapée bénéficiaire de l'AAH est très peu rétribuée lorsque sa quotité de travail s'approche d'un temps complet, à un niveau proche du Smic.
En outre, compte tenu des recoupements entre le handicap et l'invalidité, il semble pertinent d'envisager dans ce cadre une unification de l'AAH et de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI). Cette dernière allocation fait l'objet d'une réforme initialement prévue par le Gouvernement dans le cadre du PLFSS : il s'agit, d'une part, d'aligner le niveau de ressources garanti par l'ASI avec le plafond de ressources pour bénéficier de l'allocation ; et, d'autre part, de supprimer le mécanisme de recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'ASI. Le Gouvernement annonce simultanément une revalorisation exceptionnelle de l'ASI pour porter par décret le plafond d'éligibilité à 750 euros à compter des allocations versées en avril 2020. L'impact financier de ces mesures est évalué par le Gouvernement à 14 millions d'euros à la charge de l'État en 2020.
Ces évolutions sont souhaitables et cohérentes avec la récente revalorisation de l'AAH. Il serait toutefois intéressant de permettre également, à des fins de simplification pour les allocataires, un accès direct à l'AAH aux bénéficiaires d'une pension d'invalidité en modifiant les règles de subsidiarité entre ces deux allocations.
Concernant la prime d'activité, je me suis, cette année encore, livré à un exercice d'évaluation de l'efficacité de la prestation au regard des deux objectifs de lutte contre la pauvreté et d'incitation financière à l'exercice d'une activité professionnelle.
Le calcul de la prime d'activité est complexe, car il emprunte aux deux logiques d'attribution des prestations sociales, la logique familiale et la logique individuelle.
La revalorisation exceptionnelle de 90 euros, à compter du 1 er janvier 2019, du montant maximal du « bonus » individuel, passé de 70,49 euros à 160,49 euros, a permis au Président de la République de tenir, en partie, son engagement d'augmenter le revenu net mensuel des travailleurs rémunérés au niveau du Smic. Initialement prévus à 6 milliards d'euros dans le PLF pour 2019, les crédits alloués à la prime d'activité ont donc été portés à 8,8 milliards d'euros en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale afin de permettre cette revalorisation. Le montant de 9,5 milliards d'euros prévu pour 2020 représente ainsi une hausse de 70 % par rapport aux dépenses de 2018. C'est d'ailleurs plus du double des dépenses constatées en 2016, année du lancement de la prestation. En outre, une ouverture de crédits supplémentaires de 758 millions d'euros est demandée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2019, ce qui porterait le total ouvert pour cette année à 9,6 milliards d'euros soit un montant supérieur à celui qui a été anticipé dans le présent PLF. Il faut donc s'attendre à des dépenses encore nettement plus élevées en 2020.
La prime d'activité est ainsi devenue une dépense majeure de soutien du pouvoir d'achat des travailleurs les plus modestes. Par rapport aux premières années de fonctionnement de la prestation, la forte revalorisation du bonus semble avoir eu pour effet d'améliorer la compatibilité entre les deux objectifs de lutte contre la pauvreté et d'incitation à l'activité professionnelle, même si son effet réel sur l'emploi reste difficile à quantifier.
Toutefois, certaines conclusions que j'ai esquissées les années précédentes demeurent, notamment l'effet plus incitatif de la prime pour les familles monoparentales et les couples avec enfants sous le triple effet multiplicateur de l'augmentation de la base de ressources, du quotient familial et de la majoration du montant forfaitaire. S'agissant des couples, il faut souligner l'importance de la répartition des revenus au sein du foyer, compte tenu du poids croissant de la bonification individuelle.
Il reste ainsi une interrogation quant à l'incitation de la prime à la biactivité, bien que la situation se soit améliorée en 2019. Selon l'évaluation par le Gouvernement de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité, les couples biactifs percevaient un montant moyen de prime d'activité de 164 euros en mars 2019, alors que le montant moyen versé à l'ensemble des foyers bénéficiaires était de 186 euros.
Ce rapport remis au Parlement le mois dernier fait état d'un recours amélioré à la prime d'activité, y compris pour des montants réduits. Cela a pour effet de modifier le profil des bénéficiaires de la prime d'activité. Entre mars 2018 et mars 2019, la part de foyers bénéficiaires dont les revenus sont compris entre 1 250 et 2 000 euros par mois a augmenté de 39 % à 55 %. Les couples sont également plus représentés parmi les nouveaux « recourants » nouvellement éligibles.
La poursuite de l'amélioration du taux de recours, même si elle ne suffit pas à conclure sur son efficacité au regard de ses différents objectifs, permettra à la fois de mieux anticiper son impact financier et d'en mesurer plus exactement les effets.
S'agissant des crédits dédiés à la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté dans le strict cadre de la mission « Solidarité », une enveloppe de 171 millions d'euros sera consacrée en 2020 à la deuxième année de la contractualisation avec les collectivités territoriales chefs de file (départements et certaines métropoles), dans le cadre rénové proposé par le Gouvernement. Par ailleurs, des mesures d'investissement social - petits-déjeuners gratuits à l'école, tarification sociale pour l'accès à la cantine, etc. - continuent à être financées en dehors du cadre contractuel à hauteur de 44 millions d'euros. Au total, 215 millions d'euros seront ainsi consacrés à cette action en 2020, après 151 millions d'euros en 2019.
L'accent mis sur l'enfance doit être salué, car il marque l'ambition de cette stratégie de prendre le problème de la pauvreté à la racine. Le caractère épars de ces mesures peut toutefois susciter des doutes quant à leur impact réel. En outre, cette action comportant peu de mesures monétaires, mais principalement des mesures structurelles de long terme, elle n'a pas d'incidence directe sur le taux de pauvreté.
Il convient également de souligner l'effort considérable qui reste à la charge des départements, l'Assemblée des départements de France (ADF) avançant un montant total de 11 milliards d'euros pour 2019.
Telles sont mes principales conclusions sur les deux prestations les plus importantes de la mission, ainsi que sur la « stratégie pauvreté ».
J'en viens maintenant à trois autres sujets retracés par la mission « Solidarité » qui me semblent appeler une attention particulière.
Bien que le revenu de solidarité active (RSA) relève des conseils départementaux, le programme 304 participe à son financement. En effet depuis sa création au 1 er septembre 2010, le RSA jeune actif est entièrement financé par l'État ; par ailleurs, le financement du RSA a été « recentralisé » pour les départements de la Guyane et de Mayotte en 2019, et sa recentralisation à La Réunion est proposée au 1 er janvier 2020.
Les conditions pour bénéficier du RSA jeune actif sont très restrictives. De ce fait, le nombre de bénéficiaires n'a cessé de diminuer depuis sa création et particulièrement depuis 2016. Compte tenu de sa faible audience et de sa concurrence avec d'autres instruments - prime d'activité, Garantie jeunes -, il est permis de s'interroger sur la pertinence de ce dispositif.
L'ouverture aux jeunes des minima sociaux est un exercice complexe, qui suppose de parvenir à cibler les jeunes aux conditions de vie modestes. De ce fait, les modalités de l'ouverture aux jeunes de moins de 25 ans du futur revenu universel d'activité représentent un enjeu important, qui suscite des attentes particulières de la part des acteurs de la solidarité.
Par ailleurs, les crédits du programme 137 relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes sont une nouvelle fois reconduits en 2020 à l'identique, à l'euro près, de ceux de 2019, soit un peu moins de 30 millions d'euros, en dépit des ambitions affichées par le Gouvernement en la matière.
On peut cependant relever, au sein de ce programme, une baisse de 40 % de l'enveloppe dédiée à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) des personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution, qui chute de près de 2 millions d'euros en 2019 à 1,2 million d'euros en 2020. J'estime que l'effort en faveur de cette politique mérite d'être soutenu et doit faire l'objet d'un soutien politique plus marqué ; à cet égard, la forte réduction de l'enveloppe qui lui est consacrée constitue un mauvais signal.
C'est pourquoi je vous propose un amendement tendant à transférer 800 000 euros dédiés au RSA jeune actif du programme 304, afin de rétablir à un niveau légèrement supérieur à celui de 2019 les crédits de l'AFIS, prévus dans le programme 137.
Enfin, les mineurs non accompagnés (MNA) font, depuis plusieurs années, l'objet d'une attention politique et médiatique soutenue, dont le Gouvernement a tenu compte dans les crédits qu'il leur consacre pour 2020. Les crédits consacrés à l'accueil des MNA sont ainsi passés de 15,7 millions en 2017 à 132 millions en 2018, 141 millions en 2019 puis 162 millions pour 2020.
Une fois encore, ce chiffre ne révèle aucun transfert définitif de charges ni aucune modification des principes de prise en charge : il ne fait qu'apporter une aide ponctuelle, et encore loin d'être suffisante, aux conseils départementaux. Le défi budgétaire du flux en constante augmentation des MNA reste à relever ; le nombre d'évaluations se serait élevé à 60 000 en 2018 selon l'ADF.
Je me félicitais donc que l'Assemblée nationale ait adopté un amendement créant un programme budgétaire distinct au sein de la mission « Solidarité », exclusivement dédié à l'accueil des MNA. Elle est toutefois revenue sur ce vote, à l'initiative du Gouvernement, dans le cadre d'une seconde délibération. Je rappelle que notre commission avait proposé, l'an passé, un amendement allant dans ce même sens. Je vous proposerai d'adopter le même amendement afin d'inscrire dans la loi de finances la nécessaire coresponsabilité de l'État dans la prise en charge de ce phénomène.
À l'issue de cet examen, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la mission.
Mme Laurence Cohen . - Nous constatons des hausses, mais elles sont à relativiser. Je pense à la suppression de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES) et de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), car ce dernier couvre les violences faites aux femmes. Les baisses des subventions aux associations sont regrettables.
La prime d'activité ne déresponsabiliserait-elle pas les entreprises sur leur politique salariale ? Je pense notamment aux allégements de cotisations sociales sur les bas salaires.
Cette mission comprend également plusieurs mesures d'urgences sociales et économiques qui pèsent sur le budget du PLFSS. Pouvez-vous nous donner des précisions sur le revenu universel d'activité ? Comment se fait son accès ? Quelles modulations sont prévues ?
L'an dernier, nous avions été unanimes au sein de la commission pour dénoncer la baisse de l'AFIS, et je salue, monsieur le rapporteur, votre soutien en faveur de la sortie de la prostitution. Avez-vous eu des précisions sur la baisse de ces crédits ?
M. Jean-Marie Morisset . - Le plan Pauvreté sert à envoyer de l'argent vers l'hébergement d'urgence ou d'autres secteurs. Il faudrait faire le point. L'année dernière, 10 millions ont été pris dans le plan Pauvreté et transférés dans le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Dans ce programme qui traite des actions d'urgence, on enlève 10 millions aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et on voit apparaître les 10 millions du plan Pauvreté.
Il faut être volontariste sur les mineurs non accompagnés. C'est un dossier que nous évoquons tous les ans, mais nous ne répondons pas aux besoins des départements.
M. René-Paul Savary . - Dans le PLFSS, une mesure affectait les départements : le départ en retraite modifié pour les bénéficiaires du RSA. S'agissant des MNA, il faudrait répartir les charges entre l'État et les départements sans tenir compte de l'âge.
M. Jean-Louis Tourenne . - Le titre de la mission est alléchant, mais, en réalité, aucune proposition n'est faite. Des mesures plus importantes doivent être proposées, car le plan Pauvreté est insuffisant.
Sous la pression des « gilets jaunes », la prime d'activité a été augmentée non pas de 100 euros - c'est une présentation trompeuse -, mais de 90 euros, car l'augmentation du Smic y a été intégrée. Cette prime n'est pas un moyen de lutter contre la pauvreté, car les plus modestes y échappent. En effet, seuls ceux qui ont un salaire la perçoivent. Les autres ne touchent rien du tout.
Les crédits dédiés à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants avaient été divisés par cinq l'année dernière. On ne peut pas imaginer dire à ceux qui sont déboutés du droit d'asile de rentrer chez eux sans mettre en place les moyens pour leur donner envie de s'y intégrer et d'y rester.
Sur la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté, le discours est lénifiant. Il y a eu un plan Pauvreté et de grandes déclarations : l'an dernier, 150 millions d'euros avaient été accordés, mais le taux de pauvreté a augmenté et nous sommes à 14,7 %. Comment imaginer lutter contre la pauvreté avec 215 millions d'euros cette année ? C'est se moquer du monde ! Il y a une volonté de contractualisation avec les départements sur les épaules desquels on va mettre des charges supplémentaires. Ils seront déclarés coupables s'ils ne parviennent pas à remplir ces nouvelles obligations. En matière de supercheries, on atteint des sommets !
À partir du 1 er décembre, le complément de ressources d'un montant de 170 euros par personne sera supprimé. La garantie de ressources pour les personnes handicapées est en même temps supprimée, ce qui leur permettait d'avoir au minimum 930 euros environ par mois. Ce sont 67 500 allocataires de l'AAH qui vont voir leurs ressources diminuer en 2020. C'est inacceptable. Je refuse également la diminution du plafond de ressources. L'AAH est versée à des personnes qui n'ont pas la possibilité de travailler et d'avoir un revenu autonome.
Enfin, sur l'égalité hommes-femmes, je rappelle que tout budget qui n'augmente pas se traduit par sa diminution. Pour une grande cause nationale, c'est étonnant.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas accepter les propositions et nous voterons contre.
Mme Michelle Meunier . - Nous souscrivons à la sortie de la prostitution et nous demandons aussi une étude sur l'évaluation de cette loi de 2016. Là où les commissions départementales se réunissent, il y a des résultats. Mais se réunissent-elles partout ?
M. Michel Forissier . - Concernant la lutte contre la pauvreté, je suis surpris par les mécaniques qui se mettent en place. On a d'abord segmenté les catégories sans tenir compte du fait que la pauvreté sort des périmètres des quartiers prioritaires. Je pense aux retraités propriétaires d'une maison qui se retrouvent en état de pauvreté. Avec mes collègues Frédérique Puissat et Catherine Fournier, nous avons entrepris un travail sur les travailleurs des plateformes. Nous nous rendons compte que nous fabriquons des salariés pauvres, qui vont devenir des retraités pauvres. C'est l'échec de notre système professionnel avec des jeunes sans diplômes qui génère de la pauvreté. Nous avons entre 2 et 3 millions de jeunes entre 15 et 25 ans qui n'ont aucune solution. Aujourd'hui, les crédits sont tellement dispersés que je ne suis pas certain qu'ils arrivent au bon endroit. Je souhaiterais moins d'affichage et plus d'efficacité.
M. Guillaume Arnell . - La modification des conditions d'attribution de l'AAH durcit les critères d'éligibilité en fonction de la situation familiale. Serait-il possible de trouver des solutions et de discuter cette question en plénière ? Nous ne pouvons pas laisser cela ! C'est une mesure injuste.
Était-il impossible de financer l'AFIS autrement ? Il est difficilement compréhensible de prendre des crédits chez les jeunes actifs pour les mettre sur l'AFIS.
Concernant la reprise intégrale du RSA dans certains territoires ultramarins, puis de son extension en 2020 pour La Réunion, je rappelle que cette question concerne l'ensemble des territoires ultramarins. Comme il n'est pas fait mention d'une extension progressive, je m'interroge sur les bénéfices pour les autres territoires.
Mme Chantal Deseyne . - Les conditions d'attributions de l'AAH prennent en compte les ressources du conjoint. Cela est pénalisant pour les femmes handicapées en couple et victimes de violences.
M. Daniel Chasseing . - Je me réjouis de l'augmentation de la prime d'activité, qui est un soutien majeur au pouvoir d'achat des plus modestes. Nous sommes passés de 3 milliards en 2016 à 10 milliards d'euros cette année.
Concernant les règles de cumul de l'AAH avec la prime d'activité, avez-vous, monsieur le rapporteur, vu beaucoup de bénéficiaires de l'AAH travailler à temps plein ?
M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis . - Concernant la suppression de l'ONPES, le Gouvernement veut recréer un outil autour du Conseil national des politiques de lutte contre l'exclusion (CNLE), mais je n'ai pas plus d'indications sur cette fusion.
Concrètement, aujourd'hui, l'AFIS ne fonctionne pas, car il n'existe pas de volonté politique. Seules 135 personnes bénéficient de cette aide. Il nous semblait fondamental de réaligner les crédits et, en parallèle, de développer cet outil sur l'ensemble du territoire national.
Les équilibres budgétaires sont limités et nous n'avons pas eu le choix : nous avons pris sur le chapitre RSA pour doter l'AFIS. Je rappelle que le RSA jeune actif est sous-utilisé, et que d'autres outils, comme la Garantie jeunes, sont mieux mobilisés.
Le revenu universel d'activité est un grand chantier, mais nous n'y voyons pas clair malgré les grands discours et les concertations. Nous ne connaissons ni le périmètre ni le calendrier et nous ignorons si l'AAH et l'APL sont concernées. Une grande communication et une consultation ont été lancées. Sur le site Internet de la délégation interministérielle, vous pouvez donner votre avis. Le vrai débat est toutefois celui des moyens à engager. Quand on espère toucher un plus grand nombre d'ayants droit, on ne peut rester à budget constant. Il faut alors envisager des moyens supplémentaires, mais jusqu'où ? Je crois que l'arbitrage se situe à ce niveau-là.
Nous observons que de nombreuses politiques adoptent une démarche où les crédits sont diminués avant d'être réaffectés sur d'autres missions. Avec une même somme, on remplit trois cases ! Ce n'est pas spécifique au Gouvernement, mais cela rend difficile notre mission.
La mission mobilise 25 milliards d'euros, monsieur Tourenne, vous ne pouvez donc pas dire qu'il n'y a rien, mais notre rôle est de pointer les effets bénéfiques ainsi que les manquements et les injustices. Concernant la pauvreté, les outils développés permettent aux personnes pauvres de sortir de la tête de l'eau, mais les plus démunis n'ont pas de solution.
Le programme d'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants a été amendé à l'Assemblée nationale et ses crédits, en augmentation, ont été abondés de 100 000 euros.
Je partage, monsieur Savary, vos remarques relatives aux MNA : le vrai débat est celui de l'âge.
L'égalité hommes-femmes bénéficie de nombreuses annonces de la part de la secrétaire d'État et nous avons retenu le chiffre de 1 milliard d'euros - j'ai eu du mal à le retrouver, car il est réparti au sein de plusieurs missions. Il faut être prudent lorsque l'on annonce des chiffres ! Toutefois, j'ai rencontré les acteurs de la cause et il y a une réelle volonté politique d'avancer sur ces sujets ; beaucoup d'opérateurs réorientent leurs missions autour de ces enjeux.
Le RSA recentralisé pourrait être développé sur l'ensemble des territoires ultramarins. Il n'y a toutefois pas d'automaticité, mais le Gouvernement procède en opportunité.
Dans les cas de situation difficile pour les conjoints en période de séparation ou en situation de maltraitance, des procédures peuvent permettre la séparation du calcul et la révision de l'AAH.
Le travail à temps complet des personnes handicapées en milieu ordinaire est marginal, mais on peut en trouver qui travaillent à domicile. C'est incompréhensible, mais lorsqu'ils ont la possibilité de se rapprocher d'un temps complet, ce qui représente une victoire pour eux, ils peuvent être pénalisés financièrement.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 38
M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis . - L'amendement II-82 a pour objectif de matérialiser un programme budgétaire exclusivement dédié au suivi des MNA. L'idée est d'affirmer le principe de la coresponsabilité de l'État et des départements dans la prise en charge de cette politique. Nous avions adopté un amendement similaire l'année dernière.
L'amendement II-82 est adopté.
M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis . - L'amendement II-83 prévoit de réaffecter 800 000 euros du RSA jeune actif à l'AFIS.
L'amendement II-83 est adopté.
M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis . - L'amendement II-84 de coordination précise le calcul de l'allocation supplémentaire d'invalidité.
L'amendement II-84 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ainsi qu'aux articles rattachés, sous réserve de l'adoption de ses amendements.