INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Après une année 2018 agitée pour l'administration pénitentiaire, 2019 sera l'année de la mise en oeuvre des réformes annoncées.
Le mouvement de protestations de grande ampleur des surveillants pénitentiaires au mois de janvier 2018, puis la forte mobilisation des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation au printemps ont mis en exergue le malaise profond et durable qui affecte l'administration pénitentiaire.
Lors de sa visite de l'école nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP), le 6 mars 2018, le Président de la République a prononcé un discours visant à refonder la politique générale d'exécution des peines. Les espoirs qu'il a suscités ont toutefois vite été déçus.
Les rapports sur les chantiers de la justice remis au mois d'avril 2018, singulièrement celui sur le sens et l'efficacité des peines, le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice déposé le 22 avril, adopté par le Sénat le 23 octobre et actuellement en cours d'examen par l'Assemblée nationale, puis la présentation du « plan pénitentiaire » par la garde des sceaux, le 12 septembre 2018, en conseil des ministres, n'ont pas répondu aux attentes d'une administration pénitentiaire exténuée et découragée.
Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019, le programme n° 107 « Administration pénitentiaire » représente 41,41 % des crédits de la mission « Justice ».
Par rapport à 2018, à périmètre constant, le projet de loi de finances pour 2019 déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale présentait une progression de 5,75 % des crédits de paiement alloués au programme « Administration pénitentiaire ». Ces derniers augmentent de 203,83 millions d'euros, pour atteindre un total de 3,750 milliards d'euros. Les autorisations d'engagement diminuaient en revanche de 151,57 millions d'euros et de 4,36 % pour s'établir soit à 3,325 milliards d'euros. Cette évolution s'inscrivait dans le cadre de la programmation pluriannuelle définie par la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et confirmée par le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice .
En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté, en seconde délibération, un amendement du Gouvernement augmentant de 1,08 million d'euros les autorisations d'engagement et crédits de paiement de la mission « Justice », dont 520 654 euros pour le programme « Administration pénitentiaire » 2 ( * ) .
Les développements qui suivent sont réalisés à partir du projet de loi de finances pour 2019 tel que déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Malgré une augmentation de moyens significative depuis quelques années, la situation demeure extrêmement préoccupante dans les établissements pénitentiaires en raison de sous-effectifs chroniques liés aux vacances de postes et de l'état d'un parc immobilier à la fois sous-dimensionné pour la population carcérale et insuffisamment entretenu 3 ( * ) .
Le suivi de la population pénale apparaît également très difficile en raison de l'insuffisance du nombre de conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) et de l'augmentation du nombre de personnes placées sous main de justice (PPSMJ).
Tout en prenant acte de l'augmentation de moyens alloués à l'administration pénitentiaire, votre commission les juge insuffisants pour répondre à la crise du monde pénitentiaire et a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » inscrits au projet de loi de finances pour 2019.
I. UNE AUGMENTATION NÉCESSAIRE DES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
Après la crise de 2018, l'augmentation des crédits consacrés à l'administration pénitentiaire prévue par le projet de loi de finances pour 2019 était nécessaire. Elle demeure toutefois insuffisante pour améliorer de manière significative l'efficacité de la prise en charge des personnes placées sous main de justice.
A. UN BUDGET EN HAUSSE QUI S'INSCRIT DANS LA TRAJECTOIRE DE REDRESSEMENT DES CRÉDITS DE LA MISSION « JUSTICE »
À périmètre constant, les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire , selon le projet de loi de finances pour 2019 déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale, sont en progression de 5,75 % .
Évolution des crédits du programme « Administration pénitentiaire » (en %)
Évolution entre 2017 et 2019 (année N/N-1) à périmètre constant |
||
LFI 2017 |
LFI 2018 |
PLF 2019 |
+ 4,3 % |
+ 2,2 % |
+ 5,75 % |
Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires.
Les crédits du programme
«
Administration pénitentiaire
»
dans le
projet de loi de finances déposé sur le bureau de
l'Assemblée nationale
(en euros)
Crédits votés en loi de finances pour 2018 |
Crédits votés en loi de finances pour 2018 (format 2019) |
Crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2019 |
Évolution LFI 18 (format 2019)
|
|||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Administration pénitentiaire |
3 478 306 989,00 |
3 547 899 131,00 |
3 476 467 382,45 |
3 546 059 524,45 |
3 324 895 440,15 |
3 749 892 418,15 |
- 4,36% |
5,75 % |
Titre 2. Dépenses de personnel |
2 439 187 305,00 |
2 439 187 305,00 |
2 437 107 954,00 |
2 437 107 954,00 |
2 534 491 408,00 |
2 534 491 408,00 |
4,00% |
4,00% |
Dont HCAS |
1 593 932 026,00 |
1 593 932 026,00 |
1 592 510 422,00 |
1 592 510 422,00 |
1 662 574 746,00 |
1 662 574 746,00 |
4,40% |
4,40% |
Dont CAS |
845 255 279,00 |
845 255 279,00 |
844 597 532,00 |
844 597 532,00 |
871 916 662,00 |
871 916 662,00 |
3,23% |
3,23% |
Autres dépenses : |
1 039 119 684,00 |
1 108 711 826,00 |
1 039 359 428,45 |
1 108 951 570,45 |
790 404 032,15 |
1 215 401 010,15 |
- 23,95% |
9,60 % |
Titre 3. Dépenses de fonctionnement |
621 819 684,00 |
852 455 187,00 |
622 059 428,45 |
852 694 931,45 |
661 704 032,15 |
894 973 259,15 |
6,37% |
4,96% |
Titre 5. Dépenses d'investissement |
399 400 000,00 |
236 556 639,00 |
399 400 000,00 |
236 556 639,00 |
116 500 000,00 |
308 227 751,00 |
- 70,83% |
30,30% |
Titre 6. Dépenses d'intervention |
16 100 000,00 |
16 100 000,00 |
16 100 000,00 |
16 100 000,00 |
12 200 000,00 |
12 200 000,00 |
- 24,22% |
- 24,22% |
Titre 7. Dépenses d'opérations financières |
1 800 000,00 |
3 600 000,00 |
1 800 000,00 |
3 600 000,00 |
0 |
0 |
- 100 % |
- 100 % |
Part du programme dans la mission |
38,60% |
40,68% |
38,58% |
39,35% |
38,12% |
41,41% |
Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires du projet initial.
Les crédits consacrés en 2019 aux dépenses de personnel (titre 2) augmentent de + 4 % par rapport à la loi de finances pour 2018 . Cette augmentation des crédits du titre 2 explique 47,8 % 4 ( * ) de la hausse des crédits du programme « Administration pénitentiaire ».
La répartition, par nature de dépenses, des crédits du programme « Administration pénitentiaire » prévus par le projet de loi de finances pour 2019
Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires du projet initial.
Le plafond d'autorisation d'emplois pour 2019 est relevé à 41 514 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit une hausse de 3,2 % par rapport à l'année dernière. Cette évolution permet la création de 959 postes.
Les crédits hors dépenses de personnel augmentent de 9,6 % par rapport à la loi de finances pour 2018 : cette évolution s'explique principalement par l'augmentation de 30 % des crédits d'investissement. Les crédits consacrés à l'investissement immobilier augmentent de 30,30 % pour atteindre 308,23 millions d'euros. Les crédits consacrés aux partenariats public-privé (PPP) augmentent de près de 9 % pour atteindre 156, 08 millions d'euros.
La répartition par action des crédits du programme en proportion
Source : commission des lois du Sénat à
partir des documents budgétaires
du projet de loi initial de finances
pour 2019.
La répartition, par action, des crédits du programme (en euros)
Numéro et intitulé de l'action |
Autorisations d'engagement |
Crédits de paiement |
||||||
Ouvertes en LFI 2018 (format 2019) |
Prévues par PLF 2019 |
Écarts 2019/2018 à périmètre
constant
|
Ouvertes en LFI 2018 (format 2019) |
PLF 2019 |
Écarts 2019/2018 à périmètre
constant
|
|||
1 - Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice |
2 326 568 843,00 |
2 118 714 041,15 |
-8,93% |
-207 854 802 |
2 165 125 482,00 |
2 317 741 792,15 |
+ 7,05% |
152 616 310 |
2 - Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice |
754 144 396,00 |
823 755 819,00 |
9,23% |
69 611 423 |
1 039 719 716,00 |
1 078 971 139,00 |
+ 3,78% |
39 251 423 |
4 - Soutien et formation |
395 754 142,45 |
382 425 580,00 |
-3,37% |
- 13 328 562 |
341 214 326,45 |
353 179 487,00 |
+ 3,51% |
11 965 161 |
Total |
3 476 467 381,45 |
3 324 895 440,15 |
-4,36% |
-151 571 941 |
3 546 059 524,45 |
3 749 892 418,15 |
+ 5,75% |
203 832 894 |
Source : commission des lois du Sénat à
partir des documents budgétaires
du projet de loi initial de finances
pour 2019.
74,9 % de l'augmentation des crédits du programme « Administration pénitentiaire » résulte de la hausse de 7,05 % des crédits de l'action n° 1 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » : cette hausse s'explique principalement par l'augmentation de la masse salariale des personnels de surveillance et l'augmentation des dépenses d'investissement liée à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires.
Ces augmentations, très importantes en volume, ne doivent néanmoins pas occulter des baisses préoccupantes .
Ainsi, les dépenses relatives à la formation professionnelle (accueil et accompagnement des détenus, acquisition des plateaux techniques de formations) diminuent de près de 10 % par rapport à la loi de finances pour 2018 : seulement 14,6 millions d'euros seraient consacrés à la formation professionnelle en 2019.
Les dépenses d'intervention en matière de politiques d'insertion en faveur des personnes placées sous main de justice diminuent également de plus de 30 % : seulement 8,6 millions d'euros seraient consacrés en 2019 au développement des activités culturelles et sportives des personnes détenues.
* 2 Ces modifications tirent les conséquences de la revalorisation des indemnités kilométriques et la revalorisation des barèmes des frais de nuitée pour le personnel.
* 3 Alors qu'une enveloppe de 140 millions d'euros serait nécessaire annuellement pour maintenir le parc immobilier carcéral, moins de 80 millions d'euros ont été dépensés annuellement entre 2010 et 2016. Seulement 98,9 millions sont prévus pour 2018. Ces crédits sont en hausse pour 2019 avec 100,6 millions d'euros.
* 4 Les dépenses de personnel, d'investissement et de fonctionnement expliquent respectivement 47,8 %, 35,2 % et 20,7 % de l'évolution des crédits, compte tenu de la baisse des crédits consacrés aux dépenses d'intervention ou d'opérations financières (- 1,9 % et - 1,8 %).