DANEMARK
En
dehors du
code pénal
, qui condamne l'homicide, même s'il
est commis sur demande de la victime, ainsi que l'aide au suicide, plusieurs
textes évoquent l'euthanasie sans la nommer. Ils cherchent avant tout
à
limiter l'acharnement thérapeutique
.
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I. LE CADRE JURIDIQUE
1) Le code pénal
Outre
les dispositions relatives à l'homicide, à la non-assistance
à personne en danger, et aux coups et blessures, le code pénal
comporte deux articles qui visent explicitement l'euthanasie :
les
articles 239 et 240 qui condamnent respectivement l'homicide commis à la
demande de la victime et l'aide au suicide.
L'article 239 énonce en effet : "
Celui qui tue autrui
à sa demande expresse est puni par une peine de détention pouvant
atteindre trois ans ou par une peine de prison d'au moins soixante
jours
". L'article 239 prévoit donc une sanction
allégée, car l'homicide se traduit normalement par une
détention d'au moins cinq ans.
L'article 240 prévoit que : "
Celui qui prête son
concours au suicide d'autrui est sanctionné par une amende ou une peine
de prison. Si l'action est accomplie dans un but intéressé, la
durée de la peine de prison peut atteindre trois ans.
"
Par ailleurs, les articles 84 et 85 du code pénal prévoient que
les sanctions puissent être atténuées, voire
supprimées, si les actes punissables ont été commis dans
des circonstances particulières. C'est par exemple le cas lorsque
l'auteur de l'acte punissable a agi "
sous l'influence d'une
émotion forte, ou lorsque d'autres explications particulières
justifient l'état du coupable
".
2) La loi sur l'exercice de la profession médicale
Son
chapitre 2 est consacré aux devoirs du médecin. Il commence
par les articles 6 et 6a, qui s'appliquent notamment aux patients en fin de
vie. Ces dispositions ont été introduites dans la loi en 1992.
L'article 6
énonce en effet à partir de
l'alinéa 3 :
"
3. A moins de disposer d'une autorisation spéciale, un
médecin ne doit pas commencer ou poursuivre un traitement contre la
volonté du patient. Cette disposition s'applique également
lorsque le patient a exprimé, dans un testament de vie, son désir
d'être dispensé de tout traitement prolongeant sa vie dans
l'hypothèse où il serait mourant et où sa mort serait
inévitable.
" 4. Par traitement prolongeant la vie, on entend traitement qui n'offre
aucune perspective de guérison, d'amélioration ou de soulagement,
mais qui vise seulement à allonger la survie.
" 5. Dans les cas où le patient est mourant et où sa mort
est inévitable, mais où il n'y a pas de testament de vie, le
médecin peut se dispenser de commencer ou de poursuivre des soins qui ne
peuvent que retarder la date du décès. Dans les mêmes
circonstances, le médecin peut donner des antalgiques, des calmants ou
des produits analogues, qui sont nécessaires pour soulager le patient,
même si une telle action peut conduire à hâter le moment du
décès.
"
L'article 6a
énonce :
"
1.
Toute personne majeure peut établir un testament de
vie. Le testateur exprime ainsi sa volonté en matière de soins
médicaux, s'il devait se trouver dans une situation où il ne
pourrait plus exercer d'une autre façon son droit
d'autodétermination.
"
2. Le ministre de la Santé établira des dispositions
plus précises sur l'établissement, la formulation,
l'enregistrement et la révocation des testaments de vie.
"
3. Le ministre de la Santé établira les règles
sur les droits perçus pour l'enregistrement des testaments de
vie.
"
3) La loi sur le statut juridique du patient
Les
chapitres 2 et 3 de cette loi, qui date de 1998, sont consacrés
respectivement au libre arbitre du patient en général et dans des
cas particuliers. Parmi les cas particuliers, la loi prévoit celui des
mourants.
Elle énonce à
l'article 16
, qui se rapporte
précisément au
traitement des mourants dont la mort est
inévitable :
"
1. Un mourant dont la mort est inévitable peut refuser un
traitement qui ne peut que retarder l'arrivée de la mort.
"
2. Dans la mesure où un mourant dont la mort est
inévitable ne peut plus exercer son droit d'autodétermination, le
personnel soignant peut s'abstenir de commencer ou de poursuivre un traitement
prolongeant la vie (cf. article 17, alinéa 3).
"
3. Un mourant dont la mort est inévitable peut prendre des
antalgiques, des calmants ou des produits analogues qui sont nécessaires
pour le soulager, même si ceci peut conduire à hâter le
moment du décès
".
L'article 17
concerne les
testaments de vie
:
"
1. Toute personne qui a plus de dix-huit ans, qui n'est pas sous
tutelle, qui remplit les conditions personnelles, et notamment les conditions
de santé, conformément à l'article 5 de la loi sur la
tutelle, peut rédiger un testament de vie. Dans un testament de vie,
l'intéressé peut exprimer sa volonté en matière de
traitement médical s'il devait se trouver dans un état où
il ne pourrait plus exercer lui-même son droit
d'autodétermination
.
"
2. Un testament de vie peut contenir des dispositions selon
lesquelles :
1) au cas où le testateur est mourant et où sa mort est
inévitable, il ne désire pas de traitement prolongeant la
vie ;
2) dans les cas où la maladie, l'extrême affaiblissement dû
à la vieillesse, un accident, un arrêt cardiaque, ou tout autre
événement semblable a provoqué une invalidité si
grave que le testateur serait durablement hors d'état de prendre soin de
lui-même physiquement et mentalement, le testateur ne désire pas
un traitement prolongeant la vie.
"
3. Par traitement prolongeant la vie on entend traitement qui n'offre
aucune perspective de guérison, d'amélioration ou de soulagement,
mais qui vise seulement à allonger la survie.
"
4. Dans la mesure où un membre du personnel soignant, face
à un patient qui n'est pas en état d'exercer son droit
d'autodétermination, envisage de commencer un traitement prolongeant la
vie d'un mourant dont la mort est inévitable, ou envisage de poursuivre
un tel traitement dans les cas visés au n° 2 de
l'alinéa 2, cette personne doit consulter le registre des testaments de
vie, conformément à l'article 18, en vue de vérifier
s'il y a un testament de vie.
"
5. Dans les cas visés au n° 1 de
l'alinéa 2, le souhait du testateur a force obligatoire pour le
personnel soignant, tandis que dans les cas visés au n° 2 du
même alinéa, il n'a qu'une valeur indicative et doit donc
être examiné.
"
La loi distingue donc le cas des malades en phase terminale de ceux qui
souffrent d'affections graves ou invalidantes, car le testament de vie n'a
force obligatoire que pour les premiers.
4) Les dispositions réglementaires sur le testament de vie
Le
règlement du ministre de la Santé du 14 septembre 1998 sur
les testaments de vie, en vigueur depuis le 1
er
octobre 1998,
remplace le précédent, qui datait de 1992. Ce dernier avait
apporté une reconnaissance juridique à une pratique
antérieure.
Le règlement rappelle la valeur juridique des testaments de vie, qui
doivent être formulés sur des imprimés spéciaux et
enregistrés à l'hôpital. L'enregistrement suppose le
paiement d'un droit minime (50 couronnes, soit environ 40 francs). Un
tel testament est révocable, pas nécessairement par écrit
dans la mesure où la volonté de l'intéressé est
exprimée sans équivoque.
Une circulaire et des directives ont été adressées
à tous les médecins du pays, pour leur rappeler la conduite
à tenir lorsqu'ils se trouvent en présence d'un testament de
vie
et pour compléter les dispositions législatives et
réglementaires présentées plus haut.
Ces documents développent les dispositions de la loi. Ils rappellent
notamment le devoir qu'ont les médecins de respecter les volontés
exprimées dans les testaments de vie lorsqu'elles émanent de
"
mourants dont la mort est inévitable
". La circulaire
précise l'impossibilité de définir cette expression, mais
indique que peuvent être considérés comme tels des patients
dont la mort surviendra dans l'espace de quelques jours ou de quelques
semaines, et ce malgré la mise en oeuvre de toutes les ressources
médicales disponibles (cancéreux en phase terminale ou malades
souffrant de plusieurs défaillances organiques). En revanche, face
à des malades souffrant de troubles cérébraux (maladie
d'Alzheimer par exemple) ou pulmonaires, le médecin n'est pas lié
par les dispositions du testament de vie.
En l'absence de testament de vie, le médecin agit conformément
à ce que prévoit l'article 6 de la loi sur l'exercice de la
profession médicale. Il peut donc prendre la décision
d'abréger la survie de certains patients.
5) Les directives sur l'administration continue par voie intraveineuse d'opioïdes aux malades en phase terminale
Pour
tenir compte des critiques selon lesquelles les médecins ont trop
souvent recours aux antalgiques majeurs pour hâter le décès
de certains mourants, le ministère de la Santé a publié,
en 1995, des directives sur l'administration continue par voie intraveineuse
d'opioïdes aux malades en phase terminale.
Ce document, qui fournit les dosages à respecter, variables selon le
passé du malade, rappelle en premier lieu l'interdiction de l'euthanasie
active. Il précise également que ce mode d'administration des
opioïdes constitue le dernier recours.
II. LA PRATIQUE ET LE DEBAT
Les
dispositions contenues dans la loi sur l'exercice de la profession
médicale ont permis de légaliser l'euthanasie passive et
l'euthanasie indirecte pour des mourants condamnés à mourir dans
le délai de quelques jours ou de quelques semaines.
L'euthanasie indirecte semble largement pratiquée :
un rapport
publié au printemps 1996 par le Comité d'éthique a permis
de mettre en évidence qu'un médecin sur dix exagérait le
recours à la morphine pour abréger la vie de certains mourants.
A l'heure actuelle, le débat sur l'euthanasie concerne principalement
les malades en phase terminale, mais dont la mort n'est pas prévisible
à court terme. L'immense majorité des médecins ainsi que
le Comité d'éthique s'opposent à la légalisation,
sous quelque forme que ce soit, de l'euthanasie active de cette
catégorie de patients. En revanche, tous insistent sur la
nécessité de développer les soins palliatifs. Un rapport
publié au début de l'année 1997 par les autorités
sanitaires nationales a d'ailleurs prévu la multiplication et
l'organisation rationnelle des unités de soins palliatifs.