ANGLETERRE ET PAYS DE GALLES
L'euthanasie active ne fait pas l'objet d'une incrimination
particulière, mais la jurisprudence l'assimile à l'homicide
volontaire. Les pouvoirs publics ainsi que l'Association médicale
britannique restent opposés à sa légalisation.
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I. LE CADRE JURIDIQUE
1) Les lois pénales
a) L'Homicide Act de 1957
L'euthanasie ne fait pas l'objet d'une incrimination
particulière. Elle est poursuivie sur le fondement de meurtre,
d'homicide volontaire ou de coups et blessures.
L'article 4 de l'
Homicide Act
de 1957 s'intitule " Des pactes
de suicide " et permet la qualification d'homicide involontaire, assortie
donc d'une peine plus douce, lorsqu'une personne en tue une autre
conformément à un pacte de suicide conclu entre elles.
b) Le Suicide Act de 1961
Ce texte
a permis la décriminalisation du suicide et de sa tentative. En
revanche,
l'assistance au suicide constitue toujours une infraction
.
En effet la loi pose, à l'article 2, une responsabilité
criminelle pour complicité dans le suicide d'un tiers :
"
Toute personne qui aide, encourage, recommande ou permet le suicide
d'un tiers est passible d'une peine d'emprisonnement au plus égale
à quatorze ans.
" Si au cours du procès d'accusation pour homicide, volontaire ou
involontaire, il est prouvé que l'accusé a aidé,
encouragé, conseillé ou permis le suicide de la personne en
question, il peut être déclaré coupable de l'une ou l'autre
de ces infractions
".
2) L'arrêt Airedale NHS Trust v. Bland
Dans cet
arrêt, rendu le 9 février 1993, la Chambre des Lords s'est
prononcée sur l'interruption de l'alimentation et de l'hydratation
artificielles d'un patient qui était dans un état
végétatif persistant depuis 1989, à la suite d'un accident
survenu dans un stade de football.
A cette occasion, elle a rappelé les grands principes qui s'imposent
à tous ceux qui sont confrontés au problème de
l'euthanasie :
-
l'administration d'une substance mortelle est interdite ;
-
le droit pour les malades de refuser un traitement constitue une
liberté fondamentale
;
-
ce droit de refuser un traitement s'applique, y compris dans les
situations où le refus peut provoquer le décès du patient.
II. LA PRATIQUE ET LE DEBAT
1) L'euthanasie active
Elle est
condamnée par le code pénal et unanimement
réprouvée par les pouvoirs publics, les médecins et les
juristes.
La jurisprudence qualifie d'homicide volontaire le fait de tuer volontairement
un patient en lui administrant une substance létale. Elle s'en tient aux
deux éléments qui constituent l'infraction : le fait de
donner la mort et l'intention de la donner. La souffrance du patient, sa
demande répétée que soit mis fin à ses jours et la
compassion du médecin ne sont pas pris en considération.
Cette jurisprudence, qui a pu parfois apparaître sévère aux
yeux de l'opinion publique, a donné lieu à de nombreux
débats et controverses. Ceci a conduit la Chambre des Lords à se
saisir du sujet en désignant une
commission d'enquête sur
l'éthique médicale
, qui a rendu ses conclusions dans son
rapport publié le 31 janvier 1994
. D'après ces
conclusions :
- il n'y a pas lieu de changer la loi pour autoriser l'euthanasie ;
- il n'est pas souhaitable de créer une infraction de meurtre par
compassion.
Le gouvernement précédent avait publié en mai 1994 une
réponse au rapport de la commission d'enquête, dans laquelle il
s'affirmait en accord avec les conclusions de la commission, notamment sur
l'inopportunité de modifier la loi pour autoriser l'euthanasie.
En octobre 1998, le gouvernement de Tony Blair a réuni un jury de treize
personnes représentant un échantillon socio-économique de
la population qui devait répondre, après avoir entendu
différents témoignages, aux questions suivantes :
- doit-on pouvoir choisir quand et comment mourir ?
- en quelle(s) occasion(s) doit-on aider une personne à mourir ?
Les voix se sont partagées (sept pour et six contre) sur la question de
savoir si les médecins devaient avoir la possibilité de proposer
une dose létale à un malade en fin de vie qui le lui
demande.
2) L'aide au suicide
Elle
tombe sous le coup de l'article 2 du
Suicide Act
, et l'opposition
au suicide médicalement assistée reste unanime.
La commission d'enquête de la Chambre des Lords sur l'éthique
médicale avait fait savoir qu'il n'y avait pas lieu de changer la loi
sur l'aide au suicide, et le gouvernement de l'époque en était
tombé d'accord.
Le 10 décembre 1997, la proposition de loi du parlementaire Joe
Ashton sur la mort médicalement assistée, dont l'objet
était de permettre le suicide médicalement assisté des
malades incurables, a été rejetée par 234 voix contre
89.
3) L'euthanasie indirecte
La
jurisprudence permet depuis longtemps aux médecins d'administrer des
médicaments antalgiques, alors même que cela a pour effet
secondaire (ou double effet) prévisible, mais non voulu, de hâter
la mort.
En 1957, dans l'affaire du Docteur John Bodkin Adams, l'une des
premières que les tribunaux aient eu à connaître, le juge
déclara qu'"
un médecin est habilité à
faire tout ce qui est nécessaire pour soulager les souffrances du
patient, même si les mesures prises peuvent accessoirement abréger
la vie
".
Dans un contexte de maladie en phase terminale, la thérapie laisse donc
la place aux soins palliatifs et à l'accompagnement de la mort.
Dans son rapport de 1994, la commission d'enquête sur l'éthique
médicale de la Chambre des Lords avait d'ailleurs souligné que
" le double effet " ne constituait pas une raison de refuser au
malade un traitement qui pourrait le soulager, dès lors que le
médecin agissait en conformité avec la pratique médicale
en vigueur, en ayant la volonté de soulager la douleur ou la souffrance
et sans intention de tuer.
Ceci correspond à la position qu'a toujours tenue l'Association
médicale britannique.
4) L'euthanasie passive
a) Les malades capables d'exprimer un consentement juridique valable
La
jurisprudence reconnaît depuis fort longtemps le droit pour un malade
capable de refuser un traitement pour un "
motif rationnel, ou
irrationnel, voire sans raison
".
Il s'agit là d'une
liberté fondamentale liée à la libre disposition qu'a tout
être humain de son corps.
Ainsi, dans l'arrêt Airedale NHS Trust v. Bland, Lord Mustill
rappelle que "
le choix du patient d'arrêter un traitement doit
être respecté, même si c'est objectivement contraire
à son intérêt
.
Un médecin n'a pas le droit de
passer outre, même s'il apparaît évident pour tous, y
compris pour le malade, que des conséquences néfastes, et
même la mort, pourront s'ensuivre ou s'ensuivront.
".
Le médecin ne peut faire l'objet d'aucune poursuite, tant au civil qu'au
pénal, dès lors qu'il a clairement informé le patient sur
la totalité du traitement, y compris sur ses effets secondaires, qu'il a
loyalement répondu à toutes ses questions et qu'il s'est
assuré de la réalité de son intention de mourir.
La commission d'enquête de la Chambre des Lords avait
précisé qu'elle soutenait "
vigoureusement le droit du
patient capable (juridiquement) de refuser de se soumettre à un
quelconque traitement médical
". Elle avait indiqué par
ailleurs que "
si un tribunal devait annuler une telle décision,
cette annulation devrait être fortement
motivée
".
b) Les malades incapables de donner leur consentement, mais qui ont rédigé un testament de vie
Dans
l'arrêt Airedale NHS Trust v. Bland, Lord Keith of Kinkel décrit
le droit d'une personne de refuser de suivre un traitement, même si son
refus provoque sa mort, et ajoute que "
cela s'étend à la
personne qui prévoit qu'elle pourrait être plongée dans un
état végétatif persistant ou un état proche de
celui-ci et qui donne des instructions claires pour qu'il ne lui soit
administré aucun traitement médical, ni même de nutrition
artificielle
".
En l'absence de loi, la valeur juridique d'un refus anticipé d'un
traitement reste incertaine. Il semble cependant que la jurisprudence
lui reconnaisse une telle valeur. Ainsi, la Cour d'Appel (Chambre civile),
dans sa décision Re.T. (
Adult
refusal of medical
treatment
), rendue en 1992, indique que, si un patient a fait un choix
anticipé clairement établi et applicable compte tenu des
circonstances dans lesquelles il se trouve, ce choix lie juridiquement le
médecin dès lors que les quatre conditions suivantes sont
remplies :
- le patient avait la capacité mentale nécessaire au moment
où il a exprimé ce refus anticipé ;
- le patient avait pris en considération l'exacte situation dans
laquelle il se trouverait au moment où il perdrait sa capacité
juridique ;
- le patient avait pleinement apprécié les conséquences de
son refus de traitement ;
- le patient n'avait pas été moralement influencé par une
autre personne au moment où il a pris sa décision.
La commission d'enquête de la Chambre des Lords avait approuvé, en
1994, le développement des testaments de vie, mais avait jugé
inutile de légiférer en la matière. Elle avait cependant
enjoint aux professions médicales de préparer un code
déontologique. En avril 1995, l'Association médicale britannique
a publié un code qui donne des conseils sur cette question aux membres
des différentes professions de santé et qui souligne la valeur
contraignante des testaments de vie.
c) Les malades incapables de donner leur consentement et qui n'ont pas rédigé de testament de vie
Lorsque
le patient est dans un état végétatif persistant,
l'arrêt des médicaments, et notamment des antibiotiques, est
légal. Dans l'arrêt Airedale NHS Trust v. Bland, les juges
considèrent "
qu'il aurait été approprié,
tant sur le plan éthique que pratique, d'interrompre le traitement
antibiotique dès lors qu'il y aurait eu un accord en ce sens entre
l'équipe médicale et la famille
".
En l'espèce, la Cour a également autorisé l'arrêt de
l'alimentation et de l'hydratation artificielles. Cependant, la
légalité de l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation
artificielles n'est pas clairement établie et l'Association
médicale britannique conseille aux médecins d'obtenir au
préalable une décision de justice. En effet, pour certains,
l'alimentation et l'hydratation constituent un traitement au même titre
que la ventilation artificielle, dont l'arrêt est juridiquement
autorisé par la jurisprudence. En revanche, pour d'autres, il s'agit de
soins fondamentaux qui revêtent une dimension symbolique et non
médicale.
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*
Depuis quelques mois, le débat porte principalement sur la
valeur juridique des testaments de vie.
La
Law Commission
, dans son rapport sur l'incapacité mentale
publié en mars 1995, préconisait leur reconnaissance juridique.
Elle proposait notamment la création d'une "
autorité
générale agissant raisonnablement
" qui veillerait
à la prise en compte par le corps médical des volontés
exprimées dans les testaments de vie, dans l'intérêt bien
compris du malade. Cette autorité pourrait notamment permettre au
médecin d'utiliser un nouveau traitement non spécifié
à l'avance par le patient, mais qui ne contredirait pas ses
instructions.
Le 10 décembre 1997, le ministre de la Justice du gouvernement de
Tony Blair a publié un document de consultation sur l'incapacité
mentale, intitulé " Qui décide ? ". Il a pris soin
de rappeler l'illégalité de l'euthanasie et d'indiquer que le
gouvernement n'avait pas encore décidé s'il
légiférerait dans ce domaine. Il a précisé qu'il
s'agissait de recueillir des points de vue sur un certain nombre de
recommandations de la
Law Commission
, en particulier sur celles
relatives aux testaments de vie et à la possibilité pour une
personne capable de donner procuration à une autre afin que cette
dernière prenne toute décision à sa place, y compris dans
le domaine médical, si elle devenait incapable.
L'Association médicale britannique a également lancé une
consultation auprès des professionnels de la santé, des malades
et de leurs associations sur "
l'arrêt ou la non-mise en oeuvre
d'un traitement
". Les réponses étaient attendues pour
la mi-octobre 1998. En préambule au questionnaire, elle a indiqué
qu'elle n'établissait pas de distinction entre la décision
d'arrêter un traitement et celle de ne pas le mettre en oeuvre, et a
rappelé qu'un médecin pouvait prendre une telle décision
dès lors qu'il était hautement probable que le traitement
n'apporterait aucun bénéfice médical au patient, ou que
celui-ci ne lui donnerait pas "
une qualité de vie
acceptable
".
Ainsi, le discours médical évolue vers l'inutilité de
prolonger la vie à tout prix et l'arrêt des gestes médicaux
disproportionnés avec la situation du patient. Un article du Lancet du
23 mars 1996 a même proposé de soumettre au Parlement
britannique un projet de loi sur "
l'inutilité
médicale
".