MONOGRAPHIES PAR PAYS

AUTRICHE

L'origine de la législation autrichienne actuelle relative à la religion islamique remonte à la loi de 1912 sur l'islam, consécutive à l'annexion par l'empire austro-hongrois de la Bosnie-Herzégovine.

Un siècle plus tard, le gouvernement autrichien a souhaité moderniser un texte qui, aux termes des « Commentaires » annexés à la loi fédérale du 30 mars 2015 relative aux relations juridiques externes de sociétés religieuses islamiques, « reflète l'époque de sa promulgation quant au contenu normatif et à la technique normative. Quelques dispositions sont dépassées pour des raisons de droit ou de fait, d'autres ne correspondent plus aux exigences actuelles d'un État de droit moderne, en particulier la détermination de l'organisation externe par une importante procédure législative déléguée non définie de façon précise dans la loi » 1 ( * ) .

Déposé devant le Parlement autrichien le 10 décembre 2014, le nouveau texte s'intitule « loi fédérale du 30 mars 2015 relative aux relations juridiques externes de sociétés religieuses islamiques ».

Les sociétés religieuses reconnues par l'État se voient accorder par ce statut la personnalité morale de droit public. À ce titre, et aux termes de l'article 15 de la loi fondamentale sur les droits généraux des citoyens, « Toute église ou communauté religieuse reconnue par la loi a droit à l'exercice public et collectif de sa religion, règle et administre ses affaires intérieures librement, garde la propriété et la jouissance de ses établissements, fondations et fonds destinés au culte, à l'enseignement et à la bienfaisance, tout en restant, comme toute société, soumise aux lois générales de l'État » . Actuellement, seize sociétés religieuses possèdent ce statut.

On examinera successivement :

- le régime applicable au financement ;

- et les règles encadrant l'abattage rituel.

1. Le régime applicable au financement

L'article 4(1) de la loi de 2015 dispose que, pour se voir reconnaître la personnalité morale, une société religieuse islamique doit disposer de la capacité de subvenir elle-même à ses besoins matériels (wirtschaftliche Selbsterhaltungsfähigkeit) .

Aux termes de l'article 6(2) de la même loi, « La société religieuse, les communautés cultuelles et/ou leurs membres doivent mobiliser dans le pays-même les moyens requis pour leur activité habituelle visant à satisfaire les besoins religieux de leurs membres. »

Les « Commentaires » annexés au projet de loi précisent que cette disposition « concrétise le principe de la capacité d`une société religieuse de subvenir elle-même à ses besoins matériels [...] », ajoutant que « ce principe est intrinsèque [au] droit autrichien relatif aux religions depuis 1874 et se manifeste entre autres dans les dispositions de l'art. 5 de la loi sur la reconnaissance et de l'art. 2 de la loi sur les orthodoxes. La notion de maintien figure aussi dans la loi fédérale sur la personnalité morale de communautés confessionnelles et doit être complétée par cette disposition pour améliorer la sécurité de droit ».

Dans ces conditions, « des donations provenant de l'étranger ne sont pas a priori inadmissibles tant qu'il ne s'agit pas de financements permanents, n'importe que ce soient des prestations en espèces ou en nature (y compris des "subventions vivantes" 2 ( * ) [lebender Subventionen] ). Un don unique serait compatible avec ce libellé. Si ceci doit résulter en un revenu permanent, par exemple un financement de frais de personnel existants, la création d'une fondation autrichienne, soit selon le droit sur les fondations privées, soit éventuellement d'une fondation religieuse sur la base de la constitution de la société religieuse aux termes de l'art. 6 en relation avec l'art. 23 paragr. 4, est possible. Le siège de la fondation et la résidence des organes de la fondation seraient alors décisifs pour la question de savoir s'il s'agit d'un financement autrichien admissible. Le recrutement d'agents publics sous forme d'un contrat de travail, quel que soit l'employeur, comme collaborateur, ecclésiastique, aumônier, détenteur d'une fonction etc. serait en tout cas inadmissible .

S'agissant de la question de la portée des affaires intérieures, la jurisprudence a retenu que celles-ci ne pouvaient forcément pas être énumérées de façon exhaustive et [ni] inventoriées qu'en tenant compte de la nature de la société religieuse selon la façon dont elle se voit elle-même [...]. Par conséquent, la littérature indique qu'une énumération taxative de toutes les affaires intérieures n'est pas possible et mentionne la "gestion des biens et les collectes" ainsi que l'"impôt du culte et les redevances", mais non pas la mobilisation de fonds. Le fait que les situations diffèrent entre les religions, [...] limite d'emblée la comparabilité, donne une marge de manoeuvre politico-juridique. Il convient de profiter de cette marge de manoeuvre pour tenir compte des possibilités et d'aspects déterminés de différentes religions .

C'est pourquoi le financement des activités ordinaires doit, comme pour toutes les autres Églises et sociétés religieuses, pour sauvegarder l'autonomie et l'indépendance à l'égard d'institutions étrangères, être assuré exclusivement par des moyens financiers provenant d'Autriche. La sauvegarde de l'autonomie d'Églises et de sociétés religieuses est non seulement un objectif légitime, mais constitue en outre une tâche de l'État pour la sauvegarde de l'indépendance des religions, p. ex. par rapport à l'influence de l'État. La nécessité en résulte d'une part de l'art. 15 de la Loi fondamentale de l'État et d'autre part du fait que les Églises et sociétés religieuses poursuivent des objectifs publics avec la tenue de l'enseignement religieux aux termes de l'art. 14 paragr. 5a de la Loi constitutionnelle fédérale ».

2. Les règles encadrant l'abattage rituel

Aux termes des articles 12(1) et 19(1) de la loi fédérale du 30 mars 2015 relative aux relations juridiques externes de sociétés religieuses islamiques, « La société religieuse a le droit d'organiser en Autriche la confection de produits de viande et d'autres denrées alimentaires conformément aux prescriptions propres à la société religieuse ».

En Autriche, les dispositions relatives à l'abattage rituel résultent de l'article 32 de la loi sur la protection des animaux du 28 septembre 2004 modifiée. Aux termes de celle-ci, l'abattage d'animaux sans étourdissement préalablement à la saignée est interdit. Toutefois, si l'anesthésie n'est pas possible ou lorsqu'un précepte religieux obligatoire ou une interdiction religieuse applicable au sein d'une société religieuse reconnue s'y oppose, l'abattage doit être effectué de façon à n'occasionner à l'animal ni douleur, ni souffrance, ni dommage, ni forte anxiété inutiles.

Les abattages rituels ne peuvent être exécutés que dans des abattoirs aménagés et autorisés à cet effet par les autorités.

L'autorité compétente donne une autorisation d'abattage rituel lorsqu'il est garanti que :

- celui-ci sera réalisé par des personnes disposant des connaissances et de l'expertise nécessaires ;

- il se réalise en présence d'un vétérinaire mandaté pour les inspections ante-mortem et post-mortem ;

- des moyens garantissant que les animaux puissent être placés aussi rapidement que possible dans une position nécessaire pour l'abattage (für die Schlachtung notwendige Position) sont prévus ;

- l'abattage est effectué de façon que les grosses artères sont sectionnées au niveau du cou ;

- les animaux sont étourdis sans délai après l'ouverture de l'artère ;

- l'étourdissement soit efficace tout de suite (sofort) après la section ;

- et que les animaux destinés à l'abattage rituel soient placés dans une telle position que la personne qui y procède soit prête à provoquer l'étourdissement.

Le ministre fédéral de la Santé est compétent pour prendre toute disposition concernant l'abattage ou la mise à mort des animaux.

En réponse à une question écrite d'un député, la ministre fédérale de la Santé a indiqué, le 15 décembre 2014, qu'aucun abattage rituel ne s'était déroulé depuis 2005 dans les Länder de Vienne, Burgenland, Carinthie, Haute-Autriche, Salzbourg, Tyrol et Vorarlberg. En 2014, 6 118 abattages rituels (384 boeufs, 5 676 moutons et 58 chèvres) ont eu lieu dans le Land de Basse-Autriche et plus de 190 500 dans le Land de Styrie (environ 190 000 volailles par an depuis 2007 et 526 boeufs à la date de la réponse pour 2014).

En 2014, 17 abattoirs en Basse-Autriche et 2 en Styrie étaient autorisés à pratiquer des abattages rituels.


* 1 La traduction française de la loi et celle des « Commentaires » qui y sont annexées sont disponibles sur le site du ministère autrichien des Affaires étrangères (cf. annexe de la présente note).

* 2 Il s'agit d'allocations sous forme de prêt de personnel, gratuit ou sans rémunération correspondante (lebender Subventionen) (Zuwendungen in Form kostenlos oder ohne entsprechende ergütung zur Verfügung gestellten Personals).

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