BELGIQUE



Les principales règles applicables à l'éloignement du territoire résultent des articles 20 à 26 de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers .

Ces articles disposent que l'expulsion est une mesure administrative prise à l'encontre des étrangers qui menacent l'ordre public et la sécurité de l'État , mais ne prévoient aucune disposition spécifique visant les étrangers qui ont été condamnés par les juridictions pénales.

En pratique, le passé judiciaire constitue cependant l'un des éléments d'appréciation du comportement potentiellement dangereux des étrangers
pour les intérêts fondamentaux du pays, mais aucun critère n'a été défini.

1) Le lien entre la condamnation pénale et la mesure d'expulsion

L'article 20 de la loi sur les étrangers prévoit qu'un arrêté d'expulsion peut être pris à l'encontre de tout étranger qui a « gravement porté atteinte à l'ordre public ou à la sécurité nationale ou qui n'a pas respecté les conditions mises à son séjour ».

a) Les condamnations motivant l'expulsion

Les règles en vigueur ne prévoient pas que l'expulsion puisse résulter de certaines condamnations pénales .

Du reste, interrogé par un député sur l'éloignement des étrangers, le ministre de l'Intérieur avait indiqué en 1995 : « [...] il n'y a pas lieu de transformer toute condamnation pénale en cause automatique d'éloignement. L'existence d'une condamnation ne peut être retenue que lorsque les circonstances qui ont donné lieu à cette condamnation font apparaître l'existence d'un comportement constituant une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société. »

b) La prise en compte des antécédents judiciaires

C'est le comportement général de l'étranger qui justifie l'application de l'article 20 de la loi sur les étrangers. En effet, dans la réponse évoquée plus haut, le ministre avait souligné : « La notion d'« ordre public » ne peut, quant à elle, être définie de façon générale et abstraite dans la mesure où la notion varie à la fois dans le temps et l'espace et suivant les milieux et les idéologies. En matière de droit des étrangers, l'ordre public ne peut s'arrêter à l'unique notion pénale mais également à celle relevant du droit civil. Lorsque les fait reprochés à un étranger constituent les éléments d'un comportement « général », il appartient à l'autorité administrative d'en tenir compte sans, pour autant, devoir se fonder sur l'existence ou non d'une décision judiciaire sanctionnant un tel comportement. »

En pratique, il arrive que des étrangers condamnés dans le cadre d'une procédure pénale pour des faits sans rapport avec des délits portant atteinte à l'ordre public ou à la sécurité nationale soient expulsés.

Toutefois, comme l'arrêté doit être fondé sur le « comportement personnel », seuls des faits précis peuvent justifier une expulsion .

2) Les étrangers protégés

a) Les catégories protégées

D'après la loi, seule une atteinte « grave » à l'ordre public peut justifier l'expulsion des personnes appartenant à l'une des catégories suivantes :

- étrangers séjournant de façon continue en Belgique depuis au moins dix ans ;

- étrangers remplissant les conditions pour acquérir la nationalité belge par option ou par déclaration (2( * )) , ou pour la recouvrer après l'avoir perdu ;

- femmes ayant perdu, par exemple après leur mariage, la nationalité belge ;

- conjoints non séparés de citoyens belges ;

- étrangers frappés par une incapacité de travail.

Par voie de circulaires , les ministres de la Justice puis de l'Intérieur (3( * )) ont donné des instructions à leur administration pour limiter les mesures d'expulsion, notamment envers les immigrés de la deuxième génération et envers les étrangers établis depuis longtemps en Belgique.

La dernière circulaire date de juillet 2002
. Elle vise les étrangers ayant séjourné depuis au moins vingt ans en Belgique, ceux qui y sont nés ou y sont arrivés avant l'âge de douze ans, ainsi que les chefs de famille condamnés à une peine de prison de moins de cinq ans. Seuls des cas exceptionnels (pédophilie, trafic de stupéfiants important, crime organisé...) justifient l'expulsion de ces étrangers. Toutefois, cette circulaire, dont le contenu n'a pas été publié, ne crée pas de droits pour les étrangers.

b) Les autres éléments de protection

La commission consultative ad hoc , instituée par la loi de 1980 et qui rend un avis sur toutes les demandes d'expulsion, estime qu'il convient de prendre en compte le niveau d'intégration de l'intéressé au sein de la société belge (emploi, activité associative, réputation...), la nature de ses liens avec son pays d'origine et la probabilité de récidive.

3) L'expulsion

a) La durée de l'éloignement

Les arrêtés d'expulsion sont pris pour une durée de dix ans .

b) La date d'expulsion

En règle générale, la mesure est prise au moment où l'étranger condamné à une peine de prison demande à bénéficier d'une libération anticipée.

*

* *

Depuis plusieurs années, la double peine fait l'objet d'un débat public. Plusieurs propositions de modification de la loi sur les étrangers ont été déposées . Elles ne tendent pas à la suppression des mesures d'expulsion, mais à leur adoucissement, prévoyant notamment qu' aucune expulsion ne pourrait être prononcée à l'encontre des étrangers qui ont des liens très forts avec la Belgique (très longue durée de résidence, mariage avec un citoyen belge, naissance sur le sol belge ou arrivée en bas âge...).

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